des articles de loi plus beaux qu`efficaces
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des articles de loi plus beaux qu`efficaces
pro natura magazine thema 1 04 | 2014 JUILLET 1 Droit suisse de l'environnement : des articles de loi plus beaux qu'efficaces 3 sommaire éditorial dossier 4 — 13 Des articles de loi con- tournés ou même ignorés La Suisse dispose d’un arsenal de lois en droit de l’environnement parmi les plus progressistes au monde. A travers un grand nombre de lois, d’ordonnances et Florence Kupferschmid-Enderlin, rédactrice romande Entre la théorie et la pratique : il y a un monde … Dans un document officiel de l’Office fédéral d’inventaires, la protection de la nature est prévue dans notre pays. Dans la pra tique cependant, cet édifice législatif ne produit pas l’effet escompté : les cantons et les communes se moquent d’une appli cation lacunaire du droit fédéral. Et s’inté de l’environnement consacré au droit de l’en ressent davantage à défendre les intérêts vironnement, on peut lire que : « Le droit économiques, parfois même leurs propres suisse de l’environnement a atteint un haut ni intérêts, qu’à se mobiliser pour sauvegar veau qualitatif au cours des dernières décen der la nature et le paysage. Illustration: Isabelle Bühler nies. Dans les prochaines années, les vides ju ridiques devront être ponctuellement comblés en faisant évoluer la législation environnemen tale et en l’adaptant aux nouveaux défis. » C’est clairement dit : la Suisse dispose de presque tout l’arsenal législatif nécessaire pour protéger ses beaux paysages, favoriser la biodi versité et enrayer le mitage du territoire. Alors où est le problème ? La Suisse a certes des lois progressistes en matière de protection de la nature, mais elles ne sont pas appliquées de manière conséquente. Dans notre dossier, trois chargés d’affaires de sections cantonales de Pro Natura partagent leurs expériences : pour eux, il est notoire que le droit environnemen tal est souvent soumis à de fortes pressions et appliqué de manière laxiste. Quant à Bertrand von Arx, président de la Conférence des délégués à la protection de la nature et du paysage, son analyse met clai rement en évidence que les aspects nature et paysage sont parfois négligés, voire plus ou moins volontairement ignorés, lors des réflex ions initiales sur les projets ou durant leurs phases de planification. Entre la théorie et la pratique, il y a un monde … 14 rendez-vous 16en bref / impressum 18 actuel 18 P esticides : tous à la caisse 20 F enaco : quelle politique se cache derrière cette multinationale silencieuse ? 24 Prêt pour l'ours : le Val Poschiavo se prépare à la prochaine visite 29 nouvelles 29 1000 nouveaux arbres fruitiers grâce à Pro Natura Fribourg 30 service 34 pro natura actif 38 saison 39 shop 40la dernière actuel tection de la nature, Pro Natura en tête, endos 24 Le Val Poschiavo se prépare à la prochaine visite de l'ours sent le rôle parfois ingrat d’avocat de lanature. En mai dernier, l’ours M25 a fait une in Face à ce hiatus, les associations de pro Un travail difficile et quelquefois découra cursion d’une journée dans le Val Poschia geant pour les ONG, mais un travail néces vo. S’il revient, lui ou l’un de ses congé saire. Alors avant de combler certains vides ju nères, la vallée grisonne est désormais ridiques, appliquons déjà correctement les lois bien préparée. existantes, afin que les articles de loi – comme nous les avons symbolisés visuellement dans Tanja Demarmels ce dossier – ne restent pas de purs éléments décoratifs. Couverture : sur le papier, notre droit de l'environnement est exemplaire. Dans la réalité, les articles de loi, comme nous les avons illustrés dans ce magazine, suscitent peu d'intérêt. Illustration : Isabelle Bühler www.pronatura.ch 4 dossier Le droit suisse de l'environnement est vidé de sa substance En Suisse, les moyens font souvent défaut pour exécuter les obligations légales en matière de protection de la nature. Et la pression politique sur les autorités compétentes ne cesse de croître. Il fait frais en cette soirée de mai dans la réserve naturelle Pro et ne leur octroient guère de ressources, ou pas assez. Et si des Natura de Bösimoos près de Stetten, dans la vallée de la Reuss intérêts économiques sont en jeu – souvent à l’encontre de la en Argovie. Il y a vingt ans, un champ marécageux y a été amé- conservation d’un objet naturel digne de protection – les milieux nagé en petit paradis naturel : des mares, des prairies humides, politiques font comprendre aux autorités cantonales et fédérales des haies et des murgiers offrent de nouveaux habitats aux rai- compétentes qu’elles sont priées de ne pas s’y opposer. nettes vertes et aux crapauds accoucheurs. Malgré la fraîcheur, les chanteurs, d’abord timides, se font de plus en plus nombreux Des piques contre la protection de la nature à la tombée de la nuit. Le peuple suisse a certes renforcé le pouvoir des organisations écologistes en rejetant très nettement l’initiative demandant la La rainette verte (Hyla arborea), qui vit dans des milieux hu- mides diversifiés, a également sa place, directement ou indirecte- suppression de leur droit de recours en 2008. Au plan politique, ment, dans plusieurs lois et ordonnances. Elle jouit même d’un les milieux hostiles à la nature ne souhaitent plus se brûler les statut de protection très élevé en Suisse. Selon la Loi sur la pro- doigts sur ce sujet. Mais les bases légales sur l’environnement tection de la nature et du paysage (LPN), elle est protégée de sont désormais en point de mire : la protection des eaux et du toute atteinte directe, ainsi que contre la destruction de ses bio- paysage est torpillée sous le couvert de la transition énergé- topes – et cela depuis des décennies. Par ailleurs, bon nombre tique, notamment par la proposition d’affaiblir la Commission de ses habitats sont inscrits à l’inventaire des sites de reproduc- fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP). tion de batraciens d’importance nationale. Et quelques gouvernements cantonaux s’opposent systématiquement à une amélioration de la protection des paysages d’impor- La politique ignore les mandats légaux tance nationale (IFP). Pourtant, la rainette verte est considérée comme fortement me- nacée en Suisse. Comme 78 % des amphibiens indigènes, elle que c’est pour des raisons financières que les Forces motrices L’attitude du canton de Berne est symptomatique : alors figure sur la Liste rouge parmi les espèces plus ou moins mena- bernoises (FMB) repoussent de gros investissements déjà au- cées. Bien que la rainette soit sous protection totale depuis des torisés dans la région du Grimsel, l’exécutif prétend envers et années en Suisse, elle ne parvient pas à recoloniser les plaines contre tout que c’est la protection de ses plus beaux paysages où elle était autrefois si répandue. qui entrave la transition énergétique. Détail piquant : le canton Cet exemple démontre que même la plus haute protection de Berne est actionnaire majoritaire des FMB. En raison des in- légale a peu d’effet si les priorités politiques ne vont pas dans le certitudes économiques, la société investit aujourd’hui dans le sens de la protection des bases naturelles de la vie. Une majori- marché de l’électricité dont elle retire un bénéfice garanti par té de parlementaires fait passer des milliards pour un deuxième l’Etat ; c’est-à-dire dans les petites centrales hydrauliques parti- tunnel au Gothard ou des dizaines de millions pour un gigan- culièrement dommageables pour l’environnement. Or, ces der- tesque projet de Jeux olympiques. Or, quand il en va d’une vé- nières ne contribuent pratiquement pas à la transition énergé- ritable protection des marais, d’une stratégie adéquate pour la tique, mais assurent des excédents découlant de la rétribution à biodiversité ou d’une protection efficace du paysage, ces mêmes prix coûtant du courant injecté (RPC). Il n’est pas difficile, dans élus trouvent que cela coûte trop cher malgré le mandat légal ces circonstances, de se représenter la marge de manœuvre dont Pro Natura Magazine 4/2014 Illustrations : Isabelle Bühler dossier disposent les autorités bernoises en charge de la nature des dépenses annuelles. Le comité central et les sections ont dé- lorsqu’elles doivent évaluer la protection des eaux contre les at- posé entre 15 et 20 recours par an en faveur de la nature ces der- teintes techniques des FMB, qui appartiennent de facto à l’Etat. niers temps. Grâce au taux de succès élevé d'environ 70 %, cet Si des projets de construction portent préjudice à la nature, instrument déploie un important effet préventif bien qu’il soit les associations environnementales peuvent intenter une action. très peu utilisé. Pro Natura et ses alliés ont ainsi réussi à empêcher des inter- ventions qui auraient été très néfastes et peu bénéfiques le long tut légal de protection de l’animal, l’Argovie a tout de même de la pittoresque Verzasca (2013) et du romantique torrent du pu financer les nombreuses et coûteuses mesures de sauvetage Mais revenons à la rainette verte et à ses lois : grâce au sta- Gonerli dans la vallée de Conches (2014). Elles n’ont fait usage prises par la section Pro Natura avec des deniers fédéraux et de leur droit de recours que parce que les autorités cantonales cantonaux. L’histoire finit donc bien dans le Bösimoos, mais de ne voulaient ou ne pouvaient s’opposer avec succès aux fortes tels succès seront toujours plus rares dans beaucoup de cantons atteintes à l’environnement. Le Tribunal fédéral a aussi rappelé si les caisses de l’Etat sont délibérément vides. C’est pourquoi très clairement aux autorités cantonales compétentes leur res- les organisations de protection de la nature luttent actuellement ponsabilité légale face à la nature. afin que le plan d’action de la Stratégie Biodiversité Suisse ne reste pas lettre morte et que notre riche pays libère des moyens Police verte des constructions ? Non merci ! pour conserver la biodiversité comme l’exige le mandat légal. Pro Natura n’entend cependant pas jouer le rôle de « police verte Mais pour cela, il faut aussi un changement de tendance dans la des constructions ». Elle n’emploie qu’une seule juriste spécia- politique de protection de la nature en Suisse. Pro Natura s’en- lisée en droit de l’environnement au secrétariat central et dé- gage pour le rendre possible. pense environ 25 000 francs par an en frais d’avocat. Les coûts dus à l’usage du droit de recours représentent environ 0,5 % Pro Natura Magazine 4/2014 RICO KESSLER dirige la division Politique et affaires internationales chez Pro Natura. 5 6 dossier Des dispositions efficaces sur le papier La Suisse peut se targuer de disposer d’une législation progressiste en matière de protection de la nature et de l’environnement. Point faible : les autorités ne s’y tiennent pas toujours. La législation suisse sur la protection ou encore les prairies et pâturages secs de la nature et de l’environnement est (PPS). Toute intervention dans ces zones exemplaire. Les actes essentiellement d’importance nationale est strictement édictés par la Confédération, mais aus- réglementée. si par les cantons et les communes, auxquels s’ajoutent des traités internatio- Le droit fédéral est ignoré naux, forment un vaste dispositif régle- Mais aussi efficaces qu’elles semblent en mentaire qui vise à conserver et à pro- théorie, ces lois ne garantissent malheu- mouvoir la nature et l’environnement. reusement pas une protection automa- Ces divers actes reposent sur le man- tique de la nature. Encore faut-il qu’elles dat constitutionnel de protection de la soient appliquées. Ce qui est trop rare- nature, du paysage et de l’environne- ment le cas. Bien souvent, les cantons et ment. Les pierres angulaires en sont la les communes négligent l’exécution des Loi sur la protection de l’environnement prescriptions édictées par la Confédéra- (LPE), qui définit les fondements du droit tion. Bon nombre de lois ne sont pas res- dans ce domaine – tels que les principes pectées – en raison de la pression finan- de précaution et de causalité – ainsi que cière et politique, de conflits d’intérêts, la Loi sur la protection de la nature et d’un usage par trop généreux des déro- munes, ou les cantons, jugent les inté- du paysage (LPN), qui assure le ména- gations et de services affaiblis, mais aus- rêts économiques plus importants que gement et la conservation intacte de la si du manque de possibilités de sanction la conservation de la nature et du pay- nature et du paysage. en cas de non application de la loi. sage. Résultat : ils délimitent des zones à Ce fossé entre la théorie et la pra- bâtir surdimensionnées ou octroient gé- du territoire (LAT) régit l’utilisation du En outre, la Loi sur l’aménagement tique est particulièrement frappant dans néreusement des permis de construire sol ; c’est grâce à elle qu’il existe encore le domaine de la protection des eaux : se- hors de ces zones, notamment à des fins des zones non bâties en Suisse. D’autres lon la LEaux, les autorités auraient dû touristiques. lois, relatives notamment à la protection prescrire des débits résiduels minimaux des eaux (LEaux) et des forêts (LFo), as- pour les captages existants au plus tard portants pouvoirs pourraient remédier à Des tribunaux cantonaux dotés d’im- sorties de leurs ordonnances, ont égale- en 2012. En dépit du mandat légal clair, ce problème. C’est sans compter qu’ils ment pour but de protéger la nature. les lits de rivières continuent de rester accordent parfois eux aussi un poids secs et sans vie en aval de nombreuses disproportionné aux intérêts locaux. De plus, ils ne peuvent agir que s’ils sont Les inventaires complètent les lois centrales électriques. Et les prescrip- De nombreuses zones où la nature est tions légales sont régulièrement ignorées saisis par un plaignant qui exige le res- particulièrement riche, unique, vulné- lorsqu’il s’agit d’octroyer des concessions pect des dispositions légales. En fin de rable et digne de protection sont réper- pour de nouvelles usines hydrauliques. compte, c’est à chaque autorité chargée toriées dans des inventaires fédéraux, L’instance judiciaire suprême, le Tri- de mettre en œuvre le droit qu’il revient comme l’Inventaire fédéral des pay- bunal fédéral, remet régulièrement les d’observer les dispositions légales. Sinon, sages, sites et monuments naturels d’im- autorités à leur place. Les violations notre législation progressiste risque bien portance nationale (IFP), l’Inventaire des de la loi sont également très fréquentes de rester lettre morte. bas-marais, celui des sites de reproduc- dans le domaine de l’aménagement du tion des batraciens, des sites marécageux territoire. En effet, de nombreuses com- FRANZISKA SCHEUBER est cheffe de projet en droit de l’environnement chez Pro Natura. Pro Natura Magazine 4/2014 dossier « Il manque parfois une certaine connaissance de la loi » Pro Natura : comment jugez-vous la vation de la biodiversité, le transfert du qualité de la législation sur l’environ- trafic de marchandises de la route au rail, nement en Suisse ? la diminution de la teneur en poussières Heribert Rausch : les fondements fines dans l’atmosphère et la réduction constitutionnels sont forts. « La Confé- des émissions de CO2 au plan national. dération et les cantons œuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre Comment expliquez-vous cette exécu- la nature, en particulier sa capacité de tion lacunaire ? renouvellement, et son utilisation par Dans la mesure où l’application du droit l’être humain », dispose la Constitution relève d’une autorité communale ou canto- fédérale (Cst.) à l’art. 73. Elle vise égale- nale chargée en priorité d’accomplir ment à protéger l’être humain et son en- d’autres tâches, il y a parfois une certaine vironnement naturel contre les atteintes méconnaissance de la loi. De plus, ces nuisibles ou incommodantes (art. 74). instances sont souvent proches des mi- Et l’aménagement du territoire doit ser- lieux concernés, contre les intérêts indivi- vir « une utilisation judicieuse et mesu- duels desquels il faudrait appliquer la loi rée du sol » (art. 75). Les dispositions re- dans l’intérêt général. Quelquefois même, latives aux eaux, aux forêts ainsi qu’à les magistrats cantonaux donnent l’im- la protection de la nature et du paysage pression de vouloir prouver leur indépen- (art. 76 à 78) sont tout aussi pertinentes. dance par rapport à Berne en mettant du Les articles énonçant le but, ainsi que les zèle à refuser d’exécuter le droit. dispositions fondamentales des lois fédérales concernées ne font pas de conces- Quelles mesures proposez-vous pour sions là-dessus. Par contre, leurs normes améliorer l’exécution ? opérationnelles ne sont pas toujours Le gouvernement national doit se rappe- cohérentes. Le fait de privilégier par ler l’art. 49, al. 2 de la Constitution selon exemple le trafic par rapport à d’autres lequel « la Confédération veille à ce que sources de bruit dans la Loi sur la pro- les cantons respectent le droit fédéral. » Il tection de l’environnement ou les révi- doit aussi faire régner l’ordre au sein de sions de la Loi sur l’aménagement du ter- sa propre administration. On ne peut pas ritoire, qui ont ouvert la zone agricole continuer de laisser l’Office fédéral du dé- à des utilisations toujours moins liées veloppement territorial regarder, les bras au sol. Le principal problème, toutefois, croisés, le mitage de notre pays se pour- est clairement l’exécution déficiente des suivre. km prescriptions en vigueur. Dans quels domaines est-elle la plus frappante ? Il existe de grosses lacunes dans les assainissements des débits résiduels et la revitalisation de cours d’eau, la conservation des surfaces d’assolement, la préserPro Natura Magazine 4/2014 Heribert Rausch, professeur émérite ordinaire de droit public à l’université de Zurich. Il est reconnu comme un pionnier en droit de l'environnement. 7 8 dossier Un changement de paradigme désastreux Les cantons qui enfreignent les exigences environnementales ont peu à craindre de la Confédération : l’OFEV considère que sa mission n’est plus d’assurer la protection de la nature mais de gérer les ressources, dans une juste représentation des intérêts. de passe-passe permet à l’OFEV de camoufler l’échec de la politique climatique suisse, et plus particulièrement l’augmentation constante des émissions de CO2 dues au trafic privé, totalement passée sous silence dans son communiqué de presse. Le fameux « changement de paradigme » de Bruno Oberle n’a pas trouvé un terrain favorable ni au sein ni à l’extérieur de l’Office. Le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) a noté en 2010 que la stratégie de positionner l’OFEV comme un « Office des ressources » et non un « Office de protection », ne s’est pas imposée à l’intérieur de l’Office. Les niveaux de direction inférieurs et les collaborateurs ne sauraient même pas ce que cela signifie concrètement. Les cantons de Suisse orientale ont également manifesté leur désaccord lors d’une rencontre avec l’OFEV, en déplorant son manque de leader- « La politique environnementale, c’est de la politique des res- ship dans la communication sur le climat. Ainsi, début mai à sources, donc c’est de la politique économique et sociale », Frauenfeld, l’OFEV a invité les professionnels de la communi- a déclaré Bruno Oberle, le directeur de l’Office fédéral de l’envi- cation de la Confédération, des cantons et des villes à une réu- ronnement (OFEV), juste après son entrée en fonction en 2006. nion de crise sur la « communication environnementale », lors Depuis, il ne promet rien de moins qu’un « changement de pa- de laquelle il a essuyé quelques critiques acerbes. radigme » et prêche l’abandon d’une « philosophie univoque de protection de l’environnement » au profit d’une « perspective « Un leadership clair » est souhaité économique globale. » En plus de l’aspect écologique, il sou- Dans le procès-verbal que l’OFEV a tenu de cette réunion, il haite remettre l’accent sur les dimensions économique et so- est souligné de manière lapidaire que « la communication ac- ciale de la durabilité. La « gestion des ressources » est le maître- tuelle ne fonctionne pas. » L’énergie et les transports sont des mot de cet ancien professeur de l’EPFZ. « thèmes environnementaux éminemment importants », mais hélas l’OFEV ne les considère pas « comme des domaines envi- Des chiffres trafiqués pour embrouiller les esprits ronnementaux », ce que les participants à la réunion ont quali- Lors d’une conférence de presse en avril dernier, M. Oberle a fié d’« absurde. » « Un leadership clair de l’OFEV » est nécessaire. montré ce qu’il entend exactement par là en déclarant que la Suisse avait atteint l’objectif fixé dans le protocole de Kyoto et importante des intérêts économiques, a aussi des conséquences Le «changement de paradigme», avec sa pondération plus ce « majoritairement grâce à des mesures de réduction au ni- négatives pour la protection des espèces. Pour le lynx par veau national ». Mais les faits prouvent le contraire : pour at- exemple, espèce pourtant strictement protégée, les milieux de teindre l’objectif de Kyoto, la Suisse aurait dû réduire ses émis- la chasse ont désormais le droit d’abattre un lynx dont la pré- sions de gaz à effet de serre de 4,2 millions de tonnes, afin de sence entraîne une réduction des populations de gibier. les abaisser de 52,8 à 48,6 millions de tonnes. En réalité, les gaz à effet de serre ont été réduits de 0,5 million de tonnes. Pour œuvre de la protection des paysages et monuments naturels atteindre l’objectif fixé à Kyoto, la Suisse a acheté des certifi- d’importance nationale (sites IFP). En 2003, la Commission de cats d’émissions à l’étranger, permettant ainsi une réduction de gestion du Conseil national constatait déjà une protection in- On déplore aussi des lacunes importantes dans la mise en 2,5 millions de tonnes, ce qui correspond à 60 % de l’objectif de suffisante des sites IFP dans un de ses rapports. Il a fallu dix Kyoto. Cet objectif a donc été atteint principalement à l’étranger ans pour que le Conseil fédéral décide enfin l’année dernière et pas en Suisse, comme l’a prétendu M. Oberle. une révision totale de l’Ordonnance IFP, sous l’égide de l’OFEV. Mais comment Bruno Oberle a-t-il abouti à cette affir- Malgré cette révision, on cherche encore en vain des sug- mation téméraire ? Fidèle à son « changement de paradigme », gestions d’amélioration pour les sites IFP dégradés. Ces amé- il a inclus la dimension économique et sociale du dévelop- liorations sont non seulement requises par la LPN, mais elles pement durable dans ses calculs – plus précisément la crois- sont plus que nécessaires. En témoignent notamment le diffé- sance économique et démographique. Il a ainsi gonflé ar- rend sur l’exploitation de l’énergie éolienne dans le site IFP de tificiellement les émissions de gaz à effet de serre de 52,8 à la Vallée de Joux ou la triste situation du Doubs, dont l’état ne 56,9 mio de tonnes. Il en a résulté une différence fictive de 4,1 cesse de se dégrader, bien qu’il soit largement protégé par la loi. mio de tonnes, que le directeur de l’OFEV a attribuée sans autre forme de procès à une réduction sur le plan national. Ce tour cantons : selon une enquête du bureau lucernois Interface, com- Le laxisme de l’OFEV ne fait pas que des heureux dans les Pro Natura Magazine 4/2014 dossier mandée par l’OFEV, les fonctionnaires cantonaux responsables 25 ans ». Il en va de même pour les dispositions sur les débits de la protection de la nature souhaitent « que l’OFEV défende résiduels « malgré une période transitoire de 20 ans ». mieux et davantage les intérêts de la protection du paysage au niveau de la Confédération ». Les lacunes dans l’application de du comité de Pro Natura Soleure, critique dans une interpel- la LPN viendraient du « manque de ressources et de volonté po- lation datant de mars 2013 le fait que l’OFEV attende l’achève- litique » des cantons. ment du plan d’action pour entreprendre des activités sur la Le conseiller national radical de Soleure Kurt Fluri, membre biodiversité bien qu’il y ait un « important retard à combler » « Eviter les conflits et rester en retrait » dans ce domaine. Il déplore également la manière dont l’OFEV L’OFEV essuie aussi les critiques des milieux politiques verts : considère son propre rôle. « L’OFEV ferait souvent preuve d’une selon la conseillère nationale socialiste grisonne et présidente grande retenue » et serait « très vite prêt au compromis ». de Pro Natura, Silva Semadeni, l’attitude de l’OFEV peut être qualifiée de « très en retrait ». Dans le domaine de la biodiver- fets positifs pour son directeur, M. Oberle : alors que sous son sité, la Suisse a « un gros retard à combler ». Elle estime encore prédécesseur, Philippe Roch, l’OFEV a été menacé à plusieurs La nouvelle conception du rôle de l’OFEV a au moins des ef- que l’OFEV « cherche plutôt à éviter les conflits avec les can- reprises d’une suppression ou de coupes budgétaires massives tons qui négligent la protection de la nature et du paysage ». La par des représentants des partis bourgeois, M. Oberle a été protection des marais, par exemple, « est toujours insuffisante épargné jusqu’ici par ce type d’attaques. malgré une base constitutionnelle claire existant depuis plus de KURT MARTI travaille comme journaliste à Brigue. Pro Natura Magazine 4/2014 9 10 dossier « Beaucoup de fonctionnaires sont mis sous pression » Le droit environnemental est souvent soumis à de fortes pressions et appliqué de manière laxiste. Trois chargés d’affaires de sections cantonales de Pro Natura partagent leurs expériences. Le gouvernement uranais veut à tout prix réaliser le complexe touristique d’Andermatt et nomme comme chef de projet le responsable du service de l’environnement. Ce service peut-il dès lors déterminer en toute indépendance si les lois sont respectées ? Pia Tresch : le chef de service alors en poste a fait du bon travail et il a pu intégrer plusieurs mesures de compensation dans le projet, ce qui nous a évité de faire opposition sur certains points. Par contre, il a dû se récuser dans le processus d’autorisation car il était soupçonné de partialité et le Conseil d’Etat a alors plutôt pris des décisions politiques que techniques ; le chef de l’environnement n’a donc pas pu agir là où il aurait dû. Le projet est immense avec un grand nombre de mesures de compensation. C’est mieux que rien, mais cela montre justement à quel point ce projet est insensé. Luca Vetterli : elles sont comme autant d’indulgences qui disculpent les tenants du projet. Tresch : exactement, parce que les lois sur l’environnement sont violées à différents niveaux ; à commencer par le Conseil fédéral qui a largement contourné la Lex Koller. caisses cantonales mais sont aussi respon- loi mais aussi envers leurs supérieurs. Il Est-ce que ce commerce d’indul- sables du traitement des oppositions aux est plus facile de ne pas être fidèle à la gences est aussi pratiqué dans d’autres centrales hydroélectriques. Difficile de pe- loi car elle est silencieuse. Je connais de cantons ? ser les intérêts en jeu en toute impartialité. nombreux fonctionnaires mis sous pres- le secteur de l’hydroélectricité. Il est fré- Les fonctionnaires sont-ils priés par notre sens car les intérêts économiques quent que des conseillers d’Etat siègent exemple de rédiger des évaluations vont souvent à l’encontre de ceux de la aux conseils d’administration des compa- qui agréent aux autorités ? nature. En outre, de nombreux fonction- gnies d’électricité. Ils apprécient les rede- Vetterli : les fonctionnaires cantonaux naires agissent dans le sens de leurs supé- vances hydrauliques qui remplissent les doivent faire preuve de loyauté envers la rieurs par une sorte d’excès de zèle. Vetterli : les intrications sont fortes dans sion. Et cette pression ne va jamais dans Pro Natura Magazine 4/2014 dossier Andreas Hasler : la pression économique savent qu’ils ne seront plus dans la course sont prises de temps en temps. Il nous est particulièrement forte dans le canton lors de la pesée des intérêts. Et l’autori- faut alors faire recours. de Zurich. Mais dans ce processus, nous té supérieure fait encore un compromis avons un réel rôle de correcteur. Le Tribu- à partir du compromis. C’est finalement Au plan fédéral, des conseillers natio- nal fédéral a par exemple admis nos re- l’environnement qui en paie le prix. naux et aux Etats des partis bourgeois ont menacé à plusieurs reprises de cours dans deux cas concernant l’Oberland zurichois et il a blâmé les autorités Lors de projets importants, les maîtres supprimer l'OFEV. Avez-vous connais- concernées. Mais nous nous exposons d’ouvrage doivent expliquer dans des sance d'intimidations de ce genre au aussi et passons souvent pour des empê- rapports d’impact sur l’environne- plan cantonal ? cheurs de tourner en rond. Etonnamment, ment (RIE) comment ils comptent ré- Hasler : on n’a pas besoin de suppri- duire les dommages. Un instrument mer un service, il suffit de lui couper ses efficace ? moyens financiers. Cette année, le Grand Tresch : de nombreux RIE sont de pures Conseil a de nouveau réduit de deux mil- expertises de complaisance. Cela n’a rien lions de francs le budget alloué à l’envi- d’étonnant car ils devraient être com- ronnement, ce qui était manifestement « Il est plus facile de ne pas être fidèle à la loi car la loi est silencieuse. » Luca Vetterli, Pro Natura Tessin. mandés par une instance neutre, c’est- une mesure politique punitive. à-dire par le canton ou la Confédération. Vetterli : il y a des années, je me suis oc- Lorsqu’ils sont ordonnés par le maître de cupé d’une importante affaire dans le do- la population apprécie en général que l’ouvrage, celui-ci peut influencer les bu- maine de l’hydroélectricité au Tessin. Lors nous intervenions, que nous protégions reaux d’écologie concernés. Plusieurs au- d’une réunion à Berne avec le directeur la nature et que nous luttions contre le teurs de ce type d’expertises m’ont dé- de l’OFEV de l’époque, un conseiller aux mitage du territoire. claré avoir de toute façon bien trop peu Etats lui a rappelé ouvertement que c’est Un contrôle indépendant est-il aussi de temps à disposition pour effectuer le Parlement qui vote le budget de l’OFEV. une analyse sérieuse. D’autre part, s'ils Par la suite, l’Office a défendu une posi- réalisé au niveau judiciaire ? ne modifient pas le RIE dans le sens de tion différente de celle qu’on aurait atten- Tresch : la tendance va dans ce sens leurs mandants, ils ne reçoivent plus de due de lui. mais les tribunaux se basent sur l’avis du mandats. Quand nous regardons de près canton. ces expertises, nous avons souvent de la Vetterli : c’est pourquoi il est si lourd de peine à croire ce qui y est écrit. conséquences que les autorités environ- Vetterli : le manque de courage civique nementales modifient des évaluations nous complique beaucoup la vie. J’ai en- techniques sous la pression. Que l’auto- couragé de nombreux employés de ser- rité supérieure prenne une décision poli- vices cantonaux de l’environnement à ne tique me préoccupe moins. Il y a au moins jamais modifier leur position. Seuls ceux « De nombreux rapports d'impact sur l'environnement sont de pures expertises de complaisance. » Pia Tresch, Pro Natura Uri. de la transparence et la décision peut être qui ont changé leur position se retrouvent Tresch : les sommes allouées à la na- attaquée. à nouveau sous pression. Après un cer- ture et à l’environnement sont remises Hasler : il peut aussi arriver que des tain temps, les autres sont laissés en paix. en question à chaque débat sur le bud- juges fassent réévaluer des décisions en demandant des expertises, mais c’est plutôt l’exception. Généralement, la difficulté des cas environnementaux réside dans le fait qu’il ne s’agit pas de questions mathématiques : si cela se résumait à deux plus deux font quatre, la situation serait claire. Mais il y a une grande marge de get mené par le Grand Conseil. Certains « La grande marge de manœuvre est largement utilisée au détriment de la nature. » Andreas Hasler, Pro Natura Zurich. députés, surtout les représentants des milieux agricoles, tentent toujours de supprimer des postes pour les récupérer à leur profit. Il n’est pas rare d’entendre dire que le Service de la protection de l’environnement ou la Section Protection de la nature et du paysage ne comptent que des manœuvre qui est largement utilisée au Hasler: après, il y a toujours l’étude d’im- gratte-papier et qu’on peut sabrer allègre- détriment de la nature. pact sur l’environnement dans laquelle le ment dans leur budget. Vetterli : raison pour laquelle de nom- canton évalue le RIE. Le canton de Zu- breux services de l’environnement re- rich y recourt assez régulièrement même cherchent d’emblée le compromis car ils si des décisions à connotation politique Pro Natura Magazine 4/2014 RAPHAEL WEBER, rédacteur en chef du magazine Pro Natura. 11 12 dossier « C'est alors que des tensions surgissent ... » Et les moyens financiers sont-ils suffisants ? Non. Les coupes budgétaires mettent en péril les investissements faits ces dernières années pour la remise en état du patrimoine naturel. Actuellement, l’ar- Sur la scène politique, la protection de la nature vit des moments difficiles, d'après Bertrand von Arx, président de la Conférence des délégués à la protection de la nature et du paysage (CDPNP). Cet aspect est souvent négligé, voire ignoré dans de nombreux projets. le plan national, l’adoption de la Straté- gent nécessaire pour l’entretien des bio- gie Biodiversité Suisse, ainsi que l’adop- topes d’importance nationale, régionale et tion à l’unanimité par le Grand Conseil locale n’est assuré qu’à moins de la moi- genevois d’une loi sur la promotion de tié des sommes nécessaires par les can- la biodiversité – la première en Suisse – tons. C’est notamment une partie de la semble néanmoins indiquer que cette contribution de la Confédération qui fait politique publique gagne du terrain et défaut. Le nombre insuffisant de collabo- s’invite dans les débats stratégiques. Dans rateurs dans les services compétents em- la planification et dans l’application pra- pêche une collaboration transversale effi- Pro Natura : dans la pratique, la protec- tique cependant, la démarche commune ciente avec les multiples projets et interlo- tion de la nature et du paysage n'est- et concertée n’est pas encore une habitude cuteurs concernés. elle pas reléguée au second plan ? bien ancrée. Bertrand von Arx: la politique de la protection de la nature et du paysage a connu Certains de vos collègues vous mettent une période de forte reconnaissance par le les bâtons dans les roues ? peuple, notamment à l’époque de l’initia- Il ne faut pas exagérer. La protection de la tive de Rothenturm pour la protection des nature et du paysage est par essence une marais en 1987. Puis, c’est vrai, cette po- politique transversale, nous sommes donc litique publique a peu à peu été délaissée habitués à chercher des solutions prag- au profit d’autres thématiques en lien avec matiques avec nos collègues des autres l’économie. Mais je pense qu’aujourd’hui domaines, ce qui est moins coutumier elle retrouve une écoute auprès des élus, chez eux. Mais les aspects nature et pay- notamment pour ses avantages sociaux, sage sont parfois négligés, voire plus ou le bien-être et la qualité de vie pour la moins volontairement ignorés lors des ré- population. flexions initiales des planifications ou des projets. Lorsque l’information nous par- Bertrand von Arx, responsable de la biodiversité du canton de Genève : « Il y a un nombre insuffisant de collaborateurs dans les services compétents. » vient, nous constatons des écarts avec les bases légales, souvent dûs à l’ignorance des nombreux aspects légaux. Les modifications entraînent ensuite tensions et coûts supplémentaires que personne ne veut assumer. C’est donc un combat de tous les jours Protéger la nature, est-ce uniquement pour être reconnu ? un facteur de bien-être ? Certes, dans certains cantons, le service Assurer la survie de la flore et de la faune compétent a été rétrogradé hiérarchique- de notre pays, ainsi que des milieux dont ment au sein du département dans lequel ils dépendent, est une priorité intrinsèque il se trouve, mais la thématique de protec- pour nous. Les fonctions accomplies par la tion de la nature et du paysage reste d’ac- nature ne sont pas encore bien comprises, tualité dans l’agenda politique, notamment ni le lien entre les différentes composantes avec le soutien d’autres politiques comme de la nature et les bénéfices que peut en l’énergie, l’agriculture, la chasse ou l’amé- tirer la population, voire l’économie. Sur nagement du territoire. Pro Natura Magazine 4/2014 à propos Urs Leugger-Eggimann, secrétaire central de Pro Natura Comptez-vous alors sur le travail des associations ? Nous sommes partenaires et complémen- Les lois ne doivent pas rester lettre morte taires. Les services cantonaux accomplissent les tâches qui leur sont assignées par les En pleine période de l’Avent 2013, les conseillers d’Etat, po- bases légales en vigueur. Les associations, liticiens et fonctionnaires supérieurs de Bâle-Campagne se elles, sont intégrées dans la préparation des sont donné rendez-vous, en présence de nombreux photo- dossiers ou des projets dans un processus graphes, pour l’inauguration de l’A22, une route à grand dé- participatif, par exemple par le biais de com- bit reliant Pratteln au chef-lieu Liestal. Un projet qui avait missions consultatives. Elles ont aussi un duré plusieurs décennies et coûté des centaines de millions rôle important à jouer sur le terrain en repré- de francs s’achevait (provisoirement). sentant l’humeur et la vision des citoyens. Si Ce qui ne s’est guère dit entre le champagne et les amuse- les bases légales sont ignorées ou interpré- bouches, c’est que la réalisation d’une partie des contre-pres- tées en défaveur de la nature et du paysage, tations écologiques était non seulement renvoyée aux calendes elles doivent intervenir fermement. grecques, mais carrément remise en question sur des points FLORENCE KUPFERSCHMID-ENDERLIN, rédactrice romande du magazine Pro Natura. ment de la route cantonale parallèle au plus tôt de 2022 à 2027, importants. La direction compétente envisage le démantèleet des paramètres essentiels de cette mesure de remplacement sont à nouveau remis en cause. Détail particulièrement piquant: tant l’étude d’impact sur l’environnement que le dossier relatif à la votation populaire garantissaient la réalisation de ces mesures directement après l’ouverture de la voie rapide. Cet exemple montre clairement que lors de pesées d’inté- rêts, la nature est marginalisée par rapport aux aspects économiques. Et cela même dans les cantons qui se veulent pionniers en matière de protection de la nature et du paysage. Les décisions prises par les autorités en charge de la nature sur la base d’arguments scientifiquement fondés sont balayées par les services supérieurs. Les marges de manœuvre et les possibilités de dérogations légales sont plus qu’exploitées. Dans les discussions sur les budgets, les parlementaires menacent de fermer les vannes financières si les autorités prennent trop au sérieux leurs tâches – qui, soulignons-le, sont pourtant inscrites dans la loi. Les associations environnementales se voient alors trop souvent obligées de corriger le tir et de dénoncer au tribunal les manquements des juridictions inférieures. Le taux de succès élevé de nos recours indique que les dispositions légales sur la protection de la nature et de l’environnement sont bonnes dans de nombreux domaines mais (trop) fréquemment méprisées des décideurs politiques. En outre, les autorités et les exécutifs n’aiment guère chercher la confrontation quand le soutien politique fait défaut. Il est donc nécessaire d’agir pour que le droit de l’environnement ne reste pas lettre morte et que les politiciens aient aussi le courage de se profiler en respectant les prescriptions légales. Pro Natura Magazine 4/2014