Démocratie et vie politique - Espace francophone des Droits de l

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Démocratie et vie politique - Espace francophone des Droits de l
TABLE RONDE N° 3
Démocratie et vie politique
Rapport des travaux
Les travaux de la Table ronde ont été conduits sous la présidence de S. E. M. Jean-Martin Mbemba, ministre
de la Justice et garde des Sceaux du gouvernement du Congo. Il était appuyé par le professeur Luc Sindjoun de
l’Université de Yaoundé III agissant à titre de modérateur ainsi que l’Ambassadeur Jacques Bilodeau, Représentant
personnel du Premier ministre canadien, agissant à titre de rapporteur.
Les travaux ont commencé par une communication de Maître Demba Diallo, médiateur de la République du
Mali, sur la médiation politique, suivie de l’identification de pistes de réflexion par le modérateur. Deux interventions spéciales ont été également faites au cours des travaux : l’une par Mme Fatoumata Siré Diakité, Présidente
de l’Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF), sur le thème de la participation responsable des partis politiques à la gestion de nos États, l’autre par S. E. M. Ali Nouhoum, Président de
l’Assemblée nationale du Mali.
Les travaux de la Table ronde ont été l’occasion pour les participants d’exposer leurs vues sur les questions
liées notamment à la démocratie et au développement, le droit à l’ingérence démocratique, les relations majorité/opposition et l’alternative offerte par les gouvernements d’union nationale, le statut et le financement des partis politiques, la place des femmes dans la vie politique tout comme la contribution des ONG dans nos sociétés.
Les conclusions des travaux ont porté sur :
– la démocratie et le développement ;
– les partis politiques ;
– les rapports majorité/opposition et gouvernements d’union nationale ;
– le statut de la femme ;
– le statut des chefs d’État ;
– les ONG.
RAPPORT
La communication de Maître Demba Diallo sur la médiation politique a bien situé les travaux de la Table ronde
en mettant en relief l’institution du médiateur comme instrument efficace dans le domaine politique en vue de
consolider l’État de droit dans nos pays, et particulièrement en Afrique. Selon Maître Demba Diallo, le rôle de la
médiation est d’autant plus important que son champ d’application est vaste : des affaires privées aux affaires
publiques, des individus aux personnes morales, des activités locales, régionales, nationales ou internationales. La
médiation peut ainsi jouer un rôle prépondérant dans la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Cela
étant, des participants ont cependant souligné le nécessaire travail de clarification de l’usage de l’institution du
médiateur, afin d’éviter qu’elle ne se substitue aux textes en vigueur et aux solutions qu’ils offrent.
A.– La démocratie et le développement
L’universalité de la démocratie est apparue comme une idée forte au cours des discussions. Il ne s’est cependant pas dégagé d’unanimité sur sa définition.
Pour certains, la démocratie existe dans un État de droit, s’appuyant sur une magistrature indépendante. Audelà des institutions et des lois qui l’encadrent, elle suppose la présence d’une mentalité démocratique. Elle s’appuie sur l’existence de plusieurs partis politiques, car sans le multipartisme, il n’y a pas de véritable démocratie.
La volonté du peuple s’exprime par les élections, et le peuple doit, entre autres, pouvoir choisir sa voie vers le
développement et s’exprimer sur la politique extérieure de son pays.
Pour d’autres, le multipartisme n’est peut-être pas un indicateur du jeu démocratique, l’option du parti unique
étant préférée par deux participants. À cet égard, le représentant du Vietnam a proposé de substituer le paragraphe
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Symposium international de Bamako
3.2. au paragraphe 2.5. du projet de déclaration qui établit la correspondance entre la démocratie et le multipartisme. Le Vietnam s’abstiendra sur le point 2.5., s’il est maintenu.
Pour une majorité de participants, la démocratie s’inscrit dans un contexte historique, culturel et économique
donné, et doit s’adapter aux conditions locales. Elle suppose le respect des règles du jeu, notamment des règles
électorales. Elle implique également la liberté de communication et d’information. C’est ainsi qu’un intervenant
a demandé que la Déclaration de Bamako accorde une place plus grande aux médias.
Des participants ont noté que la démocratie suppose la démocratie sociale, car sans protection sociale l’on est
privé des conditions nécessaires à la mise en œuvre du pacte démocratique. À cet égard, il a été demandé que la
Déclaration de Bamako souligne plus clairement la relation entre la démocratie, la paix et le développement social.
Le représentant du Vietnam a demandé d’ajouter un paragraphe traitant du sous-développement au chapitre I du
projet de déclaration. Il a également proposé l’ajout d’un nouveau point au chapitre 2 traitant des principes fondamentaux auxquels la Francophonie adhère. Les deux textes sont joints en annexe.
Maître Diallo a fait un rappel historique passionné de la naissance de la démocratie en Afrique, à l’occasion
du congrès consultatif du RDA, à Bamako, en 1946. Une cinquantaine d’années plus tard, le Symposium de Bamako
sur les pratiques de la démocratie dans l’espace francophone constitue un hommage au grand mouvement qui a
amené la démocratie en Afrique.
Concernant le droit à l’ingérence démocratique dont le président Konaré a parlé lors de la séance inaugurale
du Symposium, un participant a demandé de considérer avec prudence le droit d’ingérence car il pose la question
des valeurs respectives des pays du Sud et du Nord, ces derniers écrasant souvent, à son avis, le Sud de leurs
moyens, notamment médiatiques. En matière électorale, un participant a noté l’intérêt d’accepter que les élections
se déroulent sous le regard de la société internationale. Accepter ce regard, c’est reconnaître que les citoyens sont
membres de la communauté internationale.
Enfin, une représentante a demandé l’ajout à l’avant-projet de Déclaration de Bamako portant sur les actions
de la Francophonie en cas de rupture de la démocratie d’une provision additionnelle relative à l’existence ou à la
cessation de violations graves et systématiques des droits de la personne.
B.– Les partis politiques
La communication de Madame Fatoumata Siré Diakité, Présidente de l’Association pour le Progrès et la défense
des Droits des Femmes maliennes, a tracé le cadre des interventions sur les partis politiques. Brossant un tableau
de l’expérience des partis politiques maliens depuis les années 40, Madame Diallo a posé d’importantes questions
portant sur :
– la participation responsable des partis politiques à la gestion de l’État,
– la multiplication de très nombreux partis politiques, et leur impact sur le fonctionnement des institutions présidentielles et législatives,
– les relations entre partis majoritaires et partis minoritaires,
– les moyens financiers dont les partis disposent pour assurer leurs responsabilités,
– l’éducation civique et politique du personnel des partis ainsi que des citoyens.
Ces questions ont guidé les interventions de nombreux participants.
On a rappelé l’importance d’élections libres et transparentes. À cet égard, la question du financement des partis politiques, tant de la majorité que de l’opposition, a été soulevée. La nécessité d’un contrôle législatif du financement des partis et de leurs opérations électorales a été invoquée. Il a été noté que le financement public des partis
politiques contribue à accroître l’égalité de chances entre partis et encourage le regroupement des partis politiques
là où ils sont nombreux et fragiles.
L’interaction entre les partis politiques et les organisations de la société civile a également été invoquée. Plusieurs
participants ont noté que la vie politique s’exprime d’abord par l’intermédiaire des partis et qu’il importe de ne
pas les confondre avec les organisations de la société civile, appelant à une clarification de leurs rôles respectifs.
Dans cette optique, plusieurs estiment que la règle du jeu veut que les débats politiques aient lieu par l’intermédiaire des partis, le recours à un dialogue social plus large étant possible lorsque les circonstances l’exigent.
C.– Les rapports majorité/opposition et gouvernements d’union nationale
Le fonctionnement des partis politiques suppose le respect des règles du jeu, notamment les règles électorales.
Ainsi un participant à la Table ronde a pu dire « Qui gagne doit gouverner démocratiquement. Qui perd doit s’opposer démocratiquement ». Des participants ont appelé à la mise en place d’une structure institutionnelle de contrôle
Rapports des tables rondes
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et de surveillance favorisant l’alternance des partis au pouvoir. D’autres ont appelé à une responsabilisation accrue
de la majorité et de l’opposition ainsi qu’à l’octroi d’un statut et de garanties pour l’opposition, permettant notamment à l’opposition de participer au Bureau de l’Assemblée législative ainsi que de disposer des ressources nécessaires pour mener à bien leurs activités. Des participants se sont également fait les avocats d’un espace de coopération
entre le pouvoir et l’opposition, posant la question de la possible mise en place d’un système de gestion les associant autour de dossiers d’intérêt commun (développement économique, lutte contre le SIDA, etc.).
On a noté le rôle important joué par les partis de l’opposition comme lieu d’expression de la partie de la population qui a appuyé les parlementaires siégeant du côté de l’opposition. Dans un tel cadre, les partis d’opposition
ne sont pas perçus comme des partis perdants, mais des partenaires au sein du parlement et qui se préparent à gouverner.
Concernant la collaboration entre les parlementaires de la majorité et ceux de l’opposition, un participant a fait
remarquer les difficultés de leur cohabitation parlementaire du fait de leur manque d’expérience. Les débats ressemblent souvent à des guerres et il importe donc, à son avis, de prévoir des cadres de rencontre entre les membres
de la majorité et ceux de l’opposition. Un autre a souligné l’importance de nuancer le concept de parti d’opposition au profit du concept de parti minoritaire. À son avis, majorité et minorité doivent se retrouver, et si possible
collaborer. Il propose ainsi aux parlementaires de chercher des alliés tant dans la majorité que dans l’opposition
pour faire avancer les projets qui leur tiennent à cœur. Un autre participant a souligné l’impact du régime constitutionnel – présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire – sur la délimitation des frontières entre la majorité et
l’opposition.
Les participants à la Table ronde sur la vie politique ont également abordé la question des gouvernements
d’union nationale. Un participant s’est demandé si la culture majorité/opposition était appropriée ou s’il ne fallait
pas plutôt aller sur le terrain de l’union nationale. À cet égard, les interventions ont montré une large gamme d’expériences des gouvernements d’union nationale répondant soit à des situations de crise, soit à une pratique usuelle
dans le pays concerné. Cela dit, ce type d’expériences n’est pas accepté par tous, des participants estimant que la
culture de la majorité et de l’opposition devrait être la règle.
D.– Le statut de la femme
La place de la femme dans la vie politique a également été débattue par les participants. À cet égard, plusieurs
ont fait appel à la nécessaire reconnaissance du rôle majeur joué par les femmes dans la vie de nos sociétés et à
l’importance de les voir occuper la place qui leur revient. Il a été rappelé que l’objectif final devrait être la parité
des postes occupés par les femmes et les hommes, une participante notant que cette parité exige d’abord une parité
dans l’accès à l’éducation pour progresser réellement.
Concernant la participation des femmes à la vie politique, un appel a été fait en faveur de leur formation, notamment en vue de permettre leur accès à des postes politiques de premier plan. À cet égard, la qualité du travail de
formation fait par des organisations non gouvernementales a été particulièrement notée.
E.– Le statut des chefs d’État
La question de l’aménagement d’un statut des chefs d’État et anciens hauts dirigeants a été particulièrement
abordée dans le contexte des discussions sur l’impunité où les vues des uns et des autres sont partagées. Certains
sont d’accord qu’il faille lutter contre l’impunité tout en tenant compte de situations particulières ; d’autres estiment que l’État de droit doit prévaloir et l’impunité combattue. C’est ainsi qu’un appel a été lancé en faveur de la
ratification et de la mise en œuvre rapide de la Convention de Rome sur la Cour pénale internationale par l’ensemble des membres de la Francophonie.
Des participants ont demandé qu’une attention soit portée à l’aménagement d’un statut pour les anciens hauts
dirigeants en vue de leur assurer, dans la mesure où ils jouissent de leurs droits civils, une retraite digne et sécurisée. À cet égard, plusieurs intervenants ont fait part des mesures déjà en place dans leur pays en leur faveur.
F.– Les organisations non gouvernementales
Les débats sur la démocratie et le développement tout comme ceux sur le statut de la femme ont mis en relief
le rôle joué par les ONG. On a ainsi souligné leur rôle actif tant dans les pays du Nord que du Sud où elles suppléent souvent aux carences de l’État et d’autres institutions. Une participante a d’ailleurs souligné le travail mené
par les ONG dans un contexte de coopération avec les États dont plusieurs leur apportent un soutien financier,
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Symposium international de Bamako
notamment dans leurs activités dans les pays en voie de développement. La qualité du travail de ces organisations
a été saluée par plusieurs participants, d’autres s’inquiétant cependant de l’action de certaines d’entre elles. Une
participante a demandé que l’avant-projet de Déclaration de Bamako fasse état de l’intention de l’Organisation
internationale de la Francophonie de renforcer ses liens avec les organisations non gouvernementales.
À la fin de la réunion, le président des travaux, S. E. M. Martin Mbemba, a fait état du souhait de certains que
les participants à la Table ronde puissent proposer à la séance plénière des projets de résolution sur le MoyenOrient, la Côte d’Ivoire et la Guinée. En leur absence, un consensus s’est dégagé pour demander au Président
Mbemba qu’il s’assure de la rédaction de ces recommandations qui seront présentées à la séance plénière.

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