Heurts coupables - Editions des Tourments
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Heurts coupables - Editions des Tourments
Christophe PELLEGRINI Heurts coupables Éditions des Tourments 2012 www.editionsdestourments.fr www.facebook.com/editionsdestourments Heurts coupables " C’est à peu près l’heure où tu envisages de te donner la mort : 21 heures. " Inexorablement, tes grands yeux verts kaki prennent leur distance d'avec le reste du visage. Lentement, ils plient, glissent, coulent, synchros, incapables qu'ils sont de soutenir ce poids aussi lourd qu'indéfinissable. Seules les épaules se solidarisent avec ce mouvement descendant. Une goutte de pleurs, partie pourtant avec un léger retard a tôt fait de passer en revue l'ensemble des éléments constitutifs de ton long, si long corps ; cela pour se splasher sans ménagement sur le pompon élimé d’un mocassin Sébago plus que crotté. Le flux lacrymal dont tu es en droit d'attendre de sa fonction majeure, qu'elle te soit un minimum régénératrice, n'a en réalité pour unique effet, que de rendre encore plus meuble ce sol dans lequel tu ne cesses de t’enfoncer, de t'enliser. Tu pleures sur tes groles mon Sacha. Une flaque de larmes s'est formée en un temps record et t’encercle. Seules, peut-on distinguer dans celle-ci, quelques cimes de pelouse. En somme, le tableau habituel : le jardin, l'olivier bicentenaire, trois cognassiers, des fruitiers en veux-tu en voilà, dont le majestueux cerisier sauvage... puis la balançoire vers laquelle tu lorgnes inlassablement depuis 10 jours. 21h04... Tu deuilles. 3 Elle est belle, évidemment, "rigolote" avec ses cheveux citron travaillés pour la bataille... Elle passe des heures à se balancer. Le jeu préféré de Cassandra est de croiser les deux cordes et tout en restant bien en place, tourner jusqu'à ce que se forme une longue torsade qui va du sommet de la balançoire à ses bancales couettes. Là, la jeune fille détache enfin les pieds du sol pour se retrouver instantanément au cœur d'un tourbillon qui dure le temps que se dénoue l’emmêlée et que les deux cordes récupèrent leur parallélisme. À distance de la tornade, tu mates, bades, t'enflammes pour ta bombe anatomique, sans prendre conscience un seul instant que si un de ces engins vient à te péter à la face, ça peut faire très mal ! Et comme pour ces objets que l'on fait tant tournoyer qu'ils finissent par rattraper leur fixité, Cassandra n'en finit plus de t'exposer ses détails. "Petit Cimenti" se goinfre, jamais rassasié ! Pendant qu'elle toupille, qu'elle toupille, qu'elle toupille, le monde entier, quand à lui, sait que tu n'es pas de taille et ce, en aucun temps, à fournir un de ces travaux de cyclope qui seul permettrait de pénétrer l’œil d’un tel cyclone. T'es un moustique Sacha, un moustique pas du genre qui pique ou alors pas fort, pas souvent, puis pas longtemps ! T’avances la fleur aux dents, sans fusil, complètement nu, à la merci des hommes, des femmes…, d'une femme : Cassandra..., un joli cul de 18 ans, juché entre Gémeau et Taureau... jamais su… et un ascendant du côté des enfers ! 4 CHAPITRE I : Coup d'envoi Malo Les Bains, 28 juin 1990, 15 heures : Les digueurs n'en reviennent toujours pas, ensuqués, assommés, assoiffés qu'ils sont par un soleil venu d'on ne sait où mais pas de chez eux ! T'es pas le dernier à souffrir mais tu connais la souffrance déjà ! Tu te traînes seul, déjà ! Rougi, tu l'es avant même que n'agissent les effets de l'astre solaire sur ton friable épiderme. C'est comme ça, ça l'a toujours été, ça le restera. Tu t'excuseras de mourir comme tu t'excuses de vivre. - Pardonne-moi, tu es du coin ? Non, parce que j'ai rendez-vous avec un ami devant la Citronnelle et je ne vois pas de Citronnelle ni d’ami. Instantanément, ton visage rejoint dans la couleur, le micro haut vermillon de la jeune et sémillante, pétillante, alarmante, désarmante, envoyée de chez les anges. Voilà comment tu la reçois la belle inconnue, capable à elle seule de renvoyer l'insolite luminosité du jour à sa plus sinistre apparence. Tu la reçois en pleine gueule en fait ! Le tableau qui s'offre à toi s'est vidé de tout, de tous, plus rien n'existe sorti des contours de cette perle que tu vois rare. Puis, dans un sursaut impensable venant d'un effacé, d'un égaré, d'un pas tenté, pas qualifié comme toi, s'échappe une note, deux, bientôt un accord de ta blanche partition : - Où sommes-nous ? - Eh oh ! Tu m'as fait super peur là ! Bon, on va pas pouvoir s'aider j'crois... ! Je m'appelle Cassandra... - … (silence assourdissant)… 5 - T'es sûr que ça va ? - ...( )... - Bon et bien... bonne chance ! Sur le tableau, un dos, plus abouti que tous les dos du globe peut-être mais un dos qui fout le camp ! Bientôt ne distingues tu plus l'incroyable roulement d'épaules de cette longue tige, tout juste un courtaud mais borné point rouge au milieu du rien, en passe de franchir la frontière de l'infiniment trop petit si... Alors un hurlement à la mort ou à la vie : - La Citronnelle, numéro 3 après la Chlorophylle, moi c'est Sacha ! Le tableau se craquelle pour former en quelques secondes un paquet de milliards de pièces qui se détachent une à une, à une vitesse que l'on ne s'emmerde pas à mesurer. Et là, nichée sous le puzzle, la réalité, le vrai, le temps vrai reprend toute sa place dans le cadre. Cassandra, encerclée par la multitude réapparaît. Sous l'effet loupe de ton regard kaki, c'est illico et avec inspiration que tu aspires son sexi-haut rouge sang. Quand Cassandra, ressortie indemne de la mêlée, retrouve son pied d’estale, toi, tu te mets à dérouler, à enchaîner fissa, à... t'humaniser. Tu oses foutre un pied dehors, là où je t'ai enfermé, là où tu t'es laissé enfermer sans résistance... "Enfermé dehors", c'est exactement ça ! Tu prends les choses, la vie, le monde en main ! Tu gicles comme l'éclair et défonces ton mur d'habitudes. Ces briques que tu as mis vingt piges à aligner mieux qu'un maçon ne l'aurait fait (d’un autre côté, quand on s'appelle Cimenti...) Toutes les sortes et toutes les tailles étaient bonnes à prendre pourvu que le 6