Texte de Marie-Laurence Dumont _2
Transcription
Texte de Marie-Laurence Dumont _2
À l’occasion de la Fête nationale des Québécois, les élèves des niveaux préscolaire, primaire et secondaire des écoles du Québec ont été invités à participer au grand concours « Une voix qui porte, en français ! » durant la période du 1er au 30 mai 2009. Les élèves devaient compléter le texte débuté par la jeune écrivaine India Desjardins. Marie-Laurence Dumont (2E) a non seulement participé à ce concours provincial, son texte a aussi remporté le premier prix dans la catégorie 2e secondaire. Nous vous invitons à lire ici, le résultat des deux parties réunies. Bravo à Marie-Laurence! Si vous souhaitez lire les autres textes gagnants, nous vous invitons à consulter le site suivant : http://www.fetenationale.qc.ca/concours-decriture/les-gagnants-du-concours-decriture-2009.html Une voix qui porte Par India Desjardins Le crissement des pneus de la voiture de mon père retentit après que ma mère a crié: «Heille! Fais ton stop, champion!» À côté de moi, Billy Bob, mon chien, perd l'équilibre et tombe sur ma soeur Karyanne. Mon père, honteux, se retourne et nous demande: - Êtes-vous corrects? Je m'excuse, gang... je suis distrait... Karyanne pousse Billy Bob sur moi en pleurnichant: - Ramasse ton chien, il me bave dessus! Je réplique: - Il est obligé de respirer par la bouche parce que tu pues trop. Ma mère intervient tout de suite: - Félix, ne parle pas comme ça à ta soeur! Karyanne me regarde d'un air mi-triomphant, mi-arrogant. Je ramène Billy Bob vers moi, et il s'appuie sa tête sur ma jambe. Ma mère ajoute: - Ce serait agréable que tout le monde s'entende, aujourd'hui, OK? Il faut qu'on s'entende bien, aujourd'hui particulièrement, parce qu'on s'en va chez ma grand-mère. D'aussi loin que je me souvienne, toute la famille se rassemble chez ma grand-mère pour la Fête nationale. Cette année, je ne devais pas y aller. J'étais invité chez Ève Boisvert... Mais ma grand-mère est décédée la semaine passée. Et tout le monde a décidé de se réunir ici, aujourd'hui, pour lui rendre un dernier hommage et vider le contenu de sa maison. Mon père stationne sa voiture et nous entrons dans la maison. Je salue oncles, tantes, cousins qui, évidemment, n'ont pas trop le coeur à la fête. Un flot de souvenirs de moments passés avec ma grand-mère me submergent. Surtout ce moment où, il y a quelques semaines, j'ai eu une grosse décision à prendre et elle m'a dit: - Fais confiance à ta petite voix intérieure. Souvent elle est de bon conseil. Ce matin, ma petite voix intérieure me soufflait que ça ne me tentait pas du tout de faire du ménage chez ma grand-mère. Mais la voix extérieure de ma mère semblait dire le contraire. Je soupire en pensant au travail qui m'attend. Et j'ai une pensée pour mes amis qui doivent être en train de se baigner chez Ève Boisvert. Ève Boisvert en bikini... Gang de chanceux! Ma soeur et moi sommes affectés au nettoyage du cabanon. Billy Bob nous suit. Après avoir emballé quelques boîtes d'outils et de cossins inutiles que ma grand-mère conservait, j'aperçois un vieux coffre qui attire vite mon attention. J'invite Karyanne à y jeter un coup d'oeil, mais elle ne m'entend pas, trop occupée à pitonner sur son téléphone. Après plusieurs essais infructueux, je réussis à ouvrir le coffre. Ce que j'y découvre est saisissant. Je me demande si je devrais partager ma découverte avec le reste de ma famille... Voici ce qui m’attendait en ouvrant le coffre : des cahiers lignés comportant chacun un nom, inscrit au bas, que je ne pouvais déchiffrer tellement mes yeux papillonnaient. Les cahiers formaient une pile plutôt désordonnée qui menaçait de s’écrouler, telle la tour de Pise. J’y remédiai donc en la redressant quelque peu. Je décidai d’ouvrir un des cahiers afin de satisfaire la curiosité qui me dévorait depuis l’instant où j’avais fait cette trouvaille. Je m’emparai donc du premier de la pile et l’ouvris avec des mains tremblantes et des doigts qui, sous l’impatience, gigotaient comme des hameçons pris au piège. Je me mis à feuilleter les pages devenues jaunâtres avec l’âge, réunies par des agrafes rouillées par le temps et d’où émanait une odeur de décomposition. Je m’empressai de lire ces pages enjolivées d’une calligraphie des plus soignée, dont l'endos portait une cicatrice témoignant du passage déterminé de la mine. C’étaient des poèmes empreints d’un lyrisme digne des grands poètes. Un déclic brutal se fit dans mon esprit, un spasme me parcourut l’échine. Ma grand-mère, c’était elle qui les avait écrits; d’un coup d’œil, je constatai que tous les cahiers étaient identifiés à son nom, un pour chaque année; j’avais ouvert celui de l’année 1933 en date du 24 juin. Elle qui m’avait toujours parlé de son Québec comme du paradis sur terre et moi qui, avec l’insolence de la jeunesse, haussais les épaules d’indifférence. Je l’entends encore : «Viens mon chéri, je veux te montrer quelque chose que personne n’a encore jamais vu, ça t’intéresse? » Et moi qui avais bêtement répondu : « Tu sais grand-maman, j’ai beaucoup de devoirs. » J’avais honte, les larmes que je tentais de retenir tant bien que mal se mirent à couler le long de mes joues. Avec le souci de manipuler le cahier le plus délicatement possible et surtout d’éviter que mes larmes honteuses ne l'abîment, je refermai le coffre. Cette lecture m’avait transporté à un tel point que plus rien ne pouvait être plus beau, plus signifiant. Je m’empressai d’emporter en moi ce témoignage d’une si grande beauté, preuve d’un amour inconditionnel pour notre patrie, le Québec. Je réalisai que chaque famille a ses traditions, celles-ci dressent un portrait de la culture présente et passée d’un Québec qui a laissé à jamais une marque indélébile en notre cœur. En y réfléchissant bien, je crus que c’était de mon devoir de partager ce joyau avec ma famille, pensant que c’est ce qu’aurait voulu ma grand-mère, car le 24 juin n’est pas qu’une date parmi d’autres, c’est le rassemblement des Québécois des quatre coins de la province autour de la même flamme identitaire. Marie-Laurence Dumont Secondaire 2 Collège Saint-Charles-Garnier Québec (Québec)