La dépression

Transcription

La dépression
Les Rencontres Santé d’Amiens
La dépression
Date : Mardi 5 mars 2013
Intervenant : Docteur Valérie Yon, psychiatre à l’hôpital Philippe Pinel
Animateur : M. Patrick Vincent
C’est le Docteur Valérie Yon, psychiatre au centre hospitalier Philippe Pinel, qui est intervenu lors de
cette conférence sur la dépression, une maladie souvent mal comprise par l’entourage des malades.
Ce mal concerne 8 % des Français de 15 à 75 ans et près d’un Français sur cinq a subi, ou subira, une
dépression au cours de sa vie. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. Pour être
plus exact, il y a deux fois plus de femmes diagnostiquées dépressives.
Certaines situations semblent favoriser la dépression : le fait de vivre seul, la maladie et le chômage.
La dépression n’est pas anodine, on peut même parler de maladie mortelle puisqu’elle multiplie
par 10 le risque de suicide.
Le Docteur Yon a expliqué comment se manifestait cette maladie. Les principaux symptômes en sont
une tristesse inhabituelle, une perte d’intérêt et de plaisir, un ralentissement global dans la vie
quotidienne. La personne en dépression se sent à bout, fatiguée sans faire d’effort, découragée, elle
est plus lente dans ses mouvements. Le Docteur a ajouté que cela pouvait même se voir sur son
visage. Sur un aspect émotionnel, la tristesse intense peut être accompagnée de pleurs sans raison.
On notera une hypersensibilité paradoxale puisqu’à la fois anesthésiée et hypersensible, l’impression
d’être abandonnée, de grande solitude, une anxiété sans raison évidente là encore. La dévalorisation
de soi et le sentiment de culpabilité, les pensées négatives, la baisse de la concentration et de la
mémoire, les pensées autour de la mort parce que l’on se sent inutile font aussi partie des
symptômes. Il en résulte une dégradation du sommeil, une perte d’appétit, des problèmes sexuels,
une montée de température ou encore des maux de tête. Certains symptômes sont donc réellement
ressentis physiquement. Les dépressifs disent se sentir « englués ».
Après avoir décrit les différentes formes de dépression, le Docteur a rappelé le caractère récidivant
des dépressions.
A coté de la dépression caractérisée, il y a des dépressions associées à certaines périodes de la vie, ce
sont les dépressions saisonnière, le post-partum, ou baby blues, ou encore la dépression qui fait suite
à un deuil.
La dépression peut être chronique. Dans ce cas, l’ensemble des symptômes se retrouve sur un temps
très long. Elle concerne aussi les troubles bipolaires, dont elle est une des composantes face aux
épisodes maniaques.
La dépression n’est pas facile à guérir et elle peut durer plus ou moins longtemps et revenir. Le
docteur a parlé des remissions (qui peuvent prendre de quelques mois à quelques semaines), des
rechutes (quand on retrouve une dépression à distance d’un épisode complètement guéri, c’est
d’ailleurs très fréquent, une sur deux), et des récidives (quand on replonge longtemps après un
épisode guéri).
La dépression n’avance pas seule, elle s'accompagne souvent ce que l’on appelle les troubles associés
comme l'anxiété, l'alcoolisme, la dépendance à certaines substances toxiques ou médicaments, ou
encore des maladies physique graves ou chroniques, et cela est bien sûr à prendre en considération.
Le Docteur a insisté sur les répercussions de la dépression aussi bien au niveau de la famille, le
conjoint, les enfants, les amis que sur le plan professionnel.
Mais le plus gros danger reste le risque suicidaire, à évaluer selon des facteurs de risque. Il sera donc
important pour les psys de faire une évaluation systématique de ce risque. Le sujet ne doit pas être
évité avec le patient, on peut même interroger la personne dépressive sur les moyens potentiels
qu'elle utiliserait pour se donner la mort. Il faut aussi savoir que le risque sera plus élevé s'il y a déjà
eu des passages à l'acte, des cas dans l'entourage et rechercher les facteurs protecteurs qui existent.
Ensuite, le Docteur Yon a dit quelques mots sur les causes de la dépression. Les origines sont mal
connues mais il y a des facteurs de vulnérabilité comme les antécédents familiaux, les traumatismes
dans l'enfance et/ou les manques affectifs. Le Docteur a aussi évoqué les facteurs précipitant et
l'absence de facteurs protecteurs que sont les proches pour le réconfort ou l'engagement dans des
activités intéressantes.
Concernant les causes biologiques, il s'agirait d'une perturbation du fonctionnement du cerveau,
d'anomalie de la fabrication, de la transmission et la régulation des neurotransmetteurs. Mais cette
probable cause biologique peut aussi en être une conséquence. En ce qui concerne les facteurs
psychologique, outre ceux dus à l'enfance, il faut prendre en compte, le deuil, la perte d'une
personne ou d'un idéal, d'une image de soi.
Il y a aussi les facteurs sociaux (chômage, surendettement ou autre) qui causent souvent un stress
excessif ou permanent.
Le Docteur a réaffirmé que la dépression est bien une maladie et qu'il faut la considérer comme telle.
La volonté seule ne suffit pas pour s'en sortir.
Il est important de poser un diagnostic pour mettre en place le traitement adapté qui passera par la
psychothérapie, les médicaments antidépresseurs et parfois l'hospitalisation.
Les proches peuvent jouer un rôle important dans le processus de guérison et pour accompagner le
malade, mais leur position reste difficile. Le soutien doit se faire à bonne distance, sans étouffer ni
infantiliser le malade. Le Docteur a précisé que les proches devaient aussi prendre soin d'eux-mêmes.
Le malade conscient de sa dépression peut s'aider lui même et contribuer ainsi à sa guérison,
notamment en exprimant sa souffrance et en acceptant l'aide extérieure. Le malade peut aussi
repérer les signes précurseurs pour prévenir les éventuelles rechutes ou récidives et d'une manière
générale en générant une dynamique positive, par le biais de la pratique d'une activité physique, la
relaxation, une bonne alimentation, un rythme de vie régulier, une bonne hygiène de vie, en limitant
la consommation d’alcool, d’excitants et d’anxiolytiques.
Après les explications du psychiatre, l'occasion était donnée de présenter au public deux associations
d'aide aux malades et aux familles de malades.
Mme Sylvette Chevalier, responsable régionale de l'UNAFAM (union nationale des familles des
malades) a dit quelques mots sur cette association, rappelant que dans certaines situations, les
familles se trouvent totalement désarmées et ont besoin d'aide, même si cela concerne d'autres
maladies mentales que la dépression.
Plus d’informations : www.unafam.org
La FNAPSY est une fédération d'associations qui aide et soutient les malades et anciens patients
psychiatriques. Sa vocation est donc l'entraide, la protection et la défense des intérêts des malades.
Elle contribue aussi à démystifier la maladie mentale auprès de l'opinion publique. Marie-Christine
Thibaut, malade dépressive elle-même et déléguée régionale Nord-Pas de Calais/Picardie de la
FNAPSY, est venu nous parler de son parcours de malade et du bien fondé de l'association.
Plus d’informations : www.fnapsy.org
Le public a ensuite largement participé au débat en posant de multiples questions. Les moyens de
convaincre un malade d'aller consulter, le stress imposé par le rythme de notre société, les
traitements par électrochocs ou encore la dépression chez l'enfant ont notamment été abordés.
Compte-rendu rédigé par Patrick Vincent,
animateur de la conférence

Documents pareils