Le VIH/sida et les communautés de la diaspora - ICAD-CISD
Transcription
Le VIH/sida et les communautés de la diaspora - ICAD-CISD
Le VIH/sida et les communautés de la diaspora africaine vivant au Canada 1 Nicholas Street, Suite 726, Ottawa (ON) K1N 7B7 Telephone: (613) 233 7440 ● Fax: (613) 233 8361 E-mail: [email protected] ● Website: www.icad-cisd.com Juin 2006 Données épidémiologiques ii Introduction Un rapport du Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (CPCMI) a établi qu’environ 56 000 personnes (entre 46 000 et 66 000) au Canada vivaient avec le VIH/sida en 2002iii. On estime qu’environ 7 % à 10 % des personnes infectées au VIH au Canada sont d’origine africaineiii, tandis que les personnes qui sont d’origines africaine représentent seulement 2,2% de la population canadienne. De 1998 à 2004, les femmes d’origine africaine ont constitué 52 % des personnes infectées par VIH et 42 % des cas de sidaiv. Les chiffres révèlent que le contact hétérosexuel est le mode prédominant de transmission du VIH chez les gens d’origine africaineiii. L’évidence anecdotique suggère qu’une partie des cas d’infection au VIHv dans ces populations seraient liés à la consommation de drogues, plus précisément à l’inhalation de crack ou à l’injection de drogues. Le VIH/sida touche de façon disproportionnée les peuples d’origine africaine1 qui vivent au Canada. L’incidence du racisme sur les possibilités d’emploi, l'accès au logement et la mobilité sociale est un facteur aggravant. De multiples autres facteurs qui s'entrecroisent, dont le sexe, le statut d'immigration, l’orientation sexuelle et la langue font aussi accroître leur vulnérabilité et leur risque d’infection par VIH. Déterminants sociaux de la santé On présente (et perçoit) souvent le Canada comme un pays qui a peu, voire pas du tout de problèmes d’inégalité économique, de racisme ou d’inégalité entre les sexes. Cela crée l’illusion que la transmission du VIH et ses conséquences auprès des populations d’origine africaine au Canada est simplement le résultat « de choix personnels, de comportements et de raisons culturelles ». Cette simplification excessive de la situation trompe le public et nuit aux personnes et communautés infectées et affectées, particulièrement sur les plans de la prestation de services et de l’élaboration et l’application de politiques. De nombreux rapportsi indiquent clairement que les Autochtones (les membres des Premières nations du Canada) et les personnes d’origine africaine au Canada sont plus vulnérables au VIH/sida à cause d’iniquités structurelles et systémiques qui ont des conséquences à l’exclusion sociale et économique. Ces iniquités augmentent l’exposition au VIH et sa transmission dans les populations d’origine africaine au Canada. Quatre-vingts pour cent du nombre estimé de porteurs de VIH au sein de la diaspora africaine au Canada ont moins de 40 ansv. Près des deux tiers (60,3 %)vi. des diagnostics de sida touchent le même groupeiv. À l’aide de données concernant l’Ontario et de la modélisation mathématique, il est estimé qu’en 2002, environ 15 % des porteurs de VIH en Ontario étaient des hommes qui ont des contacts homosexuelsv. Le système de justice pénal au Canada Dans les pénitenciers fédéraux canadiens (où les détenus purgent des peines de deux ans et plus), environ 2 % des prisonniers sont séropositifsvii. Selon des études effectuées en ColombieBritannique, en Ontario et au Québec, ces chiffres sont plutôt de 1,0 % à 8,8 % dans les prisons provinciales (où les détenus purgent des peines de moins de deux ans); c’est dix fois plus élevé que la moyenne canadienneviii. Souvent, la santé des 1 Pour les fins du présent rapport, toute mention des personnes d’origine africaine et des membres de la diaspora africaine inclut les Afro-canadiens, les Africains, les Afro-Caraïbéens et les Sudaméricains et Centraméricains d’origine africaine vivant au Canada. Elle inclut également les personnes nées ou non au Canada dont au moins un des parents est Afro-canadien, Africain, Afro-Caraïbéen, ou encore Sudaméricain ou Centraméricain d’origine africaine, de la 1re, 2e, 3e génération ou plus. 1 plus importante minorité visible au pays, constituant environ 2,2 % de sa population. En 2001, approximativement 45 % des personnes d’origine africaine étaient nées au Canadaxi, et 30 % d’entre elles avaient moins de 15 ans, alors que la moyenne nationale était de 19 %iii. prisonniers qui vivent avec le VIH/sida se détériore pendant leur incarcérationviii. Les membres de la diaspora africaine au Canada ont un contact disproportionné avec le système de justice pénale et sont proportionnellement plus souvent incarcérés que le reste de la populationix. Cette situation a été liée à plusieurs reprises à une surveillance policière exagérée et au racisme envers les Noirs. Si l’on souhaite éviter la transmission du VIH, il faut entre autres préconiser les interventions gouvernementaux et communautaires, qui permettent de réduire les contacts avec le système de justice pénale, l’incarcération et la transmission du VIH pendant l’incarcération. Ces 20 dernières années, les données sur la région d’origine des personnes d’origine africaine nées à l’extérieur du Canada ont beaucoup évolué. De 1981 à 1990, 71 % d’entre elles venaient des Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, tandis que 24 % arrivaient d’Afriquexii. Le portrait a changé de 1991 à 2001, alors que 47 % de ces personnes venaient alors des Caraïbes et 48 % d’Afrique. Environ 60 % des personnes d’origine africaine au Canada vivent en Ontario, 30 % au Québec et 10 % dans l’Ouest et l’Est du pays. Une grande majorité d’entre elles habite, dans l’ordre, Toronto (47 %), Montréal et Halifaxxii. Immigration et surveillance du VIH/sida En 2002, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration (CIC) a exigé qu’on soumette tout demandeur de statut d’immigrant de 15 ans et plus au test de dépistage du VIH lors de l’examen médical réglementaire, ainsi que ceux plus jeunes dont la mère est séropositiveiv, qui ont reçu une transfusion de sang ou de produits sanguins ou qui sont candidats à l’adoption. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de juin 2002 empêche que soient interdits de territoire pour des motifs sanitaires les réfugiés et certains immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial. Par contre, d’autres immigrants appartenant à cette dernière catégorie ainsi que les immigrants indépendants peuvent être interdits de territoire si leur état de santé risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santéx. En 2002, dans environ 59 % des cas, la transmission du VIH à des personnes d’origine africaine vivant au Canadaxi s’est produite au pays, ce qui dissipe le mythe que la grande majorité des cas d’infection au VIH/sida sont «importés par les immigrants ». Incidence de la structure démographique et des données épidémiologiques L’étude combinée de la structure démographique et des données épidémiologiques indiquant le nombre de cas de VIH/sida chez les personnes d’origine africaine de moins de 40 ans suggère que sans une intervention efficace et soutenue, le taux de prévalence du VIH aura doublé en 2012, son augmentation annuelle étant de 10 % xi. Pour être opportunes, cohérentes, efficaces et accessibles, les interventions qui visent à répondre aux besoins des enfants de moins de 15 ans et des adultes de plus de 40 ans doivent couvrir la prévention du VIH, son diagnostic, son traitement, le soutien, l’éducation et la recherche. Plus précisément, il faut mettre en œuvre des politiques pour corriger les iniquités systémiques dont sont victimes les personnes d’origine africaine, en particulier la marginalisation des filles, des femmes et des individus lesbiennes, gais, bisexuels, intersexuels, transsexuels et queer ainsi que leurs réseaux socioculturels, dont leurs parents et familles, leurs tuteurs, leurs éducateurs, leurs établissements d'enseignement (et leur personnel), leurs groupes affinitaires et leurs homologues masculins. Données démographiques L’histoire longue et complexe des communautés d’origine africaine au Canada a commencé avant l’émergence de l’épidémie de VIH/sida. Plusieurs africains et afro-caraïbéens du Canada sont unis par des liens familiaux, des événements culturels et des efforts de défense des droits tant au Canada qu’audelà de nos frontières. Selon les données du Recensement de 2001 de Statistique Canada, les personnes d’origine africaine forment la troisième 2 Réduction des cas de transmission du VIH et amélioration de la qualité de vie des PVVIH/SIDA soutenir des initiatives provinciales, nationales et internationales de collaboration en matière de prévention du VIH et de soutien. Considérant l’incidence profonde des iniquités systémiques et structurelles ainsi que la vulnérabilité des personnes d’origine africaine vivant au Canada, il est nécessaire d’effectuer des investissements significatifs en amont (politiques et programmes visant à prévenir la maladie et à corriger les conditions du milieu qui favorisent la maladie). Il s’agit d’assurer un accès équitable aux traitements contre le VIH/sida, aux soins et au soutien, y compris de l’emploi ou d’autres sources de revenu stables et à long terme, du logement accessible et non ghettoïsé et des ressources familiales et de garde des enfants sans stigmatisation, racisme ni oppression. L’élimination progressive de la honte et de la discrimination liées au VIH est une priorité importante. Perspectives mondiales Un rapport de 2001 du projet européen AIDS & Mobility affirmait que l’épidémie de VIH/sida touchait de manière disproportionnée les minorités ethniques et les immigrés vivant en Europe. Elle affecte particulièrement les personnes originaires de l’Afrique subsaharienne ainsi que des Caraïbes, surtout ceux demeurant en France et en Angleterre. C’est aussi vrai des ressortissants d’Afrique du nord qui vivent en Francexiv. Les taux d’infection à VIH parmi les peuples de la diaspora africaine en Europe et les AfroAméricains aux Etats-Unis sont considérablement plus élevés que dans la population en général, tout comme chez les personnes d’origine africaine et caraïbéenne au Canada. C’est lié à de multiples facteurs, y compris entre autres l’accès aux soins de santé et la migration ou l’infection au VIH à la suite d’une guerre ou de troubles économiques ou civils dans le pays d’origine. L’exclusion économique et sociale, notamment le sous-emploi et le chômage dus au racisme et à la discrimination subis par les membres de la diaspora africaine dans tous ces pays, vient souvent s’ajouter aux défis liées à la colonisation, à l’inégalité entre les sexes, à la religion et à la culture et aggraver leurs effets. Le CACVO organise le premier volet « Diaspora noire et africaine » qui a lieu durant le Congrès international sur le sida de 2006 avec l’appui d’alliés comme la Coalition interagence sida et développement (CISD), le Black AIDS Institute des Etats-Unis et le AIDS Policy Network du Royaume-Uni. Ensemble ils établiront les bases pour la création d’un réseau visant à aborder les questions concernant la vulnérabilité unique et apparemment universelle au VIH/sida des peuples de la diaspora africaine en Europe et en Amérique du Nord. Pratiques exemplaires Des initiatives locales doivent être conçues et pilotées par des membres et des organismes de la communauté dont le travail sur le plan de la promotion de la santé, de la justice sociale et des pratiques d’anti-racisme et d’anti-oppression est reconnu. Ces initiatives, en plus de l’attribution adéquate et soutenue de ressources de la part de tous les paliers de gouvernement et de l’appui technique et financier d’organismes donateurs, sont nécessaires si l’on veut stabiliser le taux actuel d’infection à VIH et éliminer progressivement les décès dus au sida. Les interventions visant l’élimination de l’homophobie et de la transphobie dans les communautés de la diaspora africaine et la population en général ont été identifiées comme des mesures essentielles à la réduction de la transmission du VIH et de la honte et du déni qui accompagnent l’infectionxiii. Le conseil des africains et caraïbéens sur le VIH/SIDA en Ontario (CACVO) a lancé une initiative globale pour la population ontarienne d’origine africaine avec l’appui du Bureau de lutte contre le sida, du ministère de la Santé provincial et des Soins de longue durée et de l’Ontario HIV Treatment Network (réseau ontarien de traitement du VIH). Le CACVO a également inspiré les membres de la diaspora africaine et leurs alliés partout au Canada et les a aidés à lancer et à Sites Internet www.accho.ca www.ahpn.org www.aidslaw.ca www.aidsmobility.org www.apaa.ca www.blackaids.org 3 www.black-cap.com www.criss.org www.aihc.ca/CCRI/gapvies.html www.halco.org www.icad-cisd.com www.pasan.org www.whiwh.com x Réseau juridique canadien VIH/sida, Les politiques canadiennes sur l'immigration et leur impact sur les personnes vivant avec le VIH/sida, juin 2005. xi Remis, R., Estimates and projections of HIV infection among persons from HIV-endemic countries in Ontario, 1st African and Caribbean HIV/AIDS Research Summit, 28 avril 2006, Toronto, Canada Notes xii Milan, A.et Tran, K. Les Noirs au Canada : une longue tradition, Tendances sociales canadiennes, Statistique Canada, n° 11-008 au catalogue, pp. 3-6. i Rapport de la Commission sur le racisme systématique dans le système de justice pénale de l’Ontario (1995), Rapport sur le racisme systémique et la discrimination dans les politiques canadiennes sur l’immigration et les réfugiés (Conseil canadien pour les réfugiés, 2001), Canada’s Creeping Economic Apartheid: The economic segregation and social marginalization of racialised groups (Grace-Edward Galabuzi, 2001), Le revenu des femmes noires au Canada 2005 (Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, 2005) et Racial Status and Employment Outcomes (Leslie Cheung, octobre 2005). xiii Tharao, E. Massaquoi, N. et Teclom, S. Silent Voices of the HIV/AIDS Epidemic: African and Caribbean Women in Toronto, 2002 – 2004, centre de santé communautaire Women’s Health in Women’s Hands, avril 2006. xiv del Amo, J., Erwin, J., Fenton, K., Grey, K., AIDS and Mobility: Looking into the future, Migration and HIV/AIDS in Europe - recent developments and needs for the future action, rapport commandé par le projet européen AIDS and Mobility (NIGZ), 2001. ii Limites des données épidémiologiques : le CPCMI déclare que « Les données de surveillance nationale du VIH ne portent que sur les personnes qui ont passé un test de dépistage, chez qui on a diagnostiqué une infection à VIH et dont les résultats positifs des tests ont été signalés au CPCMI. Par conséquent, ces données ne reflètent pas toute la portée de l'épidémie. On complète les données de surveillance nationale par d'autres sources de données et méthodes analytiques afin d'estimer le nombre total de gens atteints du VIH (prévalence) et le nombre de personnes nouvellement infectées (incidence) » Actualités en épidémiologie sur le VIH/sida 2005, Agence de santé publique du Canada. Lectures complémentaires 1) Silent Voices of the HIV/Epidemic: African and Caribbean Women in Toronto, 2002-2004, Esther Tharao, Notisha Massaquoi, Senait Teclom, centre de santé communautaire Women’s Health in Women’s Hands, avril 2006. 2) Projet donnant l’élan à une stratégie Nationale sur le VIH/sida pour les communautés noirs d’origine canadienne, africaines et des caraïbes: Rapport d’examen situationnel, D.A. Falconer & Associates, octobre 2005. 3) HIV Prevention Guidelines and Manual: Tools for Service Providers Serving African and African Caribbean Communities Living in Canada, LLana James, 1e édition, juin 2006. 4) 1st African and Caribbean HIV/AIDS Research Summit Report, LLana James, conseil des africains et caraïbéens sur le VIH/SIDA en Ontario et centre de santé communautaire Women’s Health in Women’s Hands, juin 2006. iii Geduld, J., Gatali, M., Remis, R.S., Archibald, C.P., Estimations de la prévalence et de l’incidence du VIH au Canada, 2002, dans RMTC 2003, vol. 29, pp. 197-206. iv Actualités en épidémiologie sur le VIH/sida, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Le VIH au Canada chez les personnes originaires de pays où le VIH est endémique, pp. 1, 6, 10, 13. v 34,3 % des porteurs du VIH d’origine africaine avaient moins de 30 ans et 45,8 % avait de 30 à 39 ans. vi Près de la moitié (45,9 %) des membres de la diaspora africaine au Canada qui ont reçu un diagnostic de sida avaient de 30 à 39 ans, tandis que 14,4 % d’entre eux avaient moins de 30 ans. vii Le nombre de cas d’infection au VIH et de cas de sida diagnostiqués est probablement sous-évalué, les données ne reflétant que le nombre de personnes qui ont dévoilé leur état sérologique. viii HIV/AIDS Legal Clinic, HIV/AIDS & Hepatitis C in Prisons: The Fact, 2004, p. 101. La mission de la CISD est de réduire la propagation du VIH et l’impact du VIH/sida dans les communautés et pays pauvres en ressources, en apportant son leadership et sa contribution active à la réponse canadienne et internationale. Ce document a été préparé grâce au financement de l’Agence de santé du Canada. Les opinions exprimées par les auteurs et chercheurs ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Agence publique du Canada. This document is also available in English ix Imprimeur de le Reine pour l’Ontario, Rapport de la Commission sur le racisme systématique dans le système de justice pénale de l’Ontario, Toronto. 4