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Paul Watson : Le pirate SAUVEUR de baleineS
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cab i ne
d ’ effeu i llage
Paul Watson
Cœur de pirate
Cofondateur de Greenpeace, aujourd’hui à la tête de l’ONG Sea Shepherd, le
capitaine Paul Watson est un activiste dédié, à la vie à la mort, à la protection des
océans et des espèces maritimes. Avec une armada de bénévoles et une flotte de
navires impressionnante, il vient de mettre le cap sur l’Antarctique, à la poursuite
des chasseurs de baleines.
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la cabine
d’effeuillage
la cabine
d’effeuillage
h En 2008, 2009 et 2011, pendant les campagnes de Sea Shepherd en Antartique contre les baleiniers japonnais
« Êtes-vous prêt à mourir ? »
Car il ne faut pas se fier au doux blanc de sa barbe ou de ses
cheveux, pas plus qu’à ses joues rondes et roses ou au nom
de son organisation, Sea Shepherd, qui signifie « berger de
la mer ». Nécessité faisant loi, Watson a troqué le bâton pour
passer à la tête d’une flotte de navires impressionnante : un
brise-glace de 1 200 tonnes, un ancien patrouilleur écossais
de 53 mètres, un trimaran ultrarapide aux allures de Batmobile, six zodiaques et un hélicoptère. À leur bord : près de
cent membres d’équipage de plus de vingt nationalités différentes. La plupart bénévoles, ils sont choisis chaque année
parmi quelque 2 000 candidatures. À chacun de ces volon-
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taires, Watson demande : « Êtes-vous prêt à mourir pour sauver une baleine ? » Il est très sérieux. « S’ils répondent “non”,
je ne les prends pas. » Ceux qui embarquent pour l’Antarctique ne doivent pas s’attendre à une virée en mer où l’on
écoute le chant des baleines en fumant des joints. « On est
dans l’environnement océanique le plus hostile, à 2 000 miles
[3 700 kilomètres] des premiers secours. Et on est confronté
à des ennemis agressifs. Donc oui, on risque nos vies. » La
chasse à la baleine est interdite depuis 1986, mais, sous couvert de recherche scientifique, le Japon continue de tuer des
rorquals dans le sanctuaire de l’océan Austral, pour garnir les
étals de l’archipel.
Les activistes de Sea Shepherd ont donc décidé de revenir
chaque année à la saison de la chasse jouer les shérifs des
mers. Une fois les harponneurs japonais repérés, c’est la
guerre : ils tirent des câbles pour entraver les hélices de leurs
ennemis, mitraillent au paintball la coque de leurs bateaux
d’une peinture rouge sang, balancent sur leur pont des boules
puantes et du beurre rance. Point d’orgue de leur combat, ils
s’interposent entre les harponneurs et leur bateau-usine. Si un
cadavre de baleine n’est pas hissé et stocké dans des caves
frigorifiées dans les vingt-quatre heures qui suivent, il pourrit.
Empêchés, les Japonais renoncent. Pas avant d’avoir répliqué
toutefois : « Ils nous ont déjà tiré dessus, mais on porte tous des gilets pare-balles sur
le pont, raconte le capitaine. Ils utilisent des ondes sonores à haute fréquence [qui
causent désorientation et nausées, ndlr], des canons à eau. Ils ont coupé en deux un
de nos bateaux et failli tuer six personnes. Ils ont été extrêmement violents. »
Nager avec les castors
Photos : Barbara Veiga and Adam Lau/Sea Shepherd Conservation Society
I
l navigue en ce moment quelque part à l’extrême sud du
globe, au milieu d’un océan qui court sur 20 millions de
kilomètres carrés. Là où les vents sont les plus forts de
la Terre et se nomment les « rugissants » ou les « hurlants ».
Au bord d’un continent de glace qui n’offre qu’un désert
de vie. Cet hiver, le capitaine Paul Watson est en Antarctique, comme chaque année depuis huit ans. Il protège les
baleines du pillage des braconniers des mers. Il a revêtu des
habits noirs et s’est siglé d’une tête de mort sous laquelle se
croisent un trident et une crosse de berger.
Par miracle, il n’y a jamais eu de blessé grave. Et des baleines ont été sauvées. La
première année, 83. L’an dernier, 870. Les Japonais ont écourté leur campagne
alors qu’ils n’avaient pêché qu’un cinquième des prises espérées. Aujourd’hui, ils
sont donc particulièrement remontés et viennent de déposer une plainte contre
Sea Shepherd, en invoquant des risques de blessures parmi leurs équipages et
des dommages à leurs navires. « Arrêtez-moi ou fermez-la, leur répond Paul Watson. Nous n’avons jamais été condamnés, nous n’avons jamais rien fait d’illégal. »
À 61 ans, le capitaine ne s’est pas résolu à mettre de l’eau dans son vin. « C’est
un homme sans concessions », dit de lui Lamya Essemlali, qui dirige l’antenne
française de Sea Shepherd. Sa ligne n’a pas bougé d’un iota depuis le début. Pas
surprenant qu’il tienne en horreur les hommes politiques. La seule politique qui
vaille aux yeux de Watson, c’est l’écologie, dont il s’est entiché à Saint Andrews, le
village de pêcheurs où il a grandi, dans la province canadienne du New Brunswick.
Watson prend l’habitude d’aller nager avec une famille de castors. Un jour, il ne
les retrouve plus et réalise qu’ils ont été piégés par des trappeurs du coin. « J’ai
commencé à les libérer et à détruire les pièges. » C’est l’acte fondateur de son
« Entre 1980 et 2045,
nous aurons perdu
plus d’espèces
d’animaux et de
plantes que nous
n’en avons perdu en
soixante-cinq millions
d’années »
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la cabine
d’effeuillage
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d’effeuillage
engagement. Il a alors 10 ans. À 18 ans, tout en étudiant
la communication et la linguistique à Vancouver et en exerçant la fonction de garde-côtes, il participe à la fondation
du comité Don’t Make a Wave, qui lutte contre les essais
nucléaires sur l’île d’Amchitka, au large de l’Alaska.
Il se souvient : « Les gens étaient mus par des motivations
antinucléaires. Moi, je m’étonnais qu’on n’ait pas le droit
d’utiliser une arme à feu sur l’île, mais qu’on puisse faire
exploser une bombe juste en dessous. Une explosion précédente avait déjà tué un millier de mouettes et de nombreux
phoques. Ma motivation, c’était les animaux marins. » Trois
ans plus tard, en 1972, Don’t Make a Wave devient la fon-
dation Greenpeace. La première campagne de l’organisation
non gouvernementale (ONG) contre la chasse aux baleines,
c’est Watson qui la mène. Brigitte Bardot qui pose sur la
banquise avec des bébés phoques, c’est encore lui.
« Pas un grand fan
de l’espèce humaine »
Des dissensions internes auront raison de cet engagement.
Officiellement, il est écarté de la direction pour avoir molesté
un chasseur qui s’apprêtait à tuer un phoque. Watson relativise : « C’est la meilleure chose qui me soit arrivée, car ça
m’a permis de créer Sea Shepherd. » Mais la pilule a sans
1. Greenpeace ne souhaite pas réagir aux critiques de Watson. En 2008, l’ONG avait toutefois fait une mise au point en expliquant que, bien que défendant
la même cause, elle était en désaccord avec les « méthodes violentes » de Sea Shepherd.
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doute été dure à avaler. Aujourd’hui, il ne mâche pas ses
mots : « Greenpeace est devenue la plus grosse bureaucratie
pourvoyeuse de bonne conscience. Ils ne vont plus dans les
océans du Sud pour protéger les baleines depuis 2006. Nous,
nous ne sommes pas là pour protester, mais pour intervenir. »
Voilà pour le modus operandi. Et tant pis si ça dérange 1, le
capitaine n’a pas vocation à gagner un concours de popularité, mais à « sauver des vies ». L’hiver, ici, en Antarctique, et le
reste de l’année en Méditerranée ou dans l’Atlantique. « Nos
clients sont les baleines, les dauphins, les requins, les thons
rouges, les tortues, les oiseaux... »
C’est vrai, Watson est fasciné par les créatures marines et
place leur intelligence au-dessus de celles des hommes.
« Ce n’est pas un grand fan de l’espèce humaine », concède
Lamya Essemlali. Mais cette attitude ne relève pas de la
misanthropie pure et dure, plutôt d’une colère contre l’inconséquence des hommes. Les images coup de poing ne
manquent pas : au milieu du Pacifique, une plaque de déchets
s’est accumulée dans laquelle la concentration de plastique
est six fois plus élevée que le zooplancton ; les chats domestiques mangent aujourd’hui plus de poisson que tous les
phoques du monde ; le plus gros prédateur marin est désormais le cochon, puisqu’environ la moitié du poisson pêché
en mer est transformé en farine pour les élevages animaux.
« Nous sommes en train de commettre un suicide collectif,
alerte Watson. Nous vivons la sixième extinction majeure des
espèces. Entre 1980 et 2045, nous aurons perdu plus d’espèces d’animaux et de plantes que nous n’en avons perdu
en soixante-cinq millions d’années. »
Le capitaine sait que la Terre s’en remettra, en quelques
dizaines de millions d’années. Mais l’Homme ? « Il n’est pas
possible de vivre sur cette planète avec des océans morts. »
Alors ? Alors, quand les ressources auront été définitivement
surexploitées pour faire vivre nos sept milliards d’individualités, il n’y aura d’autre issue que le crash : « Il y aura des
famines, des épidémies et des guerres, prédit le capitaine.
Les hommes seront remis à leur place et ils apprendront à
vivre en harmonie avec la biosphère. »
Commandant Cousteau et James Bond
Tout en annonçant l’apocalypse, Watson continue de dire
qu’il est un homme heureux et optimiste. Il cite en exemple
Jacques-Yves Cousteau, l’éthologue Dian Fossey – « sans
elle, il n’y aurait plus de gorilles au Rwanda » –, mais aussi
Gandhi, des abolitionnistes de l’esclavage ou encore les suffragettes. « On en revient toujours à la passion d’individus qui
arrivent à passer en force grâce à une volonté de fer. » Cela
fait plus de quarante ans que Paul s’y colle. En 2011, il n’a
passé que deux semaines dans sa maison de l’île San Juan,
à l’extrême nord-ouest des États-Unis. Il dort cinq heures par
nuit et juge que « le boulot parfait, c’est celui qu’on fait sept
jours sur sept sans jamais prendre sa retraite, même quand
on n’est pas payé ». Lui l’est, toutefois : il arrive à gagner
200 000 dollars par an à force de conférences, de films et
de livres. La moitié part directement dans les caisses de Sea
Shepherd. Car il en faut, des dollars, pour retaper un briseglace. Parmi les bienfaiteurs de l’ONG, on retrouve un patron
de casinos de Las Vegas, des millionnaires, mais aussi des
acteurs qui ont remis leur costume de superhéros : James
Bond (Sean Connery et Pierce Brosnan), Batman (Christian
Bale) et MacGyver (Richard Dean Anderson). Fidèle parmi les
fidèles, Brigitte Bardot met régulièrement la main au portefeuille et continue d’appeler Paul « le capitaine de mon cœur ».
WikiWatson
Car Watson a quelque chose du Don Juan romantique. Qui
s’est marié trois fois et a divorcé autant. « Mon style de vie
n’est pas fait pour le mariage », reconnaît-il. Sa première
épouse est aussi la mère de sa fille, la deuxième était mannequin pour Playboy. « Ça a été un désastre, tranche-t-il. Elle
avait tendance à tout vouloir contrôler et je n’ai pas le caractère de quelqu’un qui se dispute. Alors, je me suis enfui. »
Paul a le sang-froid et dit n’avoir jamais élevé la voix. Si la discipline règne dans ses navires, c’est par nécessité. Oubliez
l’image d’un capitaine Haddock tonitruant. Le seul conseil
qu’il ait donné à sa fille fut de ne pas se marier avant 30 ans
et de ne jamais laisser un homme contrôler sa vie. « Je lui ai
dit qu’elle était son propre patron et que, quoi qu’elle fasse,
je la soutiendrai. »
À 20 ans, il avait suivi ses rêves d’alors et s’était installé six
mois en Grèce pour écrire des poèmes : « Mais je n’avais pas
assez vécu d’expériences et je n’ai plus écrit jusqu’à mes
45 ans. » Il n’a en revanche pas cessé de lire. « C’est une
encyclopédie, la personne la plus cultivée que je connaisse,
décrit Lamya Essemlali. On l’appelle WikiWatson. » Et il a finalement écrit une série de poèmes qui parlent de pingouins et
de requins, mais aussi de « tueurs vicieux » de baleines, ou
encore du tragique destin d’Amy Winehouse...
Finalement, l’univers du capitaine Watson ressemble à celui
que chante Paco Ibañez dans Le Bon Petit Loup 2. C’est un
« monde à l’envers », où les sorcières sont belles, les princes
mauvais et les pirates honnêtes.
Julia Pascual - Photos : Claire Martin / Oculi / Agence Vu pour Causette
2. El lobito bueno, poème de l’Espagnol José Agustin Goytisolo chanté par Paco Ibañez.
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