Texte 2. L`irrésistible vocation de Robinson
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Texte 2. L`irrésistible vocation de Robinson
Texte 1. L'aventure d'Alexandre Selkirk Texte 2. L'irrésistible vocation de Robinson Dans le Vent de Paraclet, Michel Tournier relate le fait divers qui donna naissance à l'étonnante histoire de Robinson Crusoé Avant Michel Tournier, le romain Daniel Defoe avait réécrit, à sa manière, l'aventure du célèbre naufragé. Le 31 janvier 1709 un canot occupé par six hommes armés et un officier se détacha du Duke, navire de guerre anglais équipé de trente canons, et aborda la plage de l'île Mas a Tierra, la plus importante de l'archipel Juan Fernandez situé dans l'océan Pacifique à six cents kilomètres à l’ouest de Santiago-du-Chili. Les hommes eurent bientôt la surprise de voir gesticuler à terre un homme hirsute, vêtu de peaux de chèvres. L'un d'eux lui demanda quel était le meilleur endroit pour atterrir. L'inconnu répondit à grands gestes et bondit de rocher en rocher à leur rencontre. Il s'appelait Alexandre Selcraig, mais Selkirk était son nom de mer, car la coutume voulait alors qu'on changeât de patronyme en s'engageant sur un navire. Au printemps de l'année 1703, il avait quitté sa ville natale, Largo, un petit port de la côte écossaise, pour s'engager à Londres sur le Cinq Ports- quatre- vingt- dix tonneaux, seize canons, soixante- trois hommes- qui devait en compagnie d'un autre navire, le Saint- George, donner la chasse dans le Pacifique aux galions espagnols chargés de métaux précieux. À vingt- sept ans Selkirk n'était plus un novice. Fait prisonnier par des pirates, il avait été vendu à un boucanier français à Saint- Domingue. Là, pendant trois années, il avait forcé, tué et dépecé des taureaux et des vaches sauvages dont la chair fumée était d'un fructueux rapport. Son surnom- Tête de pierre- en disait long sur son caractère. Aussi bien sa mésentente avec le lieutenant Thomas Stradling commandant le Cinq Ports éclata-t-elle dès le début de la course et ne cessa d'empirer, d'autant plus que l'expédition se révéla décevante. C'est pourquoi à l'occasion d'une relâche à Mas a Tierra, où les deux navires s'étaient rejoints en février, Selkirk avait-il exploré l'île et noté toutes ses ressources dans une intention bien arrêtée. Il faut ajouter que cet homme fort et robuste croyait aux présages et qu'un rêve lui avait prédit le sort le plus lamentable pour le Cinq Ports et ses hommes. […] En septembre l'affaire était décidée entre Selkirk et Stradling. Le Cinq Ports ayant à nouveau fait escale à Mas a Tierra repartirait sans l'Écossais. On le déposa sur la plage avec son coffre personnel, un fusil, quelques munitions et une Bible.[...] Il fallut quatre ans et quatre mois pour qu'un navire anglais voulût bien se présenter. Après une longue escale à Mas a Tierra le Duke et son compagnon le Dutchess reprirent la chasse à l'Espagnol et au Français. L'expédition avait pour chef le capitaine Woodes Rogers qui raconta plus tard dans ses mémoires l'épisode robinsonien de sa carrière. Je suis né en l'année 1632, dans la ville d'York, où mon père s'était retiré après avoir acquis beaucoup de biens en faisant du négoce. J'avais deux frères plus âgés que moi, dont l'un était lieutenant- colonel d'un régiment d'infanterie anglais, commandé par la fameux colonel Lockart, et fut tué à la bataille de Dunkerque par les Espagnols. Quant au second, je n'ai jamais su ce qu'il était devenu et je ne suis pas mieux instruit de sa destinée que mon père et ma mère ont connu la mienne. Comme j'étais le troisième garçon de la famille, et n'avais fait l'apprentissage d'aucune profession, je commençai bientôt à rouler dans ma tête force projets. Mon père, qui était fort âgé, m'avait donné une solide éducation, soit en me disant des leçons de sa propre bouche, soit en m'envoyant à une excellent école publique. Il me destinait à l'étude des lois, mais j’avais de toutes autres vues. Le désir d'aller sur mer me dominait uniquement. Cette inclination me roidissait si fort contre la volonté de mon père et me rendait si sourd aux sollicitations de ma mère qu'une espèce de fatalité semblait m'entraîner secrètement vers un état de souffrance et de misère. Et cependant, mon père me donna d'excellents avis pour me faire renoncer à un dessein dont il voyait bien que j'étais entêté. […] Un jour, me rendant par hasard à Hull, j'y rencontrai un de mes camardes qui était sur le point de se rendre à Londres, sur le vaisseau de son père. Il m'invita à les accompagner, et, pour mieux m'y engager, il m'assura qu'il ne me coûterait rien. Là dessus, je ne consultai plus ni père ni mère, et ne me mis pas en peine de leur faire savoir de mes nouvelles : mais abandonnant la chose au hasard, sans demander leur bénédiction ni implorer l'assistance du Ciel, sans faire attention ni aux circonstances ni aux suites, je me rendis à bord d'un vaisseau qui allait à Londres. Ce jour, le plus fatal de toute ma vie, fut le 1er septembre 1651. Michel Tournier, « Vendredi », Le Vent Parclet, Gallimard Folio, 1977 Daniel DEFOE, Robinson Crusoé, trad. de Jacques Brécard, Le livre de poche jeunesse, 2008 ÉTAPE I : MANIPULONS LE LIVRE ! 1. Quel personnage a donné le titre au roman ? Le connaissez-vous ? Comment comprenez-vous le titre ? 2. Décrivez rapidement l'illustration de couverture. Quels liens faites-vous entre cette illustration et le titre du roman ? 3. Que vous évoque le nom de Robinson ? Quelles informations la 4e de couverture nous apporte-t-elle sur ce personnage ? 4. D'après la couverture, que peut-on s'attendre à trouver dans ce roman ? ÉTAPE II : ALLONS AUX SOURCES DU LIVRE ! 5. Quels éléments Michel Tournier a-t-il empruntés à l’aventure d'Alexandre Selkirk ? 6. Quelles différences remarquez-vous entre le fait réel et l'histoire romancée ? 7. Quelles caractéristiques morales Robinson présente-t-il au début du roman de DEFOE ? 8. Quel est à votre avis, l'intérêt de réécrire une histoire prise dans la vie réelle ?