Procès de Laurent Roeckel

Transcription

Procès de Laurent Roeckel
10 ans de prison pour trois attentats criminels racistes
Alfred ZIMMER Président du comité de Strasbourg du MRAP.
A Vendenheim près de Strasbourg
En 2010 à Strasbourg et environs
De nombreux incendies de maisons à caractères racistes avec des croix
gammées avaient été provoqués à Vendenheim, Reichstett, Hoenheim, à La
Robertsau selon un mode opératoire semblable. Des rassemblements de
protestation, des manifestations avaient été organisées notamment par Justice et
Libertés Des tombes juives et musulmanes avaient aussi été profanées, actes qui
avaient aussi suscité indignations et protestations. Les auteurs de ces derniers
actes ont été condamnés, Me Mengus était conseil du MRAP à ces procès.
Peu après ces incendies, Laurent Roeckel, un jeune de 25 ans du vieux quartier
de Cronenbourg, lors d’une sortie nocturne en vélo du côté de Vendenheim, est
interrogé par une patrouille. Il est porteur d’un briquet alors qu’il ne fume pas.
Lors de l’interrogatoire il demande aux gendarmes ce qu’il risque s’il a été
guetteur lors d’un des incendies. Il est mis en examen. Il passe ensuite aux
aveux mais avec différentes versions. Il dit avoir agi à trois puis seul. Il n’a pas
de téléphone portable, a effacé le disque dur de son ordinateur. Aucun lien ne
peut être établi avec d’éventuels complices, comme il le laisse entendre au
début. Lors des marches aux flambeaux de « Jeune Alsace » (mouvement de
jeunesse « d’Alsace D’abord » dont il se disait sympathisant), la police a repéré
les personnes présentes : il n’y était pas. Depuis l'arrestation de Laurent
Roeckel, plus aucun acte criminel de ce type n’est relevé près de Strasbourg.
En 1ère instance en mars 2013, L. Roeckel, particulièrement arrogant,
est condamné à 12 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises à
Strasbourg.
Aux assises du Haut-Rhin à Colmar, se tient les 3 et 4 octobre 2013
le procès en appel.
Des classes d'un lycée de Colmar, une équipe de FR3 Alsace, un journaliste de
l'AFP, quelques autres personnes assistent à ce procès.
Lors des procès de L. Roeckel, Maître Mengus est conseil du MRAP et Maître
Aubelle Tourette conseil d’une des victimes et de SOS Racisme.
L. Roeckel a avoué avoir mis le feu la nuit à 3 maisons à Vendenheim qu'il
pensait, d’après les patronymes, appartenir à des Turcs, trop nombreux selon lui
en Alsace. En fait les victimes et plaignants ont la nationalité française.
Comment en est-il arrivé là, vu ce que nous savons de son parcours ?
L. Roeckel, enfant et adolescent obtient des résultats scolaires très insuffisants à
l’école et au Collège. Il arrête ensuite très vite ses cours de mécanique que sa
mère lui avait payées dans un établissement privé. Il « traine », comme il dit,
allume de petits incendies, met le feu à des voitures avec des plus jeunes que
lui. Il ne s’attache à personne sauf à sa mère qui ne lui refuse rien et fait tout
pour lui. Il ose déclarer que ses parents « s’étaient comportés en larbins » ! Il
dit lors de l’instruction qu’il était de « pur sang alsacien » ! Il a dit s’intéresser à
la généalogie, recherchant peut-être des ancêtres plus nobles ! Qu’a-t-il apporté
à l’Alsace dont il se revendique ? Il n’a jamais travaillé, vivait de l’argent de sa
mère et de vols. Il dit être passé du style « rappeur », au style « racaille », puis
à l’extrême-droite. Il s’occupait vers 2010 à faire des statistiques d’après les
noms des nouveaux nés et des pages blanches de l’annuaire pour « calculer » le
taux d’étrangers dans les communes proches ! Enfin il a mis le feu à des
maisons, inscrit des croix gammées. Par ses actes criminels, il a créé de
nombreux problèmes aux victimes dont certaines ne dorment plus la nuit, font
des cauchemars… Il ne s’en soucie guère. Après les témoignages des personnes
qui se sont portées parties civiles, il s’excuse à l’audience. Que valent ces autoexcuses ? Récemment encore il s’est battu en prison avec un détenu « turc » et a
été condamné à 3 mois de prison ferme, alors que le « Turc » n’a pas été
condamné.
Après avoir donné de multiples versions, prétextant étrangement qu’il ne se
souvient plus des faits, il précise finalement avoir mis en pleine nuit une poubelle
devant la porte d’entrée en bois. Il avait allumé ensuite la poubelle. Cela a
provoqué l’embrasement de la porte principale, la propagation du feu dans
l'appartement et d’abondantes fumées noires, le tout mettant en danger la vie de
la famille endormie. L. Roeckel s’en allait tranquillement sans risque.
Heureusement que quelqu’un s’est réveillé ou a été réveillé par une voisine. Il a
recommencé deux fois à une semaine d'intervalle. Les témoignages des victimes,
des témoins, des enquêteurs sont conformes à cette version et il ne peut nier
l’évidence.
Pour « passer son message » il lui fallait recourir à la violence, a-t-il dit. Il se
disait alors sympathisant du groupe « Alsace D'abord » et des identitaires dont il
a connu les sites par Internet. Mais pour lui, ces groupes n’allaient pas assez
loin.
Quelques éléments des plaidoiries
Tout au long du procès les questions posées aux témoins ont permis d’y voir plus
clair, même si L. Roeckel n’a pas vraiment fait preuve de sincérité, de regrets, de
remord et de culpabilité, refusant jusqu’à la fin de la 1ère journée de reconnaitre
les faits.
A la fin Me Mengus s’est adressée aux jurés et leur a dit notamment : Quelles
que soient vos idées, régionalistes, nationalistes…vous n’iriez pas commettre des
crimes pour parvenir à vos fins, pour imposer vos idées ! Le MRAP que je
représente est solidaire de ces familles et fait un travail en amont dans les
lycées, les établissements scolaires…»
Me Aubel-Tourette a déclaré à la fin « Si nous luttons contre ces actes racistes,
c’est lutter aussi pour la pédagogie devant des élèves. La devise « Liberté,
égalité, fraternité est le ciment de notre société. Laurent Roeckel est dangereux
pour la société car il ne s’est pas donné les moyens de changer ».
L’avocat général. M. Dorémieux, a rappelé qu’il représentait la société à ce
procès. Il a expliqué notamment que l’Alsace est un passage rhénan, que les
Juifs sont venus dès le 1er siècle avec les cohortes romaines. La France s’est
construite sous l’ancien régime avec des peuples différents et les rattachements
à la France se sont faits dans certaines conditions. Celui qui est né en France est
Français. La révolution de 1789 a introduit les notions de citoyenneté et de
laïcité. L’Etat reconnait tous les cultes, n’en condamne aucun. Le modèle français
d’intégration n’existe pas partout en Europe mais il est lié à notre histoire.
Concernant M. Roeckel il dit qu’il est habitué au feu et sait qu’avec le feu on met
en péril la vie des personnes. S’il avait jeté un cocktail Molotov en cassant une
fenêtre, il aurait pris le risque de faire du bruit et de se faire prendre Il a commis
3 attentats criminels à une semaine d’intervalle. Il préfigure une forme de
délinquance avec des idées venant de sites sur ordinateur. Ce n’est pas
rassurant. Il demande confirmation de la peine de 12 ans ; aller en-dessous de
10 ans c’est nier le caractère criminel de ces attentats.
L’avocat de la défense, Me Bergmann s’est dit marqué personnellement par
les déclarations des victimes. Quelques phrases : L. Roeckel n’a pas réfléchi à
l’Histoire, comme ont pu le faire l’avocat général, Tomi Ungerer, Hansi... sur les
relations entre l’Alsace, la France et l’Allemagne… Le contexte de son
adolescence a été difficile. « Il est vide au niveau culturel, au niveau de savoir
penser ». La culpabilité ne fait aucun doute mais je vous demande de diminuer la
peine de deux ans.
Le verdict
La cour d'assises du Haut-Rhin a reconnu L. Roeckel coupable de vol de
poubelle, de détérioration de maisons avec circonstances aggravantes
du fait du caractère raciste de ses agissements. Il a été condamné en
appel à 10 ans de réclusion criminelle. Il devra verser 3 000 € à chacune des
trois familles, 2 000 € au MRAP, 2 000 € à SOS Racisme et 1 500 € à chacune
des avocates qui ont travaillé bénévolement comme conseils de ces associations.
Lien vers le reportage de France3-Alsace :
http://alsace.france3.fr/2013/10/03/le-proces-en-appel-de-laurent-roeckel-incendiaire-xenophobedebute-aujourd-hui-colmarLes auteurs de certains attentats criminels de 2010 autour de Strasbourg n’ont
pas encore été confondus mais la justice passe.
Compte-rendu rédigé par Alfred Zimmer, Président du comité de Strasbourg du MRAP le
6/10/2013.

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