Texte 6: Plaidoyer de Claude Gueux.

Transcription

Texte 6: Plaidoyer de Claude Gueux.
Pour l’introduction
Victor Hugo né en 1802 et mort en 1885. C’est un écrivain faisant partie du mouvement du
romantisme. Il a écrit Le dernier jour d’un condamné en 1829, dans lequel il dénonce la peine de mort.
Claude Gueux est une œuvre du début de sa carrière (1834). Il y dénonce à nouveau la peine de mort
et le système judiciaire. Le récit du parcours du personnage éponyme s’inspire d’un fait divers réel et
préfigure Les Misérables.
Mis en prison pour cinq ans pour avoir volé un pain, Claude Gueux y est confronté à MD,
directeur d’atelier cruel qui le harcèle. Il finit par le séparer de son ami Albin. Claude Gueux, après
l’avoir supplié de lui rendre et face à son refus, le tue. Il s’agit ici du réquisitoire que fait Claude Gueux
lors de son procès: il dénonce le fait que ne soit pas pris en compte la provocation morale dont il a
été victime. L’extrait comporte le court discours de Claude Gueux, les conclusions du narrateur, et la
fin du procès.
Quelle est ici la thèse de VH et en quoi l’argumentation est-elle efficace?
Eléments pour la lecture analytique
– Dénonciation de la non prise en compte de la provocation morale.
Le discours de Claude Gueux est la seule intervention du personnage pendant son procès, au
discours direct. Son indignation est manifeste, dès le départ, avec l’exclamation « je n’ai pas été
provoqué » et l’ironie, « oui, vraiment, c’est juste ».
Le discours oppose deux situations pour montrer l’injustice du jugement. D’un côté, la
provocation physique: le scénario est donné en quelques propositions juxtaposées « Un homme ivre
me donne un coup de poing, je le tue, j’ai été provoqué, vous me faites grâce, vous m’envoyez au
galère ». De l’autre côté, la provocation morale, développée sur plusieurs lignes, avec des procédés
d’insistance, et qui s’oppose au premier scénario: « un homme qui n’est pas ivre » / « coup
d’épingle », répétition de « pendant quatre ans », gradation « tous les jours, toutes les heures, toutes
les minutes », autre gradation: « comprime le coeur », « humilie », « me pique… d’un coup d’épingle
à quelque place inattendue ».
Le harcèlement que subit CG est détaillé dans les lignes qui suivent, à nouveau dans une suite
de propositions en asyndète (sans connecteur logique, ici d’opposition), qui met en avant la
progression de la torture que subit CG « J’avais une femme pour qui j’ai volé, il me torture avec cette
femme; j’avais un enfant pour qui j’ai volé, il me torture avec cet enfant » - le parallélisme de
construction met en évidence la répétition propre au harcèlement. « Je n’ai pas assez de pain, un ami
m’en donne, il m’ôte mon ami et mon pain ». La parataxe - l’absence de coordination ou de
subordination- met en valeur le caractère systématique du harcèlement. « Je lui dit vous, à lui
mouchard - il me dit tu. Je lui dit que je souffre, il me dit que je l’ennuie » l’antithèse vient dire
l’inégalité de statut des deux hommes, circonstance qui rend possible le harcèlement, et insiste sur la
cruauté de MD. Le discours prend une dimension pathétique dans sa deuxième partie.
Le discours de CG est redoublé par un commentaire très élogieux du narrateur
« Mouvement sublime, selon nous, qui faisait surgir (…) toute une théorie de la provocation morale
oubliée par la loi. » L’adjectif « sublime » attribué au discours de CG, assassin et voleur, rappelle le
goût de VH pour l’association du grotesque et du sublime, du haut et du bas, des contraires… Ici c’est
le condamné qui porte le discours le plus juste.
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
Texte 6: Plaidoyer de Claude Gueux.
– Une justice aveugle
De façon plus générale, au delà même de la question de la provocation morale, la justice ne
semble pas se poser les bonnes questions et méconnaît le personnage. Cela est mis en valeur par le
discours du président qui retrace le parcours de CG, comme inexorablement porté vers le crime c’est ce qu’indique la coordination temporelle: « CG avait commencé par vivre en concubinage avec
une fille publique, puis il avait volé, puis il avait tué ». L’homme est présenté comme mauvais « un
monstre en effet », ce qui est de l’ironie dans la bouche du narrateur. « Tout cela était vrai ». La
conclusion du discours rappelle le commentaire du narrateur au début du récit « je dis les choses
comme elles sont » qui accompagnait la précision sur le concubinage de CG (il n’est pas marié, ce qui
à l’époque, pose un problème moral). Le président, dans son discours, présente CG comme
irrémédiablement enclin au crime, sans causalité, juste par une pente naturelle qui le pousse de pire en
pire.
Mais le récit du président s’oppose à celui de CG qui rappelle les liens logiques « j’avais une
femme pour qui j’ai volé » repris par « j’avais un enfant pour qui j’ai volé ». On notera que le
président omet de parler de l’enfant. Ce refus de considérer les causes, au profit d’une simple
détermination, est repris par les questions que pose CG à la fin de l’extrait. « Je suis un voleur et un
assassin. J’ai volé et tué. Mais pourquoi ai-je volé? pourquoi ai-je tué? ». Ce mouvement final met
l’accent sur les causes, et la responsabilité de la société. On se souvient au début du récit du
commentaire du narrateur: « on va voir ce que la société en a fait ».
La thèse de VH est donc claire: le crime ne peut-être nié, mais il faut considérer la cause - ici la
faim et le harcèlement moral - car seules ces considérations pourront permettre d’enrayer le crime.
C’est le refus de la fatalité - de penser que certains hommes sont mauvais, enclins à gravir l’échelon
des crimes - au profit de la responsabilité de la société. L’efficacité argumentative du passage repose
d’abord sur la force rhétorique du discours de CG - concision, asyndète, insistance, répétition- sur le
discret pathétique attaché à sa condition et au fait qu’il est présenté comme un héros charismatique,
mais aussi sur les commentaires du narrateur qui viennent redoubler le propos de CG, et l’opposition
entre son discours à lui le criminel et celui du président du tribunal.
Questions possibles: Que veut montrer VH et comment? / En quoi est-ce une argumentation efficace?
/Etudiez la critique de la justice dans cet extrait / En quoi cet extrait est-il polémique?/ Argumentation
directe ou indirecte?
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
– Le caractère expéditif de la justice
Le texte met aussi en valeur le caractère expéditif de la justice. Déjà, dans le discours de CG,
la parataxe (pas de subordination ni de coordination) et les asyndètes (pas de connecteurs logiques)
mettent en valeur le caractère automatique de la justice « je le tue, j’ai été provoqué, vous me faites
grâce, vous m’envoyez aux galères » et ensuite « Je suis un monstre, j’ai tué cet homme, je n’ai pas été
provoqué, vous me coupez la tête. » Le verbe à l’impératif qui clôt le discours « Faites! », donne le
sentiment que l’exécution pourrait suivre le jugement très rapidement.
Ensuite, le caractère expéditif du procès est aussi mis en avant par l’opposition entre le
discours de CG, rapporté directement et commenté élogieusement, et le discours du président,
narrativisé, et présenté avec un trait d’ironie cinglante « Le président fit son résumé impartial et
lumineux ». Les phrases deviennent nominales « Une vilaine vie. Un monstre en effet. », ce qui
montre l’absence de nuance de son propos.
Enfin, le narrateur insiste sur la brièveté des délibérations « après un quart d’heure de
délibération », et sur la composition du jury « des douze champenois qu’on appelait messieurs les
jurés », on peut s’interroger sur ce commentaire: est-ce une critique du jury?

Documents pareils