le cas Metaleurop

Transcription

le cas Metaleurop
, 130
ÉTUDE
L'employabilté SOUS conditions:
le cas Metaleurop
ANNE DIETRICH, maître de conférences à l'lA de Lille (anne.dietrich~íae.univ-lille1.fr),
l'amélioration
condilions
de
travail
du
Nord-Pas-de-Cal
ais
dualisé ne sulTt pas. Lemployabilité sc
construit et celle construction nécessite
(c.jouvenol~anact.lr;mc,lenain~anaCl.fr),
cours
une démarche collective d'analyse du
des
CHAlST~ JOtNOT et MARIE-CJRlSTINE LENAlN, chargés de mission à l'Association régionale
pour
des années 1990 pour
pourtant pas le retour à l'emploi. Le cas
aii
trailcrdcs problèmes d'emLanOliOlld,emrlOyabililéSC
ploi, aussi bien du côté des
pouvoirs publics ct des institutions
européennes pour activer les dépenses
en faveur de l'emploi que du côté des
entreprises confrontées à la volatilité
des marchés, des qualifications et des
Melalel/J'op met en évidence des
diffuse Iiirgement
emplois. En ce sens, clic constitue un
emplois. Leffeacité
prouvee de cette approche ne garantit
relles vers d'autres
à des metiersen vued'assurerdes passe-
fier des compétences-clés, de les référer
réapproprier leur expérience, d'identi-
travail, permettant aux salariés de se
révclatcurct un analyseur
des mutations
du travail et de l'emploi: elle objective
facteurs objectifs d'inemployabilté qui
trouvent leur source dans les modes de
gestion de l'entreprise, et plus globalement, dans des politiques publiques
un problème d'emploi, interpelle les
d'emploi confrontées à un rationne-
ment du travaiL.
modes de gestion du travail ct des
hommes en entreprise, invite à de
nouvelles normes d'emploi. Définie
du
cÔté du travailleur comme la capacité
l'objectivation d'un prOblème
d'emploi
La cellule de reclassement révèle une
approche de l'employahilité exclusivement tournée vers l'emploi, qui méconnaît les ressources professionnelles des
ex-salariés au nom même de leur
manque demployabilitc sur le marché.
de réinsertion professionnelle, elle
s'inscrit dans une dialectique entre
capacités individuelles et conditions
objectives d'emploi que nous tentons
Les diffcultés de la cellule de reclas-
d'appréhender à partird'un cas d'étude.
sement des ex-salariés de MetaleUlvp
montrent que, contrairement aux
pratiques en vigueur, un suivi indivi-
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8
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ÉTUDE
Les impasses d'une cellule
de reclassement
qui lui est faite. Lacteur de la démarche
marché du trvail et une inexpérience
une expérience peu monnayable sur le
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est moins l'individu qui a perdu son
Une inemployabilté socialement
construite
ignorer les conditions objectives de ((
l'inemployabilité )¡.
etc. Cette occultation du passé a paradoxalement conduit les consultants à
pour fonction non pas de revenir sur le
travail mais de servir de base à un curriculum vitae. Il y était question non pas
de compétences mais de qualités telles
que la curiosité, la rigueur, la précision,
totale des règles de ce marché. Le
emploi et en recherche un autre que la
elle-même.
cellule
dossier qu'ils avaient à remplir avait
Mise en æuvre à Metaleurop, cette
démarche a rapidement montré ses
limites. Laccent mis sur le suivi individualisé a conduit à écarter le collectif
salarés licenciés (ou menacés de l'être)
Les cellules de reclassement font partie
des dispositifs d'accompagnement des
l'Eta. Elles ont pour objectif le retour
de travaiL. Certes, la cellule a animé des
pour motif économique, imposés par
réunions collectives, mais les groupes
réunir des individus, non de redonner
forme à des collectifs de travail ou de
métier disparus. Or, les salariés tenaient
à ce collectif: (( On trvalle en équipe,
en poste (m) On est
habitué à travailler
en groupe (...) C'est d'être seul qui est
n'étaent que le moyen commode de
à l'emploi du plus grand nombre, et
un emploi. C'estàcetappa-
reclasser consiste surtout à réaffecter un
individu sur
riement que s'attche la cellule, utilisant sa connaissance du marché de
l'emploi et celle qu'elle peut avoir des
compétences de ses adhérents pour
affecter chacun à la place qu'elle estime
lui convenir. Cette démarche passe par
ÉTUDE
des salariés à s'engager dans un projet
de reconversion. De fait, les licenciés
de Metaleurop ne peuvent imaginer un
avenir en dehors de l'entreprise. Or cette
dépendance à l'égard de l'entreprise
tendentà entériner (Henni, 2005). Elles-
dans laquelle se fond l'identité professionnelle, où carrière se confond avec
ancienneté, constitue désormais un
handicap majeur à l'emploi que les
professionnels de l'intermédiation
mêmes soumises à une obligation de
résultats, les agences pour l'emploi
employabilité H (Pochic, 2001), des
deviennent (( les passeurs de la logique
relais de la construction et de la légiti-
nent à rebours les valeurs traditionnelles
mation de normes d'emploi (( qui pren-
les politiques publiques d emploi.
souligne que leur construction implique
tout autant l'entreprise, en tant qu'ac-
diffcile )) Face à cett peur, le mot le
de la psychologie et de la psychiatrie,
saturnisme), modes de recrutement
Metaleurop nous donne à voir deux
un suivi individualisé des candidats.
Metaleurop constitue un cas d'analyse
exemplaire car l'entreprise cumule les
du monde du trvail et les régulations
sociales qui s'y déroulent Ainsi en estil de l'ancienneté qui, en matière d'em-
cett notion se vulgarise das le cad
locaux privilégiant les enfants des
mineurs dont l'activité disparaît,
132
,
ploi, joue désormais en défaveur des
retour à l'emploi, imposant ainsi une
des restrcturations et de leur gestion
apprentissage sur le tas de savoir-faire
facteurs d'inemployabilité. Ceux-ci
résultent des politiques et des pratiques
obligation de résultats. Les caractéris-
pour dire l'exigence de rupture, sans que
les moyens d'accompagner ce (( trvail
de deuil )) soient réunis. En le réduisant
à la seule dimension d'acceptation fataliste de la sitution et de consentement
aux propositions d'emploi, les consultats ont contribué à disqualifier l'ex-
tyes de conditions objectives d'inem-
ment, qui les conduisent à négliger
Pour les consultats, c'est ce marhé
manutention lourde).
risques encourus et de la pénibilité du
travail (chaleur intense, travail posté,
clusion aucune entreprise ne veut
Les risques encourus qui ont fondé la
politique de fidélisation de l'entreprise
sont devenus un facteur majeur d'ex-
collective et l'incapacité individuelle
(trop) protégé qui explique la résistace
assumer le risque de gérer les maladies
professionnelles (plombémie, risque de
saturnisme) contractées dans l'enceinte
ployabilité, produites par l'entreprise et
teur décisif du marché du trvail, que
normes de gestion de l'emploi. Elle
salarés ¡) (Maruani et Reynud, 2004)
La notion d'employabilité révéle donc
tiques induites par la réglementation
périence et l'identité professionnelle
étritement liés à l'activité de l'entr-
socialement constrites.
plus utilisé par les
consultants aétécelui
de (( deuil )) : deuil de son emploi, de
son équipe, de son entreprise. Importée
de gestion en vigueur dans les entr-
plus globalement la contingence des
(focalisation sur l'emploi, aide conçue
comme une réaffectation, individualisation du suivi) sont autant de principes
d'action ayant une incidence directe sur
des ex-salarés de Metaleurop.
prise, process ancien, faiblement automatisé et en voie de disparition, rému-
Paricipant aux frais de fonctionnement
de lacellule, 1 'Etat
conditionne le versement de sa participation au taux de
prises: marché du trvail interne fermé,
ancienneté forte (moyenne de 20 ans),
fidélisation des salariés, renforcée par
certins aspects de la reconversion.
Cette volonté de rompre avec le passé
nértions attactives tenant compte des
les consultants, les salariés de
individuels, aide à la confection de ev,
techniques de recherche d'emploi.
D'autre par, la responsabilité du bénéficiaire se limite en grande pare à l'ac-
Metaleurop cumulent deux handicaps:
la dangerosité du site et du travail
(explosions, intoxications, risque de
D'une part, le souci de formalisation
donne à la démarche une fonne relativement technocratique . information
professionnel s'explique. 11 s'agit d'un
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sur des emplois jugés a priori acces-
les pratiques des cellules de reclasse-
sibles aux salariés licenciés, entretiens
secteur d'activité en voie d'extinction
et de salariés vieilissants de l'industrie: le reclassement ne pouvait qu'être
diffcile (Bruggeman et al., 2004). Pour
ceptation ou au refus de la proposition
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ÉTUDE
de Metaleurop. S'ajoute, das le cas
saccage des installations, en réonse au
préset, un autr faceur aggravant: le
comportment peu responsable de la
direction, a conféré aux ex-salarés une
réputation de violents, de (~jusqu'au-
boutistes )) qui a effyé les entrprises
ÉTUDE
compétences attendues dans chaque
tâhes, qui ne faitpas sens, pour se foca-
métier
La description de situations complexes
pennet d'éviter le piège du listage des
logiques de gestion sur l'accès au
ainsi que les process de trsformtion
de reconstituer l'organisation de la
production, ses évolutions, leur incidence sur les métiers de la maintennce
du zinc et du plomb avec leur spécifi-
liser sur l'identification des régulations
trvaiL. Dans le cas de Metaleurop, l'insistance sur la rupture à opérer dans le
deuil a conduit la cellule de reclassement à négliger la ressoure que le
mises en ceuvre par les salarés. Cel1es-
cités. Des métiers
non repérés sontiden-
trval représente pour les ex-salariés.
ci répondent aux dysfonctionnements
tifiés, tel celui de contrôleur. Cett
approche par les métiers peet une
première identification des cefica-
de l'organsation et font apparître les
compétences que les individus mobilisent pour avoir (( l'intellgence pratique
de la situation )) (Zarfian, 1999) : non
L'employabilté å l'épreuve
pas seulement leur savoir~faire, qui peut
du travail
de métiers homogènes sont composés:
mais leur (( savoir comprendre ))
Lâge constitue un second facteur d'ex-
7 agents de maîtrse de la maintenance
d'un côté, 9 contrôleur de l'autr. Ces
de la région.
trprise à solliciter l'ARAey Nord-Pas-
groupes se réunissent trois fois tris
d'identifier une grade étendue de
Ces auteur montrent que l'exclusion
ou la margnalisation de certines caté-
financement des retraites, l'âge
continue d'être un critère majeur de
chées et des diffcultés croissantes de
clusion. S'il fait aujourd'hui l'objet
de-Calais pour faciliter l'inscription des
à partir du récit de deux situtions
heurs, au total, pour décrie leur
compétences en lien avec l'évolution
tions possibles avec les organismes valideur. Unedémarchecollectiveestalors
ex-salarés de Metaleurop dans une
complexes. Ce choix de méthode est
trvail et de sa compréhension. (( Etr
proposée aux volontaires. Des groupes
démarhe individuelle de VAE, jugée
guidé par deux principes.
Les diffcultés rencontrées par la cellule
propice à leur recnversion. A celt fin,
L'approche collective au sein de
de reclassement conduisent les
l ARCf opère un retur vers le travail,
groupes de métier est destinée à faci-
compétent aujour'hui, ce serait savoir
prendr en compte des situtions de plus
en plus varées, de plus en plus éloignées du régime prototyique)) (Pastré,
d'une forte médiatisation, en raison des
segmentation des trvalleurs, excluant
(( ce point aveugle du management des
liter une expression faite de confrntation, d'interellation, d'émulation. Le
mesursdîscriminatoiresqui ysontatt-
aux deux
extrmes
de la vie active, quinqua et jeunes de moins de vingt ans. Il
constitue en ce sens un bon analyseur
restrcturations )) (Raveyr, 2005)
groupe est par nature facilitant :
situtions
complexes pennetenefft
du
Conduire un diagnostic n'est pas
d'oubli )) (des salarés). Son homogénéité imparfaite favorise des échages
facile à plusieurs cerveaux, il y a moins
(~ Difficile de trvailer seul, c'est plus
moment diffcile; à la suite d'une alerte
un contrleur (( fusion zinc )) dans un
380 V à la suite d'un dysfonctionne-
du moteur
1999). A Metaleurop, l'anlyse des
des
(Hatchuel et Weil, i 992). Lexploration
se limiter à l'exécution d'une procédur
de la constrction sociale des (( modes
d'emploi)) (Marani etReynaud,2004).
le travail
Reconstruire collectivement
simple: l'entreprise n'existe plus, des
frcteux. Ainsi en est-il au sein du
pouvoirs publics responsables de l'opération en l'absence de direction d'en-
gories de trvaileu ne résultent pas
données administratives ont été dispe-
trval
tant de leur moindre compétnce que de
compromis sociaux qui procèdent à des
arbitrges quant au parge du trvaiL.
sées, des installations saccagées, mais
ment électrque montr ce qu'asswne
déclenchement
A l'âge s'ajoutent d'autrs critères
sonore, il assure la sécurté, réparit les
tâhes des opérateur, fait vider les
la qualité, des chefs de secteur et des
agents de maîtrse réquisitionnés pour
anciens techniciens ou responsables de
la maintenance, de la fonnation ou de
(( Chceurs de fondeurs )), eux-mêmes
salariés, permettnt d'identifier les
compte rendu et sa validation auprès des
orgaise le questionnement, assure le
réunions animées parun intervenant qui
démarhe est économe en temps: tris
contenu à sa compétence en matière de
gestion du risque.
descrption donne du même coup du
et le débordement du bassin, mais en
assurt le refroidisseent. Une telle
four, procède à l'évacuation, intervient
sur les commandes de l'installation, met
en route le groupe électrogène en évitat
la détérioration de l'installation (four)
préparr la cession des installations.
là : les responsables de l'association
opérations de
sociaux (sexe, nationalité) pour justifier
l'ARACT décide de reconstituer le cadr
choix politiques en amont, de
les modes d'apparement entre fonnes
d'emploi et catégories de trvaileur :
femmes et temps partiel,
jeune et insertion professionnelle par le travail inté-
de ce qui faisait le trvail afin de questionner l'expérience. Des témoins sont
groupe de contrôleur (( raffnage ))
entre les contrleurs zinc, qui pilotaient
un process automatisé, et le contrleur
plomb, qui intervenait sur un process
non automatisé et se définit lui-même
En focalisant l'attention sur l'emploi,
Entrtiens et visites du site pennettent
comme un contrôleur (( pédestr )). La
la notion d'employahilité révèle et
rimaire. C'est donc l'emploi qui déter.
mine l'accès au marché du trvail, ses
fonnes, ses modalités et ses résultats
(précartéstabilité, chômage).
accroît le poids des critères et des
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ÉTUDE
Du récit au référentiel de fraiiail
Dans tous les cas, le repérage des
compétences se fait en deux temps: sur
le mode du récit détailé, puis sous
forme de (\ récapitulatif)).
Lorganisation du récit détailé permet
de sortir du (( on )) collectif et indiffé-
rencié pour passer au (( je )) de l'individu. Elle oblige chacun à préciser le
rôle qu'il joue dans l'action, à définir
la place qu'il y occupe, à qualifier la
natu et la forme des relations qu'il
établit avec d'autrs. Le récit individuel
s'inscrit en contrepoint du récit
collectif. C'est dans la confrntation à
histoire. Les dimensions collective et
d'autres que chacun organise son
136
individuelle ne s'opposent donc pas car
la constrction d'un récit assure la tran-
en montr l'unité essentielle Le récit
de l'activité constitue l'amorce du récit
de vie professionnelle et un appui pour
des activités apparemment dispartes et
émerger une (( identité narative ))
(Ricceur, 1990), qui redonne du sens à
sition de l'un à l'autre en faisant
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la reconstruction de l'identité, qui
suppose que je me reconnaisse pour le
même malgré les changements qui sont
intervenus (Ricreur, 2004).
Le classement de l'activité sous de
grandes rubriques - s'informer,
communiquer, conduire l'installation,
assurer la sécurité - oblige à dépasser
le récit circonstacié pour organiser
trvail de
l'activité selon les normes des référentiels. 11 s'agit là d'un premier
dcssalariésdans\egroupemóiier.
trduction et de codification des savoirfaire et des compétences qui pemiet de
passer du trvail réalisé dans une orga-
nisation donnée à des exigences
requises sur le mahé du trvaiL. Des
équivalences entre des compétences
nécessaire (( pour
pemiet de prendr cette (( distance de
contingentes et contextualisées, et des
critères normatifs d'emploi sont alors
possibles. Ce processus de codification
soi à soi)) absolument
comprendre la manière dont on
travaîle, et ainsi pouvoir reconstruire à
des niveaux d'abstrction plus élevés et
à des niveaux de généralisation plus
que paraiHeurs
amples les compétences
on utihse )) (Pastré, 1999). Elle
étape
importnte dans la valorisation de leur
constitue, pour lesex-salarés, une
activité. Ceux -ci souligneront leur éton-
tout
ça.)) 1Is prennent
alors
nement face aux textes produits par le
groupe métier: (( On n'imaginait pas
qu'on faisait
conscience de leur employabilité.
Du collectif à l'individuel:
vers la VAE et l'emploi
Ce trvail collectif d'analyse et de réfé-
rencement des activités pemiet aux
salarés en conversion de se réappro-
prier une identité profeSSionnelle mise
à mal par le plan social et l'action de la
cellule de reclassement. Leur passé
professionnel n'est pas nié, comme
tendait à le faire la demande un peu
rapide de deuiL. Il est explicité et
assumé'. Chacun peut le ressaisir et, du
1. Lacelluledereciasemenia¡;utigncàplusieursrcprisesqu'ellc((dcoU'"'il~ lelrail CI lescompelenc""
-.
si ça correspondait aux certifications )),
expérience aux certificateurs et vérifier
ÉTUDE
(( transaction biographique (...) véri-
où la disparition de l'entreprise entraî-
dit l'un d'eux. Ce faisant, à un moment
même coup, commencer à opérer cette
table négociation de soi à soi )) (Dubar,
de redonner du sens et de la vaeur à
leur travail, cet étaonnage leur a permis
nait une certine disqualification de
2003), composante essentielle du
processus de reconversion. Mais pour
assurr le passage vers l'emploi, il
processus de VAE n'est pas apparu clai-
comme l'Education nationale
d'échanger avec des organismes
de valeur. C'est importnt de parler en
groupe avec d'anciens collègues et
propos en témoignent: (( On avait l'impression que notre travail n'avait plus
leur expérience professionnelle. Ces
convenait encore de mettre les référen-
tiels de trvail en correspondance avec
les métiers certifiés. Pour les certifica-
teurs participant à la démarche!, le rôle
rement dans un premier temps. Mais
ça permet de voir la valeur de ce trvail,
de cette analyse du trvail dans le
après avoir étudié les documents
de voir que ça correspond à quelque
organisation donnée trouvait
chose. )). La valeur du trvail dans une
ou l' AFPA,
notamment le référentiel, les certifica-
produits par les groupes métiers,
teurs se sont aperçus qu'ils pouvaient
certificateur met en relation les cinq
propres référentiels. C'est ainsi que le
VAE ont fonctionné comme la promesse
Ces quelques séances collectives et
cette confrontation aux exigences de la
sur le marché.
une valeur
facilement les rapprocher de leurs
constituants de la fonction de contrô-
137
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d'un possible, l'ouvertre d'un avenir.
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leur avec les six capacités principales
cipants au groupe métier ne se seraient
pas engagés dans le processus long et
ff
coûteux de la VAE. Car si cett dernière
requises par le diplôme. Ce trvail préli-
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ont pu pronostiquer la faisabilité de la
par rapport à l'entrée en formation, elle
On peut penser que sans elles, les parti-
VAE, préalable indispensable aux sala-
exige la construction d'un dossier
minaire a donc facilité la rencontre entr
riés pour engager une démarhe individuelle.
(deux mois à temps plein, dans le cas
les ex-salarés e'1 les certificateur qui
Avec cette rencontre, les ex-salariés ont
présent). Cet investissement a port ses
de proueiion
de 1. DRTEFPdu
d'inslallaiion
VAEauprè
dc pilote
représentant un lourd investissement
frits. Les ex-salariés ont obtenu des
par proccdes
Pas-de-Calais.
pou ries
unS,aTSdc
maintenal!cc¡xur
o
,o.
été, pour la première fois, confrntés
aux exigences du marché externe du
certifications qu'ils n'espéraient pas et
auxquelles les consultats ne pensaient
pemiet une réelle économie de temps
travaiL. Mais cette confrontation n'a pas
pas qu'ils pourraient prétendre). Les
permettt
engendr le sentiment de contrintes
supplémentaires. Elle a leur fourni une
de se positionner
norme leur
sur le marché. (( On a pu présenternotre
prorcssionnel
el le corres¡xndanl
2. Un ~ ingénieur pour I"ócole"de I"équipe.!. Izdireci."¡cc acdémique de l'enseIgnement techl!olog;qucdu
relOrnL
Icsauircs.
3. BrevCl
,;
138
,
T
lui permettt de se maintenir à niveau,
formations, d'expéences et de bilans
matière de gestion du travail et des
exemple souligne un paradoxe en
processus )) (Bruggeman, 2005). Cet
ÉTUDE
au niveau des exigences du marché. Au
!
aux mêmes conventions au sein d'une
cæur de cet échange, la coresponsabi-
ÉTUDE
organisation que sur le marché du
trvail : (~ Il est plus facile à un cadre
preuves qu'ils ont fownes d'une expérience acquise dans un milieu clos et
fermé ont été reconnues comme corres-
hommes. La compétence collective se
construit dans l'entreprise. Un tel
qualifié (même si dans le principe, l'Un
compétences renouvelle la figue du
lité employeur/employé dans la
construction d'un portefeuille de
Des enjeux contradictoires
l'employabilité acquise.
trvailleur autonome. Certs les faits
attachées à l'image sublimée d'un
(( salaré acteur de son développement)),
avec toutes les dérives maagériales
travailleur salarié au profit d'un
et l'autre sont autat employables) ))
diplômé de faire la preuve de son
employabilité qu'à un ouvrier peu
(Centre des jeunes dirigeants, 2004).
S'il est nécessaire de mette ces deux
espaces en équivalence, rien ne préjuge
de l'utilisation qu'en feront les acteurs.
Compte tenu de leur appropriation par
tient à la contingence des compétences:
liées au contexte de leur mise en æuvre,
et leur trnsférabilité d'un emploi à un
celles-ci sont plus ou moins étroitement
Le terme d'employabilité n'y est
guère
mentionné, pour deux raisons. Lune
prouvent quece sont les salarés les plus
qualifiés, polyvalents ou mobiles qui se
reclasent le plus facilement. Mais les
règles du marché de l'emploi montrent
qu'il ne suffit pas d'être compétent pour
trouver un emploi.
compétence etdemployabilités'ins-
arment justifie la mise en æuvr des
démhes compétence et le développement d'un marché interne du trvaiL.
Il n'inclut pas la valeur mahande de
pondant aux exigences du diplôme que
la branche professionnelle a élaboré en
lien avec l'Education nationale pour
attester des capacités de l'individu qui
le possède à exerce le métier visé par
ce diplôme.
La VAE a donc bien joué son rôle de
reonnaissance sociale, de médiation
entre l'expérience professionnelle
des acteurs du management (direction
d'entreprises, s)'-ldicats patronaux) ou
acquise et le futur employeur. (( Avec la
VAE, disaÎt l'un d'eux, on ne laisse pas
de
des acteurs institutionnels, les concepts
tomber son expérience, on la fait reconnaître pour la présenter à un
crivent dans une crise des modes de
régulation en vigueur et visent à
employeur. )) Pourt, elle n'a pas
permis le retour à l'emploi de la majo-
MEDEF laisse das l'ombre (et appelle)
Lautr renvoie aux enjeux strtégiques
autre, d'une entrrise à une autre est
besoins de compétences (ce qu'elles
les entreprises pargent les mêmes
tences développées das l'entrprise. Si
un premier pas montr l'ampleur du
trvail qui reste à faire dans ce domaine.
émerger une compétence collective et
individuelle en gestion du risque. Bien
que cette compétence soit recherchée,
les saJarés n'ont pas pu la valoriser sur
éloquent. Lanalyse du travail a fait
(( spécifiques)) ! Le cas Metaleurop est
concurrents. Elles en attendent un
une main-d'æuvre de qualité aux
salarés dans l'emploi. En d'autrs
à la compétitivité et à la performance
de l'entreprise doit favoriser sa pérennité, le maintien des emplois, celui des
sur du (( gagnant-gagnant)) : contrbuer
le marhé du trvaL. Les entreprises
retour sur investissement.
Celles-ci sont souvent jugées trop
préfèrent en effet la développer en
Une deuxième question appart: les
das les compétences des salarés, ce
l'importce d'une ~( communauté de
dans le cadre d'une (( entreprise
démarches compétence concementelles tous les salariés? Elles en sont loin
n'est pas pour les voir parir et fourir
travail capable d'intervenir sur les
maché, car elles ont consience de
termes, si les entrerises investissent
interne plutôt que de l'acquéri sur le
à reconnaîtr les compétences acquises
ailleurs, sans référece à un diplôme?
loin d'êtr acquise. La VAE qui constitue
commune acceptables )) (Reynaud,
2001). Les enjeux sont de taile car ils
concernent la relation d'emploi et le
marché de l'emploi: dans un contexte
de la démarhe compétence. Celle-ci
de la valeur marchande des copé-
où il est difficile d'assurer l'emploi,
admettent volontiers), sont-elles prêtes
employeur et employé autour d'une
obligation de résultats'. En échange de
sa pedormance et de son implication
dans les résultats de l'entreprise, le
une employabilité, faite de
salarié reçoit
d'engagements mutuels entre
la redéfinÎt le MEDEF (1998) : en termes
Compétence et employabilité sont ainsi
au cæur de la relation d'emploi telle que
de la relation d'emploi?
Vers un renouvellement
assurons l'employabilité.
fonde l'essentiel de son arentaire
deux questions. La première est celle
La logique compétence que prône le
proposer aux salariés de nouvelles
manières d'agir, ~( des règles de vie
compétences ou des emplois a priori
oo
rité des ex-salarés de Metaleurop, alors
métiers reconnusconcementdes
~
que les
o
Compétences et employabilite :
tion reconnue de compétences suffitelle à définir l'employabilité ?
ment. Il y a là un pardoxe: la déten-
recherchés, en gestion du risque notam-
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quels liens?
En soulignant le carctère construit du
marché de l'emploi, Maruani et
Reynaud (2004) montrent que les
choses en ce domaine ne sont pas
simples. Ni l'employabilité nila compévaleur
tence ne confèrent à l'individu une
substantielle ; elles relèventl'une
et l'autr dunjugement dont le carcpas forcément
tère conventionnel a déjà été souligné.
Maiscejugementn 'obéit
4. Quì(endiisesubs(ìl~Cr;,l'obiigaliondcmoynsdueonlr(dclr¡lVaii.
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lent peu opérantes. Nous avons montré
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la nécessité d'un retour vers le trvail
ETUDE
à-dire dans le cadre de l'informel, de
ÉTUDE
d'auto-évaluation
l'ombre, du collectif installé dans la
contenu. Mais nous constatons un
ploi )), une" capacité
et d'autopositionnement sur le marché
durée )) (Linhart 2005). Les politiques
publiques renforcent les inégalités et
étendue )). Le développement de fonnes
Ii n'en reste pas moins que les
du travail )) (Benarrosh, 2005).
appariant à certins tys d'emploi.
segmentant les trvailleurs et en les
second paradoxe: les compétences ne
sont pas une condition suffisante à l' em-
et le collectif pour lui donner un
démarches compétence constituent le
terreau parexceUence d'un maintien de
lemployabilité des salariés. Elles sont
tats) das la culture des salariés. Elles
nonnes gestionnaires, logique de résul-
du marché (client, donneur d'ordres,
connaissance des exigences du travail
et de la formalisation des emplois. Elles
sontlemoyend'introduire les exigences
objectives ne changent guère, et se révè-
et inciter à la mobilité, la notion reste
référée à l'emploi dont les conditions
critères d'embauche.
Un premier pardoxe apparaît: mobilisée pour dénier la sécurité de l'emploi
l'inégalité des individus face aux
travailleurs. .
renforcent la segmentation des
crivent dans des contextes stratégiques
et organisationnels qui, soit n'incitent
qualification. Quant aux pratiques de
secteur d'activité et les niveaux de
ployabilité. Leur valeur marchande
n'est pas assurée et varie selon les
contribuent à l'équipement du salarié.
Enfin, utiliser la notion pour évaluer le
potentiel de retour à l'emploi conforte
dispositif ne s'applique pas à toutes les
catégories de salariés, mais à ceux que
Il convient maintenant d'équiper le
qu'au sein d'une même entrprise, (( le
recassement, l'examen des jeux d'acturs. Paris, AE.oEXIR, étude réalisée pour la OGEFP.
BRUGGEMAN, F. ; PAUCAD, D. ; TUCHSZIRER, C. 2004. Privé-public: une analy des cellules de
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BEAJOLlN, R. (dir. publ.). 2005. Anticipatin et accmpagnement des restructurations
pas à la mobilité externe, soit à leur tour
gestion des compétences, elles s'ins-
nous avons désignés par l'expression
(( colonne vertébrale )) (Parlier, 2005),
d'emploi diversifiées, de la sous-tr-
tace, de partnaiats multiples introduit une discrimination entr les activités (( à fort valeur ajoutée )), et les
autres plus périphériques. A l'affaiblissement du lien salarial correspond une
à la fois l'instrment d'un apprentis-
les difficultés d'employabilîté, en
Hiérarchisant les compétences en fonc-
moindre gestion des compétences.
sage organisationnel, du développement professionnel des salariés, de la
à plus forte raison das le ca d'une
marché (Gazier, 2005) pour assurer la
tion de leur rareté, les démarches
entreprise étendue.
reconnaissance des compétences
compétence segmentent à leur tour les
travailleur. Déjà l'observtion montre
Enfin, le propos d'une politique dem-
Conclusion
Bibliographie
ployabilité ne se limite pas au développement des compétences. Il se situe à
un autre niveau, qui consiste à favoriser
ex-salariés de Metaleurop nous a
des
l'employabilité mobilise la GRH, son
permis de mett à l'épreuve la notion
Létudede la cellule de reclassement
objectif est différent: ,( D'une optimi-
d'employabilité et de prendr la mesure
la mobilité sur le marché du travaiL. Si
les besoins de l'entrprise, l'accent se
La responsabilité de l'entreprise est à
sation des compétences internes, pour
déplace vers l'optimisation des conditions pour conserver ou retrouver un
emploi )) (Pélosse et aL., 1995). Ce qui
formation favorise une employabilité
MAAUANI, M. ; REYNAUD, E. 2004. Sociologie de l'emploi. Paris, La Décuverte.
N° 92,p.
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CENTRE DES JEUNES DIRIGEA. 2004. Ven; un Iibéralisme reS(nsable. Pais,
normes d'emploi et la fin (annoncée)
d'un modèle social lié au compromis
fordien des Trente Glorieuses. Il s'agit
de reclassement élevé (Beaujolin
ils ont acquis, conquis les termes de leur
Editions
de préparer les salariés aux change-
2005). A Metaleurop, les salariés (( font
de son opérationnalité. La capacité de
réinsertion professionnelle d'un individu dépend étritement des contextes
d'emploi et de leurs modes de gestion.
mentsd'emploi, de métier,d'entreprise,
PARUEA, M. 2005. Gérer les compétence en PME Lyon, AN, colL. ~ Etudes et documents".
indépendance et de leur valeur. C'est-
les fris des conditions dans lesquelles
confrontés. Il convient donc, comme
dans les cellules de reclassement, de
ce niveau clairement établie: une politique d'investissement en capital et en
auxquels ils seront inévitablement
développer une (( compétence à l'em-
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