communica.tif

Transcription

communica.tif
communica.tif
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En 1935, Einstein, Podolsky et Rosen
cosignent un article qui raconte une
expérience de pensée impossible à
concrétiser à l’époque, expérience
dans laquelle des particules agissent
l’une sur l’autre instantanément et à
distance. Deux particules, à condition
qu’elles aient interagi à un moment
donné, demeureront unies par un lien
mystérieux. Toute action sur l’une
influe forcément sur l’autre, même si
elles sont éloignées l’une de l’autre par
une distance aussi grande que de la
Terre à la Lune. Ces deux particules
sont en quelque sorte couplées,
jumelées, de sorte que les propriétés
de l’une affectent l’autre instantanément. On appelle cet effet mystérieux, l’effet EPR, du nom de
Einstein, Podolsky, Rosen… Dans les
dernières années du XXe siècle, les scientifiques ont enfin la technologie
pour réaliser l’expérience EPR. Et
l’on démontre par l’expérience concrète que les particules interagissent
bel et bien à distance, sans l’aide d’une
quelconque entité cachée.
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Principaux signes utilisés par les arbitres de Judo.
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L’impossibilité de ne pas communiquer.
Nous sommes des êtres de communication.
Lorsque je communique avec quelqu‘un, je souhaite échanger une
idée, partager un point de vue, je tente de transmettre quelque
chose : une pensée. Afin de partager nos idées, vivant dans nos
boîtes crâniennes, on dispose d‘un code commun, un système permettant d'associer à un sens une expression. Je vais donc pouvoir
coder ma pensée, et ainsi l’exprimer d’une certaine manière. Le
destinataire qui dispose du même code peut reconnaître l’expression, retrouver sa grammaire et le sens correspondant, et ainsi
l’idée sera transmise.
Joseph Luft a mené des recherches
très intéressantes en étudiant ce qu’il
appelle «privation de stimulus social».
Il a mis deux étrangers en présence
dans une pièce, les faisant asseoir chacun à un bout de la pièce et leur a
donné pour instruction «de ne parler
ni communiquer en aucune manière».
Après l’expérience, les entretiens ont
révélé le stress que représentait une
telle situation :
“...il a devant lui l’autre dans son
unicité, avec son comportement,
même s’il est muet. Au point, c’est le
postulat posé, qu’intervient une véritable mise à l’épreuve interpersonnelle, dont une partie seulement peut
être consciente. Par exemple, comment l’autre réagit-il à sa présence et
aux petits messages non verbaux qu’il
émet ? Essaie-t-il de comprendre son
regard interrogateur, ou bien l’ignoret-il froidement ? La posture de l’autre
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manifeste-t-elle des indices de tension, ce qui indiquerait une certaine
angoisse en sa présence ? Est-il de
plus en plus à l’aise, ce qui pourrait
vouloir dire qu’il accepte, ou bien
l’autre va-t-il le traiter comme une
chose sans existence propre ?...”
Extrait du livre la théorie de la communication
Il est bien évident que le schéma de communication que j’ai énoncé ne tient pas compte d’un phénomène très important : l’inférence.
En effet, la compréhension d’une idée vient du fait qu’il est possible de la rapprocher d’un vécu personnel, de sa propre culture. Et
c’est de cette manière que les interprétations et les malentendus
peuvent se produire.
L’homme média.
L’homo sapiens a appris à extérioriser ses besoins, ses désirs, en
établissant un système de communication élaboré à partir de son
propre corps. Il fait des gestes qui prennent des sens de plus en
plus précis, puis il émet des sons qui deviennent progressivement
des codes sigificatifs ; tout ceci va constituer le langage dans lequel
la parole se marie au geste. Il communique donc avec son corps. Il
peut également communiquer à distance dans l’espace, grâce à un
homme-média : le messager. De même, la communication à distance dans le temps est réalisée par le conteur, qui transmet la tradition orale. L’homme est donc à la fois un émetteur et un récepteur.
Le média support.
Le langage audiovisuel va ensuite se diviser, le verbe va se séparer
du geste. Par exemple le tam-tam, qui crée un langage sonore pouvant franchir l’espace. Ou encore les signaux de fumée pour communiquer à distance. Ces deux langages étant valables en temps
réel uniquement, l’homme recourt aux murs des cavernes pour
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Plaque en or emportée à bord de la sonde Pioneer 10, et
comprenant un message adressé aux extra-terrestres. Ce
message comprend plusieurs représentations :
- la transition de l’élément hydrogène
- la position du soleil par rapport à 14 pulsars
- la silhouette de la sonde
- le chiffre 8 en binaire
- notre système solaire
- une homme et une femme
Je suis assez étonné par ces représentations, car certaines
n’ont de sens que pour l’Homme. Le dessins filaire d’un
homme et d’une femme ne peut être représentatif de toute
l’espèce. Par contre, je trouve que les symboles mathématiques sont les plus pertinents. Le langage mathématique
est universel et peut être un moyen de communiquer : il
apporte une référence extérieure à l’homme, non interprété. C’est de cette manière que le héros de la planète des
singes parvient à prouver qu’il est intelligent, en tracant
dans le sable un triangle et une médiatrice.
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assurer la pérénité de ses messages visuels. Et c’est ce besoin de
«fixer», de conserver une trace inscrite et compréhensible qui
amène l’arrivée de l’écriture.
Le langage écrit permet de communiquer à distance dans le temps
et l’espace, et il devient indissociable de l’oral. Peut-être les deux
ont-ils évolués en parallèle, l’écriture devenant nécessaire pour
parler... chaque fois que je pense, que je réfléchis, ou que je m’exprime oralement, j’utilise mon langage propre, issu de ma culture
et de ma langue maternelle. Inconsciemment j’agence dans ma tête
des mots, j’utilise des verbes et des noms pour mieux visualiser ma
pensée. C’est un paradoxe étrange : je veux exprimer une pensée,
une chose immatérielle qui n’a pas de contraintes, mais pour se
faire j’use d’un outil qui va forcément réduire la finesse et la précision de cette pensée. Peut-être que la langue écrite est devenue une
contrainte trop importante en orientant notre manière de penser.
Du cri de douleur à sa formulation «J’ai mal», bien que le message
ait atteint son but dans les deux cas, il y a un fossé immense. Dans
le cas du cri, l’expérience vécue de la douleur s’exprime concrètement. La douleur et le cri se superposent et se confondent. Par contre «j’ai mal» est une construction mentale abstraite de ce que les
linguistes appellent «monèmes» : Je + ai + mal.
Dans Les guerriers du silence de Pierre Bordage, l’auteur confronte
l’être humain avec une créature lui ressemblant physiquement,
mais non mentalement. En effet, les «hyponeros» sont des êtres qui
ont fait abstraction des 5 sens de l’homme pour utiliser pleinement
tout le potentiel mental de leur cerveau, ce qui leur confère de terribles pouvoirs (télépathie, inquisition mentale, etc). Pour eux la
perception sensitive de l’environnement vient perturber leur compréhension et leur raisonnement.
Ils ont donc développé un moyen de communication redoutable,
tant au niveau de la rapidité, que de la précision. Mais je constate
que cette absence de perception sensitive amène également une
perte de richesse sémantique. Si on imagine un langage dans lequel
un «fait» se nomme par un seul mot, il sera alors impossible de
détailler, d’utiliser des circonvolutions, des figures de styles, tout
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"Quel chemin dois-je prendre ?"
demande la petite fille ;"Cela
dépend de l'endroit où vous désirez
vous rendre", répond le chat.
Il s'amuse et se joue de la petite
fille en la piègeant si vite qu'elle ne
peut pas prendre le temps de
réfléchir : "Je suis fou" dit le chat,
"les chiens ne sont pas fous, n'estce pas? et bien ils remuent la queue
quand ils sont contents et grondent quand ils sont en colère.Or je
remue la queue lorsque je suis en
colère et gronde quand je suis content. Donc je suis fou."
Le Chat du Cheshire et Alice dans
Alice au pays des merveilles, de
Lewis Carroll
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ce qui vient enrichir la compréhension de ce «fait». Les sous-entendus, les non-dits, tous ces phénomènes de langage plus ou moins
conscients sont très importants. On peut par exemple comparer la
langue française à la langue allemande : l’allemand est plus précis
et comporte plus de mots, et il est possible d’en créér de nouveaux.
Les mots sont parfois très longs car ils résultent d’un assemblage
de termes, d’autres mots. C’est de cette manière qu’ils parviennent
à augmenter leur précision, mais ils ont également un ensemble de
verbes plus vastes. Pour dire «fermer la porte», ils utilisent un autre
verbe «fermer» que pour «fermer une boîte». Pour revenir aux
Hyponeros, ces créatures ont donc gagné en précision, jusqu’à
devenir de véritables statisticiens de la vie ! mais ils ont perdu
toute «humanité», ils ne se distinguent plus les uns des autres que
par une hiérarchie infernale. Je suis persuadé que l’ampleur des
différentes langues humaines apporte bien plus de richesses que la
rigeur et la précision absolue que pourrait avoir un langage ne permettant que de décrire scientifiquement les faits. Il n’existe pas à
ma connaissance de langage de programmation informatique
capable d’utiliser des euphémismes ou des zeugmas...
Les mass médias.
L’être humain décide d’amplifier ses messages, de les multiplier et
les diffuser au plus grand nombre possible de récepteurs.
L’imprimerie est la première technologie d’amplification, elle a permis la diffusion du livre, et l’avènement de la presse écrite.
L’écriture a donc été le premier langage à être conservé et amplifié.
L’image a elle aussi pu être amplifiée, grâce à la gravure notamment, mais aussi la photographie qui permet de capturer technologiquement une vue de notre environnement. Le son, constituant du langage sonore, a lui aussi évolué pour être enregistré et diffusé, et c’est l’apparition de la radio qui permet la diffusion à distance. Et c’est finalement de la rencontre des deux que va naître le
cinéma, d’abord muet, puis parlant. Le cinéma est aujourd’hui un
moyen de communication très important, et la télévision assure
son emprise au sein des foyers. Mais ça reste une communication
uni-directionnelle, une «émission», c’est à dire que le récepteur
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Extraits du film Equilibrium, où les gens sont conditionnés dans la rue
par des écrans télévisés géants.
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reste passif face au flux de signes qu’il perçoit.
Les self médias.
Mais les effets de la communication de masse ont réduit l’être
humain à un simple récepteur d’information, très souvent inactif.
La miniaturisation et la prolifération d’équipements peu coûteux
ont permis à certaines personnes de devenir elle-mêmes émetteurs.
Ce principe s’est fortement répandu et désormais chacun peut à
loisir reproduire, enregistrer et rediffuser une émission radio, un
film, etc. L’homme peut donc se libérer des horaires et autres contraintes imposées par les grands médias de masse, il devient à la
fois émetteur et récepteur. Il choisit ses temps de réception, ce qui
lui permet d’étendre cette liberté jusqu’alors possible uniquement
avec le livre, aux autres types de médias, disques et vidéos.
Net médias.
Internet est désormais imposé dans tous les domaines de la société
contemporaine. Les réseaux informatiques ont créé des nouvelles
formes d’échange et de communication. Auparavant, la perception
dans une communication passait directement par les sens de
l’homme : une rencontre personnelle face-à-face, une conversation
téléphonique ou encore une lettre, on pouvait dans ces situations
percevoir directement l’interlocuteur. La communication
numérique impose quant à elle un autre langage de communication. Celui ci se met plus ou moins bien en place, est plus ou moins
bien défini, et a du mal à s’intégrer aux paramètres affectifs, perceptifs, et cognitifs de l’homme. Les contraintes imposées par la
numérisation demandent donc des nouvelles formes de représentation des significations dans le processus de communication.
Le numérique comme 6e sens ?
L’écriture tout d’abord. L’ordinateur en premier, internet ensuite,
ont beaucoup changé les phénomènes de lecture et d’écriture, et
ont apporté de nouveaux standards. A l’écran, l’écriture est froide,
et toutes se ressemblent. De nouvelles manipulations sont
apparues, comme copier, coller, ou découper du texte, en quelques
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Extrait tiré du film Avalon
Extrait tiré du film Matrix
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clics de souris. La densité textuelle n’est plus la même, les lettres
n’ont pas le même poids que sur papier. Les logiciels sont capables
de corriger, réarranger, voire même de traduire. Certaines personnes soutiennent même que l’écriture et la lecture sont vouées à disparaître : William Crossman qui écrit :
« En nous donnant accès par la parole et par l’ouïe aux informations enregistrées, les ordinateurs parlant nous permettront enfin
de remplacer toute la langue écrite par la langue parlée. Nous
serons capables d’enregistrer et de récupérer l’information simplement en parlant, en écoutant et en regardant des graphiques, mais
pas des textes. Avec ce pas de géant en avant vers le passé, nous
sommes sur le point de recréer une culture orale sur des bases technologiques plus efficaces et plus fiables » ( L’âge des ordinateurs parlants , 1999).
Le numérique affecte également l’ouïe. Le son est désormais enregistrable, synthétisable, modifiable, bref il devient malléable, et il en
est de même pour l’image.
L’image de synthèse permet de représenter des systèmes, des modèles mathématiques, des entités impossibles à représenter
autrement. Le labeur dû à la création d’image est moindre, et les
interfaces se développent et viennent proposer sur un logiciel une
‘couche’ visuelle informative idoine.
Communication sur internet
Les moyens de communiquer en réseau se sont largement répandus depuis l’e-mail, mais il n’en existe pas un très grand nombre :
le mail, le forum, et la messagerie instantanée, plus communément
appelée chat (prononcer «tchatte») .
L’application la plus utilisée sur internet demeure le courrier électronique,
même si autour se sont développées
d’autres applications plus proches de
l’image. Les messages électroniques
sont délivrés quasi instantanément au
destinataire, même si celui-ci ne
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Les fractales sont des représentations graphiques de modèles mathématiques. On
les utilise par exemple en météorologie, biologie.
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relève pas sa boîte en permanence.
L’expéditeur est assuré que le message
a bien été délivré, mais internet ne lui
permet pas de savoir s’il a été lu.
Il est également possible pour deux
personnes se déplacant dans le monde
de continuer à communiquer, sans
rien savoir des déplacemenents de
l’autre.
Le message électronique ne comporte
ni timbre, ni cachet, et son coût est
invisible, dilué dans la facture téléphonique. Son itinéraire reste mystérieux et masqué.
Je pense que l’e-mail est l’outil grâce auquel on s’affranchit de tout
paramètre physique. Je parle surtout de représentation, donc de
visuels. Ainsi, la graphie de l’expéditeur a disparu : qui reconnaîtrait dans la police de caractère par défaut de son logiciel de messagerie l’écriture d’un ami ? Ces caractéristiques si tangibles dans
une lettre respectant la tradition épistolaire ont disparu. C’est à ce
genre de phénomènes que je m’attache, et tout particulièrement à
ce qui permet encore à l’internaute d’avoir une identité. Elle ne disparait pas, mais est plutôt réécrite, adaptée au numérique. Je pense
donc qu’il existe des «signes particuliers» numériques tels que le
zézaiement, la manie de ne jamais fermer ses boucles de “f”, l’articulation particulière, etc. Je pense par exemple au fait que certaines
personnes retranscrivent à l’écrit leur manière de parler. Ainsi on
peut lire des «hmmm....je sais pas trop.....ouiiiii maiiis...». Plus
intéressant encore, le style de l’interlocuteur dans une discussion :
je m’intéresse fortement aux types d’émotions que l’on peut
percevoir en communiquant avec quelqu’un à distance par écrit, et
je m’aperçois en tant qu’acteur de ce genre de rapports, que chacun
de mes interlocuteurs a sa propre façon de «parler». Avec certaines
personnes j’ai un rapport fourni, dense, nous échangeons de
longues phrases réfléchies, et peu d’interjections. Avec d’autres je
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perçois plutôt une relation professionnelle, assez froide et distante,
ponctuée de longs moments de pause (manifestant probablement
une autre occupation). Ou encore une personne avec qui je
n’échangerai pas plus de 10 phrases dans une journée, tout en
restant en relation l’un avec l’autre par le biais d’une fenêtre discrète sur mon ordinateur ; ceci génére un dialogue étiré, simple.
Voilà de quelle manière on peut exprimer une identité personnelle
en s’appropriant un outil commun.
Le forum est un autre moyen de communication sur internet. Il est
une sorte de boîte aux lettres collective, dans laquelle chaque utilisateur peut venir déposer un message, puis reviendra régulièrement voir s’il y a une réponse appropriée. Les forums sont le
niveau zéro de la représentation de la communication.
Pas de fioritures, uniquement un tableau dans lequel les messages
textes vont venir s’empiler et se classer. C’est dans cette direction
que je souhaiterais intervenir, persuadé que la communication
entre personnes n’est pas simplement une série de sentences
posées dans un cadre, à la suite les unes des autres. Internet possède son propre mode de représentation, mais il est en pleine construction.
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«
, au vieux Monsieur.
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes.
Isidore et Fricot ont chacun quatre
pattes. Donc Isidore et Fricot sont
chats.
LE LOGICIEN
La logique vient de nous le révéler.
Mais revenons à nos chats.
LE VIEUX MONSIEUR,
au logicien.
Je vous écoute.
au vieux monsieur
Le chat Isidore a quatre pattes.
LE LOGICIEN,
au logicien.
Mon chien aussi a quatre pattes.
LE VIEUX MONSIEUR,
au vieux monsieur.
Alors, c’est un chat.
LE LOGICIEN,
LE VIEUX MONSIEUR,
au logicien.
Comment le savez vous ?
LE LOGICIEN,
au logicien ,
après avoir longuement réfléchi.
Donc, logiquement, mon chien
serait un chat.
au vieux monsieur
C’est donné par hypothèse.
LE VIEUX MONSIEUR,
LE VIEUX MONSIEUR,
au logicien.
Ah! par hypothèse !
au vieux monsieur
Fricot aussi a quatre pattes.
Combien de pattes auront Fricot
et Isidore ?
LE LOGICIEN,
au vieux monsieur.
Logiquement oui. Mais le contraire est aussi vrai.
Autre syllogisme : tous les chats
sont mortels. Socrate est mortel.
Donc Socrate est un chat.
LE LOGICIEN,
au logicien.
Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai
un chat qui s’appelle Socrate.
LE VIEUX MONSIEUR,
LE LOGICIEN,
au vieux monsieur
Vous voyez...
au logicien.
Socrate était donc un chat !
au logicien.
Ensemble ou séparément ?
LE VIEUX MONSIEUR,
au vieux monsieur
Ensemble ou séparément, c’est
selon.
LE LOGICIEN,
LE VIEUX MONSIEUR, au logicien,
après avoir péniblement réfléchi.
Huit, huit pattes.
LE VIEUX MONSIEUR,
LE LOGICIEN,
au vieux monsieur
20
au vieux monsieur
La logique mène au calcul mental.
LE LOGICIEN,
au logicien.
Elle a beaucoup de facettes !
au logicien.
En enlevant les deux pattes sur
huit, des deux chats...nous pouvons avoir un chat à six pattes...et
un chat, sans pattes du tout.
Dans ce cas, il y aurait un chat
privilégié.
Et un chat aliéné de toutes ses
pattes, déclassé ?
LE VIEUX MONSIEUR,
LE VIEUX MONSIEUR,
au vieux monsieur
Vous allez voir...
J’enlève deux pattes à ces chats.
Combien leur en restera-t-il à
chacun ?
LE LOGICIEN,
LE VIEUX MONSIEUR,
au logicien.
au vieux monsieur
Cela ne serait pas juste, donc ce ne
serait pas logique.
»
C’est compliqué.
LE LOGICIEN,
au vieux monsieur
Prenez une feuille de papier, calculez. On enlève six pattes aux
deux chats, combien de pattes
restera-t-il à chaque chat ?
Extrait de Rhinoceros d’Eugène
Ionesco
LE LOGICIEN,
au logicien.
Attendez...Il y a plusieurs solutions possibles.
LE VIEUX MONSIEUR,
LE LOGICIEN,
au vieux monsieur
Dites.
au logicien.
Une première possibilité : un chat
peut avoir quatre pattes, l’autre
deux.
Il peut y avoir un chat à cinq
pattes...et un autre chat à une
patte. Mais alors seront-ils toujours des chats ?
LE VIEUX MONSIEUR,
au vieux monsieur
Pourquoi pas ?
LE LOGICIEN,
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Paranormal.
Les ouvrages de science-fiction qui ont proliféré pendant les
années 50 aux Etats-Unis ont répandu un thème récurrent : le surnaturel et le paranormal. Précédant les romans d’anticipation traitant de robots, de voyages dans le temps ou encore de déshumanisation, les histoires surnaturelles sont des extensions des récits de
magie. Le paranormal est aujourd’hui vu comme un thème
presque dépassé, et rares sont les oeuvres qui parviennent encore
à nous surprendre et à nous ravir. Ring2 et Sixième sens, deux films
sortis en 1999, réintroduisent le paranormal dans le cinéma mondial.
Je compare les phénomènes paranormaux avec ceux que nous
vivons actuellement grâce à internet et aux réseaux, et je constate
que la différence n’est pas si grande que cela...
La télépathie est la plus célèbre forme de perception extra-sensorielle. En général on la définit comme une possibilité de lire les
pensées d’autrui et de communiquer autrement que par la parole.
Il y a également la télékinésie qui consiste à faire bouger des objets
à distance par la simple puissance de la volonté. Un autre aspect
que je trouve très intéressant est la notion de mémoire ancestrale,
la faculté de retrouver des s ouvenirs du passé. Je pense que tous
ces pouvoirs sont des notions que l’on retrouve sur internet, dans
des usages dont nous n’avons même plus conscience. Ainsi, le
phénomène psionique de mémoire ancestrale trouve son équivalent dans la quantité incroyable d’informations contenues sur le
web, accessibles en permanence et de manière simple.
Le web se divise en deux catégories :
la surface ( ce que tout le monde
appelle web, et qui est constitué de
pages publiques, statiques), et les profondeurs, ou «deep-web» ( des bases
de données et des sites dynamiques,
qui ne sont connus que par certains
internautes). Il faut savoir que le
deep-web est 500 fois plus gros que la
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surface. Il y a approximativement 2,5
milliards de documents en surface,
avec un accroissement estimé à 7,3
millions de pages par jour, tout ceci
représentant 50 teraoctets d’informa tions ( 50 000 milliards). Quant aux
profondeurs du web les chiffres
s’élèvent à 550 milliards de documents, soit 7500 teraoctets...
Ces chiffres sont pour moi incommensurables, intangibles, impossibles à représenter à mes yeux. Dans le roman Hyperion de Dan
Simmons, il existe « l’infosphère », qui est l’équivalent d’internet,
mais appliqué à une échelle titanesque : les hommes vivent dans
plusieurs galaxies et leur nombre s’élève à plusieurs quadrillions.
Ils possèdent tous un implant qui les connecte à cette infosphère en
permanence et en temps réel. Hormis cette démesure, je trouve que
l’interet d’une telle situation se trouve dans l’influence sur les comportements qu’elle pourrait avoir. Les gens étant connectés tout le
temps, ils ont donc à portée d’esprit tout le savoir recensé. Plus
besoin d’apprendre, chaque question trouvera sa réponse instantanément, rien n’est inconnu. Ce procédé d’hyper-dépendance peut
paraître effrayant, mais il existe bel et bien de nos jours à une
échelle plus réduite. N’observe-t-on pas une «google attitude» qui
consiste à succomber à la facilité de se porter vers un ordinateur
plutôt qu’une bibliothèque ? Mais chacun est libre de ses choix, et
tout comme dans Hyperion il y a des gens qui refusent l’implant de
connexion à l’infosphère, nous connaissons des personnes qui n’utilisent pas de calculatrice, ou qui ne se servent pas des outils de
traduction en langue étrangère gratuits, préferant adopter une attitude cérébrale plus active.
Le phénomène de télépathie, en revanche, est difficilement décelable dans notre société. Celui-ci est en effet le moyen de communication ultime : plus besoin de disposer d’un code pour transcrire
et traduire le message, donc plus de phénomène d’inférence.
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Le professeur Kevin Warwick,
enseignant en cybernétique à
Londres, a réalisé en 1998 une expérience sur son propre corps en y introduisant un implant électronique.
Pendant 9 jours, il était connecté en
permanence à son ordinateur par le
biais de cette puce, et pouvait commander son environnement grâce aux
mouvements de son bras (ouverture
de porte, commande de lumière). Son
but est d’essayer d’implanter une puce
dans un cerveau, et de concrétiser la
communication directe entre un
homme et un ordinateur. Depuis peu,
une expérience similaire a été réalisée
et une équipe est parvenue à mettre
au point un système permettant de
déplacer un curseur sur un écran par
la pensée.
« Imaginez que l’ordinateur soit connecté à internet, et que d’autres
personnes soient branchées comme vous directement par leur
cerveau...vous penseriez ce que l’autre pense. Si les pensées d’une
personne sont directement communiquées à l’autre, qu’est-ce que
cette autre personne va ressentir ? Si la personne bouge sa main
allez vous sentir votre main bouger ? Que l’autre personne est en
train de bouger sa main ? C’est une question d’ordre philosophique
: quand je pense à la couleur rouge, est-ce la même chose que
quand vous pensez à la couleur rouge ?»
(Kevin Warwick, La recherche, 1999)
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La " contagion affective "
Les émotions sont contagieuses, on le
perçoit dans l’expérience quotidienne.
Qui n’a pas participé à l’émotion de
l’autre comme si c’était la sienne.
Dans un enterrement, il nous arriver
de pleurer même si nous ne connaissons pas le défunt ni même la famille.
Si nous observons cette émotion, elle
paraît venir du plus profond de nousmême, de notre intimité. Or ceux qui
sont avec nous la perçoivent également comme venant d’eux-mêmes.
Cette constatation est si banale que
nous nous l’expliquons par l’«évidence». Or, sur le plan strictement
logique, c’est un paradoxe : comment
considérer comme personnel ce qui
appartient en même temps à tout le
monde ?
Normal
Ainsi, la télépathie serait le moyen ultime de communiquer,
plusieurs savants se lancent dans cette aventure en tentant d’utiliser la science pour comprendre l’ésotérique. De mon côté j’utilise les
moyens dont je dispose, et ils sont bien réels. En établissant un rapport entre la télépathie et le logiciel de messagerie instantané, je
constate que ces «outils» de communication ne permettent pas de
représenter une discussion.
Dans ma tête, je suis capable de suivre une conversation, c’est donc
que je parviens à la matérialiser mentalement, à en faire un plan.
Mais rapporté à l’ordinateur, cette représentation mentale n’existe
plus. Je trouve qu’il s’agit là d’un manque considérable.
La discussion est un acte de création spirituel, je souhaite l’associer
à un acte de création plastique. Nous pourrions alors visualiser l’émotion d’une discussion, son climat, son ampleur... une personne
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discutant serait un créateur, un “sculpteur de répliques”.
« Le cyberespace : une hallucination consensuelle vécue
quotidiennement en toute
légalité par des dizaines de
millions d'opérateurs dans
tous les pays, par des gosses
auxquels on enseigne les concepts mathématiques...
Une représentation graphique
de données extraites des
mémoires de tous les ordinateurs du système humain. Une
complexité impensable. Des
traits de lumière disposés dans
le non-espace de l'esprit, des
amas et des constellations de
données.»
Neuromanciens, de William
Gibbson.
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REMERCIEMENTS
Ce mémoire n’aurait jamais vu le jour sans les personnes suivantes,
que je tiens à remercier vivement :
• Olaf pour sa sapience insondable, et ses discussions cruciales
autour du projet.
• Pierre pour son infinie sagesse, son point de vue fort intéressant,
et ses références précieuses.
• Mathilde pour son incommensurable mansuétude et ses
remarques très pertinentes.
• Fredéric et Sophie pour les discussions qui ont aidé à construire
ce mémoire.
• Michel pour sa patience, son humour, sa gentillesse et son hardware.
• François pour sa confiance et sa gentillesse.
Je remercie également toutes les personnes, de loin ou de plus près,
avec qui j’ai longuement discuté et qui ont activement participé à
l’évolution du projet...
Enfin, je serais ingrat d’oublier Gilles pour sa tolérance le soir,
Georgette le matin, Agnès, Christiane, les merveilleuses secrétaires,
le monsieur qui vient recharger la machine à café, Fred et Sylvain
pour la maquette du mémoire, Isaac pour ses robots, mon voisin
pour l’imprimante, presque tous les auteurs de films de science-fiction des années 50, et toutes les personnes que je ne nomme pas
mais qui comptent.
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BIBLIOGRAPHIE
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Extrait d’un article de La recherche (2002)
Image tirée de Les bases de l’arbitrage du Judo
Extrait de L’analyse des conversations, Véronique Traverso
Image tirée d’un article de Science et avenir (1999)
Les guerriers du silence, Pierre Bordage
Extrait d’ Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll (1865)
Le langage silencieux, Edward T. Hall
Extrait d’ Equilibrium, film de Kurt Wimmer (2002)
Extrait d’ Avalon, film de Mamoru Oshii (2002)
Extrait de Matrix reloaded, film de Larry et Andy Wachowsky
L’âge des ordinateurs parlants (1999)
Passage tiré de Rhinoceros, d’Eugène Ionesco
Hyperion de Dan simmons
Extrait de Neuromancien, William Gibbson
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ngiseD PESND ed erioméM
4002 smieR ed DASE
masrhE ueihtaM