cet article
Transcription
cet article
E N Q U Ê T E COMMENT Les Parisot broient du prolo PATERNITÉ LE TEST PRÉ-NATAL QUI FAIT MAL Printemps arabE pays, femmes, tribunes CAMPAGNE 2012 MARIE-AGNÈS gillot L’étoile puissante de l’opéra #20 - Janvier 2012 France METRO : 4,90 € - BEL/LUX : 5,50 € DOM/S : 5,60 € - CH : 7,80 FS – CAN : 7,95 $ cad plonk & replonk, corinne masiero, Bref, giedré Paul Watson : Le pirate SAUVEUR de baleineS L 16045 - 20 - F: 4,90 € la cab i ne d ’ effeu i llage Paul Watson Cœur de pirate Cofondateur de Greenpeace, aujourd’hui à la tête de l’ONG Sea Shepherd, le capitaine Paul Watson est un activiste dédié, à la vie à la mort, à la protection des océans et des espèces maritimes. Avec une armada de bénévoles et une flotte de navires impressionnante, il vient de mettre le cap sur l’Antarctique, à la poursuite des chasseurs de baleines. CAUSETTE #20 • 69 la cabine d’effeuillage la cabine d’effeuillage h En 2008, 2009 et 2011, pendant les campagnes de Sea Shepherd en Antartique contre les baleiniers japonnais « Êtes-vous prêt à mourir ? » Car il ne faut pas se fier au doux blanc de sa barbe ou de ses cheveux, pas plus qu’à ses joues rondes et roses ou au nom de son organisation, Sea Shepherd, qui signifie « berger de la mer ». Nécessité faisant loi, Watson a troqué le bâton pour passer à la tête d’une flotte de navires impressionnante : un brise-glace de 1 200 tonnes, un ancien patrouilleur écossais de 53 mètres, un trimaran ultrarapide aux allures de Batmobile, six zodiaques et un hélicoptère. À leur bord : près de cent membres d’équipage de plus de vingt nationalités différentes. La plupart bénévoles, ils sont choisis chaque année parmi quelque 2 000 candidatures. À chacun de ces volon- 70 • CAUSETTE #20 taires, Watson demande : « Êtes-vous prêt à mourir pour sauver une baleine ? » Il est très sérieux. « S’ils répondent “non”, je ne les prends pas. » Ceux qui embarquent pour l’Antarctique ne doivent pas s’attendre à une virée en mer où l’on écoute le chant des baleines en fumant des joints. « On est dans l’environnement océanique le plus hostile, à 2 000 miles [3 700 kilomètres] des premiers secours. Et on est confronté à des ennemis agressifs. Donc oui, on risque nos vies. » La chasse à la baleine est interdite depuis 1986, mais, sous couvert de recherche scientifique, le Japon continue de tuer des rorquals dans le sanctuaire de l’océan Austral, pour garnir les étals de l’archipel. Les activistes de Sea Shepherd ont donc décidé de revenir chaque année à la saison de la chasse jouer les shérifs des mers. Une fois les harponneurs japonais repérés, c’est la guerre : ils tirent des câbles pour entraver les hélices de leurs ennemis, mitraillent au paintball la coque de leurs bateaux d’une peinture rouge sang, balancent sur leur pont des boules puantes et du beurre rance. Point d’orgue de leur combat, ils s’interposent entre les harponneurs et leur bateau-usine. Si un cadavre de baleine n’est pas hissé et stocké dans des caves frigorifiées dans les vingt-quatre heures qui suivent, il pourrit. Empêchés, les Japonais renoncent. Pas avant d’avoir répliqué toutefois : « Ils nous ont déjà tiré dessus, mais on porte tous des gilets pare-balles sur le pont, raconte le capitaine. Ils utilisent des ondes sonores à haute fréquence [qui causent désorientation et nausées, ndlr], des canons à eau. Ils ont coupé en deux un de nos bateaux et failli tuer six personnes. Ils ont été extrêmement violents. » Nager avec les castors Photos : Barbara Veiga and Adam Lau/Sea Shepherd Conservation Society I l navigue en ce moment quelque part à l’extrême sud du globe, au milieu d’un océan qui court sur 20 millions de kilomètres carrés. Là où les vents sont les plus forts de la Terre et se nomment les « rugissants » ou les « hurlants ». Au bord d’un continent de glace qui n’offre qu’un désert de vie. Cet hiver, le capitaine Paul Watson est en Antarctique, comme chaque année depuis huit ans. Il protège les baleines du pillage des braconniers des mers. Il a revêtu des habits noirs et s’est siglé d’une tête de mort sous laquelle se croisent un trident et une crosse de berger. Par miracle, il n’y a jamais eu de blessé grave. Et des baleines ont été sauvées. La première année, 83. L’an dernier, 870. Les Japonais ont écourté leur campagne alors qu’ils n’avaient pêché qu’un cinquième des prises espérées. Aujourd’hui, ils sont donc particulièrement remontés et viennent de déposer une plainte contre Sea Shepherd, en invoquant des risques de blessures parmi leurs équipages et des dommages à leurs navires. « Arrêtez-moi ou fermez-la, leur répond Paul Watson. Nous n’avons jamais été condamnés, nous n’avons jamais rien fait d’illégal. » À 61 ans, le capitaine ne s’est pas résolu à mettre de l’eau dans son vin. « C’est un homme sans concessions », dit de lui Lamya Essemlali, qui dirige l’antenne française de Sea Shepherd. Sa ligne n’a pas bougé d’un iota depuis le début. Pas surprenant qu’il tienne en horreur les hommes politiques. La seule politique qui vaille aux yeux de Watson, c’est l’écologie, dont il s’est entiché à Saint Andrews, le village de pêcheurs où il a grandi, dans la province canadienne du New Brunswick. Watson prend l’habitude d’aller nager avec une famille de castors. Un jour, il ne les retrouve plus et réalise qu’ils ont été piégés par des trappeurs du coin. « J’ai commencé à les libérer et à détruire les pièges. » C’est l’acte fondateur de son « Entre 1980 et 2045, nous aurons perdu plus d’espèces d’animaux et de plantes que nous n’en avons perdu en soixante-cinq millions d’années » CAUSETTE #20 • 71 la cabine d’effeuillage la cabine d’effeuillage engagement. Il a alors 10 ans. À 18 ans, tout en étudiant la communication et la linguistique à Vancouver et en exerçant la fonction de garde-côtes, il participe à la fondation du comité Don’t Make a Wave, qui lutte contre les essais nucléaires sur l’île d’Amchitka, au large de l’Alaska. Il se souvient : « Les gens étaient mus par des motivations antinucléaires. Moi, je m’étonnais qu’on n’ait pas le droit d’utiliser une arme à feu sur l’île, mais qu’on puisse faire exploser une bombe juste en dessous. Une explosion précédente avait déjà tué un millier de mouettes et de nombreux phoques. Ma motivation, c’était les animaux marins. » Trois ans plus tard, en 1972, Don’t Make a Wave devient la fon- dation Greenpeace. La première campagne de l’organisation non gouvernementale (ONG) contre la chasse aux baleines, c’est Watson qui la mène. Brigitte Bardot qui pose sur la banquise avec des bébés phoques, c’est encore lui. « Pas un grand fan de l’espèce humaine » Des dissensions internes auront raison de cet engagement. Officiellement, il est écarté de la direction pour avoir molesté un chasseur qui s’apprêtait à tuer un phoque. Watson relativise : « C’est la meilleure chose qui me soit arrivée, car ça m’a permis de créer Sea Shepherd. » Mais la pilule a sans 1. Greenpeace ne souhaite pas réagir aux critiques de Watson. En 2008, l’ONG avait toutefois fait une mise au point en expliquant que, bien que défendant la même cause, elle était en désaccord avec les « méthodes violentes » de Sea Shepherd. 72 • CAUSETTE #20 doute été dure à avaler. Aujourd’hui, il ne mâche pas ses mots : « Greenpeace est devenue la plus grosse bureaucratie pourvoyeuse de bonne conscience. Ils ne vont plus dans les océans du Sud pour protéger les baleines depuis 2006. Nous, nous ne sommes pas là pour protester, mais pour intervenir. » Voilà pour le modus operandi. Et tant pis si ça dérange 1, le capitaine n’a pas vocation à gagner un concours de popularité, mais à « sauver des vies ». L’hiver, ici, en Antarctique, et le reste de l’année en Méditerranée ou dans l’Atlantique. « Nos clients sont les baleines, les dauphins, les requins, les thons rouges, les tortues, les oiseaux... » C’est vrai, Watson est fasciné par les créatures marines et place leur intelligence au-dessus de celles des hommes. « Ce n’est pas un grand fan de l’espèce humaine », concède Lamya Essemlali. Mais cette attitude ne relève pas de la misanthropie pure et dure, plutôt d’une colère contre l’inconséquence des hommes. Les images coup de poing ne manquent pas : au milieu du Pacifique, une plaque de déchets s’est accumulée dans laquelle la concentration de plastique est six fois plus élevée que le zooplancton ; les chats domestiques mangent aujourd’hui plus de poisson que tous les phoques du monde ; le plus gros prédateur marin est désormais le cochon, puisqu’environ la moitié du poisson pêché en mer est transformé en farine pour les élevages animaux. « Nous sommes en train de commettre un suicide collectif, alerte Watson. Nous vivons la sixième extinction majeure des espèces. Entre 1980 et 2045, nous aurons perdu plus d’espèces d’animaux et de plantes que nous n’en avons perdu en soixante-cinq millions d’années. » Le capitaine sait que la Terre s’en remettra, en quelques dizaines de millions d’années. Mais l’Homme ? « Il n’est pas possible de vivre sur cette planète avec des océans morts. » Alors ? Alors, quand les ressources auront été définitivement surexploitées pour faire vivre nos sept milliards d’individualités, il n’y aura d’autre issue que le crash : « Il y aura des famines, des épidémies et des guerres, prédit le capitaine. Les hommes seront remis à leur place et ils apprendront à vivre en harmonie avec la biosphère. » Commandant Cousteau et James Bond Tout en annonçant l’apocalypse, Watson continue de dire qu’il est un homme heureux et optimiste. Il cite en exemple Jacques-Yves Cousteau, l’éthologue Dian Fossey – « sans elle, il n’y aurait plus de gorilles au Rwanda » –, mais aussi Gandhi, des abolitionnistes de l’esclavage ou encore les suffragettes. « On en revient toujours à la passion d’individus qui arrivent à passer en force grâce à une volonté de fer. » Cela fait plus de quarante ans que Paul s’y colle. En 2011, il n’a passé que deux semaines dans sa maison de l’île San Juan, à l’extrême nord-ouest des États-Unis. Il dort cinq heures par nuit et juge que « le boulot parfait, c’est celui qu’on fait sept jours sur sept sans jamais prendre sa retraite, même quand on n’est pas payé ». Lui l’est, toutefois : il arrive à gagner 200 000 dollars par an à force de conférences, de films et de livres. La moitié part directement dans les caisses de Sea Shepherd. Car il en faut, des dollars, pour retaper un briseglace. Parmi les bienfaiteurs de l’ONG, on retrouve un patron de casinos de Las Vegas, des millionnaires, mais aussi des acteurs qui ont remis leur costume de superhéros : James Bond (Sean Connery et Pierce Brosnan), Batman (Christian Bale) et MacGyver (Richard Dean Anderson). Fidèle parmi les fidèles, Brigitte Bardot met régulièrement la main au portefeuille et continue d’appeler Paul « le capitaine de mon cœur ». WikiWatson Car Watson a quelque chose du Don Juan romantique. Qui s’est marié trois fois et a divorcé autant. « Mon style de vie n’est pas fait pour le mariage », reconnaît-il. Sa première épouse est aussi la mère de sa fille, la deuxième était mannequin pour Playboy. « Ça a été un désastre, tranche-t-il. Elle avait tendance à tout vouloir contrôler et je n’ai pas le caractère de quelqu’un qui se dispute. Alors, je me suis enfui. » Paul a le sang-froid et dit n’avoir jamais élevé la voix. Si la discipline règne dans ses navires, c’est par nécessité. Oubliez l’image d’un capitaine Haddock tonitruant. Le seul conseil qu’il ait donné à sa fille fut de ne pas se marier avant 30 ans et de ne jamais laisser un homme contrôler sa vie. « Je lui ai dit qu’elle était son propre patron et que, quoi qu’elle fasse, je la soutiendrai. » À 20 ans, il avait suivi ses rêves d’alors et s’était installé six mois en Grèce pour écrire des poèmes : « Mais je n’avais pas assez vécu d’expériences et je n’ai plus écrit jusqu’à mes 45 ans. » Il n’a en revanche pas cessé de lire. « C’est une encyclopédie, la personne la plus cultivée que je connaisse, décrit Lamya Essemlali. On l’appelle WikiWatson. » Et il a finalement écrit une série de poèmes qui parlent de pingouins et de requins, mais aussi de « tueurs vicieux » de baleines, ou encore du tragique destin d’Amy Winehouse... Finalement, l’univers du capitaine Watson ressemble à celui que chante Paco Ibañez dans Le Bon Petit Loup 2. C’est un « monde à l’envers », où les sorcières sont belles, les princes mauvais et les pirates honnêtes. Julia Pascual - Photos : Claire Martin / Oculi / Agence Vu pour Causette 2. El lobito bueno, poème de l’Espagnol José Agustin Goytisolo chanté par Paco Ibañez. CAUSETTE #20 • 73 Abonnement L’abonnement vous permet de recevoir le magazine partout où il y a un facteur et de rester au chaud dans mes petits papiers ! Le réabonnement est une plus belle affaire et je vous offre un numéro supplémentaire ! En ligne sur causette.fr/abonnement, sur papier libre ou avec ce bulletin, en l’envoyant accompagné d’un chèque à l’ordre de Causette à : Causette - Service abonnement - 121 rue de Charonne - 75011 Paris. Le service abonnement est à votre disposition : [email protected] Merci à toutes et à tous, et que l’aventure continue ! Prénom : Nom : Adresse : Code postal : Ville : Pays : E-mail : Âge : Marraine (Prénom, nom, e-mail) : Causette ne vend pas les adresses de ses abonné(e)s. Une fois abonné(e), vous pouvez devenir marraine : lorsque vous offrez un abonnement, indiquez votre contact. Cela marche également si une nouvelle abonnée annonce qu’elle vient de votre part. Pour chaque filleul(e) déclaré(e), nous ajoutons un numéro à votre abonnement ! Un bon moyen de soutenir Causette ! JE M’ABONNE ! JE ME RÉABONNE ! ou j’offre un abonnement et nous vous offrons un numéro à paraître ! Débuter avec le numéro : r en cours r6 +1 numéros : 29 € au lieu de 34,3 € Europe : 33 €, monde : 36 € Tarif réduit* : 23 €, Europe : 26 €, monde : 28 € r suivant r6 numéros : 29 € Europe : 33 €, monde : 36 € Tarif réduit* : 23 €, Europe : 26 €, monde : 28 € r 1 2 numéros : 55 € au lieu de 58,8 € Europe : 66 €, monde : 70 € Tarif réduit* : 44 €, Europe : 52 €, monde : 56 € r2 4 numéros : 95 € au lieu de 117,6 € Europe : 115 €, monde : 125 € Tarif réduit* : 76 €, Europe : 92 €, monde : 100 € r 1 2+1 numéros : 50 € au lieu de 63,7 € Europe : 60 €, monde : 65 € Tarif réduit* : 40 €, Europe : 48 €, monde : 52 € r2 4+1 numéros : 90 € au lieu de 122,5 € Europe : 110 €, monde : 120 € Tarif réduit* : 72 €, Europe : 88 €, monde : 96 € * Je ne vous offre toujours pas de cafetière Nespuccino, encore moins de it-trousse make-up pour vous inciter à vous abonner... En revanche, je suis heureuse de pouvoir, à présent, proposer des tarifs réduits (– 20 %) aux étudiant(e)s et aux chômeurs/euses ! Envoyez simplement une photocopie de votre carte en cours de validité à la date du début de l’abonnement. Retrouvez les anciens numéros sur www.causette.fr l’indépendance, ensemble ! r Je fais un don de € au profit de Et je libelle mon chèque à l’ordre de : Presse et Pluralisme/Causette Je précise mes coordonnées (afin que Presse et Pluralisme puisse émettre le reçu fiscal qui me permettra de bénéficier de la réduction sur mon impôt sur le revenu 2012, acquitté en 2013). Causette a intégré l’association Presse et Pluralisme. Créée pour développer le mécénat de presse, cette association favorise une presse forte et pluraliste en permettant aux lecteurs de devenir des partenaires du développement de leurs titres préférés. Elle recueille les dons des lecteurs, les oriente vers le journal de leur choix et leur fait bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 66 % dans la limite de 20 % de leur revenu imposable. Par exemple... Nom Prénom Adresse Code postal Ville E-mail Téléphone Coupon à compléter et à retourner accompagné de votre chèque exclusivement à : Presse et Pluralisme, TSA 32649 91764 Palaiseau Cedex LorsquE vous faites un don de Vous déduisez de votre impôt Il vous coûtera seulement 100€ 500€ 66€ 330€ 34 € 170 € Les informations recueillies sont indispensables au traitement de votre don. Elles sont enregistrées dans le respect de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Vous bénéficiez, sur simple justification de votre identité, d'un droit d'accès, de regard et de rectification sur toutes les informations vous concernant contenues dans nos fichiers.