Visualiser l`exposition

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Visualiser l`exposition
“ - C’était bizarre, tout à l’heure,
m’a-t-elle dit, quand je suis entrée
et que je t’ai vu dans
le salon...
Le temps s’était arrêté. Ou plutôt,
il était revenu à l’heure que marquaient les aiguilles
de l’horloge du café Dante, le soir
où nous nous étions retrouvés
là-bas, juste avant la fermeture. “
Patrick MODIANO
Du plus loin de l’oubli
La rencontre...
François Gérard, Psyché recevant le premier baiser de l’amour
J’ai senti ses lèvres sur mon cou. Je lui
ai caressé les cheveux. Ils n’étaient
plus aussi longs qu’autrefois
mais rien n’avait vraiment
changé.
“M. de Nemours fut tellement surpris de
sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle,
et qu’elle lui fit la révérence, il ne puts’empêcher de donner des marques de
son admiration. Quand ils commencèrent
à danser, il s’éleva dans la salle un murmure
de louanges.”
Madame de LA FAYETTE
La Princesse de Clèves
page 01
t
Elle tenait un petit plateau plein de mandarines qu’elle
me tendait dans la buée d’un sourire. Pris de trouble je
m’entendis prononcer : “Que vous êtes
belle avec ces mandarines”.
“ Ainsi, malgré moi, me retrouvai-je plongé
dans la foule (...). J’allai m’asseoir par terre
dans un coin, à côté de Dmitrienko et
Jacques Lanzmann, découvrant là avec plaisir mes deux anciens amis. Nous bavardions
en mangeant (...) lorsque je sus, tout à coup,
par leurs yeux, que quelque chose se passait
derrière moi.
Ils continuaient à me
répondre mais leurs regards
levés suivaient une présence
qui se rapprochait. Je sentis
tout de suite que l’un comme
l’autre se tenaient en alerte :
ils souriaient de ce sourire un
peu figé et attendri qu’inspire
la beauté d’une femme. A
l’instant je sus par cette sorte
de lumière réfléchie que j’en
reçus, qu’une femme se tenait
maintenant debout derrière
moi et que je n’avais qu’à me
retourner et lever la tête
pour la voir - ce que je fis.
Elle tenait un petit plateau
plein de mandarines qu’elle
me tendait dans la buée d’un
sourire. Pris de trouble je
m’entendis prononcer :
“Que vous êtes belle avec
ces mandarines”.
Serge REZVANI
Le Testament amoureux
“Je n’oserai pas ! “ dit Colin.
Et puis, il lâcha Alise et alla
inviter Chloé. Elle le regarda.
Elle riait et mit la main droite
sur son épaule. Il sentait ses
doigts frais sur son cou.
Il réduisit l’écartement de
leurs corps par le moyen d’un
raccourcissement du biceps
droit, transmis, du cerveau le
long d’une paire de nerfs crâniens choisie judicieusement.
Chloé le regarda encore.
Elle avait les yeux bleus. “
Boris VIAN
L’Ecume des jours
Lucas Cranach, La Nymphe à la source.
Jean-Honoré Fragonard, le verrou..
page 02
«J’entendis claquer des talons ;
je me retournai et elle était
derrière son comptoir. Je la
voyais à mi-corps. Elle avait
les bras nus.
... C’est peu dire que c’était un
beau morceau. Elle était grande et blanche, c’était du lait.
C’était large et riche comme
Là-haut les Houris, vaste mais
étranglé, avec une taille serrée...»
Pierre MICHON
La Grande Beune
La rencontre...
Il mit son bras autour de la taille de
Chloé. Sa toque était inclinée de
l’autre côté et il avait, tout
près des lèvres, un flot de
cheveux lustrés.
«Anna Nova était une très jolie brune, plutôt
petite, aux cheveux courts, au regard bleu,
profond, décidé et même têtu, mais
parfois traversé par une spectaculaire
expression de désarroi enfantin qui ne
compta pas pour rien dans l’attrait
qu’elle exerça sur Michel dès leur
première rencontre.»
René BELLETTO
Ville de la peur
page 03
Après m’être assuré que personne ne me voyait, je
me plongeai dans ce dos comme un enfant qui se
jette dans le sein de sa
mère, et je baisai toutes
deur parfaite étaient douilleces épaules en y roulant
tement couchés dans des flots
de dentelle (...). Après m’être
assuré que personne ne me
voyait, je me plongeai dans ce
dos comme
un enfant qui se jette dans le
sein de sa mère, et je baisai
toutes ces épaules en y roulant ma tête.»
Honoré de BALZAC
Le Lys dans la vallée
Pierre Paul Prud’hon, Buste de femme, 1814.
“(...)
«(...) Je sentis un parfum de femme qui brilla
dans mon âme comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle
que je ne l’avais été par la fête ;
elle devint toute ma fête (...).
Mes yeux furent tout à coup
frappés par de blanches épaules
rebondies sur lesquelles j’aurai
voulu pouvoir me rouler, des
épaules légèrement rosées qui
semblaient rougir comme si elles
se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules
qui avaient une âme, et dont la
peau satinée éclatait à la lumière
comme un tissu de soie. Ces
épaules étaient partagées par
une raie, le long de laquelle
coula mon regard, plus hardi
que ma main. Je me haussai tout
palpitant pour voir le corsage et
fus complètement fasciné par
une gorge chastement
couverte d’une gaze, mais dont
les globes azurés et d’une ronJean-Honoré Fragonard.
page 04
« Oui, je pense à vous continuellement ! ... Votre souvenir
me désespère ! Ah ! Pardon ! ...
Je vous quitte ... Adieu !... J’irai
loin..., si loin, que vous n’entendrez plus parler
de moi !... Et cependant...,
aujourd’hui... je ne lutte pas
contre le ciel, on ne résiste
point au sourire des anges !
On se laisse entraîner par
ce qui est beau, charmant,
adorable !» C’était la première
fois qu’Emma s’entendait dire
ces choses.
Gustave FLAUBERT
Madame Bovary
La séduction...
Marc Chagall, Les amoureux en rose, 1916.
Je ne lutte pas contre le ciel, on
ne résiste point au sourire des
anges ! On se laisse entraîner par ce qui est beau,
charmant,
adorable ! “
On aborda, ... le vicomte prit dans ses bras
Jeanne pour la déposer à terre sans qu’elle se
mouillât les pieds ; puis ils montèrent la dure
banque de galet, côte à côte, émus tous deux
de ce rapide enlacement.
Guy de MAUPASSANT
Une vie
55<Néant>
page 05
l n’avait pas réfléchi, il avait posé sans voir sa main sur
la table, et sous sa paume et dans ses doigts il emprisonnait
une petite main qu’il retint longuement, longuement (...).
Elle dut avoir peur, Aurélien sentit qu’elle avait peur, il ne lâcha
pas la main prisonnière. Il entendit une voix bouleversée, très basse,
qui disait : “ Vous n’êtes pas raisonnable...”.
I
Louis ARAGON
Aurélien
Rodolphe lui serrait la
main,
et il la sentait toute chaude
et frémissante comme
une tourterelle captive
Pierre Claude François Delorme, Héro et Léandre.
“ Pourquoi nous sommes-nous connus ?
quel hasard l’a voulu ? C’est qu’à travers
l’éloignement, sans doute, comme deux fleuves
qui coulent pour se rejoindre,
nos pentes particulières
nous avaient poussés l’un
vers l’autre.
Et il saisit sa main ; elle ne
la retira pas.
(...) Rodolphe lui serrait
la main, et il la sentait
toute chaude et frémissante
comme une tourterelle captive
qui veut reprendre sa volée ;
mais, soit qu’elle essayât
de la dégager, ou bien qu’elle
répondit à cette pression,
elle fit un mouvement des
doigts ; il s’écria :
- Oh ! merci ! Vous ne me
repoussez pas ! Vous êtes
bonne ! Vous comprenez
que je suis à vous ! Laissez que
je vous voie, que je vous
contemple.”
Gustave FLAUBERT
Madame Bovary
Alessandro Allouri, Homme nu, XVI ° siècle
page 06
«Vous n’avez pas froid ? demanda Colin.
- Non, avec ce nuage, dit Chloé.
Mais...je veux bien me rapprocher tout de même.
- Oh !... dit Colin et il rougit.
Ca lui fit une drôle de sensation.
Il mit son bras autour
de la taille de Chloé. Sa toque
était inclinée de l’autre côté
et il avait, tout près des lèvres,
un flot de cheveux lustrés.
-J’aime être avec vous, dit-il.»
La passion...
Vénus et Cupidon
Boris VIAN
L’Ecume des jours
Sa toque était inclinée de l’autre côté
et il avait, tout près des lèvres, un
flot de cheveux lustrés.
“J’aime être avec vous”
,dit-il.
«Il devenait romantique. Il pensait à tout ce
qu’il aurait dû dire à la jeune fille, et qu’il
n’avait pas songé à exprimer. Cela lui venait
maintenant avec une facilité étonnante.
Il se faisait un tableau idyllique de la vie qu’ils
auraient menée ensemble...
Il faisait l’amour avec fureur. Pamela en était
étonnée. Il lui arrivait de se demander si ce
n’était pas de la passion.»
Catherine RIHOIT
Triomphe de l’amour
Pierre Paul Prud’hon. Phrosine et Mélidore, 1797
page 07
é
n
ites-vous donc que je n’ai de forces qu’en vous voyant ; qu’un
jour passé sans vous me brise, que quand je ne viens pas chez
vous, c’est que je me fais une violence qui me bouleverse, que
vous, êtes le ciel pour moi, que je ne puis me passer de vous qu’en éprouvant l’enfer tout entier.
D
Benjamin CONSTANT
Correspondance à Madame Récamier
“ En cet hôtel d’Agay, ils ne se souciaient
que d’eux et de connaître tout de l’autre et
de se raconter à l’autre entre deux unions
effrayemment fréquentes. Nuits semblables, chères fatigues, trêves charmantes, et elle laissait courir ses
doigts sur l’épaule nue de l’amant
pour le remercier ou le charmer, et il
fermait les yeux, souriait de délice.
Enlacés, ils se reposaient de leurs
importants travaux, s’endormaient
après de tendres murmures et des
commentaires, émergeaient du
sommeil pour joindre leurs lèvres,
ou se lier mieux à l’autre, ou
confusément s’unir, à demi endormis, ou furieusement se connaître,
dispos soudain. Ensuite reprenait
le sommeil en symbiose, si doux.
Comment ne pas dormir
ensemble ? ”
Albert COHEN
Belle du seigneur
page 08
Mon amour,
(...) Je suis peu fraîche, mais
plus du tout tragique je voudrais seulement être
là à côté de vous, tout beau
que vous êtes dans votre petit
pyjama bleu et vous embrasser
fort, fort - je vous aime - ça
me tire les larmes de ne pas
vous voir du jour (j’ai la fatigue
encore proche des larmes
mais dans le tendre, plus dans
le triste). Je crains d’être peu
fraîche ce soir, mais ce qui est
sûr, c’est que je serai tellement
heureuse de vous voir. Je vous
La passion...
je voudrais seulement être là à
côté de vous, tout beau que vous
êtes dans votre petit pyjama
bleu et vous embrasser fort,
fort .
aime tout passionnément. Je regrette, je n’ai pas
été assez gentille. Vous autre si gentil, je vous
embrasse sur votre belle petite figure aimée.
Votre charmant Castor
Simone de BEAUVOIR
Lettres à Sartre 1930-1939
Pierre Paul Prud’hon,
(Phrosine et Mélidore)
1797
99<Néant>
page 09
es seize ans mangeaient sa
bouche. Au début, sa langue
et ses dents se crispaient
sur mes baisers. Alors, avec les lèvres
à demi ouvertes, je l’embrassai
doucement, chaudement, aux yeux, aux
oreilles, à la nuque, aux tempes, à la
saignée des bras, aux bouts des doigts
en mordillant ceux-ci et de nouveau en
pleine bouche. Pendant
ce temps, mes mains ouvertes en forme
de crabe apprivoisé n’arrêtaient pas de
travailler finement son ventre et ses
flancs.
René DEPESTRE
Alléluia pour une femme jardin
Conrad Felixmüller
(Les amoureux de Dresde)
1928
Aristide Maillol, Chansons pour elle.
M
« Il a arraché la robe, il la jette, il a arraché
le petit slip de coton blanc et il la porte ainsi
nue jusqu’au lit. Et alors il se tourne de
l’autre côté du lit et il pleure. Et elle, lente, patiente,
elle le ramène vers elle et
elle commence à le déshabiller. Les yeux fermés, elle
le fait. Lentement. Il veut
faire des gestes pour l’aider.
Elle lui demande de ne pas
bouger. Laisse-moi. Elle dit
qu’elle veut le faire elle. Elle
le fait. Elle le déshabille.
Quand elle le lui demande il déplace son corps
dans le lit, mais à
peine, avec légèreté,
comme pour ne pas la
réveiller. (...). Elle le
touche. Elle touche la
douceur du sexe, de
la peau, elle caresse
la couleur dorée,
l’inconnue nouveauté.
Il gémit. Il pleure.
Il est dans un amour
abominable.»
Marguerite DURAS
L’Amant
page 10
«(...) chercher du bonheur
ailleurs ! Et y en a-t-il d’autre
que d’être aimé
de vous ? Quoique je ne vous
aie jamais parlé, je ne saurais
croire, Madame, que vous
ignoriez ma passion
et que vous ne la connaissiez
pour la plus véritable
et la plus violente qui sera
jamais.
A quelle épreuve a-t-elle été
par des choses qui vous sont
inconnues ? Et à quelle
épreuve l’avez-vous mise par
vos rigueurs ? «
Mme de LA FAYETTE
La Princesse de Clèves
Agostino Carracci, Polyenos et Chrisis, 1602.
La passion...
Gustav Klimt
“Je ne saurais croire, Madame,
que vous ignoriez ma passion
et que vous ne la connaissiez
pour la plus véritable et la
plus violente qui sera
jamais.”
«Quand nous fûmes sortis des chemins
vaseux, nous pûmes nous étreindre,
nous embrasser, et j’y trouvai une
délectation jusque-là inconnue. Areski
la perçut.
Elle redoubla son plaisir.»
Claire ETCHERELLI
Elise ou la vraie vie
page 11
“Puisque c’est mon anniversaire,
vous viendrez ce soir avec moi
prendre un verre ?
Je ne répondis rien. (...).
En moi s’ouvraient trois
bouches. L’une disait “enfin...”,
l’autre objectait “et comment ?
et où ? et si les gens...”.
De la troisième sortait un “non”,
mais pas celui du refus. Le non
hésitant quand se produit l’événement que durant
des années on a imaginé,
longuement. Saisie par l’appréhension, cette bouche disait
“encore un instant”...
Claire ETCHERELLI
Elise ou la vraie vie
Jean-Honoré Fragonard, Rêve d’amour, 1768.
La main
qui voulait
me
repousser
sentait
battre
mon coeur.
On voulait
me fuir, on
retombait plus attendrie. Nos âmes
se rencontraient, se multipliaient
; il en naissait une
de chacun de nos baisers.
“Nous frémîmes en entrant. C’était un
sanctuaire, et c’était celui de l’amour.
Il s’empara de nous ; nos genoux
fléchirent ; nos bras
défaillants s’enlacèrent,
et, ne pouvant nous soutenir, nous allâmes tomber
sur un canapé qui occupait
une partie du temple.(...).
Tout se confondit dans
les ténèbres. La main qui
voulait me repousser
sentait battre mon coeur.
On voulait me fuir, on
retombait plus attendrie.
Nos âmes se rencontraient,
se multipliaient ; il en naissait une de chacun de nos
baisers.”
Vivant DENON
Point de lendemain
Engène Devéria, Kouramé
page 12