Le corps en action : un indice clef pour comprendre le

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Enfance
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Le corps en action : un indice clef pour comprendre
le développement des interactions sociales
Laurie Centelles, Christine Assaiante et Christina Schmitz
Enfance / Volume 2011 / Issue 04 / December 2011, pp 407 - 420
DOI: 10.4074/S0013754511004010, Published online: 22 December 2011
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Laurie Centelles, Christine Assaiante et Christina Schmitz (2011). Le corps en action :
un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales. Enfance,
2011, pp 407-420 doi:10.4074/S0013754511004010
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Le corps en action : un indice clef
pour comprendre le développement
des interactions sociales
Laurie CENTELLES1 , Christine ASSAIANTE2 et
Christina SCHMITZ2
RÉSUMÉ
Comprendre une interaction sociale que l’on observe nécessite d’interpréter les
actions réalisées, parfois uniquement sur la base d’une analyse subtile du langage
corporel. L’objectif de cette étude a été de déterminer le décours développemental
de l’aptitude à utiliser les informations portées par le corps en action pour
comprendre une interaction sociale. Afin d’isoler les indices sociaux issus de
la cinématique du corps en action, le modèle minimaliste de Johansson (1973)
a été utilisé. Des animations silencieuses de 3 secondes en points lumineux
animés illustrant deux acteurs engagés ou non dans une interaction sociale ont
été proposées à 36 enfants, âgés de 4 à 10 ans. Nos résultats montrent que dès
l’âge de 4 ans, le corps en action se révèle un indice clef dans la compréhension
des interactions sociales, avec une amélioration notable aux alentours de 7-8 ans.
En conclusion, cette étude comportementale montre l’existence d’une capacité
précoce à extraire du langage corporel un contenu social qui s’accompagne d’un
perfectionnement au cours de l’enfance. Cette capacité serait intimement liée au
développement des représentations de l’action et vraisemblablement à rapprocher
du développement du mécanisme miroir.
INTERACTION SOCIALE, PERCEPTION DU MOUVEMENT HUMAIN,
MOTS CLÉS :
REPRÉSENTATION DE L’ACTION, ENFANT
1 Développement et Pathologie de l’Action, Laboratoire Neurosciences Intégratives &
Adaptatives - Université de Provence & CNRS, Case B, 3 Place Victor Hugo, 13331 Marseille
cedex 03, France. Email : [email protected].
2 Laboratoire Neurosciences Intégratives & Adaptatives - Université de Provence & CNRS,
Case B, 3 Place Victor Hugo, 13331 Marseille cedex 03, France. Email : [email protected],[email protected].
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Laurie CENTELLES, Christine ASSAIANTE, et Christina SCHMITZ
ABSTRACT
Body in action: a key index to understand the development of social
interactions
Understanding social interactions requires the ability to accurately interpret
conspecifics’ actions, sometimes only on the basis of subtle body language
analysis. The aim of this study was to determine the developmental course
of the ability to use information carried by body motion to understand social
interactions. Johansson’s model (1973) was used to extract social information
from motion per se without any interference with other visual information.
Three-second silent point-light displays showing two actors engaged or not in
a social interaction were presented to 36 children aged 4 to 10. Our results
indicate that from 4 years of age, the body in action becomes a key index used to
understand social interactions, with an improvement around 7-8. In conclusion,
this behavioural study highlights the early ability to catch social intentions from
body language and its improvement during childhood. The development of this
ability might be intimately related to the building of action representations and
should probably be linked to the maturation of the mirror neuron system.
KEY-WORDS: SOCIAL INTERACTION, HUMAN MOTION PERCEPTION, ACTION REPRESENTATION, CHILD
Le corps en action : un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales
1. CONTEXTE THÉORIQUE
C’est une évidence pour tous les spécialistes de la petite enfance : un enfant
dès son plus jeune âge interagit, s’exprime, communique avec son corps. Le
langage du corps s’exprime par des gestes et des changements de posture, qui
informent sur l’état subjectif, émotionnel et intentionnel au même titre que
les expressions du visage ou la direction du regard. Ainsi, la communication
non-verbale inclut de nombreux indices sociaux qui aident à la compréhension
des comportements d’autrui. La perception du corps en action (c’est-à-dire
mouvement biologique humain) est classiquement étudiée au moyen du modèle
développé par Johansson (Johansson, 1973). En filmant les actions d’acteurs
sur lesquels on place des marqueurs réfléchissants au niveau des articulations,
on peut restituer le mouvement sous forme de points lumineux animés. Ce
modèle pourtant minimaliste est suffisamment robuste pour que des individus
adultes puissent distinctement identifier des états émotionnels tout comme des
caractéristiques subtiles de l’action (Runeson & Frykholm, 1983 ; Dittrich, 1993 ;
Dittrich, Troscianko, Lea, & Morgan, 1996 ; Pollick, Paterson, Bruderlin, &
Sanford, 2001 ; Atkinson, Dittrich, Gemmell, & Young, 2004).
Qu’en est-il de la perception du mouvement biologique au cours du
développement ? Des travaux ont montré une sensibilité précoce voire innée
chez le nourrisson grâce à des protocoles utilisant la préférence visuelle
(Simion, Regolin, & Bulf, 2008). En effet, deux tiers des nouveau-nés passent
davantage de temps à observer du mouvement biologique (animal) que du
mouvement non biologique (Simion et al., 2008). Il existerait donc une véritable
prédisposition du système visuel à distinguer spontanément du mouvement
biologique, indépendamment de prérequis tel que l’apprentissage ou l’expérience.
S’agissant de la perception du mouvement biologique spécifiquement humain,
les nourrissons de quatre mois fixent davantage des animations présentant du
mouvement humain que celles présentant des mouvements aléatoires (Fox &
McDaniel, 1982). À cinq mois, ils sont capables de discriminer un mouvement
humain qui présente une perturbation dans la symétrie du corps (Bertenthal,
Proffitt, & Kramer, 1987 ; Booth, Pinto, & Bertenthal, 2002). À partir de l’âge
de trois ans, les enfants engagés dans une épreuve verbale de catégorisation
identifient des mouvements biologiques, qu’ils soient réalisés par un animal ou
un être humain. Le plafond des performances est atteint autour de l’âge de cinq
ans (Pavlova, Krageloh-Mann, Sokolov, & Birbaumer, 2001).
Bien que la distinction perceptive du mouvement humain apparaisse à un
stade précoce du développement, peu de données expérimentales informent
sur la manière dont les enfants utilisent la cinématique du corps pour extraire
une information sociale (Hobson, 1995 ; Moore, Hobson, & Lee, 1997 ;
Parron et al., 2008). Des enfants de développement typique âgés de 7 ans
(Moore et al., 1997) et de 12 ans (Parron et al., 2008) reconnaissent plus
facilement des mouvements humains illustrant des états émotionnels que des
mouvements d’objets. Cependant, la compréhension de la dimension sociale
à partir de la cinématique du corps reste peu étudiée dans une approche
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développementale transversale. Avant l’âge de deux ans, les enfants sont déjà
capables d’utiliser les informations issues d’actions observées en direct pour
prédire le comportement d’autrui (Onishi & Baillargeon, 2005), pour comprendre
la finalité d’une action observée (Warneken & Tomasello, 2006) et pour anticiper
les intentions d’autrui (Southgate, Senju, & Csibra, 2007). Durant cette période
préverbale, le jeune enfant utilise, en effet, activement son corps pour interagir
avec autrui notamment à travers l’imitation (Asendorpf & Baudonniere, 1993 ;
Nadel & Decety, 2002). En reproduisant le comportement d’autrui, le jeune
enfant s’exerce et développe son répertoire moteur et social. Par cette expérience
« en miroir » avec un pair, le jeune enfant apprend à associer les actions observées
à des intentions, des états mentaux, voire un échange social. Il dispose alors d’un
fondement représentationnel qui lui permet de réaliser des inférences à partir
de l’observation d’actions. En particulier, durant l’observation d’une interaction
sociale, il est essentiel que l’enfant comprenne l’intention de l’individu qui
initie l’interaction afin d’évaluer la réaction du second individu comme étant
la conséquence de l’action du premier. L’observation du corps en mouvement
exprimant des émotions telles que la peur repose sur l’activation de régions
fronto-temporales et l’amygdale chez l’adulte (Grèzes, Pichon, & de Gelder,
2007 ; Pichon, de Gelder, & Grezes, 2008 ; Pichon, de Gelder, & Grezes,
2009). D’autre part, comprendre une intention sociale à partir de l’information
cinématique du corps sollicite de façon concomitante le réseau de la mentalisation
mais aussi le système miroir (Centelles, Assaiante, Nazarian, Anton, & Schmitz,
2010).
Nous avons étudié les aptitudes d’enfants de développement typique à utiliser
les informations portées par le corps en action pour comprendre une interaction
sociale entre deux individus. Sur la base de leur capacité précoce à traiter les
caractéristiques cinématiques spécifiques au mouvement humain, nous avons fait
l’hypothèse que la capacité à catégoriser des scènes en fonction de la présence
ou de l’absence d’un contenu social, sur la base uniquement de l’observation de
l’action, était déjà présente aux âges les plus jeunes que nous puissions interroger,
c’est-à-dire 4 ans. Il restait toutefois à déterminer le décours développemental
traduisant l’évolution des compétences au cours de l’enfance pour dégager le
contenu social à partir de la perception des corps en action.
2. MÉTHODE
Participants
Trente-six enfants et douze adultes ont été enregistrés. Quatre groupes d’âge ont
été constitués : 12 enfants de 4 à 6 ans [7 filles, 5 garçons ; 5,4 ans ± 7 mois
(moyenne ± écart-type)] ; 12 enfants de 7 à 8 ans (6 filles, 6 garçons ; 7,10 ans
± 7 mois) ; 12 enfants de 9 à 10 ans (5 filles, 7 garçons ; 10,2 ans ± 8 mois)
et 12 adultes de 25 à 33 ans (8 femmes, 4 hommes ; 29,4 ans ± 3,3 ans). Tous
les sujets étaient naïfs à la présentation de ce type de stimuli visuels et tous les
Le corps en action : un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales
enfants suivaient une scolarité normale. Cette étude a été réalisée en conformité
avec les lois sur l’expérimentation humaine (loi Huriet) et avec l’accord du comité
d’éthique local. Le consentement éclairé des parents était requis ainsi que l’accord
effectif de chaque enfant.
Animations
Nous avons élaboré des animations silencieuses de 3 secondes en points
lumineux animés, représentant deux acteurs filmés au cours d’actions, selon
le modèle de Johansson (1973). Ces animations présentaient des points
lumineux blancs animés sur fond noir. Elles ont été élaborées au moyen du
c (BTS Bioengineering) qui a permis
système d’analyse du mouvement SMART
d’enregistrer la cinématique de 20 marqueurs (15 mm de diamètre) répartis sur
le corps de chaque acteur (sommet de la tête, vertèbres cervicale, thoracique
et lombaire, épaules, coudes, poignets, mains, hanches, genoux, pieds, orteils),
à une fréquence de 120 Hz. La présentation des animations a été générée par un
c
programme informatique écrit avec le logiciel de développement LabVIEW
version 7.1. Ce même programme informatique a également servi à enregistrer
les réponses données par les participants.
Les interactions sociales (IS, Figure 1a) représentent une scène dynamique
dans laquelle l’action initiée par un acteur induit la réaction du second acteur dans
un contexte social cohérent. Une gamme élargie d’interactions sociales extraites
de situations écologiques allant des conventions sociales (une personne propose
à une autre de s’asseoir) aux situations émotionnelles de valences positives (deux
amis qui manifestent leur joie de se retrouver) et négative (une personne en pleurs
consolée par un ami), en passant par les jeux/sports collectifs (deux coéquipiers
jouant au football) était proposée aux sujets. Des objets ont parfois été nécessaires
à la mise en place d’une interaction sociale (ballon, épée ou chaise) mais ils étaient
invisibles dans l’animation. Au total, 20 scènes sociales ont été scénarisées puis
dupliquées en fonction de l’acteur initiant l’action ou en fonction de différents
angles de vue, conduisant à 56 SI uniques.
Figure 1.
Images extraites des animations illustrant une scène avec interaction sociale (IS,
a) et sans interaction sociale (NIS, b). L’exemple d’IS illustre un acteur montrant
quelque chose au sol au second acteur qui s’approche. L’exemple de NIS illustre
un acteur levant la jambe alors que le second acteur saute sur place. Pour une
meilleure visibilité, les points ont été reliés par des traits.
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La condition « non-interaction sociale » (NIS, Figure 1b) illustre deux acteurs
qui réalisent des mouvements indépendamment l’un de l’autre. Les mouvements
sont non-dirigés vers un but et sans intention de communication. Ces scènes
sont composées de mouvements de lever et de balancement de bras et/ou de
jambes, de rotation de tronc, de déplacement d’avant en arrière ou de gauche
à droite, etc. Chaque acteur a été enregistré séparément de l’autre acteur. Les
animations individuelles ont ensuite été juxtaposées « artificiellement » lors du
montage vidéo. Ce soin particulier dans l’enregistrement a été pris pour éviter
tout effet de synchronie dans les mouvements réalisés par les personnages.
En effet, pour interpréter correctement les résultats, il était fondamental que
les participants ne perçoivent aucune interaction entre les deux personnages.
Au total, 56 NIS uniques ont été présentées. Une étude comportementale
préliminaire (données non présentées) a été menée chez des participants adultes
afin de conserver les animations non ambiguës. Toute animation conduisant à un
taux d’erreurs supérieur ou égal à 20 % a été éliminée du lot final comportant
112 animations. Ces animations ont été utilisées dans une récente étude en
neuro-imagerie fonctionnelle (Centelles, Assaiante, Nazarian, Anton, & Schmitz,
2010).
3. PROCÉDURE
Les passations des tests se déroulaient au domicile des enfants, dans une pièce
calme. Les enfants étaient assis dans un fauteuil, le plus confortablement possible,
face à un écran d’ordinateur. La séance débutait par la présentation de l’étude
sous une forme ludique et par l’explication de la consigne. Des synonymes du
verbe « communiquer » étaient proposés aux enfants, ainsi que des exemples de
scènes avec ou sans interactions sociales, mimées par l’expérimentateur et une
tierce personne. Puis, les enfants devaient observer les animations sur l’écran et
répondre à la consigne suivante « Dès que tu reconnais que les deux bonhommes
communiquent, tu appuies sur le bouton vert. Dès que tu reconnais que les deux
bonhommes ne communiquent pas, tu appuies sur le bouton rouge ». Un code
de couleur était matérialisé sur deux touches du clavier : la couleur verte à droite
pour IS et la couleur rouge à gauche pour NIS. Une session d’entraînement était
proposée afin de vérifier que la consigne était correctement comprise.
Après avoir attentivement observé l’animation pendant 3 secondes, l’enfant
la catégorisait en IS ou NIS en appuyant sur une des deux touches selon son
choix, sans consigne de rapidité. Un rappel visuel signalait à l’enfant qu’il devait
donner une réponse active. La durée maximale pendant laquelle l’enfant pouvait
répondre était de 6 secondes : 3 secondes pendant l’animation et 3 secondes
supplémentaires durant l’image de rappel. Quatre sessions de 3 minutes étaient
effectuées par l’enfant. Au total, 112 stimuli étaient visualisés dont 56 appartenant
aux « interactions sociales » et 56 aux « non-interactions sociales ». Les animations
de chaque catégorie étaient réparties de façon aléatoire au sein des sessions.
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Le corps en action : un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales
La performance a été mesurée en quantifiant les différents types de réponse
(absence de rponse, réponse anticipée, incorrecte, correcte).
4. RÉSULTATS
Les profils de réponses des enfants et des adultes sont présentés dans le tableau 1.
Les profils obtenus indiquent que le nombre d’essais anticipés est négligeable
voire nul pour les quatre groupes d’âge.
Tableau 1.
Profil des réponses obtenues au cours de l’épreuve, exprimé en nombre de
réponses indépendamment de la catégorie, sur l’ensemble des 112 essais proposés
et pour les quatre groupes expérimentaux
Type de réponse
(n = 112)
Non répondu
Anticipé
Incorrect
Correct
% Correct
Groupe 4-6 ans
9
1
20
82
73
Groupe 7-8 ans
3
0
10
99
88
Groupe 9-10 ans
0
0
8
104
93
Groupe adulte
1
0
2
109
97
Profil des réponses obtenues au cours de l’épreuve, exprimé en nombre de réponses indépendamment de la catégorie,
sur l’ensemble des 112 essais proposés et pour les quatre groupes expérimentaux.
Le nombre d’essais non répondus diminue avec l’âge et représente 8 %
(9/112) des essais chez les enfants de 4-6 ans et seulement 3 % (3/112) des
essais chez les enfants de 7-8 ans. Ces premières données attestent donc que
tous les enfants, même les plus jeunes ont participé activement à l’épreuve. Le
nombre d’essais corrects augmente avec l’âge. Il démarre à 73 % (82/112) chez
les plus jeunes enfants, progresse à 88 % (99/112) dans le groupe 7-8 ans, s’élève
à 93 % (104/112) dans le groupe 9-10 ans et finit à 97 % (109/112) chez les
adultes. Dès l’âge de quatre ans les enfants réussissent correctement l’épreuve :
leurs performances sont largement au-dessus d’un seuil de performance lié au
hasard.
Afin de tester l’effet de l’âge dans cette épreuve de catégorisation, nous avons
choisi de procéder à deux types d’analyses de variance (ANOVA). La variable
aléatoire étudiée est le nombre de réponses correctes. Dans un premier temps,
nous avons groupé les enfants âgés entre 7 et 10 ans scolarisés en école primaire
dans un même et unique groupe. Dans cette perspective, nous avons testé la
performance globale en considérant ces 3 groupes expérimentaux. Les analyses
indiquent un effet développemental (p < 0,001). Les performances globales
du groupe 4-6 sont significativement inférieures aux groupes 7-10 et adultes
(p < 0,05) et que celles du groupe 7-10 sont significativement inférieures au
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groupe adulte (p < 0,05). Nous avons ensuite testé la performance pour chaque
catégorie. Pour la catégorie IS, les analyses indiquent un effet développemental
(p < 0,0001). Le groupe 4-6 présente des performances significativement inférieures aux groupes 7-10 et adultes (p < 0,001). De plus, le groupe 7-10 présente
des performances significativement inférieures au groupe adulte (p < 0,05).
S’agissant de la catégorie NIS, les analyses indiquent un effet développemental
(p < 0,0001). Le groupe 4-6 présente des performances significativement
inférieures aux groupes 7-10 et adultes (p < 0,001).
Nous avons ensuite distingué 4 groupes expérimentaux (4-6, 7-8, 9-10 et
adulte) et analysé les données selon le schéma suivant : 4 (groupes) × 2
(catégories). Les résultats mettent en évidence un effet significatif pour le facteur
« catégorie » F (1, 44) = 22,598 avec p < 0,001 et le facteur « groupe » F (3, 44)
= 15,691 avec p < 0,001. Nous notons également une interaction « catégorie ×
groupe » F (3, 44) = 2,828 avec p < 0,05, ce qui signifie que la performance à cette
épreuve est dépendante de la catégorie mais aussi de l’âge des participants. Nous
avons donc comparé, indépendamment, les effets de l’âge pour une catégorie par
une analyse non paramétrique.
Pour la catégorie IS (Figure 2a), les résultats montrent que le nombre de
réponses n’est pas le même sur l’ensemble des groupes d’âge (p < 0,001). Les
performances dans le groupe 4-6 ans sont significativement inférieures à celles
du groupe 9-10 ans (p < 0,05) et celles du groupe adulte (p < 0,01). En revanche,
les performances ne sont pas significativement différentes entre les groupes de
4-6 ans et de 7-8 ans. Pour la catégorie NIS (Figure 2b), les résultats montrent que
le nombre de réponses diffère sur l’ensemble des groupes d’âge (p < 0,001). Les
performances dans le groupe 4-6 ans sont significativement inférieures à celles
a) Interactions sociales
b) Non-Interactions sociales
p < 0,01
p < 0,05
p < 0,01
p < 0,05
p < 0,05
60
Nombre de réponses correctes
Nombre de réponses correctes
60
50
40
30
20
10
50
40
30
20
10
0
0
4-6
7-8
9-10
Adultes
4-6
7-8
9-10
Adultes
Figure 2.
Effet développemental dans chaque catégorie : interaction sociale (IS, a)
et non-interaction sociale (NIS, b). Sur les graphiques, les indicateurs de
tendance centrale et de dispersion sont respectivement, la médiane et l’intervalle
interquartile (Q1 et Q3).
Le corps en action : un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales
des groupes 7-8 ans (p < 0,05) et 9-10 ans (p < 0,05) ainsi celles du groupe adulte
(p < 0,01). À partir de 7-8 ans, il n’y a plus de différence significative par rapport
aux groupes plus âgés. Les enfants de 4-6 ans sont moins performants que les
enfants plus âgés pour reconnaître une scène avec ou sans interaction sociale.
Afin d’étudier spécifiquement l’effet de catégorisation : scène sociale versus scène
non sociale, nous avons comparé le nombre de réponse dans les deux catégories
pour un même groupe d’âge.
Les résultats illustrés dans la Figure 3 montrent un effet significatif pour le
groupe 4-6 ans (p < 0,05) et pour le groupe 7-8 ans (p < 0,05). Autrement dit, les
enfants de 4 à 8 ans catégorisent mieux une scène sans interaction sociale qu’une
scène avec interaction sociale. Ils sous-estiment par conséquent le contenu social
issu du corps en action. Aucun effet n’est observé pour les groupes des enfants
9-10 ans ainsi que le groupe d’adultes qui reconnaissent aussi bien une scène
sociale qu’une scène non sociale.
En groupant les enfants de 7 à 10 ans, nous mettons en évidence une
différence significative également avec le groupe d’adultes sur les performances
globales, catégories confondues. Pour la catégorie sociale, l’effet développemental
concerne tous les groupes entre eux. Par conséquent la présence d’une différence
significative entre les 4-6 ans et les 7-10 ans apparaît. Concernant la catégorie non
sociale, l’effet développemental se porte exclusivement sur le groupe des enfants
les plus jeunes (4-6 ans) qui se distingue des groupes 7-10 et adulte. Cependant
ce regroupement d’âges occulte l’effet « catégorie », pourtant statistiquement
significatif, qui apparaît en intragroupe et de façon plus focale pour les groupes
4-6 mais aussi 7-8.
IS
Nombre de réponses correctes
60
p < 0,05
NS
p < 0,05
50
40
30
20
10
0
4-6
7-8
9-10
Adultes
Figure 3.
Effet de la catégorie (IS-NIS) dans chaque groupe d’âge. Les histogrammes
illustrent le nombre moyen de réponses correctes par catégorie pour chacun des
groupes d’âges : 4-6 ans, 7-8 ans, 9-10 ans et adultes. Sur les graphiques, les
indicateurs de tendance centrale et de dispersion sont respectivement, la médiane
et l’intervalle interquartile (Q1 et Q3).
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5. DISCUSSION
Dans cette étude, nous avons déterminé le décours développemental de
l’utilisation de la cinématique du corps en mouvement comme indice pertinent
pour comprendre une interaction sociale. Ce décours se caractérise par des
performances significativement inférieures chez les enfants les plus jeunes (4-6
ans) et par une transition à partir de l’âge de 7-8 ans traduisant des performances
comparables à celles des adultes.
Les performances plus faibles des enfants de 4-6 ans peuvent s’expliquer à
la lumière d’une analyse qualitative des résultats : les items sociaux les mieux
reconnus représentent des scènes d’interactions sociales familières pour ces
jeunes enfants (« jeux de mains enfantins », « partager sa joie », « se faire
gronder », etc.). L’expérience vécue des enfants, en qualité d’observateur ou
acteur, pourrait les aider à reconnaître une interaction sociale illustrée par les
mouvements du corps. Les travaux en psychologie du développement soulignent,
en effet, l’existence d’un lien entre la compréhension d’une action dirigée vers un
but et la compétence pour l’exécuter. Le nourrisson est d’autant plus sensible
au but d’une action observée (par exemple le mouvement d’atteinte d’un objet)
qu’il est capable de la réaliser (Reid, Belsky, & Johnson, 2005 ; Sommerville,
Woodward, & Needham, 2005 ; Falck-Ytter, Gredeback, & von Hofsten, 2006).
Ainsi au fil de son développement, le jeune enfant enrichit son répertoire
moteur, ce qui contribue à l’élaboration de représentations sensorimotrices et du
schéma corporel. Ces représentations primaires deviennent des représentations
de l’action à mesure que le geste est nourri d’un but ou d’une intention (von
Hofsten, 2007 ; Rochat, 2007).
Lorsque l’intention qui accompagne le geste est de communiquer et d’interagir
avec autrui, les représentations de l’action se complexifient pour devenir des
« représentations sociales de l’action ». Durant la période préverbale, il est
intéressant de noter que les jeunes enfants utilisent abondamment les gestes pour
communiquer d’abord par le pointage (Liebal, Behne, Carpenter, & Tomasello,
2009) puis par l’imitation immédiate (Nadel et al., 2002). Ce couplage direct
entre l’observation et l’exécution de l’action permet aux enfants d’effectuer en
simultané le même geste qu’un partenaire « modèle ». Ce sont précisément
ces représentations que sollicitent les enfants à la fois pour comprendre une
interaction sociale observée, autant que pour interagir de façon adaptée. Nos
résultats suggèrent que les enfants de 4-6 ans, bien que pleinement investis
dans des relations avec leurs pairs, n’ont pas encore un répertoire d’actions
sociales suffisamment large pour se saisir totalement du contenu social véhiculé
par les corps en interaction. En revanche, la transition observée à l’âge de
7-8 ans indique une amélioration notable de l’utilisation des représentations
sociales de l’action. Cette optimisation s’exprimerait par des performances
comportementales voisines de celles des adultes pour extraire, des mouvements
corporels, la composante sociale pertinente.
Le corps en action : un indice clef pour comprendre le développement des interactions sociales
Les représentations de l’action ne sont pas innées et nécessitent un temps
de maturation assez long au cours de l’enfance (Forssberg, Eliasson, Kinoshita,
Johansson, & Westling, 1991 ; Assaiante, Woollacott, & Amblard, 2000 ;
Schmitz, Martin, & Assaiante, 2002). Bien que mise en place précocement au
cours de l’enfance, les caractéristiques du contrôle anticipé de l’action, sont
encore immatures aux alentours de 8 ans, suggérant une lente maturation de la
construction des représentations de l’action au cours de l’ontogénèse (Schmitz,
Martin, & Assaiante, 2002). Parallèlement aux représentations motrices, notre
étude souligne que les représentations sociales de l’action s’élaborent également
lentement au cours de l’enfance grâce à l’expérience accrue d’une représentation
de soi, du monde extérieur et de leurs interactions réciproques motrices et
sociales. En effet, ces représentations, issues du couplage entre l’observation
et l’exécution d’une action, jouent un rôle majeur dans la compréhension des
comportements d’autrui.
Selon les théories actuelles de la cognition motrice, la compréhension d’une
action intentionnelle réalisée par autrui serait sous-tendue par le mécanisme
miroir (pour revue, voir Rizzolatti & Sinigaglia, 2010). Le mécanisme miroir se
caractérise, chez le primate comme chez l’être humain, par une augmentation
d’activité dans des régions des cortex pré-moteur, frontal inférieur et pariétal, lors
de l’exécution mais aussi de l’observation d’une action intentionnelle (Rizzolatti
& Craighero, 2004). Cette activité fronto-pariétale, évocatrice de l’expression
d’un mécanisme miroir, est trouvée chez le nourrisson à partir de six mois
lorsqu’il observe des actions dirigées vers un but (Nystrom, 2008). Révélatrice
du lien entre l’expérience motrice et la sollicitation de ce mécanisme, une
activation plus importante du mécanisme miroir apparaît lorsque les actions
observées appartiennent au répertoire moteur de l’enfant (van Elk, van Schie,
Hunnius, Vesper, & Bekkering, 2008). Par conséquent, très tôt au cours du
développement, l’enfant de développement typique solliciterait le mécanisme
miroir pour comprendre une action.
En conclusion, cette étude comportementale montre l’existence d’une
capacité précoce à extraire du langage corporel un contenu social, qui se
perfectionne au cours de l’enfance. Dès l’âge de 4 ans, le corps en action se
révèle un indice clef dans la compréhension des interactions sociales, avec une
amélioration notable de l’utilisation des représentations sociales de l’action aux
alentours de 7-8 ans. Cette aptitude précoce à extraire un contenu social à
partir du langage corporel ainsi que son perfectionnement au cours de l’enfance,
est intimement liée à l’élaboration des représentations sociales de l’action. Ceci
n’est pas sans évoquer la vraisemblable synergie qui opère entre la construction
de ces représentations et le développement du mécanisme miroir. En effet,
si le mécanisme miroir joue un rôle prépondérant dans la compréhension
d’une action intentionnelle, sa contribution dans la compréhension d’une
interaction sociale souffre encore d’un manque de preuves expérimentales.
Quant au développement et à la fonctionnalité d’un tel mécanisme chez l’enfant
de développement typique, les recherches expérimentales s’appuyant sur des
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techniques d’investigations cérébrales en sont à leur balbutiement et sont,
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