paris ii - Navires de la Grande Guerre
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paris ii - Navires de la Grande Guerre
Patrouilleur auxiliaire PARIS II Marine Nationale Page 2 de 42 Nom : Type : PARIS II Patrouilleur auxiliaire. Chalutier de l’Armement Lobez, Poret et Cie. Chantier : Commencé : Mis à flot : Terminé : Chantiers Augustin Normand, Le Havre. 1913. 1913. Mars 1914. En service (MM) : Retiré (MM) : 1914. 13 décembre 1917. En service (MN) : Retiré (MN) : 23 septembre 1914. 13 décembre 1917. Caractéristiques : 55 x 8,5 x 5,6 m. ; 551 t. ; 895 cv. ; 1 machine alternative à vapeur ; 1 hélice. Sister-ship : N.C. Armement : Un canon de 10 ; Trois canons de 75 ; Un canon de 47 contre avions. Principales dates : Chalutier PARIS construit pour le compte de l’armement Lobez, Poret & Cie à Boulogne. 23 septembre 1914 : réquisitionné au Havre, affecté au service de la Méditerranée Orientale. 1915 : renommé PARIS II. 17 décembre 1915 : combat durant deux heures contre un sousmarin dans le golfe de Sellum sous le commandement du LV Camille Paponnet. 1 13 décembre 1917 : coulé par une batterie terrestre turque dans la crique du cap Avova, les membres de l’équipage survivants sont fait prisonniers. (Commandant : Henri Rollin, Lieutenant de vaisseau.) Le PARIS II est l'un des rares bâtiments à avoir reçu la Croix de guerre 1914 – 1918 et ses officiers et hommes d'équipage ont été autorisés à porter la fourragère. 1 Dans l’ouvrage de P. Chack, la date du 18 décembre est mentionnée. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 3 de 42 Officiers : Camille Léopold Henri PAPONNET Né le 7 avril 1870 à Breuil-Magné (Charente-Maritime). 1888 - Entre dans la Marine; 03 octobre 1900 - promu enseigne de vaisseau ; Port de Rochefort. 1er janvier 1901 - sur le croiseur Infernet, Division navale de l'Océan Indien (Cdt René d' Hespel). 1er janvier 1902 - port de Rochefort. 1er janvier 1903 - sur l'aviso-transport Durance, Division navale du Pacifique (Cdt Henri Rozier). 30 mai 1908 - Lieutenant de vaisseau. Chevalier de la Légion d'Honneur. 1er janvier 1910 - Commandant d’un groupe de torpilleurs, station des torpilleurs de Dunkerque. 17 décembre 1915 - cet officier commandant le patrouilleur auxiliaire PARIS II dans le Golfe de Sellum, se distingue : "A montré de remarquables qualités de décision et de courage en attaquant un sous-marin ennemi rapide et puissamment armé et en le contraignant à se retirer après un combat d'artillerie qui a duré deux heures et demie." 1er janvier 1917 - port de Rochefort. Officier de la Légion d'Honneur, Croix de guerre avec citation à l'ordre de l'Armée navale. Equipage : Situation de l'équipage après le combat du 13 décembre 1917 : Commandant : Henri Rollin, Lieutenant de vaisseau (prisonnier blessé). Officiers mariniers : Maîtres : V Eugène Buino, timonier (disparu). Auguste Deschamps, mécanicien (prisonnier blessé). Second-maîtres : V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement en captivité). V Hyacinthe Guillou, manoeuvrier, Chef de quart (disparu). V Victor Heurtel, fourrier (disparu). Léon Laronde, mécanicien (prisonnier blessé). Auguste Marque, canonnier (prisonnier blessé). Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 4 de 42 Alfred Pherivong, manoeuvrier (recueilli). Équipage : Quartiers-maîtres : François Brenon, mécanicien (recueilli). V Adrien Clémençon, mécanicien (disparu). Paul Jaffrezic, canonnier (prisonnier blessé). Julien Renault, canonnier (prisonnier). V Octave Lamier, électricien T.S.F. et timonier (tué). V Louis Laouenan, timonier (tué). Laurent Le Moal, fusilier (blessé, recueilli). V Albert Paulay, canonnier (disparu). Joseph Poiraud, manoeuvrier (recueilli). Matelots : V Jules Antonini, timonier (disparu). V Eugène Bessou, gabier (disparu). V Louis Bouvier, boulanger-coq (mort à l'hôpital ottoman d'Adalia). Régis Brivet, chauffeur (prisonnier). M. Castel, chauffeur (blessé recueilli). V Alain Castel, gabier (disparu). Don-Pierre Corbani, fusilier (blessé, recueilli). Pierre Dely, chauffeur (recueilli). V François Ferrard, chauffeur (disparu). V Émile Francheteau, sans spécialité (disparu). Pierre Guillerm, fusilier (blessé recueilli). Yves Guillou, chauffeur (prisonnier blessé). V Pierre Huby, sans spécialité (disparu). V Pierre Josse, canonnier (disparu). Jean Le Donge, chauffeur (prisonnier, blessé). V Robert Le Veo, cuisinier (disparu). M. Mansour, mt. libanais (prisonnier). Louis Mariage, sans spécialité (prisonnier). Roger Masson, mécanicien (prisonnier, blessé). Georges Mazoyer, mécanicien (recueilli). Victor Moro, canonnier (prisonnier blessé). M. Nemtallah, mt. libanais (prisonnier). M. Neulat, sans spécialité (blessé, recueilli). Noël Nomdedeu, canonnier (recueilli). Jean Louis Noret, timonier (prisonnier blessé). Roger Pastrie, mécanicien (prisonnier, blessé). V M. Selemen, mt. libanais (disparu). V Léon Thebaud, fusilier (disparu). Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 5 de 42 Citations : Extrait de l’arrêté ministériel du 27 février 1918 (Médaille Militaire) : Second-maître de man uvre Alfred Phérivong (Havre 6342) 2, Première citation : «Le PARIS II ayant été coulé à coups de canon dans le golfe d’Adalia le 13 décembre 1917, au cours d’une opération de guerre, est resté à son poste avec le plus parfait mépris du danger, sous un feu intense. Ne s’est jeté à la mer que sur ordre de son commandant. Avec un chauffeur arabe a soutenu son camarade Castel, chauffeur breveté blessé grièvement et l’a remorqué à la nage au large sur un panneau de cale. A rallié la baleinière et aidé à la remorquer à la nage sous un feu violent. A ensuite parcouru 70 milles en 32 heures le long de la côte ennemie et réussi à rallier Castellorizo avec son embarcation. » Deuxième citation : Lorsque le PARIS II a coulé sur la côte Turque, il était à 400 mètres de la « terre et au lieu de nager vers la côte qui lui assurait la vie sauve mais le faisait se constituer prisonnier, a préféré nager vers le large alors qu’aucun bateau n’était là pour le recueillir. Pendant 2h30 il a ainsi nagé en remorquant un camarade blessé et qui ne savait pas nager, puis a eu la chance d’apercevoir la baleinière du PARIS II, qui trouée de toutes parts par les balles turques était remorquée par quelques hommes d’équipage qui comme lui préféraient nager vers le large pour n’être pas faits prisonniers. A ce moment, a pris la direction de l’embarcation. A tour de rôle les uns ou les autres nageaient autour de la baleinière pour boucher avec des balles françaises, les trous fait par les balles turques. Et malgré le froid (c’était le 13 décembre) a réussi après 32 heures à parcourir 70 milles à l’aviron et à ramener son embarcation à Castellorizo. » 2 Par la suite devenu Capitaine au long cours, il s’est embarqué pour l’Afrique pour enfin diriger des ports comme Libreville, Abidjan, Pointe-Noire. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 6 de 42 Témoignage : Jugement - Compte-rendu du "Petit-Var" du 9 décembre 1919. "Après une courte délibération, le Conseil rapporte un jugement déclarant à l'unanimité le Lieutenant de Vaisseau Rollin non coupable sur les cinq questions posées, et M. le Capitaine de Vaisseau Meleart, appelant devant le Conseil le jeune officier invite à se ranger derrière lui, ceux de ses hommes qui ont déposé aux débats ainsi que Madame Buino et son jeune fils, et il dit au Commandant Rollin qu'il est heureux et fier de lui faire part de son acquittement et de le féliciter ainsi que tous ceux du PARIS II ; il adresse un souvenir ému à ceux qui sont tombés dans le combat et termine ainsi : "Honneur et gloire au PARIS II, à son vaillant Commandant, et à son héroïque équipage !" La séance est levée; des mains amies se tendent vers M. Rollin, les juges serrent celles de tous les survivants et saluent respectueusement Madame Buino." Cartographie : Situation de l’épave du PARIS II. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 7 de 42 Iconographie : Chalutier PARIS. L'épave du PARIS II. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 8 de 42 Delly (3) – Bresson (3) – Magager ( 4) – Poireau (3) – Guilleron (3) Carbani (3) – Nomdedeu – Le Moal. Des rescapés du Paris II ( 5) Photographie prise à bord du cuirassé Jauréguiberry à Port-Saïd. Remerciements : A l’attention de : Gilles Jogerst, généalogiste de marine et son minutieux travail de reconstitution, Benoît Lobez, arrière-petit-fils de Paul Lobez, armateur (Société Poret-Lobez et Cie), Philippe Phérivong, petit fils d’Alfred Phérivong, manoeuvrier du PARIS II (recueilli), Serge Le Coustour, historien, Daniel et Marie Thérèse Botz-Francheteau, généalogistes, et tous les bénévoles du forum GENEANET qui ont participé aux recherches sur ce navire. 3 Orthographiés respectivement Dely, Brenon, Poiraud, Guillerm, Corbani dans les fiches nominatives. Marin non identifié dans l’équipage du PARIS II. 5 Un marin n’est pas nommé (9 personnes photographiées, 8 nommées) 4 Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 9 de 42 Officier Turc : Mustafa ERTUGRUL Officier turc ayant accompli de nombreux exploits militaires et causé la perte des patrouilleurs auxiliaires PARIS II et Alexandra, et d’autres navires alliés. Bibliographie : Le dernier combat du Paris II - 13 décembre 1917 - R. Gaudin De Villaine, édité à Toulon en 1920 - cote INV 6551 – Bibliothèque de Toulon. Pavillon haut – Paul Chack – 1929 - Les éditions de France. Ben Bir Türk Zabitiyim – Baktitan Cikan Kahraman – Mustafa Ertugrul – Belgesel. Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française - LV JM Roche. Internet : www.miramar.ship.index Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 10 de 42 Annexe 1 : Extrait de « Pavillon haut » de Paul Chack : « DEUX CHALUTIERS ET UNE ILE I - BLOCUS ILLUSOIRE. Secteurs de patrouille des chalutiers en Syrie en 1917 II. — A CASTELLORIZO. Dans le secteur Aloupo-Anamour opère la section PARIS II Alexandra. J'ai dit déjà ce que fut le début de l'existence guerrière du PARIS II, ci-devant chalutier de la maison Porez et Lobez, armateurs à Boulogne-sur-Mer, mobilisé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Paponnet, et frère du Nord-Caper qui se battit à la manière de Surcouf. Promu aviso de par sa grande taille et la robustesse de ses reins, le PARIS II, sous Paponnet, conquit de haute lutte le surnom de bateau pirate, que bien des patrouilleurs eussent payé cher et qu'il dut à une longue suite de combats, coups de main et opérations spéciales dont les mauvaises langues disent que les états-majors les approuvent... quand elles ont réussi. En 1917, le lieutenant de vaisseau Rollin a remplacé Paponnet sur le PARIS II. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 11 de 42 Commandé par l'enseigne de vaisseau auxiliaire Doucet, l’Alexandra, simple chalutier d'un gabarit modeste, a rallié la division de Syrie au mois d'octobre 1916. PARIS II et Alexandra sont des habitués de Castellorizo. J'ai montré l'île au début de l'occupation française. Gouvernée par le capitaine de corvette de Saint-Salvy, elle a connu une telle ère de prospérité qu'en décembre 1916, au moment du guetapens d'Athènes, auquel nous avons riposté par le blocus de la Grèce royaliste, les insulaires ont décroché les portraits de Constantin et de Sophie, tandis que le Président de la Démogérontie a affiché une proclamation d'après laquelle « le peuple (de Castellorizo) jouit d'une pleine liberté et vit plus heureux que celui de n'importe quel endroit ». Bonheur éphémère ! Au début de 1917, des bruits sinistres se répandent. « L'île est trop gênante, disent nos agents d'Asie mineure, et les Turcs ont résolu de s'en emparer. » Vue sur la carte, Castellorizo a fort exactement la forme d'une pince de homard prête à se fermer sur Andiphilo, village du littoral caramanien. Au fond de la pince ouverte se trouve Mégiste, seule ville, seul port et seul mouillage praticable de Castellorizo. Les Turcs ont installé une batterie bien défilée sur la haute croupe contre laquelle est adossée Andiphilo. Le 9 janvier 1917, à deux heures après-midi, tenté par la présence de l'Ariane, battant pavillon de l'amiral de Spitz, du porte-avions anglais Ben-My-Chree, des torpilleurs Pierrier et 250, l'ennemi déclenche une canonnade nourrie qui dure jusqu'à la nuit. Négligeant les abris préparés, les Grecs, que poursuivent les obus, fuient vers la montagne et s'entassent dans les rares fermes, dans les monastères, les chapelles, les ravins et les creux de rochers: Sous des rafales de pluie glacée, ils campent. Nos marins sont restés à Mégiste, prêts à repousser un débarquement. Le bombardement reprend les 13, 17 et 19 janvier. Puis, trompés par le silence des minuscules pièces de 65 millimètres qui sont la seule défense de Castellorizo, les Turcs s'imaginent que nous avons évacué la place. Alors, le 20 janvier, dans ce canal lycien témoin de la victoire qu'en 1440 Guillaume de Lastic remporta sur le renégat Serphi, commandant la flotte du soudan d'Egypte, dans ces eaux où Prigent de Bidoulx triompha des galères de Soliman, se déroule un nouvel assaut du croissant contre la croix. Tandis qu'un avion lance des bombes qui manquent le PARIS II de Paponnet, une quinzaine de barcasses remorquées, bondées de soldats, s'élancent vers Castellorizo, que les pièces turques arrosent à plein jet. Mais nos hommes sont à leurs postes Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 12 de 42 et, bientôt, prise sous le feu de nos petits 65, la moitié de la flottille assaillante est par le fond et le reste en fuite. Le chef de l'expédition, commandant allemand Schuller, en est pour sa courte honte. Ses troupes n'ont même pas pu approcher des réseaux barbelés qui festonnent les points de débarquement possibles... Ile de Castellorizo Cependant, les bombardements dépeuplent Castellorizo. Avec les goélettes de Mégiste, les insulaires recommencent, cette fois vers l'Egypte et la Crète, l'exode de leurs ancêtres, lesquels, en 1480, prirent la fuite vers l'archipel et Naples en apprenant, « environ Pasques ou Penthecouste », que les Turcs faisaient grande armée pour attaquer Rhodes. En 1917, la moitié de la Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 13 de 42 population s'exile. Le reste s'accroche au sol et fournira, les 5 et 15 avril, les bras et les voix nécessaires pour hisser en chantant, le long de la falaise presque à pic qui borde la calanque de Navlakas, quatre pièces de 120 long. La pince de homard va enfin pouvoir tenailler l'adversaire. Cette calanque de Navlakas est le seul point de mouillage possible depuis que Mégiste est exposée au feu des Turcs. C'est une sorte de fiord taillé dans la côte Sud de l'île ; un ravin le prolonge, coupant en deux Castellorizo et dans lequel des oliviers et des acacias ont défié le temps, la tempête et la sécheresse. Au Sud-Ouest du ravin, règne la désolation d'un désert pétré, sauvage et lugubre, où seuls s'ébattent les scorpions et les charognards. Au Nord-Est, dominant la ville et portant les canons, s'étend la région « des monts », fief du lieutenant de vaisseau Lurin, burgrave du plateau Saint-Georges, châtelain de Diski et commandant de l'artillerie. Selon ses plans, les marins ont taillé dans le roc dur, à 200 mètres d'altitude, un blockhaus, des abris de bombardement et des soutes à munitions, le tout sur le modèle de l'architecture pélasgique, réservant ainsi à nos descendants l'occasion de controverses du genre glozélien. De ce haut poste de défense, que les Grecs appellent «To MicroGibraltar », on voit, au premier plan et à gauche, la pointe Diakouris que Castellorizo projette vers le canal lycien et qui figure ce que les zoologistes nomment l'endopodite ou mâchoire fixe de la pince de homard. A l'extrême droite, la pointe Nephti est l'extrémité de l'exopodite, laquelle, dans un vrai homard, est articulée. Enfin, directement en dessous du blockhaus, entre Nephti et l'entrée du port, s'ouvre la crique de Mandrassi, seule plage de l'île, que domine un bastion, parcelle robuste de l'antique acropole vieille de plus de deux mille ans, servant de poste de commandement au gouverneur et d'abri aux blessés. Au delà du canal de Lycie, qu'ont franchi sous Thoutmès II les vaisseaux de cèdre des marins de Sidon, et plus tard les flottes de Servilius et de Pompée poursuivant les pirates de Mithridate, on découvre la côte sauvage de Caramanie, où les villages turcs ont poussé sur le sol où sont éparses les poussières de Patara, de Corycos, de Phaselis, d'Olympos et d'autres cités fameuses. Là est Andiphilo et la batterie ennemie, Au dernier plan s'étagent les contreforts du Taurus lycien que poudrent les neiges d'hiver. Notre Micro-Gibraltar n'est pas de force devant l'organisation terrestre, aérienne et sous-marine de l'adversaire. Pour donner de la voix, nos canons de 120 attendent d'avoir pu repérer le but qu'ils doivent battre : ces pièces turques si bien cachées. Castellorizo encaisse sans pouvoir répondre. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 14 de 42 D'ailleurs, après les bombardements rageurs et prolongés du début, l'ennemi a adopté une sorte de tableau de service qu'il suit avec une ponctualité qui révèle la main allemande. A dix heures du matin, un obus siffle, un seul. Aussitôt résonne le tocsin, tandis que, posté sur le quai Amiral-Moreau, au milieu d'une placette que bordent les bureaux et magasins de la marine, minuscule agora où sont affichés les ordres du gouverneur et les communiqués que peut capter le poste de T. S. F., un clairon lance la générale, dont les notes, à travers l'atmosphère d'une pureté sans pareille, gagnent les plateaux et les postes les plus lointains. La ville prend alors l'aspect d'une fourmilière bouleversée. Par les raidillons et les venelles tortes et si étroites qu'un âne bâté frotterait les murs tribord et bâbord, les Mégistéens filent vers les abris. Ceux de nos marins qui n'arment pas les pièces rallient leurs postes de combat dans la ville, réduit de la défense. Séparés par de longues accalmies, cinq ou six obus tombent alors sur l'île. Vers onze heures, la séance est terminée et le clairon sonne la retraite. Pendant tout le bombardement, au poste de commandement, à la vigie et dans les batteries, les longuesvues et les jumelles braquées sur le continent tentent, toujours en vain, d'apercevoir quelque lueur qui révélerait l'emplacement de la batterie. Un jour cependant, le 10 avril 1918, on verra enfin l'éclair du départ d'un coup, et nos canons de 120 enverront cent projectiles coup sur coup, muselant définitivement l'ennemi. Mais il s'agit de 1917. Parfois, un avion rend visite à Castellorizo. Il choisit volontiers les périodes où le chalutier ravitailleur est à Navlakas. Par bonheur, l'île possède, à la pointe Nephti, des pièces anti-aériennes de 47 millimètres et un veilleur extraordinaire. C'est un roquet auprès duquel est tombée la première de toutes les bombes. Depuis lors, il aboie et déclenche l'alerte deux minutes avant que les plus habiles guetteurs aient distingué l'ennemi volant. Au premier jappement, chacun court vers son abri. C'est dans une telle course qu'un homme s'est un jour foulé la cheville, seul résultat dont se puissent enorgueillir les aviateurs d'en face. Pour attirer les bombes, les marins ont installé un faux campement sur un plateau désert. A le voir d'en haut, les Turcs ont cru d'abord que 10 000 hommes étaient massés là, prêts à se ruer à l'assaut. Ainsi se présente Castellorizo le 17 novembre 1917, au moment où le PARIS II, avec son nouveau commandant, mouille à Navlakas. La calanque est si étriquée que l'aviso semble l'emplir tout entière. Il est entouré de barcasses que des Grecs, vociférant sur le mode aigu, chargent de sacs, couffins et colis de toutes Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 15 de 42 sortes que le PARIS II, bondé jusqu'au bastingage, a apportés de Port-Saïd en même temps qu'une section de la Légion d'Orient, renfort pour la garnison de Castellorizo, laquelle compte 5 officiers et 150 gradés et matelots. Des marins dirigent les corvées. On les reconnaît à leur fusil que jamais ils n'abandonnent, afin de marquer leur qualité d'hommes libres et leur préséance sur les insulaires. Cette arme est d'ailleurs leur unique signe distinctif. En tous temps et tous lieux, les marins éprouvent une aversion déterminée pour l'uniforme qui déçoit leur goût du pittoresque, Castellorizo, dont l'intendance maritime ne s'occupe guère quant à la délivrance des vêtements réglementaires, est un paradis pour nos hommes, que l'on rencontre chaussés de tcharouks en peau de chèvre lacés comme des cothurnes et voisinant avec des bandes molletières bleu horizon, coiffés de casques en liège couleur khaki et vêtus du tricot rayé sur lequel ils ont capelé la chemise d'uniforme... de l'armée britannique. En dépit de leur déguisements ils travaillent dur et secouent la mollesse des corvées grecques. Le déchargement du PARIS II exige même quarante-huit heures, car le voisinage des avions nous oblige au seul travail nocturne et les barcasses sont rares pour le transit entre Mégiste et Navlakas. Le capitaine de corvette Le Camus, gouverneur de l'île depuis le mois de juillet 1917, réclame en vain l'envoi des chalands indispensables. Depuis bien longtemps, le seul matériel neuf que produisent en France les arsenaux navals est réservé aux armées du front. Mieux vaut donc compter sur les prises faites devant la côte ennemie. Le 19 novembre, le PARIS II appareille de Navlakas pour l'habituelle tournée. Son programme doit l'amener à Rhodes vers le 10 décembre et à Castellorizo le 12. « Tâchez de ne pas rentrer les mains vides », lui recommande Le Camus, qui pense toujours à ses barcasses. A vrai dire, les occasions de capturer des voiliers turcs se font rares. Sous le règne de Paponnet, c'était plus facile, et le PARIS II a saisi ou coulé onze goélettes entre juillet 1916 et février 1917. Mais, à présent, les Turcs se méfient et ont juré que le « chéitan guémi », le bateau - démon, ne leur jouerait plus de tels tours. Le lieutenant de vaisseau Rollin fera bien d'opérer prudemment. Un récent bulletin de renseignements de la division de Syrie a signalé qu'une batterie de 75, commandée par un capitaine turc et basée sur Adalia, se déplace le long de la côte et doit bientôt se poster au cap Avova. Le 12 décembre dans la soirée, le PARIS II avise Castellorizo par sans-fil que son retour est remis au lendemain. Le 13, à la nuit tombante, après une belle journée d'hiver claire et sèche, sous un ciel nettoyé par une jolie brise d'Est qui Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 16 de 42 apporte le souffle des neiges de Caramanie, le gouverneur Le Camus rentre de sa tournée quotidienne d'inspection. Le voilà à la lisière du plateau Saint-Georges, dont le bord dentelé domine le port, la partie Sud de la ville et les ruines du Chastel Rouge bâti, au début du XIVe siècle, par les Hospitaliers de Saint-Jean sur l'emplacement de l'antique pyrgos de Sosiklès, fils de Nikagora d'Amos. L'officier suit un sentier de chèvres que bordent des roches creusées de tombes de l'époque hellénique ou plus anciennes encore, mais qui sont restées sans histoire, car les chroniqueurs n'ont daigné s'occuper de l'île minuscule qu'à partir du IVe siècle de notre ère. Par-dessus les toits rouges tous pareils qui ont remplacé les terrasses charmantes d'autrefois, le port désert est maintenant visible dans toute son étendue. Le gouverneur s'engage dans la première ruelle, lorsqu'il voit accourir le commissaire de marine Durand, officier interprète et chargé du chiffre. Sa figure est toute chavirée. Il brandit un papier dont l'obscurité empêche de distinguer les lignes et, haletant, s'écrie : — Commandant, le PARIS II a été coulé au canon devant le cap Avova. L'Alexandra, qui a envoyé ce T. S. F., n'a pu sauver personne ! III. — LA SOURICIERE. Rallions, à la mer, la section PARIS II - Alexandra. Lors de leur précédente patrouille, les deux navires ont passé presque tout leur temps à transporter des troupes et des réfugiés. Il importe de se montrer de nouveau dans les anses de Caramanie. Un sans-fil de l'amiral Varney signale le départ imminent, pour Sa Tripolitaine, de goélettes ennemies escortées par des sousmarins. Il paraît aussi qu'en certains points du littoral turc, on construit des voiliers. Un nettoyage de la côte s'impose en la serrant de près. Le risque est faible. On n'a le plus souvent affaire qu'à des pièces isolées à tir lent, lesquelles se ramassent dès qu'on fait tête. Bien renforcé depuis l'affaire de Solloum, le PARIS II porte un canon de 10, trois de 75 et un de 47 contre avions ; l’Alexandra, un de 95 et un de 75. Ainsi armée, la section est d'attaque, et puis, en naviguant à deux, il restera toujours, vienne le coup dur, un bateau pour remorquer l’autre. En route donc pour fouiller toutes les cachettes, et surtout les environs d'Adalia. Le 9 décembre, la section arrive devant le cap Avova. A 3 000 mètres, le PARIS II canonne une tartane ancrée sous le promontoire. Peine perdue: la houle fausse le tir et l'aviso s'éloigne. Au coucher du soleil, il revient, stoppe devant le cap et met à l'eau une baleinière. En s'éloignant, les baleiniers déroulent « à la demande » une longue aussière dont le PARIS Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 17 de 42 II a gardé un bout et dont ils vont fixer l'autre extrémité sur la tartane. Une violente fusillade accueille l'embarcation et cesse dès l'intervention de quelques obus français. Puis, virant l'aussière avec son treuil à vapeur, le PARIS II amène le long de son bord la baleinière et le bateau capturé. Il est chargé de peaux et d'oranges et sa coque est en si piteux état que la houle l'envoie par le fond sitôt que l'aviso tente de le remorquer vers Castellorizo. Décidément, la fameuse batterie turque qui doit défendre le cap Avova n'est pas à son poste. Le 10 décembre, le PARIS II va reprendre des agents à un rendez-vous fixé sur la côte. Le 12 , la section pénètre dans le coupe-gorge qu'est la baie Makry et démolit un canon turc et des baraquements. Ce coup de main va sûrement attirer des forces ennemies, et il importe de filer à toute allure vers quelque lieu où nul n'attend nos bâtiments. Toute la nuit durant, le PARIS II et l'Alexandra cinglent vers l'Est. Un T. S. F. vient de signaler, à Adalia, la venue de troupes prêtes à se jeter sur Castellorizo. Une seule voie leur est ouverte : la route de mer, dont la surveillance stricte s'impose plus que jamais. Dès lors, Rollin ajourne son retour à Navlakas et, le 12, prévient Le Camus par le sans-fil dont j'ai parlé. Et nous voici au 13 décembre. Naviguant à toucher la côte de Caramanie, PARIS II et Alexandra se dirigent vers l'Est en ligne de file. A six heures du matin, les voici dans le canal de Lycie. Invisible dans la nuit finissante, Castellorizo est par le travers tribord. Le rivage ennemi n'est qu'un mur noir dont la base est frangée d'une ligne d'écume vaguement phosphorescente aux points où le ressac déferle sur des hauts fonds. Pas une lumière en vue. Quatre-vingts kilomètres plus loin, voici le cap Khelidonia, où la côte tourne brusquement à angle droit pour courir en direction Nord pendant une soixantaine de kilomètres jusqu'à Adalia. Nos deux patrouilleurs continuent de longer la terre et passent entre l'îlot Grambousa et le continent. Rivage désert. Au flanc d'une colline boisée, le cratère volcanique de Yanar crache une flamme rougeâtre qui, par instants, s'avive et vire au blanc. Les vigies et les veilleurs des passerelles fouillent de leurs jumelles le village de Deliktach, qui semble aussi abandonné que les antiques vestiges d'Olympos tout proches. Les criques se succèdent, toutes vides. Voici la plage de Tekrova, où gisent les ruines de Phaselis, tout près de quoi viennent mourir dans la mer Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 18 de 42 les dernières pentes du grand pic Takhtalou dont les 2 300 mètres dominent le pays. La neige qui poudre les sommets fait paraître plus sombres que de coutume les falaises et les rocs nom du bord de A une dizaine de kilomètres dans le Nord apparaît un promontoire escarpé de marbre blanc, le cap Avova, A sa pointe Nord s'ouvre une anse bien connue des caboteurs d'Adalia et dans laquelle le PARIS II a surpris la tartane 1’autre jour. L’instant est venu de voir si la batterie mobile d'Adalia a fini par rallier le cap. D’habitude, les canonniers turcs nouvellement installés brulent de faire parler la poudre dès qu'un but passe à leur portée. Les deux Français défilent à 4000 mètres de terre. Silence... Ils viennent alors sur la gauche, en route sur Adalia. Dix heures. A bord du PARIS II, les bâbords sont de quart, les tribordais à table. Sur la passerelle, le second maître de man uvre Guillou soudain s'exclame : - C'est trop fort ! Il y a encore un salopard dans le fond de la baie. - Ma foi répond le commandant, je ne m’engagerai pas dans ce trou-là aujourd'hui, on risque trop. Mais, à ce moment, le timonier Noret, l' il vissé à sa longuevue, rend compte : - C'est une barque pareille à celle qu'on accrochée il y a quatre jours, et elle est à la même place. Regardez, commandant, elle amène sa voile. Quelle frousse ! Les gens se foutent à l'eau. Ils ont peur d'être poissés, bien sûr. - Diable ! Voilà qui change l'aspect de la question. Si ces Turcslà rentrent leur voile, c'est qu'ils viennent d'arriver du large. Il faut aller voir ce que leur bateau a dans le ventre. « Indépendance de man uvre », signale le PARIS II à l'Alexandra, tout en venant vers la gauche, droit sur la barcasse. Les tribordais ont lâché leur repas. Ils émergent sur le pont. En patrouille, les distractions sont rares et il n'en faut rien perdre. Seul le matelot-coq Bouvier, peu curieux, demeure devant ses fourneaux. - Aux postes de combat ! Les baleiniers volontaires à l'appel ! L'appel est simple formalité, car les volontaires sont déjà là, parés à sauter dans une des baleinières du PARIS II, lequel, à vitesse réduite, gouverne sur l'entrée de la crique. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 19 de 42 Bientôt, l'aviso stoppe. L!'Alexandra a rallié le cap et s'en tient à moins de cent mètres, prête à canonner toute silhouette suspecte. La baleinière est en route : le quartier-maître de man uvre Poiraud est à la barre, le quartier-maître fusilier Le Moal à la mitrailleuse, le quartier-maître timonier Laouénan emporte deux pavillons emmanchés pour les signaux. L'embarcation n'a que deux avirons sur quoi souquent, à couple, le chauffeur Dely, le matelot Neulat et les fusiliers Corbani et Guillerm. Deux avirons suffisent, puisque, tout à l'heure, c'est le treuil du PARIS II qui déhalera l'embarcation. La crique où elle vient de s'engager semble une tenaille prête à mordre. Le cap Avova est une des branches. L'autre est une petite pointe plus au Nord, d'où, le 9 décembre, des tireurs cachés ont canardé la baleinière. Grimpé dans le nid de pie, le canonnier Nomdedeu, aux yeux de fin tireur, surveille cette pointe que débordent des têtes de roches marquées d'écume en flaques. Le PARIS II est à quelque 350 mètres du cap qu'il relève par tribord arrière. Toute vitesse abolie, l'aviso attend. La baleinière n'a plus que deux cents mètres à courir. A terre, pas un bruit, pas un souffle, pas même l'aboiement d'un chien, pas même l'envol d'un oiseau. Du PARIS II, les jumelles de jour et de nuit, les longues-vues et le télémètre sont braqués. Dépointés par mouvements très lents, ils scrutent l'un après l'autre les rocs, les ravins, les crêtes, les buissons et les arbres, les grands pins tout droits dont l'odeur résineuse parvient jusqu'à bord. La baleinière avance toujours, très lentement. Entre la pointe et le cap, les pentes moins abruptes sont bien dégagées et en pleine vue. Nul ne se pourrait cacher par là à moins de creuser des tranchées, et le travail serait ardu dans ce sol tout en roches et en cailloux. Pourtant... Pourtant, regardez, juste sur l'arrière de la barcasse, à cinquante mètres du bord de l'eau, cette bande brune qui semble de la terre fraîchement remuée. Sur cette trace suspecte, le second maître Guillou a, depuis un moment, rivé son attention. Noret, lui, surveille le cap. Il a cru quelque chose remuer derrière un talus... Illusion, peutêtre... Inévitable quand on fixe longtemps le même point. Mais, au fait, que sont devenus les matelots turcs qui ont si vite ramassé leur voile avant de sauter à la mer en apercevant le PARIS II ? La baleinière va accoster la barcasse. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 20 de 42 Ce paysage mort est vraiment étrange et quelque peu angoissant. Aucune fusillade n'a salué notre embarcation. Un caracol, un corps de garde existe pourtant au cap Avova. Serait-il évacué ? Impossible... ou bien il faudrait supposer qu'on a concentré à Adalia toutes les troupes de la région pour l'attaque annoncée sur Castellorizo... Vraiment, tout est trop calme. Ce silence finit par peser sur les épaules, et le bruit du treuil, qui se met à tourner doucement pour réchauffer ses cylindres afin de partir tout à l'heure au commandement, est pour tous détente agréable. Allons ! Dans dix minutes, la baleinière sera rentrée; dans vingt minutes, le PARIS II sera au large. Dans dix minutes, le PARIS II flambera de bout en bout ; dans vingt minutes, il aura vécu... Rallions la baleinière, dont les sept hommes sont armés du mousqueton et du revolver. Tout à la joie de l'action, ils jacassent, échangeant des paris sur le contenu de la barque qu'ils vont amariner. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 21 de 42 - Fermez vos clapets et ouvrez vos oreilles, ordonne le patron Poiraud. Je vais accoster du bord opposé à l'endroit d'où on nous a poivrés l'autre fois. J'irai moi-même couper le câble et frapper la remorque. Laouénan viendra avec moi pour faire le signal. Si on nous tire dessus, couchez-vous au fond. La première tête qui passe aura affaire à moi directement. Nous y voilà…Laissez courir... Rentrez les avirons. La baleinière s'amarre le long de la barcasse, qu'escaladent Poiraud et Laouénan. Rien ne bouge. Pas même la fusillade prévue. Chose étrange: ce bateau qui semblait tout juste arriver du large lorsqu'il a amené sa voile en vitesse, nos hommes le trouvent triplement tenu : au fond par le câble de son ancre, et à la plage toute proche par deux filins de l'arrière... Ayant fixé la remorque, le patron donne trois coups de hache qui libèrent la barcasse : - Paré ! Laouénan, tu peux envoyer ton signal. Dressé sur le bastingage, bien en vue, face au PARIS II qui déjà tourne sur place pour s'éviter cap au large, Laouénan manipule ses pavillons... et soudain s'abat dans la baleinière, atteint au ur, tué raide. D'une tranchée invisible, une salve est partie. Maintenant, les balles pleuvent : coups secs sur le pont de la barcasse, où Poiraud s'est planqué, petites gerbes dans l'eau. Couchés dans le fond de leur embarcation que l'aussière venant du PARIS II hale lentement vers le large, les baleiniers attendent que cesse la fusillade. Cela ne saurait tarder, car voici que résonnent des coups de canon. C'est sûrement la voix du PARIS II qui arrose les tranchées. Elles vont se taire, comme l'autre jour... IV. — MASSACRE. Ce n'est pas le PARIS II qui tire... C'est la batterie mobile qu'annonçaient les renseignements. Elle vient d'arriver d'Adalia. Bien dissimulée sur une des pentes du cap Avova, elle a ouvert un feu rapide et réglé dès le deuxième coup, lequel, à onze heures vingt-cinq, crève la coque de l'aviso à tribord, sur l'arrière de la passerelle et au-dessous de la flottaison, en plein dans une soute à charbon qui prend feu : tout ensemble incendie et voie d'eau... De la corne du PARIS II, le pavillon français, le minuscule pavillon tout noirci de suie qu'on arbore à la mer, descend, aussitôt remplacé par la grande enseigne des jours de fête, le pavillon tout neuf : quatre mètres de guindant sur six de battant. Il est tout de suite troué par une nouvelle salve dont un projectile culbute notre 75 bâbord, tandis qu'au mâtereau du gaillard Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 22 de 42 d'avant monte le guidon vert à croix rouge : croix de guerre des navires cités à l'ordre du jour. Sur le PARIS II immobile, les canons turcs, les fusils et les mitrailleuses cognent. — Machine en avant à toute vitesse ! La barre à droite toute ! Virez le treuil, virez vite ! L'aviso prend de l'erre et man uvre pour contourner la pointe Nord, dont la masse interposée le protégera. Et, tandis que la pièce de 10 centimètres du gaillard d'avant commence de riposter, deux nouveaux projectiles ennemis éclatent, l'un démolit le canon de 75 de l'arrière, tue ou blesse les canonniers et coupe l'aussière qui déhalait la baleinière et la barcasse, l'autre anéantit le poste de sans-fil. Écouteurs aux oreilles, le quartiermaître T. S. F. Lamier tombe mort. A 350 mètres, l'ennemi invisible a beau jeu. Patiemment, le capitaine turc a attendu que s'approche le bateau du diable, objet de haines féroces et dont on a juré la perte. A présent, on le tient, on ne le lâchera plus. Trois obus de 10, bien ajustés, s'envolent encore vers le cap. L'armement va charger de nouveau la pièce, lorsque, sur le gaillard, jaillit une gerbe de feu si haute que, dans le nid de pie, le canonnier Nomdedeu, les mains et la barbe brûlées, laisse choir ses jumelles. Un projectile a frappé le parc à munitions qui flambe. Un rideau incandescent, haut de plus de dix mètres, sépare le gaillard du reste du navire. A toucher cette courtine de flammes, le quartier-maître canonnier Paulay, tout seul, charge un quatrième coup, puis essaie de pointer. Pas moyen : la fournaise est trop près. Peu à peu, l'homme recule devant elle. Ses cheveux et ses sourcils brûlent. Il s'écarte encore, la figure protégée par sa vareuse, la vareuse prend feu... Le voici à l'extrême avant, parmi ses camarades; l'incendie les poursuit. Le gaillard entier est embrasé, on respire des flammes. Ces hommes vont-ils périr, grillés vifs ? Non, la mer est là ; quatre marins y sautent. Agrippé par les mains au plat-bord, le corps pendant hors du navire, le second maître Marque arrive seul à gagner le milieu du PARIS II et bondit sur le pont, en face de la cuisine. Le cuistot Bouvier est toujours au travail : « Tout ça n'empêche pas de manger », déclare-t-il... puis il tombe, le flanc crevé par un fragment d'un obus qui a explosé sur la claire-voie de la machine. Le PARIS II donne environ six n uds. Dans quelques minutes, la pointe Nord l'abritera. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 23 de 42 Malheur ! Pénétrant dans la machine, un pruneau tombe sur le plateau du cylindre de moyenne pression et éclate. Le collecteur principal est crevé. La vapeur s'en échappe en sifflements déchirants. Blessé, le mécanicien Pastrie s'affale. Et, comme si les articulations de métal étaient soudain gommées, les bielles hésitent, comme ataxiques, et, à chaque tour, chaque manivelle semble vouloir s'arrêter au point mort. Mais dans le tube acoustique résonne la voix du commandant : - Que tout saute, mais donnez tout ce que vous pouvez ! Le mécanicien Brenon, par bonheur tout près du porte-voix, a entendu l'ordre, malgré les hurlements de la vapeur dont le brouillard blanc l'aveugle. A tâtons, il ouvre en grand le registre d'arrivée, puis, avec le second maître Laronde blessé à la main et Pastrie qui s'est relevé, il tente d'approcher du collecteur crevé. Le jet de vapeur brûlante refoule les trois hommes sur l'avant. Les voilà dans la chaufferie. Sous leurs pieds, l'eau monte... - Charge, Guillou, charge, mon fils, pousse les feux tant que tu pourras, ordonne Laronde au chauffeur de quart. Il faut que la bécane nous tire de là. Guillou, la figure fendue, en met de toutes ses forces. Brenon, couvert de sang, et Pastrie enlèvent les portes des cendriers pour faire monter la pression. Mais la brume torride et le nuage asphyxiant de l'incendie ont suivi les hommes et les chassent de la chaufferie. Ils montent sur le pont, où le second maître mécanicien Deschamps panse le coq Bouvier dont le sang coule à flots et le quartier-maître Jaffrezic qui vient d'écoper. Le massacre dure depuis cinq minutes à peine. Tandis que les Turcs s'acharnent sur le PARIS II, l’Alexandra s'est mise à l'abri à toucher le cap. Le devoir de l'enseigne Doucet est net : il doit sauver son chalutier. En restant aux côtés de son compagnon, il donnerait à l'ennemi l'occasion d'un double triomphe. Alors, pendant quelques minutes, il a gagné au pied et maintenant ses deux canons pilonnent le cap Avova. Peu à peu le tir de la batterie turque mollit. Mais déjà le PARIS II est condamné. Il agonise, et toutes ses fuites de vapeur clament sa souffrance. Son 75 tribord, seul debout, tire encore. Le commandant est blessé à la mâchoire. A ses pieds, l'homme de barre, le matelot Huby, est couché et râle. Le timonier Noret, le bras cassé, a pris sa place. L'incendie du parc à munitions cache tout l'avant du navire et l'arrière est voilé par la fumée noire qui monte de la soute à charbon en feu. La pointe Nord, le salut, est encore à un millier de mètres. Dès que Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 24 de 42 l'aviso l'aura doublée, il signalera à l’Alexandra de venir lui donner la remorque. Il est temps de venir sur tribord : - La barre à droite toute, ordonne le lieutenant de vaisseau Rollin. Mais, voyons, qu'est-ce encore? Le bâtiment vient à gauche en grand... Et où est donc passé l'homme de barre ? Noret a quitté la passerelle pour aller voir ce qui bloque le gouvernail. Et le second du PARIS II, le maître timonier Buino, qui avait pris la roue à sa place, s'est abattu, le crâne ouvert. Cramponné aux rayons, mort aux trois quarts, il essaie encore de gouverner... C'est en vain, car deux obus ont éclaté dans le compartiment du servo-moteur, et la barre est enrayée. Soutenant son bras cassé avec son bras valide, Noret revient et rend compte : - Commandant, j'ai voulu embrayer la barre à bras. Je n'ai pas pu : tout est en miettes par là, et ça brûle. Gouvernail coincé, le PARIS II revient sur la gauche vers la batterie, vers la mort. Pourra-t-on au moins gréer les palans qu'on accroche, comme moyen suprême, sur la barre elle-même ? Non. La soute à poudre vient de sauter, et tout l'arrière du navire n'est plus qu'un tas de fers tordus et emmêlés qui immobilisent le gouvernail. Inexorablement, jusqu'à la fin, l'aviso va tourner en rond... Le feu nourri de l’Alexandra gêne les Turcs, dont la giration du PARIS II a tant soit peu déréglé le tir. Les projectiles frappent moins dru, mais le bateau pique du nez. Rien ne peut plus le sauver. Et, tenez, comptons ses blessures : Un obus dans la soute à munitions, son explosion a démoli tout l'arrière ; deux autres dans la machine ; un dans le poste de T. S. F. ; un sur la pièce de 75 arrière ; un au pied du grand mât ; un dans le youyou, qui n'existe plus ; un sur la drague à tribord ; un sur le mât de charge ; deux dans la cuisine ; un sur le treuil ; un dans la soute à charbon tribord; deux dans le servo-moteur; un sur la passerelle supérieure ; un sur la boîte à cartes ; un à l'entrée de la cale; trois sur le pont avant ; un sur le 75 tribord ; un sur le 75 bâbord ; un au pied du mât de misaine ; un dans le parc à munitions de la pièce de 10 ; un ou plusieurs sur la dite pièce ; un à l'étrave et deux dans le gréement de misaine. Au total, vingt-neuf coups reconnus, sans compter ceux qui ont tapé en des endroits déjà sans formes ni contours. Le tout en quelque dix minutes... Le PARIS II bat tous les records. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 25 de 42 Autour des mâts, les haubans, étais et galhaubans coupés pendent comme chevelures en désordre. Mais la drisse de la grande enseigne est en place et les couleurs flottent toujours. Criblé, le PARIS II va couler, pavillon haut. Il est temps d'abandonner l'épave pour sauver les hommes. Il n'y a plus de youyou. La seconde baleinière et le radeau de sauvetage sont toujours là et semblent presque intacts. Malgré quoi il faut renoncer à s'en servir. Grouper les survivants sur des cibles si faciles à atteindre serait les envoyer à la boucherie. Sous la passerelle, l'équipage impassible, les blessés s'appuyant sur les valides, attend l'ordre du chef. Pourront-ils nager, ces gars magnifiques ? Par bonheur, les projectiles turcs sont chargés d'explosif très brisant, et, tandis que leur éclatement produit des effets de souffle terrible sur le matériel, leurs fragments, relativement petits, ne blessent pas toujours très profondément. Voyez le commandant du PARIS IL, il a reçu trois éclats : à la mâchoire, dans la rotule du genou gauche, et dans la jambe droite, et il est toujours debout. Sur son ordre, on jette à la mer les madriers, les planches, les cages à poules et les avirons, puis l'équipage capèle les ceintures de sauvetage. — Allons-y, mes garçons. Sauve qui peut ! Pendant que ses hommes sautent à la mer, le commandant descend dans sa chambre afin de noyer les papiers secrets introduits à l'avance dans un portefeuille de toile lesté de plomb. Hop ! à la mer ! Puis Rollin entasse tous ses livres et documents personnels, chavire dessus la lampe à pétrole et allume le monceau. Tout va flamber, et la cabine avec. Impossible d'accéder au carré pour sauver ce que contient le coffre-fort du navire. Des tôles tordues et enchevêtrées, une broussaille inextricable d'acier barre le passage. Le commandant regagne alors le pont. Plus personne. L'avant du bateau brûle furieusement et s'enfonce. Le centre est embrumé par la vapeur et la fumée qui s'échappent par les trous d'obus. A travers un chaos indescriptible, le lieutenant de vaisseau se fraie un passage, évitant de son mieux les jets brûlants. Dans la brume chaude et puante, il avance, criant tous les trois pas : « A la mer tout le monde, rondement ! » II veut, avant de sauter à l'eau, s'assurer qu'il est bien seul. Le voici à tribord. Soudain il disparaît à travers le pont qu'un projectile a éventré sur l'arrière du panneau de la machine. A Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 26 de 42 grand'peine, il arrive à se libérer d'un fouillis de fers tordus et de plaques rebroussées sous lesquels résonne le bruit de source d'une voie d'eau et le chuintement d'une fuite de vapeur qui se condense à son contact. A l'instant que Rollin émerge à la lumière et constate que la tôle du bastingage a été soufflée et rabattue à l'extérieur, ouvrant une passerelle vers la noyade, un obus arrive en plein dans le grand mât, qui s'abat. Deux éclats frappent le lieutenant de vaisseau au pied et à la cuisse gauches. La chute du mât a dû réjouir les Turcs : on entend des hourrahs. Le poste de l'équipage et celui des chauffeurs sont déserts. La soute de l'avant, où sont logées des poudres, n'est qu'un brasier. Qu'attend donc le bateau pour sauter ? A présent certain d'être demeuré le dernier à son bord, le commandant ôte ses souliers et plonge. Trois minutes plus tard, le PARIS II chavire sur bâbord et coule par l'avant. Jusqu'à la dernière seconde, la grande enseigne reste en vue. V. — LES NAUFRAGÉS. Les Turcs ont cessé le feu. Déjà quelques soldats émergent des tranchées, prêts à recueillir les survivants dès leur arrivée à terre. Mais le capitaine, qui, à travers sa jumelle, observait les naufragés, hurle soudain un ordre rageur. Le tir reprend sur les gars du PARIS II, lesquels nagent vers la haute mer vers l'Alexandra. Décidément, ces gens-là, il faut les tuer pour les avoir. Autour des Français l'eau gicle sous les balles. Tir inutile contre ces fuyards dispersés et peu visibles. Des shrapnells arrosent le radeau dont personne n'a voulu. L'Alexandra continue de canonner l'ennemi, pour venger les camarades, car depuis longtemps l'enseigne Doucet est persuadé que personne n'est resté vivant de ce PARIS II qui brûlait de bout en bout. Du chalutier, nul n'aperçoit les malheureux qui lentement, contre le vent et la houle, viennent vers lui. Ils nagent... L'eau froide de décembre raidit leurs bras et leurs jambes; l'eau salée mord les chairs en sang. Ils étaient trente sept tout à l'heure, seuls manquaient le maître timonier Buino, mort sur la passerelle de l'aviso, après avoir gouverné jusqu'au bout, et le matelot T S. F. Lamier, tué à son poste. Mais bientôt Paillay, frappé de congestion, coule et quatre mauvais nageurs disparaissent. Les autres se déhalent : trente-deux maintenant. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 27 de 42 Deschamps et Brivet se partagent le soutien d'une petite table qui servait au commandant lorsqu'il mangeait sur le pont Les yeux au ras de l'eau, les naufragés voient tout juste les mâts et la cheminée de l'Alexandra. Arrivera-t-on jamais ? Deux heures passent, et ils ne sont plus que vingt-huit qui essaient de se reposer sur toutes les épaves passant près d'eux. Dure étape. Le courant porte à terre et il semble qu'on n'avance plus... Pendant deux heures encore, de toutes leurs forces qui s'épuisent, ils nagent. Ces deux heures-là ont encore tué trois hommes. Restent vingt-cinq. Et bientôt vingt-quatre sans doute; écoutez ces cris : « A moi ! A l'aide ! » C'est Bouvier, le matelot-coq au flanc crevé. Laronde le croche, mais le malheureux pèse lourd. Le second maître hèle alors le quartier-maître canonnier Renault et le chauffeur Le Donge, installés sur une grande épave : — Venez, second maître, il y a de la place, répondent les deux hommes. Bouvier mourra dans quelques semaines... à Smyrne. — A moi ! A moi ! Ne m'abandonnez pas, les amis ! Je n'y vois plus, crie le canonnier Moro, dont un il est crevé et l'autre atteint. Deux matelots se précipitent. Le PARIS II est un fameux bloc, où l'entr'aide est admirable. Regardez cet espar qui soutient quatre hommes, dont trois blessés : le commandant Rollin et le mécanicien Pastrie poussent le madrier où s'accrochent les Libanais Farid et Ali Mansour, seul indemne et qui s’est chargé du chien. La ceinture de sauvetage de Pastrie, défaite, le gène et il ne peut travailler qu'avec ses jambes. Par moments, pour soulager le flotteur, Farid nage sur le dos, jusqu'à l'instant où les souffrances le forcent de s'accrocher à nouveau... Malgré ses plaies, le timonier Noret remorque son camarade Huby qui a saisi un aviron, mais l'effort est trop dur, Huby s'enfonce... La nuit approche. Trois hommes encore viennent de succomber. On ne voit plus l’Alexandra. Il faut gagner le rivage... ou se noyer. — Tout le monde à terre, ordonne le lieutenant de vaisseau Rollin. L'ordre est transmis. Les naufragés virent de bord. Mais, sans forces, pourront-ils se soutenir assez longtemps ? Heureusement, Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 28 de 42 le vent et le courant sont favorables et la grande épave de Renault recueille encore quelques hommes. Le rouge du crépuscule teinte les neiges des sommets. Le bleu de la mer a viré au gris de plomb. Les falaises d'Avova toutes proches enveloppent de leur ombre les naufragés. On entend des voix de soldats qui attendent au bord de l'eau, et le faible clapotis des nageurs. - Courage, camarades, j'y suis, crie le mécanicien Pessonneaux, qui vient d'aborder. Les Français, que leurs jambes glacées ne portent plus, se sentent saisis et soutenus par les Turcs entrés dans l'eau pour venir à leur aide. Haletants, titubants, épuisés par six heures de lutte, les dix-neuf survivants, dont treize sont blessés, prennent contact avec le sol. Dans la nuit qui vient, surgit devant le lieutenant de vaisseau Rollin une haute silhouette coiffée du casque de guerre ottoman. Des talons claquent pour le salut et une main se tend vers l'officier français : -— Le c ur m'a saigné, commandant, de tirer sur vos couleurs, mais c'était mon devoir. Je l'ai fait comme vous avez fait le vôtre. A présent, vous êtes mon hôte. VI. — LES BALEINIERS. Le lendemain 14 décembre, à dix heures du matin, l’Alexandra, tenace, revient devant le cap Avova et expédie trente obus de 95 sur l’emplacement de la batterie. Personne ne riposte. Le chalutier quitte alors le golfe d'Adalia, en route vers l'Ouest. A Castellorizo, tout est tranquille. Lumières éteintes ou masquées, la ville repose. Un vent d'Est glacé qui a nettoyé le ciel a molli au coucher du soleil. Neuf heures. Chez le gouverneur Le Camus, le téléphone de la pointe Nephti appelle : - Le canot à vapeur, venant de Navlakas, se dirige sur l'entrée du port. Ce canot de servitude était en effet à Navlakas et devait y passer la nuit. Que signifie ce retour ? Ayant tenté sans succès de téléphoner à la calanque, — quelque Arménien de la légion d'Orient a dû couper le fil pour en faire des lacets de souliers solides et souples, — Le Camus descend sur le quai AmiralMoreau, où se trouve, sur l'agora, le magasin de la marine, poste Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 29 de 42 à nouvelles et pointe aux blagueurs. Dans la nuit retentissent les appels des factionnaires de la côte : - Ho du canot ! La réponse n'est pas encore perceptible, mais bientôt le vapeur s'engage dans le port. Sa vieille machine ferraille terriblement. — Ho du canot ! hèle cette fois la sentinelle du quai, et voici la réponse : — Survivants du PARIS II. — D'où venez-vous ? interroge Le Camus. — De l’Alexandra : elle nous a ramassés au moment où nous entrions à Navlakas avec la baleinière. Envoyez un fanal et du monde pour donner 1a main aux blessés. Le vapeur accoste le long d'un escalier de marbre aux degrés affouillés par les clapotis. Sa chaudière jette un reflet rouge sur la foule entassée à l’arrière. Arrivé à la dernière marche, un porteur de fanal se penche et éclaire une forme raide enrobée d’un pavillon tricolore. - Vous avez un mort? interroge le gouverneur. - Oui, commandant, c'est le quartier-maître Laouénan, répond le second maître de man uvre Phérivong, qui fut chef de quart sur le PARIS II. Lentement, les survivants émergent en pleine lumière des fanaux accourus : onze hommes, dont cinq blessés. Une voix se lamente : — C'est trop de poisse, commandant; elle était encore à flot il y a une heure ! Il a fallu qu'elle aille au fond en accostant l’Alexandra ! Elle a coulé avec la mitrailleuse, les fusils et tout ce qu'on avait eu tant de mal à ramener de là- bas ! — De quoi parlez-vous, mon ami, et quel est votre nom ? demande Le Camus. — Quartier-maître Poiraud, patron de la baleinière du PARIS ; je suis déshonoré, commandant... En quelques mots, l'officier calme le malheureux qui se croit perdu de réputation, alors qu'avec tous ses camarades il vient de faire tout ce qu'exigeait l'honneur, et même davantage. On dépose le cadavre au magasin, où deux hommes vont le veiller. Et voici l'odyssée de la baleinière. Rejoignons-la à l'endroit où nous l'avons laissée la veille, dans l'anse du cap Avova, attendant que le PARIS II ait réduit au silence les tireurs invisibles qui viennent d'abattre Laouénan. Le quartier-maître Poiraud est dans la barcasse turque; les baleiniers Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 30 de 42 sont couchés au fond de leur embarcation, côte à côte avec le mort. - Ça va se passer comme l'autre jour, dit le fusilier Corbani; nos pruneaux de 10 auront vite fait de museler les salopards. - Tu as raison, répond Dely, chauffeur breveté, mais cette fois ils nous ont eus. Laouénan est tué, et c'est déjà trop. Si on essayait de dégoter un Turc pour lui apprendre... - Le premier qui montre son nez, je lui fais son affaire, hurle Poiraud, qui a entendu la proposition. J'ai mon revolver, vous savez. - Ça va, mon vieux, répond le quartier-maître fusilier Le Moal. T'en fais pas, je suis là pour empêcher les accidents. Philosophiquement, les baleiniers attendent, bien aplatis dans le fond. Ils tuent le temps en bouchant avec des balles de mitrailleuse les petits trous ronds que découpent les balles turques dans la coque, dangereusement près des formes allongées. La baleinière est en tôle, mode de construction que nos marins flétrissent dans un langage énergique et d'une verte précision. Ils préfèrent avec raison le bois qui foisonne et obture de lui-même les brèches des petits projectiles. En dépit de cette distraction, les minutes semblent longues. - Décidément, les Turcs insistent, remarque le fusilier Guillerm. Qu'est-ce qu'ils font donc, les canonniers du PARIS ? - Ils en mettent, sûr et certain, tu les entends. De fait, les baleiniers entendent des coups de canon et des éclatements d'obus. Mais les canons sont turcs et les obus sont ceux de l'Alexandra… Soudain, un cri : - Le PARIS n'y est plus ! Étonné de constater que, depuis un bon moment, l'aviso a cessé de virer l'amarre qui doit déhaler baleinière et barcasse, le patron Poiraud a fini par lever la tête. Plus de PARIS II... A cette nouvelle, la curiosité de tous devient incoercible. Des têtes se dressent, tout de suite saluées d'une salve. Mais le patron est un homme de prompte décision ; il saute dans la baleinière : — Ramassez vos figures pour le moment, vous les montrerez bien assez dans une minute, D'ailleurs, on est beaucoup trop mal ici pour que j'y reste jusqu'à ma retraite. Nous allons rallier l’Alexandra lestement. Le Moal et Corbani, sautez à la mitrailleuse, Dely et Neulat aux avirons, Guillerm en réserve dans le fond, paré à remplacer le premier arnoché. Vous y êtes ?... Pousse au large ! Avant partout et souque pour ta peau ! La baleinière abandonne l'abri relatif de la barcasse. Les balles l'accompagnent. A peine a-t-elle couru deux os sa longueur que Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 31 de 42 des shrapnells commencent d'ajouter leur averse à la fusillade. Le Moal riposte à toute allure : six cents coups par minute. Mais très vite la formidable crécelle se tait… - Enrayée ? interroge le patron. - Fichue, répond Le Moal. Une ferraille en plein dans la boîte de culasse. Elle m'a éclaboussé, et Corbani aussi. Les blessures sont légères, et Corbani empoigne son fusil. Ce que voyant, Guillerm saisit le sien et reçoit incontinent un éclat d'obus. - Laissez vos flingots tranquilles, ordonne le patron, Arrimez-les dans le fond de la baleinière, et vous avec. Tranquillement, Le Moal démonte la mitrailleuse inutile. L'embarcation menace de tourner à l'écumoire, Les canons turcs ont cessé le feu, mais les fusils continuent la danse. On ne s'en tirera qu'en remorquant cette baille-ci par le travers, comme un crabe, proclame Poiraud, A l'eau vivement ceux qui n'ont pas peur de la tasse. Un de vous restera à bord boucher les trous. Donnant l'exemple, le patron s'est déshabillé. Trois hommes le rejoignent à la mer. Nageant à tribord de la baleinière qui leur sert de bouclier, ils la déhalent de leur mieux. Mais les bateaux ne sont point taillés pour marcher le flanc le premier, et c'est à peine si le cortège avance. ! Subitement, les Turcs cessent le feu et les Français d'en conclure qu'ils n'ont plus de munitions. En réalité, le tir de l’Alexandra, qui maintenant arrose les environs du cap Avova, a délogé les gens des tranchées. Les baleiniers remontent à leur bord et reprennent leurs avirons. Et voici des appels : - Par ici, la baleinière ! C'est le mécanicien Mazoyer, rescapé du PARIS II. Plus loin, le second maître Phérivong, le canonnier Nomdedeu et le chauffeur arabe Bechir Goda remorquent, sur un panneau de cale, le chauffeur Castel blessé. La baleinière les embarque et repêche un peu plus loin le quartier-maître Brenon. - Où sont les autres ? interroge le patron. - A terre ou par le fond avec le bateau... Avec les deux quartiers-maîtres, Phérivong tient conseil. Chypre est à quelque 225 kilomètres dans le Sud-Est. Tenter de rallier cette île serait pure folie, car la brise d'Est vient de se lever, soulevant un clapotis court et creux. Crevée en vingt endroits qu'aveuglent tant bien que mal les cartouches-bouchons, l'embarcation est sans vivres et sans eau. Un de ses deux Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 32 de 42 avirons, brisé par un éclat d'obus, a été rafistolé avec une rousture en filin. Le salut n'est possible qu'en longeant la cote ennemie jusqu'à Castellorizo. On va piquer au Sud jusqu'au cap Khelidonia, puis on filera vers l'Ouest, vent arrière, allure toujours plaisante quand la brise demeure maniable. Cent trente kilomètres à courir... Les quarante premiers, jusqu'à Khelidonia, seront les plus durs. Il faudra toute la nuit pour en venir à bout. Sur chaque aviron, deux hommes appliquent tout leur poids, toute leur force pour le salut, de tous. Sitôt à bout de souffle, on les relève. Épuisés, ils s'assoient alors au fond de la baleinière, dans l'eau jusqu'au ventre, et machinalement, avec des gestes mous, ils écopent avec leurs bonnets l'eau qui embarque par bâbord, côté du vent, et celle qui s'infiltre sans arrêt par les fissures de la tôle. Sans mollir, il faut soutenir une nage de régates, car la mer et la brise viennent du travers et battent en côte. Par instants, le mugissement des lames déferlant sur les roches menaçantes couvre la voix du patron qui encourage ses hommes : - Tombe à cul, mes garçons !... Hardi que ça va !... A la bonne heure qu'on gagne !... Des heures sont perdues à faire tête au vent, cap à l'Est, pour refouler un courant violent qui dépale sur les remous d'écume des récifs Tria Nisia, grosses flaques blanches bouillonnant dans les ténèbres. Des épis de roches noyées, où vingt fois la baleinière manque de s'éventrer, prolongent les promontoires à quatre ou cinq cents mètres au large. Quelle endurance surhumaine faut-il à ces gars pour tenir quand même, heure après heure, pour souquer sans cesse, pour souquer toujours ! Ah c'est qu'ils retrouvent là leur ancien métier de pêcheurs bretons. Pris par le calme et drossés par des courants de foudre sur les brisants de Sein ou des Trépassés, combien de fois ont-ils dû, des journées durant, ha1er sur les énormes avirons de leurs grands lougres ? L'aube rosé et dorée du 14 décembre éclaire les faces terreuses et défaites des baleiniers à demi morts d'épuisement et de soif. On souque, puis on écope et l'on souque encore. Ou bien, claquant des dents, les lèvres bleues de froid, se serrant contre le voisin pour lui emprunter un peu de chaleur, assis dans l'eau qui emplit à moitié l'embarcation, on sommeille face à tribord, le dos giflé par l'embrun, les reins brisés par l'effort, les mains sanglantes. Il fait grand jour. Aucune fumée en vue au large. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 33 de 42 Mais, tout près, voici le cap Khelidonia, que frange un groupe d'îlots. De J'abri de ce minuscule archipel, la baleinière profite pour établir une voilure étrange faite d'un caillebotis sur quoi l'on tend une vareuse... En cet équipage, le cap une fois doublé, on laisse porter jusqu'au vent arrière. La voile de fortune ne sert pas à grand'chose, et les avirons font les trois quarts du travail, La brise ne force pas, la mer est plus maniable, on finira par atteindre le but. Trente-six heures après avoir quitté le cap Aveva, à sept heures et demie du soir, par nuit noire, tout prés deCastellorizo, les baleiniers aperçoivent l'Alexandra qui, toute la journée les a vainement cherchés. Hélas ! En accostant, la baleinière, prise en travers par la houle, tosse brutalement contre le chalutier. Le choc déracine d'un coup toutes les balles qui bouchaient les voies d'eau… Deux minutes suffisent pour que disparaisse cette embarcation dont l'équipage n'avait abandonné ni ses armes, ni le corps du camarade tué... Vous comprenez maintenant le désespoir du patron voyant couler à pic tout ce qu'à si grand'-peine il avait ramené de si loin... VII. — CIMETIERE MARIN. 15 décembre. La brise a viré à l'Ouest. Le ciel est endeuillé de nuages bas couleur de cendre. Tombant des sommets de Castellorizo, des rafales lourdes balaient la ville et écaillent en vaguelettes pressées l'eau du port qu'ont empourprée des pluies récentes entraînant l'humus rouge de l'île. Le temps est trop mauvais pour que les avions attaquent aujourd'hui. Toute l'île est alertée. On enterre le quartier-maître Laouénan. Portant le cercueil enveloppé des couleurs françaises, quatre marins s'engagent dans les lacets des ruelles enchevêtrées dont la pente mène aux remparts. A dix pas en avant, un clairon virtuose lance par intervalles le lamento dont les notes aiguës, traînantes et tristes rebondissent en échos bizarres sur les façades et dans les culs-de-sac. Par instants, la venelle devient un âpre escalier aux marches inégales, usées, glissantes, sur quoi trébuchent les porteurs qui, plus loin, se heurtent aux murs dans un raidillon trop étroit. Le cortège s'étire à l'infini. Les survivants du PARIS II mènent le deuil. Viennent ensuite, après l'équipage de l’Alexandra, les marins de Castellorizo, la légion d'Orient, puis les archontes et les pappas aux chignons huilés et aux barbes soyeuses. Ils précèdent toute la population mâle de l'île, silencieuse et recueillie, égrenant machinalement et sans Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 34 de 42 prier le chapelet aux grains d'ambre ou de santal. Des fenêtres pavoisées de tapis, les jeunes filles de Mégiste font pleuvoir sur le convoi des gouttes d'eau parfumée à l'essence de roses dont les effluves se mêlent à l'odeur des feuilles d'olivier bénites qui se consument dans les brûle-parfums. Debout sur le pas des portes, les grasses matrones aux regards bovins, aux traits réguliers et durs, graves et raides comme des statues, sont parées de tous leurs atours pour honorer le Français défunt. Coiffées du turban noir à plis serrés comme ceux du turban annamite, vêtues de la camisole de soie que ferment sept broches et du pantalon à la turque, emmantelées du caftan de velours soutaché d'or ou d'argent et frangé de fourrures, elles ont sorti tous leurs colliers, toutes leurs bagues, tous leurs bracelets, tous leurs pendants d'oreilles faits de monnaies d'or. Les matelots songent aux camarades qui sont restés là-bas, sous le cap Avova. Par les baleiniers, on sait que quelques survivants ont pu gagner la terre, mais qui ? Et combien ? Voici les remparts dont les fondations servirent tour à tour aux Byzantins, aux Turcs et aux Hospitaliers de Saint-Jean. La route s'élargit ensuite. On approche de la région « des monts », presque inconnue de tous les Mégistéens du cortège, commerçants ou marins qui dédaignent tout ce qui n'est pas le port ou la cité, abandonnant la campagne aux bergers, aux chèvres et, en été, aux jeunes filles qui, chaque soir, l'amphore à l'épaule, vont à Aghia-Trias puiser l'eau des citernes à ciel ouvert que remplissent les pluies et qu'ont restaurées nos marins. Le convoi débouche maintenant sur un large épaulement rocheux accoté au flanc de la montagne qui porte les hauts plateaux. Sur ce terrain nivelé, le chemin s'épanouit et bientôt serpente entre de petites villas clairsemées et toutes fières d'être environnées de mûriers, d'amandiers, de grenadiers, de citronniers et de figuiers centenaires que la paroi des monts protège des grandes brises. C'est le quartier du gymnase Santrapeia. En sortant de ce faubourg, la route longe des falaises rougeâtres veinées de failles plus rouges encore, où s'est accumulée la terre pourpre de l'île, comme en des entailles sanglantes que les gouverneurs Saint-Salvy et Le Camus ont par endroits pansées en y plantant des pins et des eucalyptus de Chypre. Écorné par un bombardement, un moulin à vent dessine sur le pays la grande croix de ses ailes et sert d'« amer » aux navires qui s'approchent de Castellorizo, Par une descente douce qui suit les contours de la pointe Mandraki on arrive enfin au cimetière marin. Rocailleux, sauvage, mitraillé par les graviers que le vent soulève, l'endroit, qu'attristé davantage encore la lumière grise Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 35 de 42 de décembre, fait songer à quelque promontoire breton. La pointe du Raz n'est guère plus poignante. De cette falaise dont les petites lames coupantes entament tenacement les assises, on n aperçoit que la mer, la côte turque aux sommets embrumés et, dominant la ville invisible, la carcasse patinée du ChastelRouge, où les Hospitaliers emprisonnaient, les chaînes aux pieds et aux mains les condamnés à la grande pénitence. Sur les restes du donjon flotte le pavillon français, aujourd'hui en berne. Côte à côte avec d'autres marins, Laouénan va dormir au ras du sol. Le roc dur n'a pas permis de creuser plus avant. Le Camus dit d'abord l'adieu de la France. Puis, au nom du peuple de Castellorizo, le président de la démogérontie, homme mûr et sage, trouve sans peine dans le vieux fonds d'éloquence de sa race, où s'unissent le courant païen de l’Ionie et le flux chrétien de Byzance, des mots d'une élévation étonnante chez ce simple maire de village. A sa voix, les Dieux et les Déesses de l'Egée, de la Très-Verte s'envolent vers la mer Cimmérienne, vers cet Occident où meurt le soleil achevant d'éclairer la scène, pour y clamer la gloire des héros de France, tandis que les archanges de l'iconostase tendent les âmes des trépassés aux saints protecteurs des clochers de leur pays. Cette oraison mystique, traduite phrase par phrase par un interprète, fait monter les larmes aux yeux des rudes gars de chez nous. Yani Lakerdis parle ensuite. Chef de l'insurrection qui chassa les Turcs en mars 1913, ancien président du Conseil de la République mégistéenne, capitaine de la milice qui, le 26 janvier 1916, appuyée par une section de la Jeanne-d’Arc et par nos chalutiers Surmulet et Cachalot, cueillit en terre ennemie et amena à Mégiste le capitaine et les cinquante soldats turcs tenant garnison à Andiphilo, Lakerdis, en un véhément appel que scandent les « Zito Gallia ! » de ses palikares, demande qu'une pyramide de têtes turques fraîchement coupées, dix pour chaque mort du PARIS II, soit dressée devant cette tombe en signe d'expiation. Il est d'autres moyens de venger les vingt Français disparus, et les gens de l'Alexandra brûlent de retourner là-bas et d'en découdre... En face de ce petit chalutier, avec son commandant et ses vingthuit hommes, toute une côte armée est en alerte. ….. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 36 de 42 Annexe 2 : Article de Presse paru dans - l’Echo de Paris - 30 janvier 1920 “ Nos Marins ” Le bruit fait à la Chambre et dans certains journaux autour des incidents de la Mer Noire a donné au public l’impression que la discipline était moins forte parmi nos marins que parmi nos soldats. Avant de se permettre une appréciation sur la façon de servir qu’avaient nos marins six mois après l’armistice et après avoir subi l’influence d’une propagande dissolvante, il serait peut-être simplement loyal de chercher à savoir ce qu’ils ont fait pendant quatre ans de guerre. Ils ont vécu, à peu près tous les jours des journées comme celle que je vais vous raconter. La scène se passe en décembre 1917, non loin d’Adalia. Dans cette partie orientale de la Méditerranée, à la mission générale de nos patrouilleurs (lutte contre les sous-marins) s’ajoute celle de bloquer étroitement les côtes méridionales de l’Asie Mineure. Les bâtiments chargés de ce rôle donnent la chasse aux barques turques, les combattent si elles résistent, tâchent de les ramener à nos points d’appui — non pas que les parts de prise vaillent celles que touchaient jadis les corsaires dunkerquois ou malouins, mais parce que de bonnes barquasses d’une silhouette bien turque, sont quelquefois très utiles pour faire voyager des gens…qui aiment se promener pour s’instruire. Au début de décembre, le PARIS II, commandé par le lieutenant de vaisseau Rollin, a réussi une petite affaire de ce genre : il est allé tout près de terre, à portée de fusil, amariner une barcasse qui se croyait en sûreté dans une baie, la petite baie d’Avova que limite à l’est le cap du même nom. C’est un bon petit bateau que le PARIS II : 1.200 tonnes, une pièce de 100 à l’avant, 3 de 75 sur les bords et un canon de 47 contre les avions ; dame, ce n’est pas un croiseur de bataille, mais bien des cuirassés n’ont pas déjà comme lui une citation à l’ordre de l’Armée gagnée le 4 février 1916 en se battant plus de deux heures contre un sous-marin ennemi plus puissamment armé et plus rapide, qui finalement a abandonné la lutte. Donc, le 13 décembre, le PARIS II revient à l’entrée de la baie d’Avova, et y voit une barcasse à l’ancre qui amenait ses voiles. Il arme sa baleinière de sept volontaires, pour aller frapper l’amarre sur la prise. Les hommes de la barcasse se jettent à l’eau sans que la baleinière ne fasse usage contre eux de la mitrailleuse dont elle est pourvue. Trois quartiers-maîtres Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 37 de 42 montent à bord de la barque, sans recevoir de terre un coup de feu, ils coupent l’amarre de l’ancre et signalent à bras que la remorque est parée. Le PARIS II commence à man uvrer pour entraîner sa prise. A ce moment précis (le commandant note l’heure, 11 h 23) éclate un feu violent d’artillerie une batterie turque a été amenée à dos de mulets et le bâtiment est tombé dans un piège. Le premier obus pénètre à tribord ; sous la ligne de flottaison, dans la soute à charbon où il allume un incendie. Le commandant repère aussitôt les lueurs de la batterie ennemie ; il ordonne d’ouvrir le feu sur elle : hausse 1.800 mètres. Mais, dès les premières salves turques, les deux pièces de 75 du bord engagé ont été mises hors de service. La T.S.F. a été brisé, le télégraphiste tué l’écouteur aux oreilles. La pièce de 100 avant seule peut tirer : elle tire trois coups, bien dirigés, mais au moment où l’on va charger le quatrième, un obus ennemi met le feu aux munitions et voici l’avant séparé du reste du bâtiment par un rideau de flammes d’une dizaine de mètres (nous avons vu qu’il y a, depuis le premier coup, le feu à l’arrière dans la soute à charbon). Admirable de sang-froid, le quartier-maître Paulay charge son quatrième coup, mais il ne peut tirer et il est obligé de se réfugier à l’extrême avant. Du rivage, l’infanterie turque abritée dans ses tranchées, exécute avec ses fusils et ses mitrailleuses un tir à la cible nourri qui balaye le pont et la passerelle d’une grêle de balles. Le commandant sur sa passerelle, parfaitement calme, fumant une cigarette, ordonne de forcer la vitesse pour s’éviter derrière le cap, lorsqu’un obus éclate dans la machine, crevant le collecteur principal de vapeur. Les mécaniciens, pour ne pas être bouillis vivants, sont obligés de passer dans la chaufferie, où ils poussent les feux à fond. Sur la passerelle, le commandant, qui a ordonné la barre tout à droite s’aperçoit que le bâtiment vient à gauche. Il se retourne et il voit son second, le maître de timonerie Buino, couché et ensanglanté qui lui fait signe que la barre est bloquée. (Le maître Buino a pris la barre pour remplacer les deux premiers timoniers frappés par balles à leur poste.) L’arrière du bâtiment a sauté et ses tôles projetées par l’explosion ont bloqué le gouvernail. Le bâtiment ne gouverne plus et commence à tourner en rond en revenant sous le feu de la batterie dont il voulait s’éloigner. Les hommes sont au pied de la passerelle, immobiles, leurs pièces brisées, leurs machines crevées et bloquées. Pas un ne saute à la mer. Ils regardent leur commandant et attendent l’ordre. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 38 de 42 Leur commandant ? Il est vrai qu’il vaut de le voir : il a la mâchoire brisée et la rotule gauche broyée par les éclats d’obus : mais il se tient droit près du tas ensanglanté que forment ses timoniers successifs et sur lequel Buino, le second, agonise. Il n’a pensé d’abord qu’à combattre, tout en man uvrant pour sauver son bâtiment et sa prise. Maintenant il ne peut plus rien. Sur un équipage de 40 hommes, il y a 18 tués et 18 blessés. Le bâtiment va sauter ou achever de sombrer d’une minute à l’autre. Le commandant ordonne « tout le monde à la mer ». Tout le monde ? Non, pas lui. Pendant que les hommes ayant mis avec calme leurs ceintures de sauvetage, quittent le bâtiment, le commandant Rollin seul, la rotule gauche brisée, la mâchoire cassée, la jambe droite touchée, les yeux brûlés par la vapeur, les poumons emplis par la fumée de l’incendie, fait le tour de son bâtiment, pour détruire les papiers confidentiels, mettre le feu à ce qui ne brûle pas encore (spécialement sa chambre et la soute à munitions avant) et s’assurer qu’il n’y a plus personne de vivant à bord. Alors seulement, ayant conscience d’avoir rempli son devoir, le commandant Rollin se jeta à la mer. Or, parmi ces blessés, dont la mer mord les chairs saignantes, qui ont attendu l’ordre de leur commandant pour évacuer leu bateau en feu, pas un n’a gagné la terre à la nage. Se soutenant les uns les autres avec la fraternité si simple de nos marins, ils ont attendu leur commandant. A plusieurs milles au large, un patrouilleur, l’Alexandra, qui opérait de conserve avec le PARIS II, canonnait la batterie turque, peut être pourrait-il trouver un moyen de les secourir ? Mais ayant vu disparaître le glorieux bâtiment son enseigne battante dans les explosions de ses soutes et de ses chaudières, l’Alexandra vira de bord et disparut au large. Pendant cinq heures, les survivants du chalutier attendirent, et ce n’est qu’après avoir perdu tout espoir qu’ils consentirent à s’avouer vaincus. On doit reconnaître ici la haute courtoisie et l’humanité parfaite avec lesquelles les Turcs, frappés d’admiration par l’héroïsme de nos hommes, les accueillirent. A Adalia, la garnison entière leur rendit les honneurs sous les ordres d’un général. C’est à lui que le commandant Rollin put dire : « Chez nous, on se fait sauter, on n’amène pas. » Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 39 de 42 Mais voici la captivité où les pouvoirs du chef, maître après Dieu à son bord, ne sont plus rien. Jamais les matelots du PARIS II ne furent plus déférents envers leur commandant et leur gradés qu’au moments où ceux-ci n’avaient plus le pouvoir d’exiger leur obéissance, et je ne sais rien de plus touchant que ce petit matelot breton, mourant, de retour au pays, des suites de ses blessures, et faisant signe à son père : écrire… et trois doigts mis sur la manche… écrire au commandant. Rien de plus touchant ? Si, peut-être, la veuve et le jeune fils du second Buino, tué à la barre, nous l’avons vu, venant de Bretagne à Toulon, assister aux débats du Conseil de guerre, où le commandant Rollin avait à rendre compte de la perte de son bâtiment… pour que le petit entende parler de son père et se souvienne… Cet enfant, cette veuve, ces quelques braves ne doivent pas être seuls à se souvenir. Laisserons-nous les Turcs se rappeler seuls avec eux cet exploit pour raconter comment on se bat et comment on meurt « à la Franque » ? Pierre Deloncle Chef de service à la Section Historique de l’État-major général de la Marine Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 40 de 42 Annexe 3 : V BUINO Eugène Pierre Marie, Maître timonier - est né le 7 octobre 1886 à MALANSAC (Morbihan). Disparu en mer avec le bâtiment. Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1819, transcrit dans cette commune le 24 mai 1919. Dernier domicile à VANNES. V M. Fari, interprète libanais (mort d'épuisement en captivité). V GUILLOU Hyacinthe François, Second Maître, Chef de quart - né le 9 juillet 1893 à PLUDUAL (Côtes d'Armor) --disparu.--- jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1919, transcrit à PLUDUAL le 30 mai 1919 ; dernier domicile. --- Figure sur le Monument aux Morts de la commune.--V HEURTEL Victor Mathurin, Second Maître fourrier - né le 6 septembre 1885 à SAINT QUAY PORTRIEUX (Côtes d'Armor) - disparu en mer - Jugement déclaratif de décès le 7 mai 1919, transcrit à SAINT QUAY PORTRIEUX (dernier domicile) le 16 mai 1919. V CLÉMENCON Adrien Antoine, Quartier-maître mécanicien; né le 7 mai 1891 à MARCILLY LE PAVÉ (Loire) – Disparu ; Jugement déclaratif idem -- Dernier domicile à SAINT ÉTIENNE (Loire) V LAMIER Octave Edouard Jean, Quartier-maître électricien et de timonerie - né le 3 mars 1890 à TOURS (Indre & Loire), tué à son poste. -- Jugement déclaratif de décès rendu le 7 mai 1919 à BREST -- transcrit à THOUARS (Deux-Sèvres) le 9 juillet 1919, dernier domicile. V LAOUENAN Louis, Quartier-maître de timonerie - né le 16 mars 1893 à BREST (Finistère). Acte de décès transcrit à CAMARET (Finistère) le 25 février 1918 ; dernier domicile. V PAULAY Albert François Marie, Quartier-maître canonnier - né le 6 août 1890 à NOYAL MUZILLAC (Morbihan); disparu avec le bâtiment - jugement déclaratif de décès rendu le 7 mai 1919 à BREST et transcrit dans cette commune le 7 juin 1919. - Dernier domicile, 27 quai Rohan à LORIENT – V ANTONINI Jules André, Matelot de 2ème classe timonier né le 5 novembre 1898 à MARSEILLE (Bouches du Rhône). Disparu - Jugement déclaratif de décès BREST le 7 mai 1919, Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 41 de 42 transcrit à MARSEILLE le 24 mai 1919 - Dernier domicile à MARSEILLE, 116 rue Ferrari. V BESSOU Eugène Auguste, Matelot de 2ème classe breveté gabier - né le 6 mars 1897 à SAINT GEORGES DE DIDONNE (Charente Maritime) - disparu - Jugement à BREST le 7 mai 1919; transcrit le 20 mai 1919 à SAINT GEORGES DE DIDONNE (dernier domicile). V BOUVIER Louis Julien, Matelot boulanger, coq - né le 11 janvier 1894 à LANGROLAY SUR RANCE, Côtes d'Armor --Atteint par des éclats d'obus provoquant une gangrène des poumons, il décède à l'Hôpital militaire ottoman d'ADALIA. Déclaré mort pour la France le 13 décembre 1917 --- Acte de décès transcrit le 11 août 1918 à LANGROLAY SUR RANCE, dernier domicile --- Figure sur le Monument aux Morts de la commune --V CASTEL Alain Eugène, Matelot de 3ème classe - né le 1er mars 1895 à PLOUEZOCH (Finistère); disparu avec le bâtiment -- Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1919, transcrit à PLOUEZOCH le 29 mai 1919; dernier domicile --V FERRARD Francis Louis, Matelot de 2ème classe chauffeur né le 30 octobre 1893 à TRESSÉ (Ille & Vilaine) jugement déclaratif rendu à BREST le 7 mai 1919, transcrit à PLERGUER (Ille & Vilaine) le 4 juillet 1919 - Dernier domicile à LE TRONCHET (Ille & Vilaine). V FRANCHETEAU Émile Auguste Léopold; Matelot de 3ème classe sur le "PARIS-II" - né le 2 janvier 1892 aux SABLES D'OLONNE (Vendée), il disparaît en mer avec le bâtiment --Jugement déclaratif de décès rendu à BREST le 7 mai 1919 et transcrit aux SABLES D'OLONNE le 16 mai 1919 --- Croix de guerre 1914-1918 --- Dernier domicile, 36 rue du Bastion, LES SABLES D'OLONNE (Vendée). V HUBY Pierre Marie, Matelot de 3ème classe - né le 15 juin 1895 à LANGUEUX (Côtes d'Armor), disparu avec le bâtiment - Jugement déclaratif de décès le 7 mai 1919, transcrit à LANGUEUX le 19 mai 1919, dernier domicile --V JOSSE Pierre Joseph Francisque, Matelot de 2ème classe canonnier - né le 19 octobre 1894 à SAINT PIERRE DE PLESGUEN (Ille & Vilaine) -- dernier domicile à CANCALE (figure sur le Monument aux Morts)... Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON Page 42 de 42 V LE VEO Robert François, Quartier maître de man uvre né le 27 octobre 1896 à Sotteville-lès-Rouen (76) et disparu avec le navire le 13 décembre 1917. L'acte de décès a été transcrit le 21 mars 1920 à Toulon. V M. Selemen, mt. libanais (disparu). V THEBAUD Léon Marie, Matelot de 2ème classe fusilier embarqué sur le patrouilleur auxiliaire "PARIS-II". Disparu - né le 5 mai 1897 à NOYALO (Morbihan) - jugement déclaratif 7 mai 1919 à BREST transcrit le 4 juillet 1919 à NOYALO (dernier domicile). Liste établie d’après le travail de Gilles Jogerst. Navires de la Grande Guerre – Navire PARIS II Fiche récapitulative mise à jour le 12/05/2008 – V5 Auteurs : Yves DUFEIL – Franck LE BEL – Marc TERRAILLON