Évolution de l`obésité au Québec et au Canada
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Évolution de l`obésité au Québec et au Canada
D O S S I E R C L I E N T È L E O B È S E Évolution de l’obésité au Québec et au Canada L’obésité est un phénomène grandissant Jocelyn Villeneuve asstsas qui a un impact direct sur la prestation des soins dans les établissements de santé. On imagine facilement les risques associés aux transferts de ces clients, si l’établissement et le personnel ne sont pas préparés à les recevoir. Plusieurs études récentes sur l’obésité ont été réalisées au Québec et au Canada. Nous en présentons les principaux résultats. Le mode de vie sédentaire et la malbouffe ont provoqué une explosion de l’obésité chez la population adulte, mais également chez les jeunes, au cours des 25 dernières années. Des recherches montrent aussi que des facteurs génétiques et environnementaux peuvent jouer un rôle dans le développement de l’obésité. Les conséquences sur la santé des populations sont énormes au point que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle d’une véritable épidémie1 dans les pays développés. Le terme obésité vient du grec « baros » qui veut dire « lourd et grand ». L’OMS fournit des critères précis pour définir l’obésité : une surcharge pondérale de 45 à 90 kg ; un poids supérieur à 137 kg ; un indice de masse corporelle L’IMC se calcule par le ratio (IMC) supérieure à 30. L’IMC se calcule par le ratio du poids du poids sur la taille au carré : sur la taille au carré : IMC = 2 IMC = poids (kg)/taille (m) . poids (kg)/taille (m)2. Il y a quatre catégories standards : > poids insuffisant : IMC inférieur à 18,5 ; > poids normal : IMC de 18,5 à moins de 25 ; > excès de poids ou embonpoint : IMC de 25 à moins de 30 ; > obésité : IMC de 30 et plus. Trois classes d’obésité sont également définies : > classe I : IMC de 30,0 à 34,9, obésité élevée ; > classe II : IMC de 35,0 à 39,9, obésité très élevée ; > classe III : IMC plus grand ou égal à 40, obésité extrêmement élevée. À vos calculatrices ! Si votre IMC est supérieur à 25, vous faites de l’embonpoint ; s’il est supérieur à 30, vous êtes obèse. Les personnes qui font de l’embonpoint sont davantage sus- 1. Types de personnes obèses POMME POIRE > Obésité du haut du corps > Obésité du bas du corps > Abdominale > Fessière-fémorale > Centralisée > Généralisée ou périphérique > Viscérale > Sous-cutanée > Survient tardivement > Survient très jeune Il existe deux morphologies typiques des grands obèses : la forme « pomme », plus caractéristique chez l’homme, et la forme « poire », plus caractéristique chez la femme. I L L U S T R AT I O N S : W W W. A R J O. C O M 10 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007 Qu’est-ce que l’obésité ? ceptibles de devenir obèses et de souffrir d’obésité pathologique. On les dénomme aussi les « grands obèses ». Les risques pour la santé associés à l’embonpoint et à l’obésité sont nombreux : hypertension, maladie cardiovasculaire, diabète de type 2, arthrose, certaines formes de cancer et de maladie de la vésicule biliaire, problèmes psychosociaux, limitations fonctionnelles et incapacités physiques sérieuses. Cette clientèle est donc susceptible de fréquenter plus souvent les services de santé. Le tableau 1 présente les caractéristiques des types de personnes obèses. Données statistiques alarmantes Les études gouvernementales consultées sont sérieuses, bien documentées et s’étalent sur plusieurs années. Elles révèlent une progression très rapide de l’obésité au cours de la dernière génération. Selon Statistique Canada, l’obésité chez les adultes canadiens a progressé de 14 à 23 % de 1978 à 2004 atteignant 5,5 millions de personnes2. « L’augmentation est évidente pour chacune des trois catégories d’obésité, particulièrement pour les classes II et III. La proportion d’adultes de la classe II est passée de 2,3 à 5,1 % et celle de la classe III, de 0,9 à 2,7 %. ». Cela veut dire que la proportion des grands obèses au Canada a plus que doublé et elle a triplé chez les très grands obèses en une seule génération. Et au Québec ? Selon l’Institut de la statistique du Québec3, dont les données sont fondées sur deux enquêtes majeures4, 5, on peut dire qu’au Québec : > la proportion d’adultes obèses (18 à 74 ans) est passée de 13 à 22 % entre 1990 et 2004, soit une augmentation de 9 % en 14 ans ; > plus de 1 adulte sur 5 est donc obèse (IMC 30 et plus) ; D O S S I E R C L I E N T È L E O B È S E > près de 6 adultes sur 10 (56 %) font de l’embonpoint ou sont obèses (IMC 25 et plus). L’analyse du tableau 2 montre qu’entre 1990 et 2004 des individus de poids normal sont passés à la catégorie « embonpoint » et qu’un transfert semblable s’est effectué de la catégorie « embonpoint » à « obèse ». Un mouvement clair vers la prise de poids et l’obésité. Il y a légèrement plus de femmes obèses (22,5 %) par rapport aux hommes (20,5 %). Par contre, l’embonpoint est beaucoup plus élevé chez les hommes (40,1 %) que chez les femmes (28,4 %). L’auteur montre aussi l’écart important entre les résultats Il est plausible de penser qu’il y aura des mesures directes et les encore plus d’adultes obèses dans les données autodéclarées (mesures directes du poids et de années futures. la taille sur environ 3 500 personnes pour les 2 études). Quand les personnes sont interrogées sur leur poids, elles le sous-estiment. Rien pour nous étonner ! Ce qui étonne, par contre, c’est l’explosion des chiffres en si peu de temps. Et les jeunes ? Un autre article3, basé sur les mêmes enquêtes, fournit des informations intéressantes sur l’obésité chez les jeunes québécois et canadiens de 12 à 17 ans6 (tableau 3). Il ressort essentiellement qu’en 2004 : > près de 16 % des jeunes québécois et 20 % des jeunes canadiens souffrent d’embonpoint ; environ 1 garçon sur 10 au Québec comme au Canada est obèse ; > environ 7 % des jeunes québécoises et canadiennes sont obèses, soit près de 3 % de moins que les garçons ; environ 15 % des jeunes québécoises et 18 % des jeunes canadiennes souffrent d’embonpoint. Dans l’ensemble, le portrait est similaire, mais avec des proportions légèrement plus élevées hors Québec. Ceci laisse croire que le taux d’obésité chez les jeunes canadiens devrait être supérieur dans les prochaines années. Les jeunes ont davantage tendance à sous-estimer leur poids lorsqu’on les interroge et encore plus les filles que les garçons (écart de 10 % chez les filles et de 6 % chez les garçons). Il y a donc actuellement deux fois plus d’adultes obèses (22 %) que de jeunes (10 %). Par ailleurs, des études scientifiques montrent l’existence d’un lien probable entre l’obésité dans l’enfance et l’adolescence et l’âge adulte. Sachant que l’obésité chez les jeunes est un phénomène relativement nouveau, il est plausible de penser qu’il y aura encore plus d’adultes obèses dans les années futures. GARÇONS 12,6 % 22,5 % 13,1 % 38,6 % 40,1 % 20,5 % 10 0 21,5 % 12,7 % EQSC 1990 ESCC 2004 EQSC 1990 HOMMES SOURCES : EQSC ESCC ESCC 2004 FEMMES Embonpoint 19904 ET 28,4 % 20045. 30,4 % EQSC 1990 34,3 % ESCC 2004 TOTAL Obésité COMPILATION : INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC. FILLES TOTAL % 73,2 % 77,6 % 75,4 > Embonpoint 16,4* 15,2* 15,8 > Obésité 10,4* 7,2* 8,8* > Ni embonpoint ni obésité 67,7 74,2 70,8 > Embonpoint 21,1 18,3 19,8 > Obésité 11,1 7,4 9,4 > Ni embonpoint ni obésité 20,5 % 30 20 1. OMS. Quantification de certains risques majeurs pour la santé, Rapport sur la santé dans le monde, Genève, chapitre 4, 2002 (www.who.int/fr, inscrire « obésité » dans la case de recherche). 2. TJEPKEMA, Michael. « Nutrition : résultats de l’enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes », Numéro 1. Obésité chez les adultes au Canada : poids et grandeur mesurés, Statistique Canada, composante du produit no 82-620-MWF2005001, 2005 (tél. : 416 952-4620). 3. AUDET, Nathalie. L’évolution de l’excès de poids chez les adultes québécois de 1990 à 2004 : mesures directes, Zoom santé, Institut de la statistique du Québec, 2007. 4. SANTÉ QUÉBEC. Enquête québécoise sur la santé cardiovasculaire (EQSC), 1990. 5. STATISTIQUE CANADA. Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), cycle 2.2, 2004, fichiers de microdonnées de partage. 6. BARALDI, Rosanna, et al. L’embonpoint et l’obésité chez les jeunes Québécois de 12 17 ans. Que révèlent les données de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes ?, Zoom santé, Institut de la statistique du Québec, 2007. QUÉBEC4 60 40 • RÉFÉRENCES 3. Catégories de l’IMC selon le sexe, population de 12 à 17 ans 70 % 50 Portrait peu encourageant s’il en est un, le phénomène de l’obésité, déjà bien présent, est là pour rester. Il s’agit d’une clientèle croissante qu’il faut savoir prendre en charge correctement dans les établissements de santé et avec laquelle ils se trouvent trop souvent pris au dépourvu. L’improvisation n’est plus de mise. Des procédures claires doivent être mises en place avec tous les moyens nécessaires pour assurer une bonne qualité de soins aux personnes obèses, tout en garantissant la sécurité du personnel. CANADA5 NOTE : les proportions pour le Canada proviennent du système CANSIM de Statistique Canada, car il n’est pas possible d’analyser le sous-groupe des 12 à 17 ans dans le fichier de microdonnées à grande diffusion. Ces proportions n’excluent pas le Québec. * Coefficient de variation entre 16,6 et 33,3 % ; interpréter avec prudence. COMPILATION : INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC. 11 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007 2. Prévalence de l’excès de poids selon le sexe, population de 18 à 74 ans Une clientèle à prendre en charge