Item 235 Epilepsies - Facultés de Médecine de Toulouse

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Item 235 Epilepsies - Facultés de Médecine de Toulouse
ITEM N° 235 : EPILEPSIES DE l’ENFANT et de l’adulte*
OBJECTIFS (ECN) :
- Diagnostiquer les principales formes d’épilepsie de l’enfant (et de l’adulte*).
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Auteur : Pr Yves Chaix
Enseignant Référent : Pr. Yves Chaix ([email protected])
Version : 2008.
POINTS ESSENTIELS :
- Maladie chronique fréquente de l’enfant
- Il n’existe pas une mais des Epilepsies de l’Enfant regroupées en Syndrome ElectroCliniques différents
- Le pronostic et le traitement sont fonctions du syndrome Electro-Clinique
- l’EEG de veille et de sommeil et la Vidéo-EEG sont les explorations para cliniques
indispensables
- Les conséquences cognitives et /ou comportementales peuvent être importantes chez l’enfant
(et sont même au premier plan de certains syndromes épileptiques) et ne doivent pas être
négligées
*Ce chapitre ne traite que ce qui concerne l’enfant
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PLAN :
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DEFINITIONS
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EPIDEMIOLOGIE
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CLASSIFICATION SYNDROMIQUE
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EXEMPLES DE SYNDROMES EPILEPTIQUES
4.1Syndrome de West
4.2 Epilepsie Myoclonique Sévère du Nourrisson
4.3 Epilepsie Absence de l’Enfant
4.4 Epilepsie à Pointes Centro-Temporales
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CONSEQUENCES COGNITIVES DES EPILEPSIES
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CONDUITE A TENIR PRATIQUE & TRAITEMENT
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DEFINITION :
L’épilepsie est une affection chronique caractérisée par la récurrence de crises
épileptiques non occasionnelles. Elle est la conséquence d’une perturbation de
l’électrogénèse, paroxystique ou continue, à type de «décharges critiques» d’une partie
plus ou moins étendue du cortex cérébral. Elle est caractérisée par l’association de crises
épileptiques identiques ou variables ou de crises épileptiques et de manifestations
neurocognitives intriquées. Elle peut se manifester à tout âge. Ce chapitre est consacré aux
épilepsies de l’enfant et à leur spécificité.
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EPIDEMIOLOGIE
5 CHIFFRES IMPORTANTS :
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Prévalence : 3 à 8 pour 1000 habitants.
Incidence : 20 à 136 / 100 000 habitants /an.
500 000 personnes épileptiques en France
4000 enfants / an deviendraient épileptiques en France
30 % des épilepsies sont pharmaco-résistantes
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CLASSFICATION SYNDROMIQUE :
Il n’existe pas une mais des épilepsies, différentes par leur âge de début, le type de crise,
leur étiologie et leurs conséquences potentielles sur le développement de l’enfant. Ces
différentes formes sont regroupées dans une classification syndromique internationale.
Les intérêts d’une telle classification sont nombreux ; elle permet :
– de colliger et d’assembler dans différents groupes des maladies à expression
similaire
– la constitution de groupes homogènes, susceptibles d’avoir une même
étiopathogénie
– des choix thérapeutiques mieux adaptés
– de mieux appréhender le pronostic d’une forme particulière d’épilepsie
– et de donner une information plus claire aux parents et à leur enfant
Le syndrome est défini selon 3 AXES : âge, type de crise (partielle versus généralisée) et
l’étiologie (symptomatique ou cryptogénique versus idiopathique).
Ci-dessous, Schéma représentant les principaux syndromes épileptiques rencontrés chez
l’enfant.
L’axe horizontal sépare en haut les épilepsies idiopathiques, des épilepsies non idiopathiques
en bas.
L’axe vertical sépare à droite les crises généralisées, des crises partielles à gauche.
Les ovales limitent les ages : jusqu’à 1 mois le Nouveau Né, jusqu’à deux ans le Nourrisson,
de deux ans à 12 ans l’Enfant, au-delà de 12 ans l’Adolescent.
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EXEMPLES DE SYNDROMES EPILEPTIQUES
a. SYNDROME DE WEST
Le syndrome de West est une épilepsie de l’enfant de moins de 1 an défini par la TRIADE :
• Des crises sous forme de spasmes en flexion ou extension
• Un arrêt ou une régression du développement psychomoteur
• Un EEG inter critique caractérisé par une hypsarythmie
• Crises :
• Il s’agit de spasmes infantiles en flexion ou extension, symétriques ou
asymétriques, survenant en salves, à intervalles de 5 à 30 secondes. Plusieurs
salves peuvent survenir dans la journée. Le réveil est un moment propice pour
la survenue des spasmes.
• Diagnostic :
• Il repose sur l’enregistrement des spasmes lors d’une Vidéo-EEG. Elle doit
comprendre de la veille, du sommeil et une phase de réveil. L’EEG entre les
spasmes est caractérisé (inter critique) par l’absence de rythme de fond
remplacé par un tracé anarchique avec des Ondes Lentes, des Pointes ou des
Pointes Ondes, asynchrones et asymétriques définissant l’hypsarythmie. Lors
du spasme, la vidéo-EEG enregistre une Onde lente généralisée puis un
aplatissement du tracé. L’EMG sur les deltoides enregistre la contracture
musculaire soutenue.
• Etiologie :
• Il s’agit d’une syndrome le plus souvent Symptomatique (80% des cas) ou
Cryptogénétique (15% des cas) mais rarement Idiopathique (4-5% des cas).
Les principales étiologies retrouvées sont :
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Syndromes Neurocutanés (Maladie de Bourneville +++)
Malformations cérébrales
Anomalies chromosomiques (T21, délétion1p36,.)
Anoxo-ischémies périnatale ou post-natale
Hémorragies cérébrales périnatale ou post-natale
Infections prénatales (CMV…) ou postnatale (méningites purulentes,
encéphalites….)
Certaines maladies métaboliques (Pyridoxino-dépendance ….)
Evolution :
• Le pronostic est reversé avec une évolution :
– le plus souvent défavorable : RM & troubles psychiques fréquents, de
modérés à très sévères dans 80% à 90% des cas
– vers une autre épilepsie dans 60 -70% des cas (épilepsie partielle,
Syndrome de Lennox-Gastaut)
Traitement :
• Il doit être instauré rapidement et fait appel en première intention au
Vigabatrin (Sabril) puis si échec à la corticothérapie
b. EPILEPSIE MYOCLONIQUE SEVERE DU NOURRISSON (ou Syndrome
de DRAVET)
Il s’agit d’une épilepsie particulièrement sévère du nourrisson, débutant vers 5 à 6 mois,
caractérisée par :
• Crises :
– Au début souvent des états de mal fébriles hémi corporels à bascule
– Puis entre 1 et 4 ans différent types de crises : crises partielles complexes,
absences , myoclonies, crises généralisées tonico-cloniques
• Diagnostic :
• Il est clinique évoqué sur des crises fébriles complexes survenant chez
l’enfant de moins de 1 an
• L’EEG est initialement normal puis évolue vers un ralentissement du rythme
de fond
• L’imagerie cérébrale est normale au début puis peut révéler une atrophie
modérée du cervelet
• Etiologie :
• L’origine de cette épilepsie est génétique avec une mutation d’un gène codant
pour un canal sodique (SCNA1) retrouvée chez la plupart des enfants
• Evolution :
• Survenue d’un retard mental associé à des troubles du comportement
• Ataxie
• Epilepsie souvent pharmaco résistante
• Risque de mort subite+++
• Traitement :
• Nécessite une trithérapie Valproate de Sodium (Dépakine) + Clobazam
(Urbanyl) + Striripentol (Diacomit)
• Le but du Stiripentol est de prévenir la survenue des états de mal
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c. EPILEPSIE ABSENCE DE L’ENFANT (EAE)
Il s’agit d’une épilepsie idiopathique débutant entre 4 à 10 ans, survenant chez des
enfants présentant un développement et un examen neurologique normaux.
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Crises :
• Il s’agit d’absences fréquentes, courtes de 4 à 20 sec, avec perte de conscience
brusque et complète. Des automatismes moteurs sont fréquents sans
signification pronostique
Diagnostic :
• Il repose sur l’enregistrement d’une absence lors d’une Vidéo-EEG. De façon
concomitante à l’absence (l’enfant arrête l’activité en court) survient sur l’EEG
(EEG critique) une décharge de PO bilatérale, symétrique et synchrone à 3
cycles/sec. L’EEG peut être sensibilisé par une épreuve d’hyperpnée.
• L’EEG inter critique montre un rythme de fond normal pour l’âge
• Il n’y a généralement pas d’indication à réaliser une imagerie cérébrale lorsque
le tableau est typique
Etiologie :
• Il s’agit d’une épilepsie où existe une prédisposition génétique sans marqueur
diagnostic à ce jour identifié
Evolution :
• Bénigne dans la majorité des cas avec une guérison avant la puberté
• Parfois survenue de crises généralisées tonico-cloniques surtout si les absences
ont débuté après 8 ans
• Retentissement cognitif possible notamment avec difficultés attentionnelles et
difficultés scolaires à dépister
Traitement :
• En première intention le Valproate de Sodium (Dépakine) puis la Lamotrigine
(Lamictal) si échec
D. EPILEPSIE A POINTES CENTRO-TEMPORALES (EPCT)
Il s’agit de l’épilepsie la plus fréquente chez l’enfant. Le début se situe entre 4 et 10 ans,
survenant chez des enfants présentant un développement et un examen neurologique
normaux.
• Crises :
• Généralement les crises sont rares, courtes, principalement nocturnes (début ou
fin de nuit), généralement hémifaciales pouvant se propager au membre
homolatéral
•
•
Diagnostic :
• Il est exceptionnel d’enregistrer des crises. Le diagnostic est clinique avec à
l’EEG la présence de façon caractéristique des Pointes Ondes focales (pointes
diphasiques suivi d’une onde lente) sur les régions centro-temporales dont la
fréquence augmente au sommeil lent.
• L’EEG inter critique montre un rythme de fond normal pour l’âge
• Il n’y a généralement pas d’indication à réaliser une imagerie cérébrale lorsque
le tableau est typique
Etiologie :
• Il s’agit d’une épilepsie où existe une prédisposition génétique sans marqueur
diagnostic à ce jour identifié
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•
•
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Evolution :
• Bénigne dans la majorité des cas avec guérison à l’adolescence
• Dans environ 20 % des cas l’évolution est plus sévère avec un retentissement
cognitif ou des crises fréquentes nécessitant un traitement
Traitement :
• Généralement abstention thérapeutique
CONSEQUENCES COGNITIVES DES EPILEPSIES DE L’ENFANT
Une des spécificités des épilepsies de l’enfant est le fait qu’elles surviennent sur un
cerveau en développement avec la possibilité d’un retentissement transitoire ou définitif sur
certaines aptitudes cognitives et/ou comportementales de l’enfant. De tels déficits peuvent
compromettre les apprentissages scolaires et l’insertion ultérieure dans la société.
Les facteurs étiologiques intervenant dans les troubles des apprentissages sont multiples :
les caractéristiques de l’épilepsies (âge de début, durée de l’épilepsie, fréquence des
crises ….)
l’étiologie de l’épilepsie et la localisation éventuelle de la lésion dans les épilepsies
symptomatiques
les traitements
les facteurs environnementaux psychosociaux propres à chaque enfant
Lésion cérébrale
Facteur
génétique
Epilepsie (activité
critique et/ou
intercritique)
Médicaments
Atteinte cognitive globale
(RM) ou spécifique
(mémoire, langage , …)
Facteurs
environnementaux et
psycho-sociaux
Troubles des
apprentissages
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Certaines formes d’épilepsies propres à l’enfant ont la particularité d’être peu expressives en
terme de crises et surtout caractérisées par les conséquences cognitives particulièrement
graves qu’elles entraînent. Parmi ces épilepsies il faut citer :
Le syndrome de Landau-Kleffner :
• Aphasie acquise de début aigu ou progressif chez un enfant entre 3 et 8 ans
• Anomalies EEG sur les régions bi-temporales activées par le sommeil
• IRM normale
• Aphasie sévère de type agnosie auditivo-verbale de récupération variable
• Relation entre aphasie et anomalies EEG
•
•
•
Le syndrome des Pointes Ondes Continues du Sommeil (POCS)
Epilepsie d’étiologie variable associé à un « pattern EEG » caractéristique : présence
de décharge de Pointes ondes occupant plus de 80 % de sommeil lent
Régression neuropsychologique et/ou comportementale avec des déficits cognitifs
variables selon la topographie du foyer
La sévérité des troubles cognitifs est fonction : du siège foyer, de l’âge de début et de
la durée du processus épileptique
L’existence de tels syndromes impliquent que tout enfant épileptique connu ou non qui
présente une régression cognitive et/ou comportementale doit bénéficier rapidement
d’un EEG comprenant un enregistrement de veille et surtout de sommeil.
Ces syndromes font appel à des traitements spécifiques Clobazam (Urbanyl) en première
intention, Corticothérapie en cas d’échec.
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CONDUITE A TENIR PRATIQUE & TRAITEMENT
6.1 Conduite à tenir devant une première crise :
Deux questions principales guident la démarche :
S’agit-il d’une crise occasionnelle (= crise convulsive survenant lors d’un stimulus
donné et qui ne se reproduit pas si la cause est traitée ; sauf exception) ou d’une première
crise d’épilepsie ? Il convient donc de connaître les principales causes des crises
occasionnelles chez l’enfant :
o Infections cérébrales : méningites bactériennes, encéphalites aiguës primitives
ou parainfectieuses
o Traumatismes cranio-cérébraux, Hématome sous-dural (dont syndrome Bébé
Secoué), hémorragie cérébrale sur malformation
o Troubles métaboliques
o Hypocalcémie, hypomagnésémie, alcalose, hypoglycémie, hyponatrémie;
Déshydratation; Erreurs innées du métabolisme
o Anoxo-ischémie cérébrale aiguë : ACR ; « rescapés de mort subite » ;
o Encéphalopathie hypertensive ou poussée hypertensive
o Intoxication exogène : toxiques ; médicamenteuses
S’il s’agit d’une première crise d’épilepsie, de quel syndrome épileptique s’agit-il ?
fonction de :
o Age de début
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o Type de crise
Interrogatoire policier, souvent difficile
Recherche de facteurs déclenchant ou favorisant
Recherche d’un début partiel
o Etat inter critique
Examen clinique
Développement psychomoteur
o Résultat de l’EEG inter critique et éventuellement critique
Tracé de fond
Anomalies paroxystiques inter critiques
Type de crises enregistrées
La suite de la conduite à tenir (traitement, explorations complémentaires) dépend du
syndrome épileptique suspecté ou confirmé (par exemple : dans le syndrome de West :
traitement par Vigabatrin et nécessité d’un bilan étiologique complémentaire et dans l’
EAE : traitement par Valproate sans indication d’exploration neuroradiologique)
6.2 Prise en charge d’une crise convulsive chez l’enfant
Mise en position allongée latérale de sécurité
Protection des parties du corps contre traumatismes répétés
Noter heure de début de la crise et type de crise
Une crise d’une durée supérieure à 5 minutes justifie de l’administration de
DIAZEPAM (Valium) par voie intra rectale à la dose de 0.5 mg/kg sans dépasser
une ampoule
Devant une première crise il faut hospitaliser l’enfant. En cas de récidive de crise
chez un enfant épileptique connu l’hospitalisation de l’enfant dépend de son
retentissement
6.3 Etat de mal épileptiques chez l’enfant
Ils sont plus fréquents que chez l’adulte. Ils sont définis soit par une crise qui se
prolonge de plus de 30 minutes soit par des crises répétées sans retour à une
conscience normale entre les crises.
La prise en charge débute par le traitement de la crise par du DIAZEPAM intra
rectal au bout de 5 minutes comme indiqué ci-dessus. Une deuxième injection de
DIAZEPAM intra rectal peut être réalisée à la même posologie (0.5mk/kg) au bout
de 10 minutes si la crise persiste. L’hospitalisation de l’enfant est dans tous les cas
nécessaire.
Par la suite les anticonvulsivants sont administrés par voie veineuse, successivement
si la crise se prolonge :
o CLONAZEPAM (Rivotril) dose de charge de 0.02 mg/kg sur 10 minutes puis
0.1mg/kg sur 6 heures
o PHENYTOINE (Dilantin, enfant de moins de 4 ans) 15mg/kg sur 15 minutes
ou FOSPHENYTOINE (Prodilantin, enfant de plus de 4 ans) 22.5 mg/kg sur
15 minutes
o PHENOBARBITAL (Gardenal) 20mg/kg en 20 minutes
Le traitement habituel de l’enfant épileptique connu doit être continué si besoin par
la sonde gastrique
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QUELQUES REFERENCES UTILES :
Epilepsies, par P thomas et A Arzimanoglou. 2000. Collection Abrégés de Médecine. Editeurs
MASSON.
Les Syndromes Epileptiques de l’enfant et de l’adolescent. 2005. Ouvrage collectif . Editeurs
John Libbey Eurotext.
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