du travail
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du travail
~- .on ._ ~ ," .... ,P.," LempLoyabiLité à L'épreuve du travail Anne Dietrich, Christian Jouvenot, Marie-Christine Lenain La notion d'employabitité se diffuse largement au cours des années 1990 pour traiter des problèmes d'emploi et de réinsertion professionnelle, aussi bien du côté des pouvoirs publics et des institutions européennes, soucieux d'activer tes dépenses en faveur de l'emploi que du côté des entreprises confrontées à la votatitité dès marchés, des qualifications el des emplois. Cette notion n'est toutefois pas nouvelle. Retraçant sa généalogie, Gazier (20061 souligne ses mutations de sens et d'usage au gré des contextes socio- économiques. Aujourd'hui, l'employabilité désigne la capacité à se maintenrr en emploi ou à se réinsérer professionnellement dans un contexte où les évolutions économiques, technologiques et organisationnelles affectent iné- luctablement métiers et emplois. Son usage socio-gestionnaire n'en reste pas moins controversé. Focalisant l'attention sur les aptitudes et motivations individuetles, eUe semble (( exonérer les autres acteurs du marché du travait, et en particulier les entreprises, de toute responsabilité en matière d'accès à remploi ou encore de qualité d'empto;)) ¡Gazier, 2006, p. 3501. Partant de t'idée que lemployabilité des individus implique de multiples acteurs, ce chapitre analyse les formes d'interaction entre capacités individuelles et conditions objectives d'emploi. Notre hypothèse est qu'il existe des facteurs objectifs d'inemployabHité qui trouvent leur source dans les modes de gestion antérieurs de l'entreprise et plus globalement dans des politiques d'emploi confrontées à un rationnement du travaiL. Pour tester la validité de cette hypothèse el définir des modalités opératoires de construction de temployabilité, nous avons travailé avec l'ARACT Nord Pas-de.Calais, engagée dès 2003 dans une démarche de développement de la VAE Ivalidation des acquis de l'expériencel auprès de la cellule de reclassement des ex-salariés de Metaleurop (Lenain, 20051. Cette intervention constiue un terrain d'observation et d'analyse particulièrement riche pour étudier les conditions de lemployabi/ié. 98 ) Le trav~ll. un défi pour la GRH - "'''' Dans un premier temps, nous présentons te cas Metateurop et le contexte de notre intervention. Da.ns un deuxième temps, nous tirons les leçons. Notre contribution à cet ouvrage est ators ta suivante, D'une part, nous confirmons timpact des pratiques de gestion sur les capacités individuelles et cetui des critères de gestion des politiques publiques d'emploi (mesures d'âgel sur les conditions objectives de reclassement des salariés. D'autre part, t'analyse des difficultés de reclassement des ex-salariés de Metaleurop nous conduit à avancer les thèses suivantes: - en matière de redassement, une démarche exclusivement tournée vers l'emploi et un suivi personnalisé ne suffisent pas; - l'analyse du travail est indispensabte à la construction de l'employabHité ; - une démarche collective d'analyse des activités est nécessaire afin d'iden- tifier les savoir-faire et les compétences-clés qui pourront ensuite être référés à des métiers en vue d'assurer des passereUes vers d'autres emplois. PRÉSENTATION DU (( CAS METALEUROP " Métaleurop-Nord constitue un cas d'étude exemplaire car il condense un grand nombre de dérives à l'origine de catastrophes humaines; logique financière exacerbée, externalisation de produits à haute vateur ajoutée, gestion paternaliste du personnel, réorganisations permanentes, arrêt des investissements. Nous rappelons brièvement le contexte de sa fermeture. les difficultés de sa celtule de redassement, l'intervention de t'ARACT Nord- Pas-de-Calais, Une fermeture de site qui fait scandale Installée en 189tf, reconstruite en 1920 par Pennaroya, l'usine de Noyelles. Godault est historiquement spécialisée dans te traitement du plomb et du zinc, Le site qui représente la plus grosse fonderie d'Europe est classé (( Seveso 2 )), à hauts risques, En 1988, Pennaroya et t'allemand Preussag fusionnent et créent Metaleurop SA et Metaleurop-Nord. FHialisée, celle-ci bénéficie d'une autonomie de gestion dès 199.4 mais ses efforts pour s'adapter aux marchés et restruclurer sa production sont entravés par le suisse Gtencore, principal actionnaire de Metateurop SA. Celui-ci impose à sa fiiale des décisions qui à terme condamnent sa rentabilité, Le 16 janvier 2003, it tui coupe les vivres. Les conditions dans lesquelles s'opère la fermeture font du cas Metaleurop line (~ affaire )) fortement médiatisée, car l'entreprise s'exonère de ses Parlie2-Chap 2-lennploy¡ibll,téålépreuvedulrava,1 99 ~. responsabilités en matière de plan du social et de dépollution du site, L'ampleur des dégâts sanitaires et environnementaux est considérable. Deux mois après l'annonce de la fermeture, Les 830 salariés sont licenciés, À La stupeur sw:cèdent la colère et Le saccage des installations par les salariés, Le préjudice social est important. Il ne concerne pas seulement les salariés de l'entreprise mais tout un bassin d'emploi en grande difficulté économique, marqué par la désindustrialisation et le chômage. Ce cas particulièrement dramatique met en évidence la pluralité des acteurs impliqués dans une problématique d'employabitité et pose la question de leur responsabilité. La politique sociale et environnementale d'une multinationate sans scrupule est dénoncée. L'Etat est contraint de financer le plan social; gouvernement, élus régionaux se mobilisent largement dans cette affaire et y investissent des moyens financiers et humains importants. Les services publics de l'emploi. les cabinets de conseil mettent en æuvre les dispositifs d'accompagnement des salariés prévus dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique, Les entreprises en tant qu'offreurs potentiels d'emploi, les ex-salariés sont inévitablement parties prenantes de la revitalisation du bassin d'emploi, de l'accompagnement et de la réussite du plan sociaL. SaLariés et riverains de l'usine s'organisent pour obtenir en la réparation du préjudice moraL, sanitaire et financier. L'association Chællr de fondeurs est créée, Justice la reconnaissance el Le tableau suivant présente l'ensemble des acteurs engagés dans la démarche de reclassement des salariés de Metaleurop. TABLEAU 1. LES ACTEURS DE LINTERVENTION VAE Comité des flnanceurs du .i Plan de sauvegarde it (Les Pouvoirs Publics) Chæur de Fondeurs Des conseillers animant la ceHute de Coopération de l'histoire industrielle Facilitateur Porteur reclassement puis animation ARACT Conception de La démarche, transfert, expérimentation, capit aLisalion et diffusion Trois acteurs apportant un engagement dans l'expérimentation CoordinatriceEmploi Chargée Formation de La OOTEFP de mission Région, Direcllon de la Formation, ResponsabLe de La CRIS (CetluLe inler servicelVAE chargée de la VAE 62/ Lens régionale les acteurs de la cerUlication Jouant un mie essentIel Directrice académique de lenseignement technoLogique (Rectorat) 100 lieiravall,undéfiPOlJriaGRH'",,,,, Représentant de l'AFPA FonctionàLafoislocaLeelrégionate) Une cellule de reclassement en difficulté Mi-avrit 2003, une cetlule de rectassement est mise en place pour une durée de dix huit mois, EUe est atypique: eUe est pilotée par tes pouvoirs publics (État, Région! car t'entreprise n'existe plus. LES CELLULES DE RECLASSEMENT Les cetlutesde rectassementfont partie des dispositifs d'accompagnement des salariésLicendésfoumenacésderètreJpourmotiféconomiQUe.LeLégislaleurne cesse de renforcer l'obligation de reclassement afin d'atténuer Les méfaits des Licenciements collectifs, de favoriser le retour à l'emploi,vo entreprises å assumer les conséquences de Leurs choix de gestion. ire un une ou orientation menacés et de un rêtre,c'est-à_dire conseil aux bénéficiaires, contraindre Les la mission déiiolueà laceltuleestformutéeainsi: "assurer licenciés de suiv; proposer indiv;dualisé un accueiL, des salariés uneéiiaLuation, prospecter les of fres demploi en s'appuyant notammenl sur le réseau des relaiions de renlreprise, mettre en relation des salariés avec des employeurs éventuels et aider à la recherche demploi " (circulaire nO 2003-25 du 9 oclobre 2003 de ta DGEFPl. Trois grandes activilés lui incombent donc : une démarche commerciale de prospection auprès des oHreurs demploi ; une activité dite de suivi individualisé, auprès des demandeurs d'emploi; une mise en relation des offreurs et des demandeurs. A Metaleurop, ta celtule de rectassement, animée par deux cabinets privés, Raymond Poulain Mobilité et Attedia, peine à mobitser les ex-satariés dans ta recherche d'un emploi ou même la rédaction d'un CV, Conseillers et ex~ salariés ne se comprennent pas, Par exemple, tes premiers insistent sur l'ntérêt de l'intérim comme marchepied vers te CD' et dissuadent l'entrée dans des formations longues; les seconds ne saisissent pas l'utiité des l'xercices proposés, se montrent incapables de se projeter dans un projet professionnel ou d'analyser leur expérience (Mazade, 20051. De fait les ronseillers veulent transformer le plus rapidement possible, en demandeurs (j'¡!mploi motivés et capables de réflexivité, des travailleurs qui eux peinent Il f,e penser en dehors du contexte de l'entreprise, r PS difficultés ne traduisent pas seulement les diffiçultés des ex-satariés de M¡!/aleurop à retrouver un emploi, ou celtes des conseilters, confrontés à des hommes en cotère dont l'activité est en voie d'extinction, EUes révètent plus Ilil'qement tes limites des démarches de reclassement et la forte incidence d(l; pratiques de GRH antérieures sur tes compétences, les capacités d lirJdptatjon et d'analyse réflexive des salariés licenciés, Poe,,, 2 ~ CO'P 2 ~ L.'mpl,y.b,I". "'p~"~ d",","" 1 101 Intervention de l'ARACT Face à ces difficultés, le Conseil régional du Nord - Pas. de-Calais soUicite l'ARACT pour faciliter l'inscription des ex-salariés dans une démarche individuelle de VAE, jugée propice à leur reconversion. Notre mission est d'expérimenter une démarche novatrice en ce sens. Dans un premier temps, nous proposons de mener un diagnostic, c'est-àdire de reconstituer à gros traits le cadre du travait afin de pouvoir questionner l'expérience des travaitleurs de Metateurop. La connaissance des produits, process, organisation est pour nous indispensabte car nous avons pour habitude d'interroger le travail, ce (( point aveugle du management des restructurations)) IRaveyre, 2005, p. 971. La reconstitution de l'activité est réalisée via des entretiens et la visite du site, Des témoins sont là: responsables de l'association Chæur de fondeurs, euxmêmes anciens techniciens ou responsables de la Maintenance, de la Formation ou de la Qualité, chefs de secteurs et agents de maîtrise (( réquisitionnés )) pour protéger te site et préparer ta cession des instaHations. Entretiens et visite permettent de reconstituer l'organisation de la production et de caractériser tes deux principaux process, ptomb et zinc, leur degré d'automatisation, les outillages, tes métiers, Ils mettent en lumière les grands principes de l'organisation du travaiL, tes évolutions qu'elle a subies et leur incidence sur les métiers, notamment ceux de la maintenance. Dans un second temps, nous proposons une méthodologie de travail collectif. EUe nous permet d'identifier des métiers non repérés, non répertoriés dans tes documents de l'entreprise, comme celui de contrôteur, et de tes référer à des emplois et des qualifications présents sur te marché, TABLEAU 2. LES ÉTAPES DE NOTRE INTERVENTION 1" semestre 2003 Arrêtdelactivité. Une Octobre L'ARACT est invitée il un comité de piLotage VAE : priorité est 2003 donnée aux cetlule demandes des de reclassement Agents de Maitrise est de Novembre 2003 à Deuxgroupesmétiersontconstllués, Décembre 2003 de maîtrise de la Maintenance: en Mécanique, en Ils créée La maintenance. regroupent 10 Agents Electromécanique. l'ARACT expérimente aux côtés d'une conseillere pour Janvier 2004 à Mars de la reconslruire ceLLuLe le travail de reclassement ã partir une des situations démarche colLective compLexes. Deux groupes métier composés de 8 contrÔleurs sont constitués: contrôLeurs du raffinage et contrôleur de La fusion, l'ARACT passe le relais à deux conselUères de La cetluLe de reclassement pour L'animation d'un des groupes. la méthode est la même. 102 Le lravail. un défi pour la GRH _ "'.~"' Les rencontres avec les certificateurs se dérouLent en Mars. La majorité des contrôleurs s'engagent pour un BP PIPP (Brevet Professionnel de PiLote d'lnstalLations de Production par Procédés) qu'iLs obtjennent un an plus tard. Février 2005 Verbatlm : Après des réunions de bilan avec tous les acteurs publics, t'ARACT rencontre pour des entretiens approfondis et fjtmés, 4 ex-salariés qui ont participé à l'approche colLective et poursuivi une démarche individuelLe deVAE, Les extraits cités dans Le texte ont été recueiLtis à ce moment. CONSTRUIRE l'EMPLOYABILlTÉ DU TRAVAIL À l'EMPLOI Notre analyse des pratiques de la cellule de reclassement révèle une démar- che exdusivement tournée vers l'emploi, tenant peu compte des ressources professionnelles des ex-salariés. Notre expérience d'accompagnement à la VAE montre l'intérêt de mener avec les intéressés une réflexion collective sur le travail car la verbalisation qu'elle engendre leur permet de se réapproprier leur expérience et participe à la construction de leur employabitité, Les impasses de la cellule de reclassement Trois principes nous semblent cARACTériser de manière générale (es pratiques des cellules de reclassement: la focalisation sur l'emploi. l'aide conçue comme un reclassement, tindividualisation du suivi. Lanalyse du fonctionnement de la cellule de Melaleurop montre que ces principes ont conduit les conseillers à négliger certains aspects de la reconversion. La mission dévolue à ta cellule est avant tournée vers l'emploi. Cette finalité est constitutive de la cellule: c'est le problème de l'emploi qui mobilise l'intervenlion des pouvoirs publics et la celtule doit son existence aux licenciements massifs. Cette pression à l'emploi est renouvetée tout au long de la durée de la cellute, en raison de l'obtigation de résultats qui lui est faite. Paradoxatement cette focalisation sur t'emploi fait de la celtule de reclasse- ment t'acteur principaL. A Metaleurop, la cellute conduit des entretiens individuels, aide à ta confection de CV, anime des séances de techniques de recherche d'emploi. EUe mobilise sa connaissance du marché du travail pour identifier des emplois jugés accessibles aux ex.satariés et organise des séances d'information, Elle utilise ensuite la connaissance qu'eUe a des '''''''-Ch,p '-'-,mp""b",""',,,,,,,,,,,,,,, 1 103 compétences de ses adhérents pour affecter chacun à la place qu'elle estime lui convenir. C'est ce qu'on appelle tes offres valables d'emploi lOVE). Son activité prend alors la forme du reclassement, c'est-à-dire de la réaffectation à un emploi, à une place dans la société, La responsabilité du (( bénéficiaire ~) se limite en grande partie à l'accepta- tion ou au refus de ta proposition qui lui est faite. Une tetle conception est comparable à la manière dont certaines entreprises envisagent la gestion des compétences (( selon une forme technocratique,., qui se résume à une activité éclairée de "staffing")) IParlier, 2005, p, 71. C'est l'aspect collectif du licenciement qui Justifie l'installation de la cellule. Mais à t'autre bout, du côté du retour à l'emploi, l'aspect individuel domine: c'est un individu particulier qui signe le contrat de travaiL. Laccent mis sur le suivi individualisé conduit à ne pas prendre en compte le coltectif de travaiL. Certes, la cellule anime des réunions collectives mais les groupes constitués ne sont que le moyen commode de réunir des individus et non de redonner forme à des collectifs de travail ou de métier disparus. Or, pour chacun des salariés, (( on travailte en équipe, en poste, h. on est habitué à travailter en groupe, ... C'est d'être seul qui est diffcite ~). En effet, c'est à partir du collectif de travail que les salariés .( ont le sentiment de détenir une maîtrise de leur travail qui leur permet d'accomptir des performances reconnues comme telles)) lLinhart 2005, p. 89J. Le mot qui revient le plus souvent dans ta bouche des conseillers est celui de (( deuil)~ : chacun est incité à faire le deuil de son emploi, de son équipe, de son entreprise, La formule, pour légitime qu'elle soit, ne saurait suffire Icf Bruggeman 2005). D'une part, le (( travail de deuil ~) est un processus long, avec des étapes caractéristiques, mises en lumière par les psychologues et tes psychiatres dans les cas de disparition d'un proche, La pionnière en la matière, E. Kübler-Ross, a décrit minutieusement les cinq étapes de ce processus: (( refus et isolement )), (( irritation )\ (( marchandage )), (( dépression )) et finalement (( acceptation ~) (Mertens de Wilmant, 1999. p. 400), Les conseillers semblent démunis devant le phénomène, le réduisant à la seule dimension d'acceptation fataliste de la situation et de consentement aux propositions d'emploi. D'autre parl, cette approche en termes de deuil contribue fortement à disqualifier le passé des salariés selon la formule de Raveyre 12005, p. 121 et par contrecoup renforce ta colère et le sentiment d'injustice, La focalisation sur l'emploi, la logique de réaffectation et l'insistance sur la rupture à opérer dans le (( deuil )~ conduisent la cellule de reclassement à négliger la ressource que te travail représente pour les ex-salariés, Le dossier qui leur est proposé n'a pas pour fonction de revenir sur le travail et l'apprentissage qu'il a exigé mais de servir de base à un cv. Il n'y est pas question de compétences mais de qualités !curiosité, rigueur, précision...!. 104 1 Leir~va'l.undéfipourlaGRH.",.. détachées du contexte professionnet dans lequel elles trouvaient à s'exprimer. Alors, comment dévetopper chez les salariés une capacité réflexive? Par un retour cottectif sur l'expérience passée, en vue de sa réappropriation. Une démarche collective pour reconstruire le travail Deux grands principes ont guidé notre démarche; une approche collective et t'analyse de situations complexes, L'approche collective, au sein de groupes de métier homogènes, facilìte une expression faite de confrontation, dïnterpeHation, d'émulation. Le groupe est par nature facititant : (( Diffcite de travaitler seul, c'est ptus facile à plusieurs cerveaux, il y a moins d'oubli )), Son homogénéité imparfaite favorise à son tour des échanges fructueux et l'identiication des spécificités de métier, Ainsi en est-il au sein du groupe de contrôleurs (( raffinage )) entre les contrôleurs zinc qui pilotaient un process automatisé et le contrôleur plomb qui intervenait sur un process non automatisé et se définit lui-même comme un contrôteur (( pédestre 1). Celte démarche est relativement économe en temps: 3 réunions anim'ées par un intervenant qui organise le questionnement, aSSure le compte-rendu et sa validation par (es salariés ont permis d'identifer les activités de chaque métier concerné. La description de situations complexes évite te piège du retevé des tâches, qui ne fait pas sens, pour se focaliser Sur tïdentjfication des régulations mises en æuvre par tes salariés. Celtes-ci répondent aux dysfonctionnemenls de l'organisation et font apparaître les compétences que les individus mobilisent pour avoir (( l'ntetlgence pratique de la situation)) rZarifian, 1999, p. 741, non pas seulement leur savoir-faire, qui peut se limiter à l'exécution d'une procédure mais leur (( savoir comprendre)) (Hatchuel el Weil, 1992, p. 51). L'exploration des situations complexes permet en effet d'identifier une grande étendue de compétences en lien avec l'évolution du travail et de sa compréhension. (( Eire compétent aujourd'hui, ce serait savoir prendre en compte des situations de plus en plus variées, de ptus en plus étoignées du régime proto typique )) (Pastré, 1999, p. 1161 UN EXEMPLE DE RÉGULATION AUTONOME A Metaleurop, ('analyse des opéralions de déclenchement du moteur 380 v à ta suite d'un dysfonctionnement électrique montre ce qu'assume un contrôleur (( Fusion line )) dans un moment diffcile. A la suite d'Une aterte sonore, il assure la sécurité, réparti les tâches des opérateurs, fait vider les fours, procède à l'évacuation, intervient sur les commandes de linstattation, met en route le groupe étectrogène en évitant la détérioration de lïnstallation lfourl et te débordement du bassin mais en assurant le iofroidissement. Une telle description donne du mên:ecoup du contenu à sa compétence pn matière de gestion du risque lintoxication et exptosionJ. p",,, , . Ch.p ,. C'rn",","b,',,. ¡ r,p~"W do "",,' 1 105 Dans tous les cas, le repérage des compétences se fait en deux temps, sur le mode du récit détaillé d'abord, sous forme de récapitulatif ensuite, Cela permet de passer du récit au référentiel de travaiL. Lorganisation du récit détaillé permet de sortir du (( on)) collectif et indifférencié et de passer au (( je )) de l'individu, insconscient dans une organisation, Elle oblige chacun à préciser le rôle qu'il joue dans l'action, à définir Ii la place qu'il occupe, à qualifier la nature et la forme des relations qu'il établit avec les autres, Le récit individuel s'inscrit en contrepoint du récit collectif. C'est dans la confrontation aux autres que chacun organise son histoire. Les dimensions collective et individuelle ne s'opposent donc pas car la construction du récit assure la transition de l'un à l'autre en faisanl 1 émerger une (( identité narrative )) (Ricæur, 1990, p. 1671. qui redonne du \ sens à des activités apparemment disparates et en montre l'unité essen- tielle, celle des péripéties dramatiques par rapport à l'action principale et au ' héros du drame. Le récit de l'activité professionnelle peut devenir l'amorce du récit de vie professionnelle et un appui pour la Irel.construction de l'identité professionnelle. Celle-ci sup'pose que je me reconnaisse pour le même malgré les changements qui sont intervenus IRicæur, 2004, p, 961, TABLEAU 3, LA MÉTHODOLOGIE D'INTERVENTION Une démarche collective pour 2 réunions pour produire des récits: reconstruire Le travail descriplion situations Du récit au référentieL travaiL de 1 réunion pour , Des référentieLs de travail aux métiers ¡ certiiés: i transition par Les référentiels 1 , des dans classer Lesrécils dansSà 1 réunion Les activîtés grandes sur d'information certifications proches, donnée parlescertificateurs:seconde d'actIvités professionnelles de la certification IRAPI , taciivité professionnelles: première décontextuallsatlon 10 1 de complexes décontextualisation Une dernIère étape = L'engagement Vers la VAE... et l'empLoi des démarches IndIvidueLles de VAE : 1 , le BTS Maintenance et te BP PIPP, pour obtenu Ils ont eux. d'entre La majorité te diplôme en Novembre 2004. Classer l'activité sous de grandes rubriques telles que (( s'informer )), (( communiquer )), (( conduire l'nstallation )), (( assurer la sécurité)) oblige à dépasser le récit circonstancié pour organiser l'activité selon les normes des référentiels d'activités professionnelles IRAPI des certifications, Ceux-ci les compétences et ta constituent une passerelle entre le travail et l'emploi, 106 Le travail. undélipourlaGRH -",-.1 certification, Plus encore que le récit, cette opération permet de prendre cette (( distance de soi à soi )) absolument nécessaire (( pour comprendre la manière dont on travaitle, et ainsi pouvoir reconstruire à des niveaux d'abstraction plus élevés et à des niveaux de généralisation ptus amples les compétences que par ailleurs on utilise, )) IPastré, 1999, p, 1181, Elle constitue aussi une étape importante dans la valorisation de t'activité: les intéressés soutignent leur étonnement face aux textes produits par le groupe métier: (( on n'imaginait pas qu'on faisait tout ça )), De la verbalisation du travail à l'émergence d'une capacité réflexive Le moment coHectif ainsi organisé permet aux ex. se réapproprier une identité professionnelle collective mise à salariés mal par lede ptan social et l'action de la ceUule de rectassement. Le passé professionnel n'est pas nié, comme tendrait à le faire la demande un peu rapide de deuiL. IL est explicité et assumé, Chacun peut le ressaisir, le (( mettre en intrigue)) et du même coup commencer à opér.er cette (( transaction biographique ... véritable négociation de soi à soi)) fDubar, 2003, p, 681), composante essentielle du processus de reconversion, Les conseilers de la celtule de reclassement ont souligné à plusieurs reprises qu'ils (( découvraient )) le travail et les compétences des salariés dans le groupe métier, Les ex'salariés ont pu faire le lien entre leurs propres référentiets de travail et les (( métiers certifiés )). Le rôle de cette analyse du travail dans le processus de VAE n'est pas apparu clairement aux certificateurs' dans un premier temps, S'agissait-il de procéder à un (( positionnement )) en vue de la VAE, impossible à faire dans un cadre cotlectif, de créer une dynamique ou de faciliter une rencontre à visée essentiellement informative? Mais après avoir étudié les documents produits par les groupes métiers, ils se sont aperçus qu'ils pouvaient facilement les rapprocher des référentiels d'activité professionnelle liés à leur certification, Ainsi, le représentant du Rectorat n'a-t-il eu aucune difficulté à reprendre sous forme de tableau les cinq constituants de ta fonction de contrôleur qu'il avait lui-même identifiés dans les documents produits par les groupes métiers et à montrer tes relations avec les six (( capacités principales )) requises par le diplôme. Ce travail préliminaire a donc facilité la rencontre entre les ex-salariés etles certiicateurs qui ont pu annoncer leur (( pronostic )) de faisabilité de ta VAE, préalable indispensable aux salariés pour engager leur démarche individuelle, 1. Etaientcertificateurs un" IngênieurpOUrl'~cole" travaillant dans l'équipe de la Oireclrice lenseignement technologique du Rectorat el le correspondant Poe''''. académique VA Eauprèsde(aORTEFPdIJP~s_de_Calais. de Ch.p_"L-.mph".b""'à"'p"'''d''".." 1 107 C'est lors de cette rencontre avec les certificateurs que tes ex-salariés sont, pour la première fois, confrontés aux représentations du marché externe du travail alors que leurs seules références étaient les exigences du marché interne de leur usine, Mais cette confrontation n'engendre pas un sentiment de déclassement. Elle fournit une norme qui permet aux ex.salariés de se positionner sur ce nouveau marché: (( On a pu présenter notre expérience aux certificateurs et vérifier si ça correspondait aux certifications )), affirme t'un d'eux. Ce faisant, à un moment où la disparition de rentre prise entraîne une certaine disqualification du travail qui y était effectué, elle permet de redonner sens à l'expérience professionneUe et de se réassurer dans son identité professionneUe ; (( On avait l'impression que notre travait n'avait plus de valeur. C'est important de parler en groupe avec d'anciens collègues et d'échanger avec des organismes comme t'Education nationale ou t'AFPA, ça permet de voir la valeur de ce travail, de voir que ça correspond à quetque chose )), Ces quelques séances collectives et cette première confrontation aux exigences de ta VAE fonctionnent comme la promesse d'Un possible, l'ouverture d'un avenir, On peut penser que sans elles, tes participants au groupe métier ne se seraient p~s engagés dans le processus tong et coûteux de ta VAE. Car, si eUe permet une réelle économie de temps par rapport à une entrée en formation, la construction du dossier de VAE nécessite en moyenne un investissement personnel de l'ordre de deux mois à temps plein. Lourd investissement donc, Mais en retour, une pleine réussite. Les ex.salariés obtiennent des certifications qu'ils n'espéraient pas: BPPIP pour tes uns, BTS de maintenance pour les autres, Les preuves qu'ils ont fournies d'une expérience acquise dans un milieu clos et fermé sont reconnues correspondre aux exigences du diptôme que la branche professionnelte a élaboré en lien avec t'Education Nationale pour attester des capacités de l'ndividu qui le possède à exercer le métier visé par ce diplôme. Quelques salariés, moins nombreux, ont engagé et réussi une démarche VAE pour un litre professionnel du Ministère de l'Emploi, dont l'opérateur est lAFPA. La VAE joue donc bien son rôle de reconnaissance sociale, de médiation entre l'expérience professionnelle et le futur emptoyeur, (( Avec la VAE, disait l'un d'eux, on ne laisse pas tomber son expérience, on ta fait reconnaître pour la présenter à un employeur". Pourtant, dans le cas des ex-salariés de Metaleurop, eUe ne permet pas le retour à t'emploi pour ta majorité des personnes concernées, ators que paradoxalement, les métiers reconnus concernent des emplois a priori recherchés au sein du bassin d'emptoi : surveillance des risques industriels en sites ctassés par exemple, Comment expliquer ce paradoxe? 108 /Leiravall,UndériPOUriaGRH.",.v, LEMPLOYABILlTÉ OU LOBJECTlVATlON D'UN PROBLÈME D'EMPLOI Accumulant des dysfonctionnements dont il grossit le trait, le cas Metaleurop souligne avec force la responsabilité de l'entreprise dans la production de facteurs dinemptoyabitité qu'une approche trop centrée sur l'ndividu tend à occulter, l'entreprise, productrice d'inemployabilité l'exclusion commence dans l'entreprise; tel est le postulat sur tequel se fonde le cabinet Développement et Emploi pour plaider dès la fin des années 1980 en faveur d'une politique d'employabHité dans et par t'entreprise et souligner son rôle et sa responsabilité dans la prévention de l'exclusion, Ceci nous amène à revenir sur les usages sociaux et ffanagériaux de la notion d'employabiUté, Jusque dans les années 1980, la question de l'employabilité se situait en dehors des frontières de l'entreprise, concernant essentieltement les (( exclus ~) du marché du táivail, dont ta prise en charge incombait aux pouvoirs publics, Elle entre dans l'entreprise au début des années 1990 et devient un (( concept interne de gestion des ressources humaines )) (Thierry, 1995/. Cette internalisation de la notion est révétatrice d'un changement de perspective. Elle souligne t'incidence des modes d'organisation du travail et des pra~ tiques de gestion du personnel sur la capacité de réinsertion professionnelle des individus La notion demployabiUté interroge la qualité des emplois et de l'organisation du travaiL. Ce sont d'abord les conditions d'exercice de l'emptoi qui produisent (ou non) de temployabilité. Des emplois peu qualiiés, trop répétitifs ou parceltisés, des emplois qualifiés mais trop spécialisés, peu évolutifs conduisent rapidement à la déquatiication, voire à la disqualification en cas de rupture, l'absence dïnvestissement comme à Metaleurop renforce cette tendance, n'incitant ni à ta formation, ni à la mobiUté profes- sionnelte. Les organisations déquaUfiantes /taylorisme, bureaucratiel ne sont pas seules en cause. La notion d'emptoyabilité interroge également la qualité des politiques et des pratiques de gestion des ressources humaines, Faire du maintien de l'employabilité des salariés un objectif d'entreprise suppose une veHle environnementale et une anticipation permanente des évolutions des métiers, des emplois et des compétences, Celles-ci supposent à leur tour des pratiques d'évaluation régulière permettant aux salariés de connaître les exigences du marché du travail, de se positionner et de se P"".2-Ch,p 2- L'.mp""'b""'llprno""0 109 "",,' 1 former en conséquence. Mais cela ne suffit pas, Thierry /19951 souligne qu'un usage inapproprié de ces outils de gestion pourtant indispensables à une politique d'emptoyabilité (bilan de compétences, entretien d'apprécia~ tionl peut renforcer tes positions de retrait des salariés ou de repli sur des avantages acquis, Lauteur dénonce alors les pratiques de gestion qui (( lient ~) les salariés à l'entreprise: avancement à l'ancienneté, paiement des nuisances des conditions de travail en salaires, QuaUfiées de (( fausses sécurités ~), ces pratiques ne favorisent pas la mobilité sur le marché du travail et conduisent les salariés à rechercher prioritairement la sécurité (de l'emploi par exemple!, à s'accrocher aux avantages acquis ou à .., attendre, Or, (( il s'agit que (les salariés) ne soient pas tétanisés par ta perspective de la perte de leur emploi maÎs simplement conscients de leur responsabilité dans leur propre devenir; conscients aussi du caractère de monnaie d'échange que revêtent les compétences et soucieux de leur valeur marchande )) /Thierry, 1995, p. 7881, Pour les experts, faire de l'employabilité un objet de gestion, c'est avant tout préparer les salariés aux changements d'emploi, de métier, d'entreprise auxquels ils seront inévitablement confrontés et (( orienter leur comportement sur le marché du travail )) ¡Gazier, 1999, p, 381, afin qu'ils soient en (( état de trouver un autre emploi que te Heur!, dans ou hors métier exercé actuellement )) /Thierry, 1995, p. 7831. La notion d'employabiUté sert à promouvoir de nouvelles représentations de l'entreprise, du salarié et de l'emploi dans des contextes de mobilité professionnelte. On retrouve chez Metaleurop ces facteurs cumulés: ancienneté forte fmoyenne de 20 ansl, favorisée par un marché du travail interne fermé, recrutement favorisant Les enfants des mineurs dont lactivitédisparait,apprentissage ((SU rtetas),desavoir_faire étroitement liés à l'activité de l'entreprise, sur un process essentiellement ancien, f;:iblement automatisé et en voie de disparition, rémunérations attractives prenant en compte Les risques encourus et La pénibilité du travail fchateur intense, travail posté, manutention lourde). Ces déterminants de la fixation et de la fidéLisation des salariés sont renforcés parla dangerosité du site et du travaiL. Pour les conseitlers de la cellule, ce marché (tropl protégé explique la résistance collective et t'ncapacité des salariés à s'engager dans un projet de reconversion. Les licenciés de Metateurop ne peuvent imaginer un avenir en dehors de l'entreprise, Cette dépendance à l'égard de l'entreprise où lïdentité professionnelle se fond littéralement dans l'adhésion à l'entreprise, où ta carrière se confond avec l'ancienneté, constitue aujourd'hui un handicap majeur à l'emploi fHenni, 2005!. Cette vision du marché interne protégé comme vecteur d'exclusion et dinemptoyabilité est aujourd'hui entérinée par tes professionnels de 110 Le travail, undéfi pour la GRH-"'..'" "-.'" gouvernent les potitiques d'emploi en France car il n'en va pas de même dans d'autres pays, Mais il rend surtout compte du caractère d'arbitrage de ces normes. L'exclusion ou la marginalisation de certaines catégories de travaitleurs ne résulte pas tant de teur moindre compétence que de choix politiques en amont, de compromis sociaux qui procèdenl à des arbitrages quant au partage du travaiL. Maruani et Reynaud 12004, p, 41 posent crûment la question en ces termes: (( sur qui choisit-on de faire peser le rationnement de l'emploi ?~) Plus encore, les critères liés à la situation sociale lâge, sexe, nationalié, situation de famillel se cumulent pour justifier les modes d'appariement entre certaines formes d'emploi et certaines catégories de travaitleurs : femmes et temps partiet, jeune et insertion professionnelte par le travail intérimaire. Plaidant pour une distinction entre travail et emploi, Maruani 119941 souUgne que c'est l'emploi qui détermine l'accès au marché du travail : ses formes, ses modalités et ses résultats (précarité/stabilité, chômage). Ainsi (( tes politiques d'emploi, qu'eUes soient publiques ou d'entreprises, s'appuient sur des clivages sociaux préexistants, qu'elles contribuent à pérenniser, reriforcer ou définir )) IMaruani, Reynaud, 2004, p, 87/. Les analyses précédentes montrent que tes conditions de l'employabHité ne sont pas les mêmes pour tout le monde: (( il est plus tacite à un cadre diplômé de faire ta preuve de son employabilité qu'à un ouvrier peu qualifié lmême si dans le principe,l'un et l'autre sont autant employabtesJ )) lCentre des jeunes dirigeants. 2005, P,96/. De ce point de vue, promouvoir un droit à l'employabiUté devient un (( agenda)~ IGazier, 1999, p, 391' un objectif potitique qui confère à l'employabilité une signification nouvette, Un révélateur des mutations du travail et de l'emploi La diffusion de la notion prouve que sa signification symboUque et sociale va bien au-delà de son sens littéral: (( l'emptoyabilité est désormais un terme qui résume les problèmes de notre temps ~) ¡Gazier, 2005. p, 96). En ce sens, elle constitue un révélateur des mutations du travail et de l'emploi auxquetles travailleurs et entreprises sont contraints de faire face, Ces mutations concernent le travaiL. L'accélération des évolutions technotogiques, les transformations des organisations. l'obsolescence plus ou moins rapide des qualifications et des compétences exigent une maintenance permanente des savoirs, et ce à tous tes niveaux de qualiication, la malléa~ bHité des situations de travail contraint les satariés à s'adapter à des situations imprévues, à répondre à des exigences nouvetles, à s'impliquer dans les résultats, mais aussi à prendre en charge leur adaptation à ces évotutions, Les lois les ptus récentes intègrenl cette notion d'employabilité pour définir tes termes d'un co-investissement entre employeur et employé 112 Le travail. 1 un défi pour la GRH-"ANAC1 concernant la formation !lois Aubry, loi sur la formation tout au long de la vie, DIFJ, Ces mutations affèctent la stabilité de l'emploi. Dans un contexte de crise comme de croissance, quand la compétitivité conduit les entreprises à se restructurer en permanence, l'emploi n'est plus garanti. La tittérature du début des années 1990 rappetle à t'envi que le travail se raréfie (Maruani, 19941, remploi est rationné (Gazier (19991 le plein-emploi historiquement daté ILatlement éd" 19941. Comme le note Gazier 11999J, (( les pays d'Europe ne sont plus en mesure dassurer directement l'emploi de leur population active, Face aux défis qu'entraîne l'mpératif d'adaptation permanente du travaiL. des conditions de travail et des compétences, t'objectif à poursuivre est d'assurer lemployabHité )). Faute d'emploi. assurons l'employabilité. Le risque d'inemployabilité devient plus préjudiciable que le risque de perte d'emploi qui se banalise. Lemployabililé est alors mobilisée pour repenser ta relation d'emploi, voire remettre en cause ses normes, telles qu'issues du modèle fordien de régulation sociale ¡CDI, temps plein, promesse de carrièrel ou encore mettre en perspective des réflexions en cours sur (es normes de travail en Europe, sur la gouvernance de l'emplo,i dans une économie mondialisée (Supiot, 19991. Elle est au cæur de la doctrine managériale du MEDEF, fondée sur ta logique compétence, L'organisation patronale y redéfinit la relation d'emploi en termes d'engagements mutuels entre employeur et employé autour dune obligation de résultats'. En échange de sa performance et de son implication dans les résultats de l'entreprise, le salarié reçoit une employabilité, En développant les compétences de ses satariés, l'entreprise favorise leur employabilité et leur (( attractivité personnetle sur le marché du travail)) (Thierry, 1995, p, 7841, Au cæur de cet échange, la co-responsabilité employeur/emptoyé dans la construction d'un portefeuille de compétences renouvelte la figure du travaitleur salarié au profit d'un (( salarié acteur de son développement )). Cet échange est certes inégal et laisse dans l'ombre deux questions; queUe est la valeur marchande des compétences développées dans l'entreprise? La démarche compétence concerne-t-elte tous les salariés ou segmentet-etle à son tour les travaileurs? Le cas Metaleurop nous permet de répondre à la première question et de soulever un paradoxe dans la gestion de l'entreprise, Lanalyse du travait fait émerger une compétence collective et individuelle en matière de gestion du risque. Celle-ci se développe en préventiön des risques encourus (explosions, intoxications, plombémieJ et fait apparaître la nécessité d'une sotidarité coltective, Or il a été impossible de valoriser individuellement cette 2. Quilendàse subslituerà lobligation de moyns du contraI de lrava iL. Parlie2 'Chap 2- lemployabilité à lépreuvedu (ravail 1 113 , L, ¡., compétence sur le marché du travaiL. En effet, (es entreprises préfèrent 1 " l',; ':! développer une telte compétence en interne ptutôt que de l'acquérir sur te marché, car elles ont conscience de l'importance d'une (( communauté de travail capable d'intervenir sur tes processus )0 IBruggeman 20051. Un tet "' argument justifie la mise en æuvre des démarches compétence mais i n'assure pas de valeur marchande à l'emptoyabilité des salariés. La détention de compétences avérées ne sufft donc pas à assurer l'employabiUté, D'aitleurs ce terme n'est pas prépondérant dans tes démarches compétence, - La première raison tient à la contingence des compétences: eUes sont plus ou moins étroitemenl liées au contexte de leur mise en æuvre et leur transférabilité d'un emploi à un autre, d'une entreprise à une autre est loin d'être acquise, - La seconde renvoie aux enjeux stratégiques de ta démarche compétence. Celle-ci fonde t'essentiel de son argumentaire sur l'articulation de l'économique et du sociat et l'mplication conjointe employeur/employé: contribuer à la compétitivité et à la performance de l'entreprise doit favoriser sa pérennité, le maintien des emptois, cetui des salariés dans l'emploi. En d'autres termes, si les entreprises investissent dans les compétences des salariés, ce n'est pas pour les voir partir et fournir de la ma;n-d'æuvre de qualité aux concurrents, Elles en attendent un retour sur investissement. Or le propos d'une politique d'employabilité ne se limite pas au dévelop. pement des compétences, Il se situe à un autre niveau qui consiste à favoriser la mobilité sur te marché du travaiL. Son objectif est différent: (( d'une optimisation des compétences internes, pour les besoins de l'entreprise, l'accent se déplace vers l'optimisation des conditions pour conserver ou retrouver un emploi )) (Pétosse et al.. 19951. Il s'agit de développer une compétence à t'emploi, c'est~à-djre une (( capacité d'aulo-évatuation et d'auto~positionnement sur te marché du travail)) (Benarrosh, 2005, p, 65/, De plus, si tes dêmarches compétence n'intègrent pas encore totalement cette (( compétence à l'emploi )0, eUes sont loin de concerner tous les satariés d'une (( entreprise étendue )). A ce niveau, on peut faire l'hypothèse que le développement de formes d'emploi diversifiées, de la sous~traitance, de partenariats multiples introduit une discrimination entre tes activités (( à forte valeur ajoutée ", (( cæur de métier )) et tes autres plus périphériques. À l'affaiblissement du lien salarial correspond une moindre gestion des compétences, Déjà t'observation montre qu'au sein de certaines entreprises (( le dispositif (compétence) ne s'applique pas à toutes tes catégories de satariés, mais à ceux que nous avons désignés par t'expression (( colonne vertébrale )) (Parlier, 2005), à plus forte raison dans te cas d'une entreprise étendue, 114 travaiL. 1 Le un dMipourlaGRH_.... Il n'en reste pas moins, qu'en l'état actuel des pratiques, les démarches compétence constituent sarts aucun doute le terreau par excellence d'un maintien de lemployabilité des salariés, Elles sont à la fois l'nstrument de la conduite du changement organisationnel, du développement profes- sionnel des salariés, de la connaissance des exigences du travail et de la formalisation des emplois, Elles sont aussi le moyen d'introduire les exigences du marché (client, donneur d'ordre, normes gestionnaires) dans la culture des satariés, Elles contribuent certes à (( l'équipement du salarié )) j elles laissent pleine et entière la question de (( l'équipement du marché )) ¡Gazier, 20051. CONCLUSION Létude de la cellule de reclassement des ex-salariés de Métaleurop nous a permis de mettre à l'épreuve la notion d'employabilité et de prendre la mesure de ses enjeux et de son opérationnalité, EUe montre que la mobilité des satariés, leur capacité de réinsertion professionnelle dépendent étroi- tement des contextes d'emploi et de leurs modes de gestion, La responsabilité de l'entreprise en matière d'employabiUté est à ce niveau clairement établie: une politique d'investissement en capital et en formation favorise une employabilité élevée, eUe-même expticative d'un taux de reclassement élevé et inversement (Beaujolin 2005). À Metaleurop, les salariés (( font les frais des conditions dans lesquelles ils ont acquis, conquis les termes de leur indépendance et de leur valeur, C'est-à-dire dans le cadre de l'nformel, de l'ombre, du collectif installé dans la durée )) lLinhart, 2005, p, 921. Les politiques publiques, de leur côté, en segmentant les catégories de travailleurs et en les associant à certains types d'emploi, renforcent (es inégalités sociales et les difficultés d'employabilité. Enfin, utiliser ta notion pour évaluer te potentiel de retour à l'emploi conforte l'négalité des individus face aux critères d'embauche. Un premier paradoxe apparaît: mobilisée pour dénier la sécurité de l'emploi et inciter t'ndividu à se projeter dans une dynamique d'évolution, la notion reste référée à l'emploi dont les conditions objectives ne changent guère, et se révèle peu opérante, Nous avons montré la nécessité d'un retour vers le travail et le collectif pour lui donner un (( contenu )). Mais nous constatons alors un second paradoxe : (es compétences ne sont pas une condition suffsante à temployabilité. Leur transférabitité, leur valeur marchande ne sont pas assurées et varient selon les secteurs d'activité et les niveaux de qualification : quant aux pratiques de gestion des compétences, elles s'inscdvent dans des contextes stratégiques el organisationnels qui à leur Parlle'2-Chap '2-Lemployabilotéàlépreuvedutravai( 1 115 tour segmentent .les travailleurs, Dans ce cadre, être employable, c'est d'abord développer une (( compétence à l'emploi ~~ pour pouvoir prouver et vendre ses compétences. Cela aurait certes été utile aux salariés de Métateurop ! Bibliographie Beaujotin R. coord 12005), Anticipation et accompagnement des restructurations d'entreprises .. dispositifs, pratiques, évaluations, Étude DAR ES. Benarrosh y, (20051' (, Recherche demptoi : quelle intermédialion ? Entre qui ?.. et quoi? )), Formation Emploi, nO 92, p. 65-69. Bruggeman F. 120051. " PLans sOCÎaux : limpossibte accompagnement sociaL des ticenciements économiques l~, Revue de /'RES nO 47, p, 215-231. 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