593 Communications en temps de crise. Sous la direction de
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593 Communications en temps de crise. Sous la direction de
Reviews 593 Communications en temps de crise. Sous la direction de Danielle Maisonneuve, Catherine Saouter et Antoine Char. Sainte-Foy, QC: Presses de l’Université du Québec, 1999. 392 p. ISBN 276051028X. Communications en temps de crise reprend les textes des conférences prononcées lors du colloque du même nom qui se tenait à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) en janvier 1999. Le Département des communications de l’UQÀM a eu une excellente idée en mettant sur pied ce large forum de réflexion sur les communications en temps de crise, à mi-chemin dans le temps, entre la crise du verglas bien réelle de 1998 et la crise appréhendée de l’arrivée de l’an 2000. En fait, le livre publié ne présente qu’une partie du brassage d’idées qui a eu lieu à ce moment puisque parallèlement aux sessions plénières qui font l’objet du recueil, se tenaient à huis clos des sessions parallèles regroupant des responsables des communications de différents secteurs comme le système de santé, les municipalités, les universités, etc. . . . Il n’est malheureusement aucunement fait mention du travail de ces sessions dans le volume. Quand on parle de réflexion, il faut, dans ce cas précis, prendre le mot dans ces deux sens : la réflexion dans le sens premier de réfléchir, d’analyser, de poser un diagnostic, de proposer des solutions, et dans un deuxième temps, le sens plus intuitif de refléter, présenter un témoignage, un souvenir, éclairé par le recul. Le recueil comporte en effet des textes de nature très différente : textes de chercheurs, mode d’emploi de praticiens ou témoignages. Le livre est découpé en 24 chapitres et deux annexes. Ces deux dernières sont des textes d’appoint qui viennent jeter un éclairage circonstanciel et complètent le dossier de la crise du verglas. La première annexe est formée par des extraits du rapport Nicolet, « Pour affronter l’imprévisible » (p. 267-333), qui était très attendu en janvier 1999. La seconde est une présentation des services et du mode de fonctionnement de la Protection Civile du Canada : « Comment répondre aux besoins des Canadiens en situation d’urgence » (p. 335-370). L’ordre des chapitres choisi par les éditeurs de l’ouvrage est loin d’être évident. Et je n’ai pas conservé le programme du colloque pour vérifier si le livre reflète simplement l’ordre des interventions. Mais, à mon avis et si c’est le cas, un ordre convenant parfaitement à un colloque n’est pas forcément celui qui sied le mieux au recueil de textes qui en découle. Rares sont les conférenciers qui font allusion à une intervention précédente. Ceci dit, la logique de l’ordre des chapitres m’échappe. Par exemple : le livre commence par une étude faite par Catherine Saouter de neuf documents publiés suite à la crise du verglas (« Des mises en scène de la mémoire », p. 21-30). Son analyse tend à démontrer que cet événement fut plus une crise de confort d’une société nord-américaine relativement choyée qu’une « vraie crise ». J’aurais bien vu ce texte en commentaire de fin de volume. Par contre, le livre se termine sur un texte de Patrick Lagadec, professeur à l’École Polytechnique (Paris) et spécialiste français des crises organisationnelles (« Crises et pilotage de crises à l’aube du XXIe siècle : problèmes persistants, défis inédits », p. 247-263). Ce texte prémonitoire laissait présager les crises à venir dont la première à éclater fut celle de la Dioxine qui a empoisonné la vie des Belges et de leurs voisins en juin 1999. Ce texte aurait tout aussi bien pu ouvrir le volume . . . Mais c’est un bien petit défaut pour un livre si intéressant. Danielle Maisonneuve, qui a dirigé, avec Catherine Saouter et Antoine Char, la publication de l’ouvrage, a rédigé une introduction (p. 1-20) très intéressante et qui va beaucoup plus loin que la simple présentation du sujet. Elle pose plusieurs questions fort importantes : « qu’est ce qu’une crise? », « quels sont les rôles de la communication en temps de crise? », « quels sont les rôles de médias? », « les organisations font-elles de 594 Canadian Journal of Communication, Vol. 25 (4) l’information ou de la propagande? », « les crises sont-elles prévisibles? ». Questions qu’elle éclaire par des références à plusieurs textes théoriques dont ceux de Jürgen Habermas ou de Jacques Ellul. Les deux chapitres suivants donnent la parole à deux des principaux héros (hérauts?) de la crise : André Caillé, président d’Hydro-Québec (« La place des communications dans la gestion d’une situation d’urgence », p. 31-36) et Steve Flanagan, porte-parole principal de la Société pendant l’événement du verglas (« Réussir ses relations de presse en situation d’urgence », p. 38-43). Ces deux textes ont en commun de dire quoi et comment faire sans laisser beaucoup de place aux doutes ou à la réflexion. Ce qui pour ces deux personnes doit être de l’ordre de l’évidence puisque 97% des Québécois se sont dit satisfaits d’Hydro-Québec lors d’un sondage réalisé par Le Devoir en plein coeur de la crise . . . alors pourquoi remettre ses méthodes en question! Raymond Corriveau, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, propose dans le quatrième chapitre (« La communication en situation d’urgence : l’importance du lien social », p. 46-60) de considérer la communication en tant que lien social et de prendre le point de vue du sinistré : intéressant effet miroir par rapport aux deux chapitres précédents. Le cinquième chapitre est d’Yves Dupré du Groupe BDDS : « La tempête de verglas 1998, les sinistrés et la communication » (p. 61-67). Lui aussi donne la parole aux sinistrés, faisant remarquer que les sondages, somme toute assez favorables à Hydro-Québec, sont un reflet de l’opinion confondue de ceux qui ont subi la crise et de ceux qui l’ont suivie à la télévision. En centrant l’analyse sur les sinistrés . . . le portrait semble moins rose. Son texte porte essentiellement sur le besoin incontournable de mettre en place une culture de prévention de crise. Les résultats d’un sondage omnibus mené en octobre 1998, l’amène à cette constatation assez étonnante « Ainsi 60% des Montréalais, atteints à divers degrés, étaient passifs face à la crise! » (p. 64) ce qui lui fait dire que la priorité des priorités ce n’est pas les plans de gestion de crise mais bien les campagnes de sensibilisation aux crises. Suivent deux textes témoignages, l’un d’un responsable de la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l’Ouest du Québec et l’autre du maire de Brossard, textes qui montrent combien, dans le feu de l’action, tous parent au plus pressé et vivent leur propre crise ou encore celle de leur institution. Le huitième chapitre (« Les crises sont toujours celles des autres », p. 83-108), est un texte de réflexion de René-Jean Ravault de l’UQÀM, texte où à travers un témoignage très personnel et des blessures bien réelles, le spécialiste en communication prend du recul et tente de définir un rôle au communicateur, rôle bien plus proche de celui d’un éducateur que d’un faiseur d’image institutionnelle. Les chapitres 10 à 16 portent plus spécifiquement sur les médias, leurs rôles, leurs caractéristiques, ce qu’ils ont fait, oui ou non, bien ou mal . . . en théorie ou en pratique. Après un texte d’introduction d’Antoine Char, de l’UQÀM, sur l’horreur du vide et la perversion du travail de la presse en temps de crise, Lise Chartier, de Caisse et Chartier, livre une analyse fouillée de la couverture de presse de l’événement et en vient à la conclusion que les médias ont détourné la couverture de l’événement au profit d’une couverture d’Hydro-Québec. Un texte de Sylvain Lafrance de la radio de Radio-Canada explique les décisions et le rôle de la société d’État lors de la crise. Il insiste sur le fait que les médias doivent être impliqués dans le processus de gestion de la crise tout en gardant leur indépendance. La quadrature du cercle ? Le témoignage de Bruce Gervais de la station Z104.1 FM de Saint-Jean-sur-Richelieu montre l’importance du rôle des radios locales pour la population et, paradoxalement, la difficulté qu’elles ont à être considérées par les donneurs d’information institutionnels qui leur préfèrent les grandes chaînes nationales. Un texte du regretté Claude Masson traite du dilemme des médias imprimés, peu habitués à couvrir les crises sociales, et oscillant entre le service à la population et la couverture plus strictement journalistique. Il conclut en mentionnant que la crise a été salutaire pour les médias en les forçant à revenir aux racines de leur métier. La relationniste Andrée Reviews 595 Dupont met l’accent sur l’éternelle opposition journalistes-sources, prenant bien clairement le parti des secondes tout en insistant sur un nécessaire partenariat en temps de crise. Le texte d’analyse d’Isabelle Gusse de l’UQÀM est plus substantiel. Dans « Médias, information et démocratie en temps de crise » (p. 163-187), l’universitaire met en évidence les manques de transparence des acteurs de la crise dans des termes parfois dramatiques, comme dans sa phrase de conclusion : Il n’est donc pas étonnant dans ces conditions que ces néomystiques fondamentalistes, acteurs et éléments actifs de la démodernisation, n’aient de cesse de réitérer dans l’espace public perverti par leurs soins, leur profession de foi aveugle et absolue envers une nouvelle entité transcendante, le Dieu économie et son triste corollaire, l’insoutenable légèreté du marché (p. 187). Les chapitres 17 et 19 donnent la parole à la sécurité publique, témoignage de Louise Jacob et texte plus officiel du Ministre de la Sécurité publique du Québec, Serge Ménard. Entre ces deux textes à saveur plus opérationnelle se glisse une analyse de la couverture de presse accordée à l’armée canadienne, réalisée par deux historiens. Cette analyse explique comment l’armée avait une image à refaire au Québec et comment le verglas lui a donné une occasion en or qu’elle a saisie avec dextérité. Cette description trop rapide du livre, chapitre par chapitre, ne lui rend pas justice. Il s’agit à mon avis d’un livre de grande qualité. Le fait de retourner sans cesse le prisme de l’observateur, de passer du point de vue de la victime, à celui du témoin, de l’acteur ou de l’analyste, en fait à la fois un document pédagogiquement utile pour de futurs communicateurs, mais aussi une bonne façon de garder en mémoire un événement, qui l’espérons-nous ne se reproduira pas, et d’en tirer des leçons en tant que professionnels de la communication. Marianne Kugler Université Laval