paris ii - Navires de la Grande Guerre

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paris ii - Navires de la Grande Guerre
Patrouilleur auxiliaire
PARIS II
Marine Nationale
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Nom :
Type :
PARIS II
Patrouilleur auxiliaire.
Chalutier de l’Armement Lobez, Poret et Cie.
Chantier :
Commencé :
Mis à flot :
Terminé :
Chantiers Augustin Normand, Le Havre.
1913.
1913.
Mars 1914.
En service (MM) :
Retiré (MM) :
1914.
13 décembre 1917.
En service (MN) :
Retiré (MN) :
23 septembre 1914.
13 décembre 1917.
Caractéristiques :
55 x 8,5 x 5,6 m. ;
551 t. ;
895 cv. ;
1 machine alternative à vapeur ;
1 hélice.
Sister-ship : N.C.
Armement :
Un canon de 10 ;
Trois canons de 75 ;
Un canon de 47 contre avions.
Principales dates :
Chalutier PARIS construit pour le compte de l’armement
Lobez, Poret & Cie à Boulogne.
23 septembre 1914 : réquisitionné au Havre, affecté au service
de la Méditerranée Orientale.
1915 : renommé PARIS II.
17 décembre 1915 : combat durant deux heures contre un sousmarin dans le golfe de Sellum sous le commandement du LV
Camille Paponnet. 1
13 décembre 1917 : coulé par une batterie terrestre turque dans
la crique du cap Avova, les membres de l’équipage survivants
sont fait prisonniers. (Commandant : Henri Rollin, Lieutenant de
vaisseau.)
Le PARIS II est l'un des rares bâtiments à avoir reçu la Croix de
guerre 1914 – 1918 et ses officiers et hommes d'équipage ont été
autorisés à porter la fourragère.
1
Dans l’ouvrage de P. Chack, la date du 18 décembre est mentionnée.
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Officiers :
Camille Léopold Henri PAPONNET
Né le 7 avril 1870 à Breuil-Magné (Charente-Maritime).
1888 - Entre dans la Marine;
03 octobre 1900 - promu enseigne de vaisseau ;
Port de Rochefort.
1er janvier 1901 - sur le croiseur Infernet, Division navale de
l'Océan Indien (Cdt René d' Hespel).
1er janvier 1902 - port de Rochefort.
1er janvier 1903 - sur l'aviso-transport Durance, Division
navale du Pacifique (Cdt Henri Rozier).
30 mai 1908 - Lieutenant de vaisseau. Chevalier de la Légion
d'Honneur.
1er janvier 1910 - Commandant d’un groupe de torpilleurs,
station des torpilleurs de Dunkerque.
17 décembre 1915 - cet officier commandant le patrouilleur
auxiliaire PARIS II dans le Golfe de Sellum, se distingue :
"A montré de remarquables qualités de décision et de courage
en attaquant un sous-marin ennemi rapide et puissamment armé
et en le contraignant à se retirer après un combat d'artillerie qui
a duré deux heures et demie."
1er janvier 1917 - port de Rochefort.
Officier de la Légion d'Honneur,
Croix de guerre avec citation à l'ordre de l'Armée navale.
Equipage :
Situation de l'équipage après le combat du 13 décembre
1917 :
Commandant :
Henri Rollin, Lieutenant de vaisseau (prisonnier blessé).
Officiers mariniers :
Maîtres :
V Eugène Buino, timonier (disparu).
Auguste Deschamps, mécanicien (prisonnier blessé).
Second-maîtres :
V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement en captivité).
V Hyacinthe Guillou, manoeuvrier, Chef de quart (disparu).
V Victor Heurtel, fourrier (disparu).
Léon Laronde, mécanicien (prisonnier blessé).
Auguste Marque, canonnier (prisonnier blessé).
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Alfred Pherivong, manoeuvrier (recueilli).
Équipage :
Quartiers-maîtres :
François Brenon, mécanicien (recueilli).
V Adrien Clémençon, mécanicien (disparu).
Paul Jaffrezic, canonnier (prisonnier blessé).
Julien Renault, canonnier (prisonnier).
V Octave Lamier, électricien T.S.F. et timonier (tué).
V Louis Laouenan, timonier (tué).
Laurent Le Moal, fusilier (blessé, recueilli).
V Albert Paulay, canonnier (disparu).
Joseph Poiraud, manoeuvrier (recueilli).
Matelots :
V Jules Antonini, timonier (disparu).
V Eugène Bessou, gabier (disparu).
V Louis Bouvier, boulanger-coq (mort à l'hôpital ottoman
d'Adalia).
Régis Brivet, chauffeur (prisonnier).
M. Castel, chauffeur (blessé recueilli).
V Alain Castel, gabier (disparu).
Don-Pierre Corbani, fusilier (blessé, recueilli).
Pierre Dely, chauffeur (recueilli).
V François Ferrard, chauffeur (disparu).
V Émile Francheteau, sans spécialité (disparu).
Pierre Guillerm, fusilier (blessé recueilli).
Yves Guillou, chauffeur (prisonnier blessé).
V Pierre Huby, sans spécialité (disparu).
V Pierre Josse, canonnier (disparu).
Jean Le Donge, chauffeur (prisonnier, blessé).
V Robert Le Veo, cuisinier (disparu).
M. Mansour, mt. libanais (prisonnier).
Louis Mariage, sans spécialité (prisonnier).
Roger Masson, mécanicien (prisonnier, blessé).
Georges Mazoyer, mécanicien (recueilli).
Victor Moro, canonnier (prisonnier blessé).
M. Nemtallah, mt. libanais (prisonnier).
M. Neulat, sans spécialité (blessé, recueilli).
Noël Nomdedeu, canonnier (recueilli).
Jean Louis Noret, timonier (prisonnier blessé).
Roger Pastrie, mécanicien (prisonnier, blessé).
V M. Selemen, mt. libanais (disparu).
V Léon Thebaud, fusilier (disparu).
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Citations :
Extrait de l’arrêté ministériel du 27 février 1918 (Médaille
Militaire) :
Second-maître de man uvre Alfred Phérivong
(Havre 6342) 2,
Première citation :
«Le PARIS II ayant été coulé à coups de canon dans le golfe
d’Adalia le 13 décembre 1917, au cours d’une opération de
guerre, est resté à son poste avec le plus parfait mépris du
danger, sous un feu intense. Ne s’est jeté à la mer que sur ordre
de son commandant.
Avec un chauffeur arabe a soutenu son camarade Castel,
chauffeur breveté blessé grièvement et l’a remorqué à la nage au
large sur un panneau de cale.
A rallié la baleinière et aidé à la remorquer à la nage sous un feu
violent.
A ensuite parcouru 70 milles en 32 heures le long de la côte
ennemie et réussi à rallier Castellorizo avec son embarcation. »
Deuxième citation :
Lorsque le PARIS II a coulé sur la côte Turque, il était à 400
mètres de la « terre et au lieu de nager vers la côte qui lui
assurait la vie sauve mais le faisait se constituer prisonnier, a
préféré nager vers le large alors qu’aucun bateau n’était là pour
le recueillir.
Pendant 2h30 il a ainsi nagé en remorquant un camarade blessé
et qui ne savait pas nager, puis a eu la chance d’apercevoir la
baleinière du PARIS II, qui trouée de toutes parts par les balles
turques était remorquée par quelques hommes d’équipage qui
comme lui préféraient nager vers le large pour n’être pas faits
prisonniers. A ce moment, a pris la direction de l’embarcation.
A tour de rôle les uns ou les autres nageaient autour de la
baleinière pour boucher avec des balles françaises, les trous fait
par les balles turques. Et malgré le froid (c’était le 13 décembre)
a réussi après 32 heures à parcourir 70 milles à l’aviron et à
ramener son embarcation à Castellorizo. »
2
Par la suite devenu Capitaine au long cours, il s’est embarqué pour l’Afrique pour enfin diriger des ports
comme Libreville, Abidjan, Pointe-Noire.
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Témoignage :
Jugement - Compte-rendu du "Petit-Var" du 9 décembre
1919.
"Après une courte délibération, le Conseil rapporte un jugement
déclarant à l'unanimité le Lieutenant de Vaisseau Rollin non
coupable sur les cinq questions posées, et M. le Capitaine de
Vaisseau Meleart, appelant devant le Conseil le jeune officier
invite à se ranger derrière lui, ceux de ses hommes qui ont
déposé aux débats ainsi que Madame Buino et son jeune fils, et
il dit au Commandant Rollin qu'il est heureux et fier de lui faire
part de son acquittement et de le féliciter ainsi que tous ceux du
PARIS II ; il adresse un souvenir ému à ceux qui sont tombés
dans le combat et termine ainsi :
"Honneur et gloire au PARIS II, à son vaillant Commandant, et
à son héroïque équipage !"
La séance est levée; des mains amies se tendent vers M. Rollin,
les juges serrent celles de tous les survivants et saluent
respectueusement Madame Buino."
Cartographie :
Situation de l’épave du PARIS II.
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Iconographie :
Chalutier PARIS.
L'épave du PARIS II.
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Delly (3) – Bresson (3) – Magager ( 4) – Poireau (3) – Guilleron (3)
Carbani (3) – Nomdedeu – Le Moal.
Des rescapés du Paris II ( 5)
Photographie prise à bord du cuirassé Jauréguiberry à Port-Saïd.
Remerciements :
A l’attention de :
Gilles Jogerst, généalogiste de marine et son minutieux travail
de reconstitution,
Benoît Lobez, arrière-petit-fils de Paul Lobez, armateur
(Société Poret-Lobez et Cie),
Philippe Phérivong, petit fils d’Alfred Phérivong, manoeuvrier
du PARIS II (recueilli),
Serge Le Coustour, historien,
Daniel et Marie Thérèse Botz-Francheteau, généalogistes,
et tous les bénévoles du forum GENEANET qui ont participé
aux recherches sur ce navire.
3
Orthographiés respectivement Dely, Brenon, Poiraud, Guillerm, Corbani dans les fiches nominatives.
Marin non identifié dans l’équipage du PARIS II.
5
Un marin n’est pas nommé (9 personnes photographiées, 8 nommées)
4
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Officier Turc :
Mustafa ERTUGRUL
Officier turc ayant accompli de nombreux exploits militaires et
causé la perte des patrouilleurs auxiliaires PARIS II et
Alexandra, et d’autres navires alliés.
Bibliographie :
Le dernier combat du Paris II - 13 décembre 1917 - R. Gaudin
De Villaine, édité à Toulon en 1920 - cote INV 6551 –
Bibliothèque de Toulon.
Pavillon haut – Paul Chack – 1929 - Les éditions de France.
Ben Bir Türk Zabitiyim – Baktitan Cikan Kahraman – Mustafa
Ertugrul – Belgesel.
Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française - LV
JM Roche.
Internet :
www.miramar.ship.index
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Annexe 1 :
Extrait de « Pavillon haut » de Paul Chack :
« DEUX CHALUTIERS ET UNE ILE
I - BLOCUS ILLUSOIRE.
Secteurs de patrouille des chalutiers en Syrie en 1917
II. — A CASTELLORIZO.
Dans le secteur Aloupo-Anamour opère la section PARIS II Alexandra.
J'ai dit déjà ce que fut le début de l'existence guerrière du
PARIS II, ci-devant chalutier de la maison Porez et Lobez,
armateurs à Boulogne-sur-Mer, mobilisé sous le commandement
du lieutenant de vaisseau Paponnet, et frère du Nord-Caper qui
se battit à la manière de Surcouf. Promu aviso de par sa grande
taille et la robustesse de ses reins, le PARIS II, sous Paponnet,
conquit de haute lutte le surnom de bateau pirate, que bien des
patrouilleurs eussent payé cher et qu'il dut à une longue suite de
combats, coups de main et opérations spéciales dont les
mauvaises langues disent que les états-majors les approuvent...
quand elles ont réussi. En 1917, le lieutenant de vaisseau Rollin
a remplacé Paponnet sur le PARIS II.
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Commandé par l'enseigne de vaisseau auxiliaire Doucet,
l’Alexandra, simple chalutier d'un gabarit modeste, a rallié la
division de Syrie au mois d'octobre 1916.
PARIS II et Alexandra sont des habitués de Castellorizo.
J'ai montré l'île au début de l'occupation française. Gouvernée
par le capitaine de corvette de Saint-Salvy, elle a connu une telle
ère de prospérité qu'en décembre 1916, au moment du guetapens d'Athènes, auquel nous avons riposté par le blocus de la
Grèce royaliste, les insulaires ont décroché les portraits de
Constantin et de Sophie, tandis que le Président de la
Démogérontie a affiché une proclamation d'après laquelle « le
peuple (de Castellorizo) jouit d'une pleine liberté et vit plus
heureux que celui de n'importe quel endroit ».
Bonheur éphémère ! Au début de 1917, des bruits sinistres se
répandent. « L'île est trop gênante, disent nos agents d'Asie
mineure, et les Turcs ont résolu de s'en emparer. »
Vue sur la carte, Castellorizo a fort exactement la forme d'une
pince de homard prête à se fermer sur Andiphilo, village du
littoral caramanien. Au fond de la pince ouverte se trouve
Mégiste, seule ville, seul port et seul mouillage praticable de
Castellorizo. Les Turcs ont installé une batterie bien défilée sur
la haute croupe contre laquelle est adossée Andiphilo.
Le 9 janvier 1917, à deux heures après-midi, tenté par la
présence de l'Ariane, battant pavillon de l'amiral de Spitz, du
porte-avions anglais Ben-My-Chree, des torpilleurs Pierrier et
250, l'ennemi déclenche une canonnade nourrie qui dure jusqu'à
la nuit. Négligeant les abris préparés, les Grecs, que poursuivent
les obus, fuient vers la montagne et s'entassent dans les rares
fermes, dans les monastères, les chapelles, les ravins et les creux
de rochers: Sous des rafales de pluie glacée, ils campent. Nos
marins sont restés à Mégiste, prêts à repousser un débarquement.
Le bombardement reprend les 13, 17 et 19 janvier. Puis, trompés
par le silence des minuscules pièces de 65 millimètres qui sont
la seule défense de Castellorizo, les Turcs s'imaginent que nous
avons évacué la place. Alors, le 20 janvier, dans ce canal lycien
témoin de la victoire qu'en 1440 Guillaume de Lastic remporta
sur le renégat Serphi, commandant la flotte du soudan d'Egypte,
dans ces eaux où Prigent de Bidoulx triompha des galères de
Soliman, se déroule un nouvel assaut du croissant contre la
croix. Tandis qu'un avion lance des bombes qui manquent le
PARIS II de Paponnet, une quinzaine de barcasses remorquées,
bondées de soldats, s'élancent vers Castellorizo, que les pièces
turques arrosent à plein jet. Mais nos hommes sont à leurs postes
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et, bientôt, prise sous le feu de nos petits 65, la moitié de la
flottille assaillante est par le fond et le reste en fuite. Le chef de
l'expédition, commandant allemand Schuller, en est pour sa
courte honte. Ses troupes n'ont même pas pu approcher des
réseaux barbelés qui festonnent les points de débarquement
possibles...
Ile de Castellorizo
Cependant, les bombardements dépeuplent Castellorizo. Avec
les goélettes de Mégiste, les insulaires recommencent, cette fois
vers l'Egypte et la Crète, l'exode de leurs ancêtres, lesquels, en
1480, prirent la fuite vers l'archipel et Naples en apprenant, «
environ Pasques ou Penthecouste », que les Turcs faisaient
grande armée pour attaquer Rhodes. En 1917, la moitié de la
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population s'exile. Le reste s'accroche au sol et fournira, les 5 et
15 avril, les bras et les voix nécessaires pour hisser en chantant,
le long de la falaise presque à pic qui borde la calanque de
Navlakas, quatre pièces de 120 long. La pince de homard va
enfin pouvoir tenailler l'adversaire.
Cette calanque de Navlakas est le seul point de mouillage
possible depuis que Mégiste est exposée au feu des Turcs. C'est
une sorte de fiord taillé dans la côte Sud de l'île ; un ravin le
prolonge, coupant en deux Castellorizo et dans lequel des
oliviers et des acacias ont défié le temps, la tempête et la
sécheresse. Au Sud-Ouest du ravin, règne la désolation d'un
désert pétré, sauvage et lugubre, où seuls s'ébattent les scorpions
et les charognards. Au Nord-Est, dominant la ville et portant les
canons, s'étend la région « des monts », fief du lieutenant de
vaisseau Lurin, burgrave du plateau Saint-Georges, châtelain de
Diski et commandant de l'artillerie. Selon ses plans, les marins
ont taillé dans le roc dur, à 200 mètres d'altitude, un blockhaus,
des abris de bombardement et des soutes à munitions, le tout sur
le modèle de l'architecture pélasgique, réservant ainsi à nos
descendants l'occasion de controverses du genre glozélien.
De ce haut poste de défense, que les Grecs appellent «To MicroGibraltar », on voit, au premier plan et à gauche, la pointe
Diakouris que Castellorizo projette vers le canal lycien et qui
figure ce que les zoologistes nomment l'endopodite ou mâchoire
fixe de la pince de homard. A l'extrême droite, la pointe Nephti
est l'extrémité de l'exopodite, laquelle, dans un vrai homard, est
articulée. Enfin, directement en dessous du blockhaus, entre
Nephti et l'entrée du port, s'ouvre la crique de Mandrassi, seule
plage de l'île, que domine un bastion, parcelle robuste de
l'antique acropole vieille de plus de deux mille ans, servant de
poste de commandement au gouverneur et d'abri aux blessés. Au
delà du canal de Lycie, qu'ont franchi sous Thoutmès II les
vaisseaux de cèdre des marins de Sidon, et plus tard les flottes
de Servilius et de Pompée poursuivant les pirates de Mithridate,
on découvre la côte sauvage de Caramanie, où les villages turcs
ont poussé sur le sol où sont éparses les poussières de Patara, de
Corycos, de Phaselis, d'Olympos et d'autres cités fameuses. Là
est Andiphilo et la batterie ennemie, Au dernier plan s'étagent
les contreforts du Taurus lycien que poudrent les neiges d'hiver.
Notre Micro-Gibraltar n'est pas de force devant l'organisation
terrestre, aérienne et sous-marine de l'adversaire. Pour donner de
la voix, nos canons de 120 attendent d'avoir pu repérer le but
qu'ils doivent battre : ces pièces turques si bien cachées.
Castellorizo encaisse sans pouvoir répondre.
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D'ailleurs, après les bombardements rageurs et prolongés du
début, l'ennemi a adopté une sorte de tableau de service qu'il suit
avec une ponctualité qui révèle la main allemande. A dix heures
du matin, un obus siffle, un seul. Aussitôt résonne le tocsin,
tandis que, posté sur le quai Amiral-Moreau, au milieu d'une
placette que bordent les bureaux et magasins de la marine,
minuscule agora où sont affichés les ordres du gouverneur et les
communiqués que peut capter le poste de T. S. F., un clairon
lance la générale, dont les notes, à travers l'atmosphère d'une
pureté sans pareille, gagnent les plateaux et les postes les plus
lointains. La ville prend alors l'aspect d'une fourmilière
bouleversée. Par les raidillons et les venelles tortes et si étroites
qu'un âne bâté frotterait les murs tribord et bâbord, les
Mégistéens filent vers les abris. Ceux de nos marins qui
n'arment pas les pièces rallient leurs postes de combat dans la
ville, réduit de la défense.
Séparés par de longues accalmies, cinq ou six obus tombent
alors sur l'île. Vers onze heures, la séance est terminée et le
clairon sonne la retraite. Pendant tout le bombardement, au poste
de commandement, à la vigie et dans les batteries, les longuesvues et les jumelles braquées sur le continent tentent, toujours en
vain, d'apercevoir quelque lueur qui révélerait l'emplacement de
la batterie.
Un jour cependant, le 10 avril 1918, on verra enfin l'éclair du
départ d'un coup, et nos canons de 120 enverront cent projectiles
coup sur coup, muselant définitivement l'ennemi.
Mais il s'agit de 1917. Parfois, un avion rend visite à
Castellorizo. Il choisit volontiers les périodes où le chalutier
ravitailleur est à Navlakas. Par bonheur, l'île possède, à la pointe
Nephti, des pièces anti-aériennes de 47 millimètres et un
veilleur extraordinaire. C'est un roquet auprès duquel est tombée
la première de toutes les bombes. Depuis lors, il aboie et
déclenche l'alerte deux minutes avant que les plus habiles
guetteurs aient distingué l'ennemi volant. Au premier jappement,
chacun court vers son abri. C'est dans une telle course qu'un
homme s'est un jour foulé la cheville, seul résultat dont se
puissent enorgueillir les aviateurs d'en face. Pour attirer les
bombes, les marins ont installé un faux campement sur un
plateau désert. A le voir d'en haut, les Turcs ont cru d'abord que
10 000 hommes étaient massés là, prêts à se ruer à l'assaut.
Ainsi se présente Castellorizo le 17 novembre 1917, au moment
où le PARIS II, avec son nouveau commandant, mouille à
Navlakas. La calanque est si étriquée que l'aviso semble l'emplir
tout entière. Il est entouré de barcasses que des Grecs, vociférant
sur le mode aigu, chargent de sacs, couffins et colis de toutes
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sortes que le PARIS II, bondé jusqu'au bastingage, a apportés
de Port-Saïd en même temps qu'une section de la Légion
d'Orient, renfort pour la garnison de Castellorizo, laquelle
compte 5 officiers et 150 gradés et matelots. Des marins dirigent
les corvées. On les reconnaît à leur fusil que jamais ils
n'abandonnent, afin de marquer leur qualité d'hommes libres et
leur préséance sur les insulaires. Cette arme est d'ailleurs leur
unique signe distinctif. En tous temps et tous lieux, les marins
éprouvent une aversion déterminée pour l'uniforme qui déçoit
leur goût du pittoresque, Castellorizo, dont l'intendance
maritime ne s'occupe guère quant à la délivrance des vêtements
réglementaires, est un paradis pour nos hommes, que l'on
rencontre chaussés de tcharouks en peau de chèvre lacés comme
des cothurnes et voisinant avec des bandes molletières bleu
horizon, coiffés de casques en liège couleur khaki et vêtus du
tricot rayé sur lequel ils ont capelé la chemise d'uniforme... de
l'armée britannique. En dépit de leur déguisements ils travaillent
dur et secouent la mollesse des corvées grecques.
Le déchargement du PARIS II exige même quarante-huit
heures, car le voisinage des avions nous oblige au seul travail
nocturne et les barcasses sont rares pour le transit entre Mégiste
et Navlakas. Le capitaine de corvette Le Camus, gouverneur de
l'île depuis le mois de juillet 1917, réclame en vain l'envoi des
chalands indispensables. Depuis bien longtemps, le seul matériel
neuf que produisent en France les arsenaux navals est réservé
aux armées du front. Mieux vaut donc compter sur les prises
faites devant la côte ennemie. Le 19 novembre, le PARIS II
appareille de Navlakas pour l'habituelle tournée. Son
programme doit l'amener à Rhodes vers le 10 décembre et à
Castellorizo le 12. « Tâchez de ne pas rentrer les mains vides »,
lui recommande Le Camus, qui pense toujours à ses barcasses.
A vrai dire, les occasions de capturer des voiliers turcs se font
rares. Sous le règne de Paponnet, c'était plus facile, et le PARIS
II a saisi ou coulé onze goélettes entre juillet 1916 et février
1917. Mais, à présent, les Turcs se méfient et ont juré que le «
chéitan guémi », le bateau - démon, ne leur jouerait plus de tels
tours. Le lieutenant de vaisseau Rollin fera bien d'opérer
prudemment. Un récent bulletin de renseignements de la
division de Syrie a signalé qu'une batterie de 75, commandée par
un capitaine turc et basée sur Adalia, se déplace le long de la
côte et doit bientôt se poster au cap Avova.
Le 12 décembre dans la soirée, le PARIS II avise Castellorizo
par sans-fil que son retour est remis au lendemain.
Le 13, à la nuit tombante, après une belle journée d'hiver claire
et sèche, sous un ciel nettoyé par une jolie brise d'Est qui
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apporte le souffle des neiges de Caramanie, le gouverneur Le
Camus rentre de sa tournée quotidienne d'inspection. Le voilà à
la lisière du plateau Saint-Georges, dont le bord dentelé domine
le port, la partie Sud de la ville et les ruines du Chastel Rouge
bâti, au début du XIVe siècle, par les Hospitaliers de Saint-Jean
sur l'emplacement de l'antique pyrgos de Sosiklès, fils de
Nikagora d'Amos. L'officier suit un sentier de chèvres que
bordent des roches creusées de tombes de l'époque hellénique ou
plus anciennes encore, mais qui sont restées sans histoire, car les
chroniqueurs n'ont daigné s'occuper de l'île minuscule qu'à partir
du IVe siècle de notre ère. Par-dessus les toits rouges tous pareils
qui ont remplacé les terrasses charmantes d'autrefois, le port
désert est maintenant visible dans toute son étendue.
Le gouverneur s'engage dans la première ruelle, lorsqu'il voit
accourir le commissaire de marine Durand, officier interprète et
chargé du chiffre. Sa figure est toute chavirée. Il brandit un
papier dont l'obscurité empêche de distinguer les lignes et,
haletant, s'écrie :
— Commandant, le PARIS II a été coulé au canon devant le
cap Avova. L'Alexandra, qui a envoyé ce T. S. F., n'a pu sauver
personne !
III. — LA SOURICIERE.
Rallions, à la mer, la section PARIS II - Alexandra. Lors de leur
précédente patrouille, les deux navires ont passé presque tout
leur temps à transporter des troupes et des réfugiés. Il importe de
se montrer de nouveau dans les anses de Caramanie. Un sans-fil
de l'amiral Varney signale le départ imminent, pour Sa
Tripolitaine, de goélettes ennemies escortées par des sousmarins. Il paraît aussi qu'en certains points du littoral turc, on
construit des voiliers. Un nettoyage de la côte s'impose en la
serrant de près. Le risque est faible. On n'a le plus souvent
affaire qu'à des pièces isolées à tir lent, lesquelles se ramassent
dès qu'on fait tête. Bien renforcé depuis l'affaire de Solloum, le
PARIS II porte un canon de 10, trois de 75 et un de 47 contre
avions ; l’Alexandra, un de 95 et un de 75. Ainsi armée, la
section est d'attaque, et puis, en naviguant à deux, il restera
toujours, vienne le coup dur, un bateau pour remorquer l’autre.
En route donc pour fouiller toutes les cachettes, et surtout les
environs d'Adalia.
Le 9 décembre, la section arrive devant le cap Avova. A 3 000
mètres, le PARIS II canonne une tartane ancrée sous le
promontoire. Peine perdue: la houle fausse le tir et l'aviso
s'éloigne. Au coucher du soleil, il revient, stoppe devant le cap
et met à l'eau une baleinière. En s'éloignant, les baleiniers
déroulent « à la demande » une longue aussière dont le PARIS
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II a gardé un bout et dont ils vont fixer l'autre extrémité sur la
tartane.
Une violente fusillade accueille l'embarcation et cesse dès
l'intervention de quelques obus français. Puis, virant l'aussière
avec son treuil à vapeur, le PARIS II amène le long de son bord
la baleinière et le bateau capturé. Il est chargé de peaux et
d'oranges et sa coque est en si piteux état que la houle l'envoie
par le fond sitôt que l'aviso tente de le remorquer vers
Castellorizo.
Décidément, la fameuse batterie turque qui doit défendre le cap
Avova n'est pas à son poste.
Le 10 décembre, le PARIS II va reprendre des agents à un
rendez-vous fixé sur la côte. Le 12 , la section pénètre dans le
coupe-gorge qu'est la baie Makry et démolit un canon turc et des
baraquements. Ce coup de main va sûrement attirer des forces
ennemies, et il importe de filer à toute allure vers quelque lieu
où nul n'attend nos bâtiments. Toute la nuit durant, le PARIS II
et l'Alexandra cinglent vers l'Est. Un T. S. F. vient de signaler, à
Adalia, la venue de troupes prêtes à se jeter sur Castellorizo.
Une seule voie leur est ouverte : la route de mer, dont la
surveillance stricte s'impose plus que jamais. Dès lors, Rollin
ajourne son retour à Navlakas et, le 12, prévient Le Camus par le
sans-fil dont j'ai parlé.
Et nous voici au 13 décembre.
Naviguant à toucher la côte de Caramanie, PARIS II et
Alexandra se dirigent vers l'Est en ligne de file. A six heures du
matin, les voici dans le canal de Lycie. Invisible dans la nuit
finissante, Castellorizo est par le travers tribord. Le rivage
ennemi n'est qu'un mur noir dont la base est frangée d'une ligne
d'écume vaguement phosphorescente aux points où le ressac
déferle sur des hauts fonds. Pas une lumière en vue.
Quatre-vingts kilomètres plus loin, voici le cap Khelidonia, où la
côte tourne brusquement à angle droit pour courir en direction
Nord pendant une soixantaine de kilomètres jusqu'à Adalia. Nos
deux patrouilleurs continuent de longer la terre et passent entre
l'îlot Grambousa et le continent. Rivage désert. Au flanc d'une
colline boisée, le cratère volcanique de Yanar crache une
flamme rougeâtre qui, par instants, s'avive et vire au blanc. Les
vigies et les veilleurs des passerelles fouillent de leurs jumelles
le village de Deliktach, qui semble aussi abandonné que les
antiques vestiges d'Olympos tout proches. Les criques se
succèdent, toutes vides. Voici la plage de Tekrova, où gisent les
ruines de Phaselis, tout près de quoi viennent mourir dans la mer
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les dernières pentes du grand pic Takhtalou dont les 2 300
mètres dominent le pays. La neige qui poudre les sommets fait
paraître plus sombres que de coutume les falaises et les rocs
nom du bord de A une dizaine de kilomètres dans le Nord
apparaît un promontoire escarpé de marbre blanc, le cap Avova,
A sa pointe Nord s'ouvre une anse bien connue des caboteurs
d'Adalia et dans laquelle le PARIS II a surpris la tartane 1’autre
jour.
L’instant est venu de voir si la batterie mobile d'Adalia a fini par
rallier le cap. D’habitude, les canonniers turcs nouvellement
installés brulent de faire parler la poudre dès qu'un but passe à
leur portée. Les deux Français défilent à 4000 mètres de terre.
Silence... Ils viennent alors sur la gauche, en route sur Adalia.
Dix heures. A bord du PARIS II, les bâbords sont de quart, les
tribordais à table. Sur la passerelle, le second maître de
man uvre Guillou soudain s'exclame :
- C'est trop fort ! Il y a encore un salopard dans le fond de la
baie.
- Ma foi répond le commandant, je ne m’engagerai pas dans ce
trou-là aujourd'hui, on risque trop.
Mais, à ce moment, le timonier Noret, l' il vissé à sa longuevue, rend compte :
- C'est une barque pareille à celle qu'on accrochée il y a quatre
jours, et elle est à la même place. Regardez, commandant, elle
amène sa voile.
Quelle frousse ! Les gens se foutent à l'eau. Ils ont peur d'être
poissés, bien sûr.
- Diable ! Voilà qui change l'aspect de la question. Si ces Turcslà rentrent leur voile, c'est qu'ils viennent d'arriver du large. Il
faut aller voir ce que leur bateau a dans le ventre.
« Indépendance de man uvre », signale le PARIS II à
l'Alexandra, tout en venant vers la gauche, droit sur la barcasse.
Les tribordais ont lâché leur repas. Ils émergent sur le pont. En
patrouille, les distractions sont rares et il n'en faut rien perdre.
Seul le matelot-coq Bouvier, peu curieux, demeure devant ses
fourneaux.
- Aux postes de combat ! Les baleiniers volontaires à l'appel !
L'appel est simple formalité, car les volontaires sont déjà là,
parés à sauter dans une des baleinières du PARIS II, lequel, à
vitesse réduite, gouverne sur l'entrée de la crique.
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Bientôt, l'aviso stoppe. L!'Alexandra a rallié le cap et s'en tient à
moins de cent mètres, prête à canonner toute silhouette suspecte.
La baleinière est en route : le quartier-maître de man uvre
Poiraud est à la barre, le quartier-maître fusilier Le Moal à la
mitrailleuse, le quartier-maître timonier Laouénan emporte deux
pavillons emmanchés pour les signaux. L'embarcation n'a que
deux avirons sur quoi souquent, à couple, le chauffeur Dely, le
matelot Neulat et les fusiliers Corbani et Guillerm. Deux avirons
suffisent, puisque, tout à l'heure, c'est le treuil du PARIS II qui
déhalera l'embarcation.
La crique où elle vient de s'engager semble une tenaille prête à
mordre. Le cap Avova est une des branches. L'autre est une
petite pointe plus au Nord, d'où, le 9 décembre, des tireurs
cachés ont canardé la baleinière. Grimpé dans le nid de pie, le
canonnier Nomdedeu, aux yeux de fin tireur, surveille cette
pointe que débordent des têtes de roches marquées d'écume en
flaques. Le PARIS II est à quelque 350 mètres du cap qu'il
relève par tribord arrière. Toute vitesse abolie, l'aviso attend.
La baleinière n'a plus que deux cents mètres à courir.
A terre, pas un bruit, pas un souffle, pas même l'aboiement d'un
chien, pas même l'envol d'un oiseau. Du PARIS II, les jumelles
de jour et de nuit, les longues-vues et le télémètre sont braqués.
Dépointés par mouvements très lents, ils scrutent l'un après
l'autre les rocs, les ravins, les crêtes, les buissons et les arbres,
les grands pins tout droits dont l'odeur résineuse parvient jusqu'à
bord.
La baleinière avance toujours, très lentement.
Entre la pointe et le cap, les pentes moins abruptes sont bien
dégagées et en pleine vue. Nul ne se pourrait cacher par là à
moins de creuser des tranchées, et le travail serait ardu dans ce
sol tout en roches et en cailloux. Pourtant... Pourtant, regardez,
juste sur l'arrière de la barcasse, à cinquante mètres du bord de
l'eau, cette bande brune qui semble de la terre fraîchement
remuée. Sur cette trace suspecte, le second maître Guillou a,
depuis un moment, rivé son attention. Noret, lui, surveille le cap.
Il a cru quelque chose remuer derrière un talus... Illusion, peutêtre... Inévitable quand on fixe longtemps le même point. Mais,
au fait, que sont devenus les matelots turcs qui ont si vite
ramassé leur voile avant de sauter à la mer en apercevant le
PARIS II ?
La baleinière va accoster la barcasse.
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Ce paysage mort est vraiment étrange et quelque peu angoissant.
Aucune fusillade n'a salué notre embarcation. Un caracol, un
corps de garde existe pourtant au cap Avova. Serait-il évacué ?
Impossible... ou bien il faudrait supposer qu'on a concentré à
Adalia toutes les troupes de la région pour l'attaque annoncée
sur Castellorizo... Vraiment, tout est trop calme. Ce silence finit
par peser sur les épaules, et le bruit du treuil, qui se met à
tourner doucement pour réchauffer ses cylindres afin de partir
tout à l'heure au commandement, est pour tous détente agréable.
Allons ! Dans dix minutes, la baleinière sera rentrée; dans vingt
minutes, le PARIS II sera au large.
Dans dix minutes, le PARIS II flambera de bout en bout ; dans
vingt minutes, il aura vécu...
Rallions la baleinière, dont les sept hommes sont armés du
mousqueton et du revolver. Tout à la joie de l'action, ils
jacassent, échangeant des paris sur le contenu de la barque qu'ils
vont amariner.
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- Fermez vos clapets et ouvrez vos oreilles, ordonne le patron
Poiraud. Je vais accoster du bord opposé à l'endroit d'où on nous
a poivrés l'autre fois. J'irai moi-même couper le câble et frapper
la remorque. Laouénan viendra avec moi pour faire le signal. Si
on nous tire dessus, couchez-vous au fond. La première tête qui
passe aura affaire à moi directement. Nous y voilà…Laissez
courir... Rentrez les avirons.
La baleinière s'amarre le long de la barcasse, qu'escaladent
Poiraud et Laouénan. Rien ne bouge. Pas même la fusillade
prévue. Chose étrange: ce bateau qui semblait tout juste arriver
du large lorsqu'il a amené sa voile en vitesse, nos hommes le
trouvent triplement tenu : au fond par le câble de son ancre, et à
la plage toute proche par deux filins de l'arrière... Ayant fixé la
remorque, le patron donne trois coups de hache qui libèrent la
barcasse :
- Paré ! Laouénan, tu peux envoyer ton signal.
Dressé sur le bastingage, bien en vue, face au PARIS II qui déjà
tourne sur place pour s'éviter cap au large, Laouénan manipule
ses pavillons... et soudain s'abat dans la baleinière, atteint au
ur, tué raide. D'une tranchée invisible, une salve est partie.
Maintenant, les balles pleuvent : coups secs sur le pont de la
barcasse, où Poiraud s'est planqué, petites gerbes dans l'eau.
Couchés dans le fond de leur embarcation que l'aussière venant
du PARIS II hale lentement vers le large, les baleiniers
attendent que cesse la fusillade. Cela ne saurait tarder, car voici
que résonnent des coups de canon. C'est sûrement la voix du
PARIS II qui arrose les tranchées. Elles vont se taire, comme
l'autre jour...
IV. — MASSACRE.
Ce n'est pas le PARIS II qui tire...
C'est la batterie mobile qu'annonçaient les renseignements. Elle
vient d'arriver d'Adalia. Bien dissimulée sur une des pentes du
cap Avova, elle a ouvert un feu rapide et réglé dès le deuxième
coup, lequel, à onze heures vingt-cinq, crève la coque de l'aviso
à tribord, sur l'arrière de la passerelle et au-dessous de la
flottaison, en plein dans une soute à charbon qui prend feu : tout
ensemble incendie et voie d'eau...
De la corne du PARIS II, le pavillon français, le minuscule
pavillon tout noirci de suie qu'on arbore à la mer, descend,
aussitôt remplacé par la grande enseigne des jours de fête, le
pavillon tout neuf : quatre mètres de guindant sur six de battant.
Il est tout de suite troué par une nouvelle salve dont un projectile
culbute notre 75 bâbord, tandis qu'au mâtereau du gaillard
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d'avant monte le guidon vert à croix rouge : croix de guerre des
navires cités à l'ordre du jour.
Sur le PARIS II immobile, les canons turcs, les fusils et les
mitrailleuses cognent.
— Machine en avant à toute vitesse ! La barre à droite toute !
Virez le treuil, virez vite !
L'aviso prend de l'erre et man uvre pour contourner la pointe
Nord, dont la masse interposée le protégera. Et, tandis que la
pièce de 10 centimètres du gaillard d'avant commence de
riposter, deux nouveaux projectiles ennemis éclatent, l'un
démolit le canon de 75 de l'arrière, tue ou blesse les canonniers
et coupe l'aussière qui déhalait la baleinière et la barcasse, l'autre
anéantit le poste de sans-fil. Écouteurs aux oreilles, le quartiermaître T. S. F. Lamier tombe mort.
A 350 mètres, l'ennemi invisible a beau jeu. Patiemment, le
capitaine turc a attendu que s'approche le bateau du diable, objet
de haines féroces et dont on a juré la perte. A présent, on le tient,
on ne le lâchera plus.
Trois obus de 10, bien ajustés, s'envolent encore vers le cap.
L'armement va charger de nouveau la pièce, lorsque, sur le
gaillard, jaillit une gerbe de feu si haute que, dans le nid de pie,
le canonnier Nomdedeu, les mains et la barbe brûlées, laisse
choir ses jumelles. Un projectile a frappé le parc à munitions qui
flambe. Un rideau incandescent, haut de plus de dix mètres,
sépare le gaillard du reste du navire. A toucher cette courtine de
flammes, le quartier-maître canonnier Paulay, tout seul, charge
un quatrième coup, puis essaie de pointer. Pas moyen : la
fournaise est trop près. Peu à peu, l'homme recule devant elle.
Ses cheveux et ses sourcils brûlent. Il s'écarte encore, la figure
protégée par sa vareuse, la vareuse prend feu... Le voici à
l'extrême avant, parmi ses camarades; l'incendie les poursuit. Le
gaillard entier est embrasé, on respire des flammes. Ces hommes
vont-ils périr, grillés vifs ? Non, la mer est là ; quatre marins y
sautent. Agrippé par les mains au plat-bord, le corps pendant
hors du navire, le second maître Marque arrive seul à gagner le
milieu du PARIS II et bondit sur le pont, en face de la cuisine.
Le cuistot Bouvier est toujours au travail : « Tout ça n'empêche
pas de manger », déclare-t-il... puis il tombe, le flanc crevé par
un fragment d'un obus qui a explosé sur la claire-voie de la
machine.
Le PARIS II donne environ six n uds. Dans quelques minutes,
la pointe Nord l'abritera.
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Malheur ! Pénétrant dans la machine, un pruneau tombe sur le
plateau du cylindre de moyenne pression et éclate. Le collecteur
principal est crevé. La vapeur s'en échappe en sifflements
déchirants. Blessé, le mécanicien Pastrie s'affale. Et, comme si
les articulations de métal étaient soudain gommées, les bielles
hésitent, comme ataxiques, et, à chaque tour, chaque manivelle
semble vouloir s'arrêter au point mort. Mais dans le tube
acoustique résonne la voix du commandant :
- Que tout saute, mais donnez tout ce que vous pouvez !
Le mécanicien Brenon, par bonheur tout près du porte-voix, a
entendu l'ordre, malgré les hurlements de la vapeur dont le
brouillard blanc l'aveugle. A tâtons, il ouvre en grand le registre
d'arrivée, puis, avec le second maître Laronde blessé à la main et
Pastrie qui s'est relevé, il tente d'approcher du collecteur crevé.
Le jet de vapeur brûlante refoule les trois hommes sur l'avant.
Les voilà dans la chaufferie. Sous leurs pieds, l'eau monte...
- Charge, Guillou, charge, mon fils, pousse les feux tant que tu
pourras, ordonne Laronde au chauffeur de quart. Il faut que la
bécane nous tire de là.
Guillou, la figure fendue, en met de toutes ses forces. Brenon,
couvert de sang, et Pastrie enlèvent les portes des cendriers pour
faire monter la pression.
Mais la brume torride et le nuage asphyxiant de l'incendie ont
suivi les hommes et les chassent de la chaufferie. Ils montent sur
le pont, où le second maître mécanicien Deschamps panse le coq
Bouvier dont le sang coule à flots et le quartier-maître Jaffrezic
qui vient d'écoper.
Le massacre dure depuis cinq minutes à peine.
Tandis que les Turcs s'acharnent sur le PARIS II, l’Alexandra
s'est mise à l'abri à toucher le cap. Le devoir de l'enseigne
Doucet est net : il doit sauver son chalutier. En restant aux côtés
de son compagnon, il donnerait à l'ennemi l'occasion d'un
double triomphe. Alors, pendant quelques minutes, il a gagné au
pied et maintenant ses deux canons pilonnent le cap Avova. Peu
à peu le tir de la batterie turque mollit.
Mais déjà le PARIS II est condamné. Il agonise, et toutes ses
fuites de vapeur clament sa souffrance. Son 75 tribord, seul
debout, tire encore. Le commandant est blessé à la mâchoire. A
ses pieds, l'homme de barre, le matelot Huby, est couché et râle.
Le timonier Noret, le bras cassé, a pris sa place. L'incendie du
parc à munitions cache tout l'avant du navire et l'arrière est voilé
par la fumée noire qui monte de la soute à charbon en feu. La
pointe Nord, le salut, est encore à un millier de mètres. Dès que
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l'aviso l'aura doublée, il signalera à l’Alexandra de venir lui
donner la remorque. Il est temps de venir sur tribord :
- La barre à droite toute, ordonne le lieutenant de vaisseau
Rollin.
Mais, voyons, qu'est-ce encore? Le bâtiment vient à gauche en
grand... Et où est donc passé l'homme de barre ?
Noret a quitté la passerelle pour aller voir ce qui bloque le
gouvernail. Et le second du PARIS II, le maître timonier Buino,
qui avait pris la roue à sa place, s'est abattu, le crâne ouvert.
Cramponné aux rayons, mort aux trois quarts, il essaie encore de
gouverner...
C'est en vain, car deux obus ont éclaté dans le compartiment du
servo-moteur, et la barre est enrayée. Soutenant son bras cassé
avec son bras valide, Noret revient et rend compte :
- Commandant, j'ai voulu embrayer la barre à bras. Je n'ai pas pu
: tout est en miettes par là, et ça brûle.
Gouvernail coincé, le PARIS II revient sur la gauche vers la
batterie, vers la mort. Pourra-t-on au moins gréer les palans
qu'on accroche, comme moyen suprême, sur la barre elle-même
? Non. La soute à poudre vient de sauter, et tout l'arrière du
navire n'est plus qu'un tas de fers tordus et emmêlés qui
immobilisent le gouvernail. Inexorablement, jusqu'à la fin,
l'aviso va tourner en rond...
Le feu nourri de l’Alexandra gêne les Turcs, dont la giration du
PARIS II a tant soit peu déréglé le tir. Les projectiles frappent
moins dru, mais le bateau pique du nez. Rien ne peut plus le
sauver. Et, tenez, comptons ses blessures :
Un obus dans la soute à munitions, son explosion a démoli tout
l'arrière ; deux autres dans la machine ; un dans le poste de T. S.
F. ; un sur la pièce de 75 arrière ; un au pied du grand mât ; un
dans le youyou, qui n'existe plus ; un sur la drague à tribord ; un
sur le mât de charge ; deux dans la cuisine ; un sur le treuil ; un
dans la soute à charbon tribord; deux dans le servo-moteur; un
sur la passerelle supérieure ; un sur la boîte à cartes ; un à
l'entrée de la cale; trois sur le pont avant ; un sur le 75 tribord ;
un sur le 75 bâbord ; un au pied du mât de misaine ; un dans le
parc à munitions de la pièce de 10 ; un ou plusieurs sur la dite
pièce ; un à l'étrave et deux dans le gréement de misaine.
Au total, vingt-neuf coups reconnus, sans compter ceux qui ont
tapé en des endroits déjà sans formes ni contours. Le tout en
quelque dix minutes... Le PARIS II bat tous les records.
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Autour des mâts, les haubans, étais et galhaubans coupés
pendent comme chevelures en désordre. Mais la drisse de la
grande enseigne est en place et les couleurs flottent toujours.
Criblé, le PARIS II va couler, pavillon haut. Il est temps
d'abandonner l'épave pour sauver les hommes.
Il n'y a plus de youyou. La seconde baleinière et le radeau de
sauvetage sont toujours là et semblent presque intacts. Malgré
quoi il faut renoncer à s'en servir. Grouper les survivants sur des
cibles si faciles à atteindre serait les envoyer à la boucherie.
Sous la passerelle, l'équipage impassible, les blessés s'appuyant
sur les valides, attend l'ordre du chef.
Pourront-ils nager, ces gars magnifiques ? Par bonheur, les
projectiles turcs sont chargés d'explosif très brisant, et, tandis
que leur éclatement produit des effets de souffle terrible sur le
matériel, leurs fragments, relativement petits, ne blessent pas
toujours très profondément. Voyez le commandant du PARIS
IL, il a reçu trois éclats : à la mâchoire, dans la rotule du genou
gauche, et dans la jambe droite, et il est toujours debout.
Sur son ordre, on jette à la mer les madriers, les planches, les
cages à poules et les avirons, puis l'équipage capèle les ceintures
de sauvetage.
— Allons-y, mes garçons. Sauve qui peut !
Pendant que ses hommes sautent à la mer, le commandant
descend dans sa chambre afin de noyer les papiers secrets
introduits à l'avance dans un portefeuille de toile lesté de plomb.
Hop ! à la mer ! Puis Rollin entasse tous ses livres et documents
personnels, chavire dessus la lampe à pétrole et allume le
monceau. Tout va flamber, et la cabine avec.
Impossible d'accéder au carré pour sauver ce que contient le
coffre-fort du navire. Des tôles tordues et enchevêtrées, une
broussaille inextricable d'acier barre le passage.
Le commandant regagne alors le pont. Plus personne. L'avant du
bateau brûle furieusement et s'enfonce. Le centre est embrumé
par la vapeur et la fumée qui s'échappent par les trous d'obus. A
travers un chaos indescriptible, le lieutenant de vaisseau se fraie
un passage, évitant de son mieux les jets brûlants. Dans la brume
chaude et puante, il avance, criant tous les trois pas :
« A la mer tout le monde, rondement ! »
II veut, avant de sauter à l'eau, s'assurer qu'il est bien seul.
Le voici à tribord. Soudain il disparaît à travers le pont qu'un
projectile a éventré sur l'arrière du panneau de la machine. A
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grand'peine, il arrive à se libérer d'un fouillis de fers tordus et de
plaques rebroussées sous lesquels résonne le bruit de source
d'une voie d'eau et le chuintement d'une fuite de vapeur qui se
condense à son contact.
A l'instant que Rollin émerge à la lumière et constate que la tôle
du bastingage a été soufflée et rabattue à l'extérieur, ouvrant une
passerelle vers la noyade, un obus arrive en plein dans le grand
mât, qui s'abat. Deux éclats frappent le lieutenant de vaisseau au
pied et à la cuisse gauches.
La chute du mât a dû réjouir les Turcs : on entend des hourrahs.
Le poste de l'équipage et celui des chauffeurs sont déserts. La
soute de l'avant, où sont logées des poudres, n'est qu'un brasier.
Qu'attend donc le bateau pour sauter ?
A présent certain d'être demeuré le dernier à son bord, le
commandant ôte ses souliers et plonge. Trois minutes plus tard,
le PARIS II chavire sur bâbord et coule par l'avant. Jusqu'à la
dernière seconde, la grande enseigne reste en vue.
V. — LES NAUFRAGÉS.
Les Turcs ont cessé le feu. Déjà quelques soldats émergent des
tranchées, prêts à recueillir les survivants dès leur arrivée à terre.
Mais le capitaine, qui, à travers sa jumelle, observait les
naufragés, hurle soudain un ordre rageur. Le tir reprend sur les
gars du PARIS II, lesquels nagent vers la haute mer vers
l'Alexandra. Décidément, ces gens-là, il faut les tuer pour les
avoir.
Autour des Français l'eau gicle sous les balles. Tir inutile contre
ces fuyards dispersés et peu visibles. Des shrapnells arrosent le
radeau dont personne n'a voulu.
L'Alexandra continue de canonner l'ennemi, pour venger les
camarades, car depuis longtemps l'enseigne Doucet est persuadé
que personne n'est resté vivant de ce PARIS II qui brûlait de
bout en bout. Du chalutier, nul n'aperçoit les malheureux qui
lentement, contre le vent et la houle, viennent vers lui.
Ils nagent... L'eau froide de décembre raidit leurs bras et leurs
jambes; l'eau salée mord les chairs en sang. Ils étaient trente sept
tout à l'heure, seuls manquaient le maître timonier Buino, mort
sur la passerelle de l'aviso, après avoir gouverné jusqu'au bout,
et le matelot T S. F. Lamier, tué à son poste. Mais bientôt
Paillay, frappé de congestion, coule et quatre mauvais nageurs
disparaissent. Les autres se déhalent : trente-deux maintenant.
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Deschamps et Brivet se partagent le soutien d'une petite table
qui servait au commandant lorsqu'il mangeait sur le pont Les
yeux au ras de l'eau, les naufragés voient tout juste les mâts et la
cheminée de l'Alexandra. Arrivera-t-on jamais ?
Deux heures passent, et ils ne sont plus que vingt-huit qui
essaient de se reposer sur toutes les épaves passant près d'eux.
Dure étape. Le courant porte à terre et il semble qu'on n'avance
plus...
Pendant deux heures encore, de toutes leurs forces qui
s'épuisent, ils nagent. Ces deux heures-là ont encore tué trois
hommes. Restent vingt-cinq.
Et bientôt vingt-quatre sans doute; écoutez ces cris : « A moi ! A
l'aide ! » C'est Bouvier, le matelot-coq au flanc crevé. Laronde
le croche, mais le malheureux pèse lourd. Le second maître hèle
alors le quartier-maître canonnier Renault et le chauffeur Le
Donge, installés sur une grande épave :
— Venez, second maître, il y a de la place, répondent les deux
hommes.
Bouvier mourra dans quelques semaines... à Smyrne.
— A moi ! A moi ! Ne m'abandonnez pas, les amis ! Je n'y vois
plus, crie le canonnier Moro, dont un il est crevé et l'autre
atteint. Deux matelots se précipitent. Le PARIS II est un
fameux bloc, où l'entr'aide est admirable. Regardez cet espar
qui soutient quatre hommes, dont trois blessés : le commandant
Rollin et le mécanicien Pastrie poussent le madrier où
s'accrochent les Libanais Farid et Ali Mansour, seul indemne et
qui s’est chargé du chien. La ceinture de sauvetage de Pastrie,
défaite, le gène et il ne peut travailler qu'avec ses jambes. Par
moments, pour soulager le flotteur, Farid nage sur le dos, jusqu'à
l'instant où les souffrances le forcent de s'accrocher à nouveau...
Malgré ses plaies, le timonier Noret remorque son camarade
Huby qui a saisi un aviron, mais l'effort est trop dur, Huby
s'enfonce...
La nuit approche. Trois hommes encore viennent de succomber.
On ne voit plus l’Alexandra. Il faut gagner le rivage... ou se
noyer.
— Tout le monde à terre, ordonne le lieutenant de vaisseau
Rollin.
L'ordre est transmis. Les naufragés virent de bord. Mais, sans
forces, pourront-ils se soutenir assez longtemps ? Heureusement,
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le vent et le courant sont favorables et la grande épave de
Renault recueille encore quelques hommes.
Le rouge du crépuscule teinte les neiges des sommets. Le bleu
de la mer a viré au gris de plomb. Les falaises d'Avova toutes
proches enveloppent de leur ombre les naufragés. On entend des
voix de soldats qui attendent au bord de l'eau, et le faible
clapotis des nageurs.
- Courage, camarades, j'y suis, crie le mécanicien Pessonneaux,
qui vient d'aborder.
Les Français, que leurs jambes glacées ne portent plus, se
sentent saisis et soutenus par les Turcs entrés dans l'eau pour
venir à leur aide. Haletants, titubants, épuisés par six heures de
lutte, les dix-neuf survivants, dont treize sont blessés, prennent
contact avec le sol.
Dans la nuit qui vient, surgit devant le lieutenant de vaisseau
Rollin une haute silhouette coiffée du casque de guerre ottoman.
Des talons claquent pour le salut et une main se tend vers
l'officier français :
-— Le c ur m'a saigné, commandant, de tirer sur vos couleurs,
mais c'était mon devoir. Je l'ai fait comme vous avez fait le
vôtre. A présent, vous êtes mon hôte.
VI. — LES BALEINIERS.
Le lendemain 14 décembre, à dix heures du matin, l’Alexandra,
tenace, revient devant le cap Avova et expédie trente obus de 95
sur l’emplacement de la batterie. Personne ne riposte. Le
chalutier quitte alors le golfe d'Adalia, en route vers l'Ouest.
A Castellorizo, tout est tranquille. Lumières éteintes ou
masquées, la ville repose. Un vent d'Est glacé qui a nettoyé le
ciel a molli au coucher du soleil.
Neuf heures. Chez le gouverneur Le Camus, le téléphone de la
pointe Nephti appelle :
- Le canot à vapeur, venant de Navlakas, se dirige sur l'entrée du
port.
Ce canot de servitude était en effet à Navlakas et devait y passer
la nuit. Que signifie ce retour ? Ayant tenté sans succès de
téléphoner à la calanque, — quelque Arménien de la légion
d'Orient a dû couper le fil pour en faire des lacets de souliers
solides et souples, — Le Camus descend sur le quai AmiralMoreau, où se trouve, sur l'agora, le magasin de la marine, poste
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à nouvelles et pointe aux blagueurs. Dans la nuit retentissent les
appels des factionnaires de la côte :
- Ho du canot !
La réponse n'est pas encore perceptible, mais bientôt le vapeur
s'engage dans le port. Sa vieille machine ferraille terriblement.
— Ho du canot ! hèle cette fois la sentinelle du quai, et voici la
réponse :
— Survivants du PARIS II.
— D'où venez-vous ? interroge Le Camus.
— De l’Alexandra : elle nous a ramassés au moment où nous
entrions à Navlakas avec la baleinière. Envoyez un fanal et du
monde pour donner 1a main aux blessés.
Le vapeur accoste le long d'un escalier de marbre aux degrés
affouillés par les clapotis. Sa chaudière jette un reflet rouge sur
la foule entassée à l’arrière. Arrivé à la dernière marche, un
porteur de fanal se penche et éclaire une forme raide enrobée
d’un pavillon tricolore.
- Vous avez un mort? interroge le gouverneur.
- Oui, commandant, c'est le quartier-maître Laouénan, répond le
second maître de man uvre Phérivong, qui fut chef de quart sur
le PARIS II.
Lentement, les survivants émergent en pleine lumière des fanaux
accourus : onze hommes, dont cinq blessés.
Une voix se lamente :
— C'est trop de poisse, commandant; elle était encore à flot il y
a une heure ! Il a fallu qu'elle aille au fond en accostant
l’Alexandra ! Elle a coulé avec la mitrailleuse, les fusils et tout
ce qu'on avait eu tant de mal à ramener de là- bas !
— De quoi parlez-vous, mon ami, et quel est votre nom ?
demande Le Camus.
— Quartier-maître Poiraud, patron de la baleinière du PARIS ;
je suis déshonoré, commandant...
En quelques mots, l'officier calme le malheureux qui se croit
perdu de réputation, alors qu'avec tous ses camarades il vient de
faire tout ce qu'exigeait l'honneur, et même davantage.
On dépose le cadavre au magasin, où deux hommes vont le
veiller. Et voici l'odyssée de la baleinière.
Rejoignons-la à l'endroit où nous l'avons laissée la veille, dans
l'anse du cap Avova, attendant que le PARIS II ait réduit au
silence les tireurs invisibles qui viennent d'abattre Laouénan. Le
quartier-maître Poiraud est dans la barcasse turque; les baleiniers
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sont couchés au fond de leur embarcation, côte à côte avec le
mort.
- Ça va se passer comme l'autre jour, dit le fusilier Corbani; nos
pruneaux de 10 auront vite fait de museler les salopards.
- Tu as raison, répond Dely, chauffeur breveté, mais cette fois ils
nous ont eus. Laouénan est tué, et c'est déjà trop. Si on essayait
de dégoter un Turc pour lui apprendre...
- Le premier qui montre son nez, je lui fais son affaire, hurle
Poiraud, qui a entendu la proposition. J'ai mon revolver, vous
savez.
- Ça va, mon vieux, répond le quartier-maître fusilier Le Moal.
T'en fais pas, je suis là pour empêcher les accidents.
Philosophiquement, les baleiniers attendent, bien aplatis dans le
fond. Ils tuent le temps en bouchant avec des balles de
mitrailleuse les petits trous ronds que découpent les balles
turques dans la coque, dangereusement près des formes
allongées. La baleinière est en tôle, mode de construction que
nos marins flétrissent dans un langage énergique et d'une verte
précision. Ils préfèrent avec raison le bois qui foisonne et obture
de lui-même les brèches des petits projectiles. En dépit de cette
distraction, les minutes semblent longues.
- Décidément, les Turcs insistent, remarque le fusilier Guillerm.
Qu'est-ce qu'ils font donc, les canonniers du PARIS ?
- Ils en mettent, sûr et certain, tu les entends.
De fait, les baleiniers entendent des coups de canon et des
éclatements d'obus. Mais les canons sont turcs et les obus sont
ceux de l'Alexandra… Soudain, un cri :
- Le PARIS n'y est plus !
Étonné de constater que, depuis un bon moment, l'aviso a cessé
de virer l'amarre qui doit déhaler baleinière et barcasse, le patron
Poiraud a fini par lever la tête. Plus de PARIS II... A cette
nouvelle, la curiosité de tous devient incoercible.
Des têtes se dressent, tout de suite saluées d'une salve. Mais le
patron est un homme de prompte décision ; il saute dans la
baleinière :
— Ramassez vos figures pour le moment, vous les montrerez
bien assez dans une minute, D'ailleurs, on est beaucoup trop mal
ici pour que j'y reste jusqu'à ma retraite. Nous allons rallier
l’Alexandra lestement. Le Moal et Corbani, sautez à la
mitrailleuse, Dely et Neulat aux avirons, Guillerm en réserve
dans le fond, paré à remplacer le premier arnoché. Vous y êtes
?... Pousse au large ! Avant partout et souque pour ta peau !
La baleinière abandonne l'abri relatif de la barcasse. Les balles
l'accompagnent. A peine a-t-elle couru deux os sa longueur que
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des shrapnells commencent d'ajouter leur averse à la fusillade.
Le Moal riposte à toute allure : six cents coups par minute. Mais
très vite la formidable crécelle se tait…
- Enrayée ? interroge le patron.
- Fichue, répond Le Moal. Une ferraille en plein dans la boîte de
culasse. Elle m'a éclaboussé, et Corbani aussi.
Les blessures sont légères, et Corbani empoigne son fusil. Ce
que voyant, Guillerm saisit le sien et reçoit incontinent un éclat
d'obus.
- Laissez vos flingots tranquilles, ordonne le patron, Arrimez-les
dans le fond de la baleinière, et vous avec.
Tranquillement, Le Moal démonte la mitrailleuse inutile.
L'embarcation menace de tourner à l'écumoire, Les canons turcs
ont cessé le feu, mais les fusils continuent la danse.
On ne s'en tirera qu'en remorquant cette baille-ci par le travers,
comme un crabe, proclame Poiraud, A l'eau vivement ceux qui
n'ont pas peur de la tasse. Un de vous restera à bord boucher les
trous.
Donnant l'exemple, le patron s'est déshabillé. Trois hommes le
rejoignent à la mer. Nageant à tribord de la baleinière qui leur
sert de bouclier, ils la déhalent de leur mieux. Mais les bateaux
ne sont point taillés pour marcher le flanc le premier, et c'est à
peine si le cortège avance. !
Subitement, les Turcs cessent le feu et les Français d'en conclure
qu'ils n'ont plus de munitions. En réalité, le tir de l’Alexandra,
qui maintenant arrose les environs du cap Avova, a délogé les
gens des tranchées. Les baleiniers remontent à leur bord et
reprennent leurs avirons. Et voici des appels :
- Par ici, la baleinière !
C'est le mécanicien Mazoyer, rescapé du PARIS II. Plus loin, le
second maître Phérivong, le canonnier Nomdedeu et le
chauffeur arabe Bechir Goda remorquent, sur un panneau de
cale, le chauffeur Castel blessé. La baleinière les embarque et
repêche un peu plus loin le quartier-maître Brenon.
- Où sont les autres ? interroge le patron.
- A terre ou par le fond avec le bateau...
Avec les deux quartiers-maîtres, Phérivong tient conseil. Chypre
est à quelque 225 kilomètres dans le Sud-Est. Tenter de rallier
cette île serait pure folie, car la brise d'Est vient de se lever,
soulevant un clapotis court et creux. Crevée en vingt endroits
qu'aveuglent tant bien que mal les cartouches-bouchons,
l'embarcation est sans vivres et sans eau. Un de ses deux
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avirons, brisé par un éclat d'obus, a été rafistolé avec une
rousture en filin. Le salut n'est possible qu'en longeant la cote
ennemie jusqu'à Castellorizo. On va piquer au Sud jusqu'au cap
Khelidonia, puis on filera vers l'Ouest, vent arrière, allure
toujours plaisante quand la brise demeure maniable.
Cent trente kilomètres à courir...
Les quarante premiers, jusqu'à Khelidonia, seront les plus durs.
Il faudra toute la nuit pour en venir à bout. Sur chaque aviron,
deux hommes appliquent tout leur poids, toute leur force pour le
salut, de tous. Sitôt à bout de souffle, on les relève. Épuisés, ils
s'assoient alors au fond de la baleinière, dans l'eau jusqu'au
ventre, et machinalement, avec des gestes mous, ils écopent avec
leurs bonnets l'eau qui embarque par bâbord, côté du vent, et
celle qui s'infiltre sans arrêt par les fissures de la tôle.
Sans mollir, il faut soutenir une nage de régates, car la mer et la
brise viennent du travers et battent en côte. Par instants, le
mugissement des lames déferlant sur les roches menaçantes
couvre la voix du patron qui encourage ses hommes :
- Tombe à cul, mes garçons !... Hardi que ça va !... A la bonne
heure qu'on gagne !...
Des heures sont perdues à faire tête au vent, cap à l'Est, pour
refouler un courant violent qui dépale sur les remous d'écume
des récifs Tria Nisia, grosses flaques blanches bouillonnant dans
les ténèbres. Des épis de roches noyées, où vingt fois la
baleinière manque de s'éventrer, prolongent les promontoires à
quatre ou cinq cents mètres au large. Quelle endurance
surhumaine faut-il à ces gars pour tenir quand même, heure
après heure, pour souquer sans cesse, pour souquer toujours !
Ah c'est qu'ils retrouvent là leur ancien métier de pêcheurs
bretons. Pris par le calme et drossés par des courants de foudre
sur les brisants de Sein ou des Trépassés, combien de fois ont-ils
dû, des journées durant, ha1er sur les énormes avirons de leurs
grands lougres ?
L'aube rosé et dorée du 14 décembre éclaire les faces terreuses
et défaites des baleiniers à demi morts d'épuisement et de soif.
On souque, puis on écope et l'on souque encore. Ou bien,
claquant des dents, les lèvres bleues de froid, se serrant contre le
voisin pour lui emprunter un peu de chaleur, assis dans l'eau qui
emplit à moitié l'embarcation, on sommeille face à tribord, le
dos giflé par l'embrun, les reins brisés par l'effort, les mains
sanglantes.
Il fait grand jour. Aucune fumée en vue au large.
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Mais, tout près, voici le cap Khelidonia, que frange un groupe
d'îlots. De J'abri de ce minuscule archipel, la baleinière profite
pour établir une voilure étrange faite d'un caillebotis sur quoi
l'on tend une vareuse...
En cet équipage, le cap une fois doublé, on laisse porter jusqu'au
vent arrière. La voile de fortune ne sert pas à grand'chose, et les
avirons font les trois quarts du travail, La brise ne force pas, la
mer est plus maniable, on finira par atteindre le but.
Trente-six heures après avoir quitté le cap Aveva, à sept heures
et demie du soir, par nuit noire, tout prés deCastellorizo, les
baleiniers aperçoivent l'Alexandra qui, toute la journée les a
vainement cherchés. Hélas ! En accostant, la baleinière, prise en
travers par la houle, tosse brutalement contre le chalutier. Le
choc déracine d'un coup toutes les balles qui bouchaient les
voies d'eau… Deux minutes suffisent pour que disparaisse cette
embarcation dont l'équipage n'avait abandonné ni ses armes, ni
le corps du camarade tué...
Vous comprenez maintenant le désespoir du patron voyant
couler à pic tout ce qu'à si grand'-peine il avait ramené de si
loin...
VII. — CIMETIERE MARIN.
15 décembre. La brise a viré à l'Ouest. Le ciel est endeuillé de
nuages bas couleur de cendre. Tombant des sommets de
Castellorizo, des rafales lourdes balaient la ville et écaillent en
vaguelettes pressées l'eau du port qu'ont empourprée des pluies
récentes entraînant l'humus rouge de l'île. Le temps est trop
mauvais pour que les avions attaquent aujourd'hui.
Toute l'île est alertée. On enterre le quartier-maître Laouénan.
Portant le cercueil enveloppé des couleurs françaises, quatre
marins s'engagent dans les lacets des ruelles enchevêtrées dont
la pente mène aux remparts. A dix pas en avant, un clairon
virtuose lance par intervalles le lamento dont les notes aiguës,
traînantes et tristes rebondissent en échos bizarres sur les
façades et dans les culs-de-sac. Par instants, la venelle devient
un âpre escalier aux marches inégales, usées, glissantes, sur quoi
trébuchent les porteurs qui, plus loin, se heurtent aux murs dans
un raidillon trop étroit. Le cortège s'étire à l'infini. Les
survivants du PARIS II mènent le deuil. Viennent ensuite, après
l'équipage de l’Alexandra, les marins de Castellorizo, la légion
d'Orient, puis les archontes et les pappas aux chignons huilés et
aux barbes soyeuses. Ils précèdent toute la population mâle de
l'île, silencieuse et recueillie, égrenant machinalement et sans
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prier le chapelet aux grains d'ambre ou de santal. Des fenêtres
pavoisées de tapis, les jeunes filles de Mégiste font pleuvoir sur
le convoi des gouttes d'eau parfumée à l'essence de roses dont
les effluves se mêlent à l'odeur des feuilles d'olivier bénites qui
se consument dans les brûle-parfums. Debout sur le pas des
portes, les grasses matrones aux regards bovins, aux traits
réguliers et durs, graves et raides comme des statues, sont parées
de tous leurs atours pour honorer le Français défunt. Coiffées du
turban noir à plis serrés comme ceux du turban annamite, vêtues
de la camisole de soie que ferment sept broches et du pantalon à
la turque, emmantelées du caftan de velours soutaché d'or ou
d'argent et frangé de fourrures, elles ont sorti tous leurs colliers,
toutes leurs bagues, tous leurs bracelets, tous leurs pendants
d'oreilles faits de monnaies d'or.
Les matelots songent aux camarades qui sont restés là-bas, sous
le cap Avova. Par les baleiniers, on sait que quelques survivants
ont pu gagner la terre, mais qui ? Et combien ?
Voici les remparts dont les fondations servirent tour à tour aux
Byzantins, aux Turcs et aux Hospitaliers de Saint-Jean. La route
s'élargit ensuite. On approche de la région « des monts »,
presque inconnue de tous les Mégistéens du cortège,
commerçants ou marins qui dédaignent tout ce qui n'est pas le
port ou la cité, abandonnant la campagne aux bergers, aux
chèvres et, en été, aux jeunes filles qui, chaque soir, l'amphore à
l'épaule, vont à Aghia-Trias puiser l'eau des citernes à ciel
ouvert que remplissent les pluies et qu'ont restaurées nos marins.
Le convoi débouche maintenant sur un large épaulement
rocheux accoté au flanc de la montagne qui porte les hauts
plateaux. Sur ce terrain nivelé, le chemin s'épanouit et bientôt
serpente entre de petites villas clairsemées et toutes fières d'être
environnées de mûriers, d'amandiers, de grenadiers, de
citronniers et de figuiers centenaires que la paroi des monts
protège des grandes brises. C'est le quartier du gymnase
Santrapeia. En sortant de ce faubourg, la route longe des falaises
rougeâtres veinées de failles plus rouges encore, où s'est
accumulée la terre pourpre de l'île, comme en des entailles
sanglantes que les gouverneurs Saint-Salvy et Le Camus ont par
endroits pansées en y plantant des pins et des eucalyptus de
Chypre. Écorné par un bombardement, un moulin à vent dessine
sur le pays la grande croix de ses ailes et sert d'« amer » aux
navires qui s'approchent de Castellorizo, Par une descente douce
qui suit les contours de la pointe Mandraki on arrive enfin au
cimetière marin.
Rocailleux, sauvage, mitraillé par les graviers que le vent
soulève, l'endroit, qu'attristé davantage encore la lumière grise
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de décembre, fait songer à quelque promontoire breton. La
pointe du Raz n'est guère plus poignante. De cette falaise dont
les petites lames coupantes entament tenacement les assises, on
n aperçoit que la mer, la côte turque aux sommets embrumés et,
dominant la ville invisible, la carcasse patinée du ChastelRouge, où les Hospitaliers emprisonnaient, les chaînes aux pieds
et aux mains les condamnés à la grande pénitence. Sur les restes
du donjon flotte le pavillon français, aujourd'hui en berne.
Côte à côte avec d'autres marins, Laouénan va dormir au ras du
sol. Le roc dur n'a pas permis de creuser plus avant.
Le Camus dit d'abord l'adieu de la France. Puis, au nom du
peuple de Castellorizo, le président de la démogérontie, homme
mûr et sage, trouve sans peine dans le vieux fonds d'éloquence
de sa race, où s'unissent le courant païen de l’Ionie et le flux
chrétien de Byzance, des mots d'une élévation étonnante chez ce
simple maire de village. A sa voix, les Dieux et les Déesses de
l'Egée, de la Très-Verte s'envolent vers la mer Cimmérienne,
vers cet Occident où meurt le soleil achevant d'éclairer la scène,
pour y clamer la gloire des héros de France, tandis que les
archanges de l'iconostase tendent les âmes des trépassés aux
saints protecteurs des clochers de leur pays. Cette oraison
mystique, traduite phrase par phrase par un interprète, fait
monter les larmes aux yeux des rudes gars de chez nous. Yani
Lakerdis parle ensuite. Chef de l'insurrection qui chassa les
Turcs en mars 1913, ancien président du Conseil de la
République mégistéenne, capitaine de la milice qui, le 26 janvier
1916, appuyée par une section de la Jeanne-d’Arc et par nos
chalutiers Surmulet et Cachalot, cueillit en terre ennemie et
amena à Mégiste le capitaine et les cinquante soldats turcs
tenant garnison à Andiphilo, Lakerdis, en un véhément appel
que scandent les « Zito Gallia ! » de ses palikares, demande
qu'une pyramide de têtes turques fraîchement coupées, dix pour
chaque mort du PARIS II, soit dressée devant cette tombe en
signe d'expiation.
Il est d'autres moyens de venger les vingt Français disparus, et
les gens de l'Alexandra brûlent de retourner là-bas et d'en
découdre...
En face de ce petit chalutier, avec son commandant et ses vingthuit hommes, toute une côte armée est en alerte.
…..
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Annexe 2 :
Article de Presse paru dans - l’Echo de Paris - 30 janvier
1920
“ Nos Marins ”
Le bruit fait à la Chambre et dans certains journaux autour des
incidents de la Mer Noire a donné au public l’impression que la
discipline était moins forte parmi nos marins que parmi nos
soldats. Avant de se permettre une appréciation sur la façon de
servir qu’avaient nos marins six mois après l’armistice et après
avoir subi l’influence d’une propagande dissolvante, il serait
peut-être simplement loyal de chercher à savoir ce qu’ils ont fait
pendant quatre ans de guerre.
Ils ont vécu, à peu près tous les jours des journées comme celle
que je vais vous raconter.
La scène se passe en décembre 1917, non loin d’Adalia. Dans
cette partie orientale de la Méditerranée, à la mission générale
de nos patrouilleurs (lutte contre les sous-marins) s’ajoute celle
de bloquer étroitement les côtes méridionales de l’Asie Mineure.
Les bâtiments chargés de ce rôle donnent la chasse aux barques
turques, les combattent si elles résistent, tâchent de les ramener à
nos points d’appui — non pas que les parts de prise vaillent
celles que touchaient jadis les corsaires dunkerquois ou
malouins, mais parce que de bonnes barquasses d’une silhouette
bien turque, sont quelquefois très utiles pour faire voyager des
gens…qui aiment se promener pour s’instruire.
Au début de décembre, le PARIS II, commandé par le
lieutenant de vaisseau Rollin, a réussi une petite affaire de ce
genre : il est allé tout près de terre, à portée de fusil, amariner
une barcasse qui se croyait en sûreté dans une baie, la petite baie
d’Avova que limite à l’est le cap du même nom. C’est un bon
petit bateau que le PARIS II : 1.200 tonnes, une pièce de 100 à
l’avant, 3 de 75 sur les bords et un canon de 47 contre les avions
; dame, ce n’est pas un croiseur de bataille, mais bien des
cuirassés n’ont pas déjà comme lui une citation à l’ordre de
l’Armée gagnée le 4 février 1916 en se battant plus de deux
heures contre un sous-marin ennemi plus puissamment armé et
plus rapide, qui finalement a abandonné la lutte.
Donc, le 13 décembre, le PARIS II revient à l’entrée de la baie
d’Avova, et y voit une barcasse à l’ancre qui amenait ses voiles.
Il arme sa baleinière de sept volontaires, pour aller frapper
l’amarre sur la prise. Les hommes de la barcasse se jettent à
l’eau sans que la baleinière ne fasse usage contre eux de la
mitrailleuse dont elle est pourvue. Trois quartiers-maîtres
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montent à bord de la barque, sans recevoir de terre un coup de
feu, ils coupent l’amarre de l’ancre et signalent à bras que la
remorque est parée. Le PARIS II commence à man uvrer pour
entraîner sa prise.
A ce moment précis (le commandant note l’heure, 11 h 23)
éclate un feu violent d’artillerie une batterie turque a été amenée
à dos de mulets et le bâtiment est tombé dans un piège. Le
premier obus pénètre à tribord ; sous la ligne de flottaison, dans
la soute à charbon où il allume un incendie. Le commandant
repère aussitôt les lueurs de la batterie ennemie ; il ordonne
d’ouvrir le feu sur elle : hausse 1.800 mètres. Mais, dès les
premières salves turques, les deux pièces de 75 du bord engagé
ont été mises hors de service. La T.S.F. a été brisé, le
télégraphiste tué l’écouteur aux oreilles. La pièce de 100 avant
seule peut tirer : elle tire trois coups, bien dirigés, mais au
moment où l’on va charger le quatrième, un obus ennemi met le
feu aux munitions et voici l’avant séparé du reste du bâtiment
par un rideau de flammes d’une dizaine de mètres (nous avons
vu qu’il y a, depuis le premier coup, le feu à l’arrière dans la
soute à charbon). Admirable de sang-froid, le quartier-maître
Paulay charge son quatrième coup, mais il ne peut tirer et il est
obligé de se réfugier à l’extrême avant.
Du rivage, l’infanterie turque abritée dans ses tranchées, exécute
avec ses fusils et ses mitrailleuses un tir à la cible nourri qui
balaye le pont et la passerelle d’une grêle de balles. Le
commandant sur sa passerelle, parfaitement calme, fumant une
cigarette, ordonne de forcer la vitesse pour s’éviter derrière le
cap, lorsqu’un obus éclate dans la machine, crevant le collecteur
principal de vapeur. Les mécaniciens, pour ne pas être bouillis
vivants, sont obligés de passer dans la chaufferie, où ils poussent
les feux à fond.
Sur la passerelle, le commandant, qui a ordonné la barre tout à
droite s’aperçoit que le bâtiment vient à gauche. Il se retourne et
il voit son second, le maître de timonerie Buino, couché et
ensanglanté qui lui fait signe que la barre est bloquée. (Le maître
Buino a pris la barre pour remplacer les deux premiers timoniers
frappés par balles à leur poste.) L’arrière du bâtiment a sauté et
ses tôles projetées par l’explosion ont bloqué le gouvernail.
Le bâtiment ne gouverne plus et commence à tourner en rond en
revenant sous le feu de la batterie dont il voulait s’éloigner.
Les hommes sont au pied de la passerelle, immobiles, leurs
pièces brisées, leurs machines crevées et bloquées. Pas un ne
saute à la mer. Ils regardent leur commandant et attendent
l’ordre.
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Leur commandant ? Il est vrai qu’il vaut de le voir : il a la
mâchoire brisée et la rotule gauche broyée par les éclats d’obus :
mais il se tient droit près du tas ensanglanté que forment ses
timoniers successifs et sur lequel Buino, le second, agonise. Il
n’a pensé d’abord qu’à combattre, tout en man uvrant pour
sauver son bâtiment et sa prise.
Maintenant il ne peut plus rien. Sur un équipage de 40 hommes,
il y a 18 tués et 18 blessés. Le bâtiment va sauter ou achever de
sombrer d’une minute à l’autre. Le commandant ordonne « tout
le monde à la mer ».
Tout le monde ? Non, pas lui. Pendant que les hommes ayant
mis avec calme leurs ceintures de sauvetage, quittent le
bâtiment, le commandant Rollin seul, la rotule gauche brisée, la
mâchoire cassée, la jambe droite touchée, les yeux brûlés par la
vapeur, les poumons emplis par la fumée de l’incendie, fait le
tour de son bâtiment, pour détruire les papiers confidentiels,
mettre le feu à ce qui ne brûle pas encore (spécialement sa
chambre et la soute à munitions avant) et s’assurer qu’il n’y a
plus personne de vivant à bord.
Alors seulement, ayant conscience d’avoir rempli son devoir, le
commandant Rollin se jeta à la mer.
Or, parmi ces blessés, dont la mer mord les chairs saignantes,
qui ont attendu l’ordre de leur commandant pour évacuer leu
bateau en feu, pas un n’a gagné la terre à la nage. Se soutenant
les uns les autres avec la fraternité si simple de nos marins, ils
ont attendu leur commandant.
A plusieurs milles au large, un patrouilleur, l’Alexandra, qui
opérait de conserve avec le PARIS II, canonnait la batterie
turque, peut être pourrait-il trouver un moyen de les secourir ?
Mais ayant vu disparaître le glorieux bâtiment son enseigne
battante dans les explosions de ses soutes et de ses chaudières,
l’Alexandra vira de bord et disparut au large. Pendant cinq
heures, les survivants du chalutier attendirent, et ce n’est
qu’après avoir perdu tout espoir qu’ils consentirent à s’avouer
vaincus.
On doit reconnaître ici la haute courtoisie et l’humanité parfaite
avec lesquelles les Turcs, frappés d’admiration par l’héroïsme
de nos hommes, les accueillirent.
A Adalia, la garnison entière leur rendit les honneurs sous les
ordres d’un général. C’est à lui que le commandant Rollin put
dire : « Chez nous, on se fait sauter, on n’amène pas. »
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Mais voici la captivité où les pouvoirs du chef, maître après
Dieu à son bord, ne sont plus rien. Jamais les matelots du
PARIS II ne furent plus déférents envers leur commandant et
leur gradés qu’au moments où ceux-ci n’avaient plus le pouvoir
d’exiger leur obéissance, et je ne sais rien de plus touchant que
ce petit matelot breton, mourant, de retour au pays, des suites de
ses blessures, et faisant signe à son père : écrire… et trois doigts
mis sur la manche… écrire au commandant. Rien de plus
touchant ? Si, peut-être, la veuve et le jeune fils du second
Buino, tué à la barre, nous l’avons vu, venant de Bretagne à
Toulon, assister aux débats du Conseil de guerre, où le
commandant Rollin avait à rendre compte de la perte de son
bâtiment… pour que le petit entende parler de son père et se
souvienne…
Cet enfant, cette veuve, ces quelques braves ne doivent pas être
seuls à se souvenir. Laisserons-nous les Turcs se rappeler seuls
avec eux cet exploit pour raconter comment on se bat et
comment on meurt « à la Franque » ?
Pierre Deloncle
Chef de service à la Section Historique
de l’État-major général de la Marine
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Annexe 3 :
V BUINO Eugène Pierre Marie, Maître timonier - est né le 7
octobre 1886 à MALANSAC (Morbihan). Disparu en mer avec
le bâtiment. Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7
mai 1819, transcrit dans cette commune le 24 mai 1919. Dernier
domicile à VANNES.
V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement en
captivité).
V GUILLOU Hyacinthe François, Second Maître, Chef de
quart - né le 9 juillet 1893 à PLUDUAL (Côtes d'Armor) --disparu.--- jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7
mai 1919, transcrit à PLUDUAL le 30 mai 1919 ; dernier
domicile. --- Figure sur le Monument aux Morts de la
commune.--V HEURTEL Victor Mathurin, Second Maître fourrier - né
le 6 septembre 1885 à SAINT QUAY PORTRIEUX (Côtes
d'Armor) - disparu en mer - Jugement déclaratif de décès le 7
mai 1919, transcrit à SAINT QUAY PORTRIEUX (dernier
domicile) le 16 mai 1919.
V CLÉMENCON Adrien Antoine, Quartier-maître
mécanicien; né le 7 mai 1891 à MARCILLY LE PAVÉ (Loire)
– Disparu ; Jugement déclaratif idem -- Dernier domicile à
SAINT ÉTIENNE (Loire)
V LAMIER Octave Edouard Jean, Quartier-maître
électricien et de timonerie - né le 3 mars 1890 à TOURS (Indre
& Loire), tué à son poste. -- Jugement déclaratif de décès rendu
le 7 mai 1919 à BREST -- transcrit à THOUARS (Deux-Sèvres)
le 9 juillet 1919, dernier domicile.
V LAOUENAN Louis, Quartier-maître de timonerie - né le 16
mars 1893 à BREST (Finistère). Acte de décès transcrit à
CAMARET (Finistère) le 25 février 1918 ; dernier domicile.
V PAULAY Albert François Marie, Quartier-maître
canonnier - né le 6 août 1890 à NOYAL MUZILLAC
(Morbihan); disparu avec le bâtiment - jugement déclaratif de
décès rendu le 7 mai 1919 à BREST et transcrit dans cette
commune le 7 juin 1919. - Dernier domicile, 27 quai Rohan à
LORIENT –
V ANTONINI Jules André, Matelot de 2ème classe timonier né le 5 novembre 1898 à MARSEILLE (Bouches du Rhône).
Disparu - Jugement déclaratif de décès BREST le 7 mai 1919,
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transcrit à MARSEILLE le 24 mai 1919 - Dernier domicile à
MARSEILLE, 116 rue Ferrari.
V BESSOU Eugène Auguste, Matelot de 2ème classe breveté
gabier - né le 6 mars 1897 à SAINT GEORGES DE DIDONNE
(Charente Maritime) - disparu - Jugement à BREST le 7 mai
1919; transcrit le 20 mai 1919 à SAINT GEORGES DE
DIDONNE (dernier domicile).
V BOUVIER Louis Julien, Matelot boulanger, coq - né le 11
janvier 1894 à LANGROLAY SUR RANCE, Côtes d'Armor --Atteint par des éclats d'obus provoquant une gangrène des
poumons, il décède à l'Hôpital militaire ottoman d'ADALIA.
Déclaré mort pour la France le 13 décembre 1917 --- Acte de
décès transcrit le 11 août 1918 à LANGROLAY SUR RANCE,
dernier domicile --- Figure sur le Monument aux Morts de la
commune --V CASTEL Alain Eugène, Matelot de 3ème classe - né le 1er
mars 1895 à PLOUEZOCH (Finistère); disparu avec le
bâtiment -- Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7
mai 1919, transcrit à PLOUEZOCH le 29 mai 1919; dernier
domicile --V FERRARD Francis Louis, Matelot de 2ème classe chauffeur né le 30 octobre 1893 à TRESSÉ (Ille & Vilaine) jugement déclaratif rendu à BREST le 7 mai 1919, transcrit à
PLERGUER (Ille & Vilaine) le 4 juillet 1919 - Dernier
domicile à LE TRONCHET (Ille & Vilaine).
V FRANCHETEAU Émile Auguste Léopold; Matelot de 3ème
classe sur le "PARIS-II" - né le 2 janvier 1892 aux SABLES
D'OLONNE (Vendée), il disparaît en mer avec le bâtiment --Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1919 et
transcrit aux SABLES D'OLONNE le 16 mai 1919 --- Croix de
guerre 1914-1918 --- Dernier domicile, 36 rue du Bastion, LES
SABLES D'OLONNE (Vendée).
V HUBY Pierre Marie, Matelot de 3ème classe - né le 15 juin
1895 à LANGUEUX (Côtes d'Armor), disparu avec le bâtiment
- Jugement déclaratif de décès le 7 mai 1919, transcrit à
LANGUEUX le 19 mai 1919, dernier domicile --V JOSSE Pierre Joseph Francisque, Matelot de 2ème classe
canonnier - né le 19 octobre 1894 à SAINT PIERRE DE
PLESGUEN (Ille & Vilaine) -- dernier domicile à CANCALE
(figure sur le Monument aux Morts)...
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V LE VEO Robert François, Quartier maître de man uvre né le 27 octobre 1896 à Sotteville-lès-Rouen (76) et disparu
avec le navire le 13 décembre 1917. L'acte de décès a été
transcrit le 21 mars 1920 à Toulon.
V M. Selemen, mt. libanais (disparu).
V THEBAUD Léon Marie, Matelot de 2ème classe fusilier embarqué sur le patrouilleur auxiliaire "PARIS-II". Disparu - né
le 5 mai 1897 à NOYALO (Morbihan) - jugement déclaratif 7
mai 1919 à BREST transcrit le 4 juillet 1919 à NOYALO
(dernier domicile).
Liste établie d’après le travail de Gilles Jogerst.
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