Situation économique et financière du Cameroun

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Situation économique et financière du Cameroun
AMBASSADE DE FRANCE AU CAMEROUN
SERVICE ECONOMIQUE REGIONAL
30 juin 2016
SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE
L’économie camerounaise bénéficie d’une forte diversification de son secteur primaire et d’une croissance
économique soutenue qui entame néanmoins une phase de décélération. La baisse des cours du pétrole, les
problèmes sécuritaires au Nord et les incertitudes qui pèsent sur la demande extérieure (en particulier, la
demande chinoise) contribuent à fragiliser l’économie du pays. Dans ce contexte, le Cameroun a fait le choix
d’accélérer son endettement pour compenser la baisse des recettes budgétaires, générant, ce faisant, des craintes
quant à la soutenabilité de la dette à moyen terme.
1. Eléments structurels
L’économie camerounaise est la plus diversifiée de la région et représente le 1/3 du PIB de la CEMAC, elle
reste toutefois très dépendante de productions non transformées.
- L’agriculture représenterait 22,2% du PIB en 2014. Elle inclut des cultures de rente très variées (cacao, café,
banane, coton, palmier à huile, canne à sucre, caoutchouc) et un important secteur vivrier (banane plantain, maïs,
manioc…).
- Le secteur secondaire représente 30,1% du PIB.
Les hydrocarbures demeurent une ressource importante (6,3% du PIB et 44% des exportations en 2015). La
production pétrolière, après avoir atteint un maximum de 180.000 barils / jour en 1985, a décru à 61.000 barils /
jour en 2011, puis est repartie à la hausse pour approcher 100.000 barils / jour en 2015. L’exploitation du
gaz est aujourd’hui limitée à l’approvisionnement du marché local. La compagnie franco-britannique Perenco a
installé fin 2015 une unité de liquéfaction d’une capacité de 30.000 tonnes de GPL par an. Un potentiel
significatif existe à moyen terme, sous réserve de redressement des cours.
Le BTP est le secteur qui connait la croissance maximale ; il bénéficie d’une demande publique importante
(routes, barrages, port de Kribi) et de nombreux projets privés (logements, hôtels).
L’industrie reste limitée à des secteurs traditionnels (raffinage pétrolier, boissons, sucrerie, huile, savon,
farine, aluminium, ciment, métallurgie, transformation du bois) et est peu compétitive, handicapée notamment
par des coûts élevés, l’insuffisance de l’investissement et l’accès médiocre à l’offre électrique.
- Enfin, le secteur des services (47,7% du PIB) est dominé par les transports (Port de Douala et bientôt
Port de Kribi), le commerce, la téléphonie mobile et les services financiers.
L’économie camerounaise est toutefois en phase de rendements décroissants (une étude de la Banque mondiale
montre que la productivité globale des facteurs a une contribution négative à la croissance) et sa structure varie
peu depuis les années 1990.
La relative diversification de l’économie camerounaise ne se reflète pas dans ses échanges ; l’essentiel des
exportations (environ 80%) est le fait de produits pas ou peu transformés (pétrole brut, grumes et sciages, cacao,
banane, caoutchouc, café, coton) et la balance commerciale apparaît structurellement déficitaire. L’économie
camerounaise n’a pas connu l’industrialisation attendue.
2. Conjoncture économique
La croissance camerounaise a accéléré progressivement sur la période récente, mais amorce une
décélération : elle est passée d’environ 2% en 2009 à 5,9% en 2015 et devrait s’établir à 4,9% en 2016 selon
le FMI. Ces prévisions sont toutefois optimistes au regard de la conjoncture et des tensions budgétaires
croissantes. L’essentiel de la croissance est le fait d’investissement publics avec de grands projets structurants
(port de Kribi, barrage de retenue de Lom Pangar, centrale hydroélectrique de Memvé’ele etc.) et la construction
d’infrastructures de « prestige ».
SER de Yaoundé
Cette croissance apparaît peu inclusive : le taux de pauvreté est passé de 39,9% en 2007 à 37,5% en 2014,
soit un taux comparable à celui des PMA. La baisse de la pauvreté en ville est en partie compensée par sa hausse
en zone rurale, particulièrement au Nord. Les dépenses d’éducation et de santé sont moindres que dans des pays
de développement comparable et les indicateurs sociaux sont faibles.
- Après les manifestations violentes contre la vie chère en 2008, le Gouvernement a suspendu des droits de douane
sur les produits de première nécessité (poisson, riz, farine), mais il vient de rétablir une taxe de 5% sur le riz.
Depuis 2010, l’inflation en valeur moyenne est restée inférieure à 3%. Elle est passée sous la barre des 2%
(1,9%) en 2014 malgré la baisse des subventions aux carburants ayant conduit à une hausse moyenne du prix à
la pompe de 15% en juillet 2014, compensée en partie par la baisse des taxes sur les transports. La hausse du prix
des carburants et la taxation des boissons alcoolisées a toutefois entraîne, avec un certain délai, une légère
accélération de l’inflation, qui a atteint 2% en 2015. Le rétablissement récent des droits de douanes sur le riz et
le risque que l’offre de vivres soit affectée par l’insécurité au Nord font craindre que le seuil de 3% soit dépassé
en 2016.
- Les crédits distribués par les banques ont augmenté de 14,8% entre décembre 2014 et décembre 2015.
Si le taux de créances en souffrance n’a que faiblement varié de 12,4% à 12,6%, le volume de ces créances a
augmenté de 17,4%, ce qui est inquiétant, les créances récentes étant a priori moins affectées.
- Les exportations fob du Cameroun devraient avoir atteint 2400 Mrd FCFA en 2015 selon les douanes
camerounaises, soit une baisse de 6,2% par rapport à 2014, notamment à cause de la baisse des prix du
pétrole. Les principaux postes en 2015 sont les huiles brutes de pétrole et produits hydrocarbures (44%), le
cacao (19%), le bois (12%), le coton (4%) et l’aluminium (3%).
- Les importations fob du Cameroun devraient avoir atteint 3575 Mrd FCFA en 2015 soit une baisse de
4,5% par rapport à 2014. Les principaux postes en 2015 sont les huiles brutes de pétrole et produits
hydrocarbures (20%), les poissons, crustacés et poissons de la mer congelés (9%), les céréales (riz, farines
et froments) (8%), et le sel, le souffre, les terres et les ciments (3%).
- Le déficit de la balance commerciale diminuerait légèrement, passant de 7,5% du PIB en 2014 à 7% en
2015.
- Les avoirs du Cameroun en compte d’opération ont augmenté de 45,4% entre décembre 2014 et décembre 2015,
la perception de l’emprunt de 750 M$ ayant compensé les facteurs de baisse. Cette évolution contraste avec
celle du reste de la zone, dont le total des avoirs a baissé de 14,5% sur un an.
3. Finances publiques
Alors que ses déficits se creusaient (5,1% du PIB base caisse dons inclus en 2015), Le Cameroun a fait le choix
d’augmenter fortement ses dépenses d’investissement, en faisant un effort de mobilisation de recettes
intérieures et de modération de dépenses de fonctionnement, mais surtout en accroissant très rapidement
son endettement.
La LFR 2015 prévoyait un budget de 3992,6 Mrd FCFA. L’objectif de recettes a été atteint à 96%, les faibles
performances des recettes pétrolières ayant été quasiment compensées par la bonne tenue des recettes fiscales,
non fiscales et de privatisation. Les financements externes ont fait un bond, un emprunt de 750 M$ à 9,75% sur
10 ans ayant été émis malgré l’avis contraire du FMI, et porté en recettes à concurrence de 216 Mrd FCFA. Les
dépenses ont été réalisées à 95%. Des économies ont été faites sur les dépenses courantes (minoration des
dépenses de biens et services et surtout des dépenses de transfert). Le service de la dette a cru fortement (130%
du budget initial) mais est resté dans les limites fixées par la LFR.
La LF 2016 a été basée sur des hypothèses optimistes (croissance de 5,3%) ou désormais obsolètes (baril à
50,4$). Le budget atteint 4234,7 Mrd FCFA, soit une hausse de 10,5% par rapport aux réalisations de recettes de
2015. Les recettes internes sont en hausse modérée (6,3%) mais les tirages sur prêts et dons augmentent de 21,5%.
Les dépenses courantes baissent légèrement (-1,7%), grâce notamment à la fin des subventions aux carburants,
mais les dépenses d’investissement font un bond de 29%, et la charge de la dette augmente de 26%.
SER de Yaoundé
4. Situation de la dette
Dans le cadre de l’initiative PPTE, le Cameroun a vu sa dette extérieure réduite de 5,6 Mrd€ à 1,6 Mrd€ en 2006.
Le ratio dette/PIB a atteint un plancher de 9,7% en 2008. Depuis lors, la dette a connu une forte croissance qui
s’accélère depuis 2013, d’abord par endettement à des conditions non concessionnelles auprès de nouveaux
bailleurs (Chine en premier lieu), puis par émission d’un Eurobond à des conditions non soutenables en 2015. Le
stock de dette extérieure est passé de 12,1% du PIB en 2013 à 22,1% en 2015 et pourrait atteindre 25% en
2016 selon le FMI. Le stock de dette totale est quant à lui passé de 19% du PIB en 2013 à 33,5% en 2015
et s’établirait à 38% en 2016. En trois ans (2013-2015), la soutenabilité de la dette externe a été classée
successivement de risque faible à risque moyen, puis risque élevé par le FMI, ceci sur la base de projections
n’incluant pas l’émission de l’Eurobond mais conduisant à un ratio dette/PIB à 42,5% en 2020.