Le VIH/sida et les communautés de la diaspora - ICAD-CISD

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Le VIH/sida et les communautés de la diaspora - ICAD-CISD
Le VIH/sida et les
communautés de la
diaspora africaine vivant au
Canada
1 Nicholas Street, Suite 726, Ottawa (ON) K1N 7B7
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Juin 2006
Données épidémiologiques ii
Introduction
Un rapport du Centre de prévention et de contrôle
des maladies infectieuses (CPCMI) a établi
qu’environ 56 000 personnes (entre 46 000 et 66
000) au Canada vivaient avec le VIH/sida en
2002iii. On estime qu’environ 7 % à 10 % des
personnes infectées au VIH au Canada sont
d’origine africaineiii, tandis que les personnes qui
sont d’origines africaine représentent seulement
2,2% de la population canadienne. De 1998 à 2004,
les femmes d’origine africaine ont constitué 52 %
des personnes infectées par VIH et 42 % des cas de
sidaiv. Les chiffres révèlent que le contact
hétérosexuel est le mode prédominant de
transmission du VIH chez les gens d’origine
africaineiii. L’évidence anecdotique suggère qu’une
partie des cas d’infection au VIHv dans ces
populations seraient liés à la consommation de
drogues, plus précisément à l’inhalation de crack
ou à l’injection de drogues.
Le VIH/sida touche de façon disproportionnée les
peuples d’origine africaine1 qui vivent au Canada.
L’incidence du racisme sur les possibilités
d’emploi, l'accès au logement et la mobilité sociale
est un facteur aggravant. De multiples autres
facteurs qui s'entrecroisent, dont le sexe, le statut
d'immigration, l’orientation sexuelle et la langue
font aussi accroître leur vulnérabilité et leur risque
d’infection par VIH.
Déterminants sociaux de la santé
On présente (et perçoit) souvent le Canada comme
un pays qui a peu, voire pas du tout de problèmes
d’inégalité économique, de racisme ou d’inégalité
entre les sexes. Cela crée l’illusion que la
transmission du VIH et ses conséquences auprès
des populations d’origine africaine au Canada est
simplement le résultat « de choix personnels, de
comportements et de raisons culturelles ». Cette
simplification excessive de la situation trompe le
public et nuit aux personnes et communautés
infectées et affectées, particulièrement sur les plans
de la prestation de services et de l’élaboration et
l’application de politiques. De nombreux rapportsi
indiquent clairement que les Autochtones (les
membres des Premières nations du Canada) et les
personnes d’origine africaine au Canada sont plus
vulnérables au VIH/sida à cause d’iniquités
structurelles et systémiques qui ont des
conséquences à l’exclusion sociale et économique.
Ces iniquités augmentent l’exposition au VIH et sa
transmission dans les populations d’origine
africaine au Canada.
Quatre-vingts pour cent du nombre estimé de
porteurs de VIH au sein de la diaspora africaine au
Canada ont moins de 40 ansv. Près des deux tiers
(60,3 %)vi. des diagnostics de sida touchent le
même groupeiv.
À l’aide de données concernant l’Ontario et de la
modélisation mathématique, il est estimé qu’en
2002, environ 15 % des porteurs de VIH en
Ontario étaient des hommes qui ont des contacts
homosexuelsv.
Le système de justice pénal au Canada
Dans les pénitenciers fédéraux canadiens (où les
détenus purgent des peines de deux ans et plus),
environ 2 % des prisonniers sont séropositifsvii.
Selon des études effectuées en ColombieBritannique, en Ontario et au Québec, ces chiffres
sont plutôt de 1,0 % à 8,8 % dans les prisons
provinciales (où les détenus purgent des peines de
moins de deux ans); c’est dix fois plus élevé que la
moyenne canadienneviii. Souvent, la santé des
1
Pour les fins du présent rapport, toute mention des personnes
d’origine africaine et des membres de la diaspora africaine inclut
les Afro-canadiens, les Africains, les Afro-Caraïbéens et les
Sudaméricains et Centraméricains d’origine africaine vivant au
Canada. Elle inclut également les personnes nées ou non au
Canada dont au moins un des parents est Afro-canadien,
Africain, Afro-Caraïbéen, ou encore Sudaméricain ou
Centraméricain d’origine africaine, de la 1re, 2e, 3e génération
ou plus.
1
plus importante minorité visible au pays,
constituant environ 2,2 % de sa population. En
2001, approximativement 45 % des personnes
d’origine africaine étaient nées au Canadaxi, et 30
% d’entre elles avaient moins de 15 ans, alors que
la moyenne nationale était de 19 %iii.
prisonniers qui vivent avec le VIH/sida se détériore
pendant leur incarcérationviii.
Les membres de la diaspora africaine au Canada
ont un contact disproportionné avec le système de
justice pénale et sont proportionnellement plus
souvent incarcérés que le reste de la populationix.
Cette situation a été liée à plusieurs reprises à une
surveillance policière exagérée et au racisme envers
les Noirs. Si l’on souhaite éviter la transmission du
VIH, il faut entre autres préconiser les interventions
gouvernementaux
et
communautaires,
qui
permettent de réduire les contacts avec le système
de justice pénale, l’incarcération et la transmission
du VIH pendant l’incarcération.
Ces 20 dernières années, les données sur la région
d’origine des personnes d’origine africaine nées à
l’extérieur du Canada ont beaucoup évolué. De
1981 à 1990, 71 % d’entre elles venaient des
Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique
du Sud, tandis que 24 % arrivaient d’Afriquexii. Le
portrait a changé de 1991 à 2001, alors que 47 % de
ces personnes venaient alors des Caraïbes et 48 %
d’Afrique. Environ 60 % des personnes d’origine
africaine au Canada vivent en Ontario, 30 % au
Québec et 10 % dans l’Ouest et l’Est du pays. Une
grande majorité d’entre elles habite, dans l’ordre,
Toronto (47 %), Montréal et Halifaxxii.
Immigration et surveillance du VIH/sida
En 2002, le ministère de la Citoyenneté et de
l'Immigration (CIC) a exigé qu’on soumette tout
demandeur de statut d’immigrant de 15 ans et plus
au test de dépistage du VIH lors de l’examen
médical réglementaire, ainsi que ceux plus jeunes
dont la mère est séropositiveiv, qui ont reçu une
transfusion de sang ou de produits sanguins ou qui
sont candidats à l’adoption. La Loi sur
l'immigration et la protection des réfugiés de juin
2002 empêche que soient interdits de territoire pour
des motifs sanitaires les réfugiés et certains
immigrants appartenant à la catégorie du
regroupement familial.
Par contre, d’autres
immigrants appartenant à cette dernière catégorie
ainsi que les immigrants indépendants peuvent être
interdits de territoire si leur état de santé risque
d’entraîner un fardeau excessif pour les services
sociaux ou de santéx. En 2002, dans environ 59 %
des cas, la transmission du VIH à des personnes
d’origine africaine vivant au Canadaxi s’est produite
au pays, ce qui dissipe le mythe que la grande
majorité des cas d’infection au VIH/sida sont
«importés par les immigrants ».
Incidence de la structure démographique et
des données épidémiologiques
L’étude combinée de la structure démographique et
des données épidémiologiques indiquant le nombre
de cas de VIH/sida chez les personnes d’origine
africaine de moins de 40 ans suggère que sans une
intervention efficace et soutenue, le taux de
prévalence du VIH aura doublé en 2012, son
augmentation annuelle étant de 10 % xi.
Pour être opportunes, cohérentes, efficaces et
accessibles, les interventions qui visent à répondre
aux besoins des enfants de moins de 15 ans et des
adultes de plus de 40 ans doivent couvrir la
prévention du VIH, son diagnostic, son traitement,
le soutien, l’éducation et la recherche. Plus
précisément, il faut mettre en œuvre des politiques
pour corriger les iniquités systémiques dont sont
victimes les personnes d’origine africaine, en
particulier la marginalisation des filles, des femmes
et des individus lesbiennes, gais, bisexuels,
intersexuels, transsexuels et queer ainsi que leurs
réseaux socioculturels, dont leurs parents et
familles, leurs tuteurs, leurs éducateurs, leurs
établissements d'enseignement (et leur personnel),
leurs groupes affinitaires et leurs homologues
masculins.
Données démographiques
L’histoire longue et complexe des communautés
d’origine africaine au Canada a commencé avant
l’émergence de l’épidémie de VIH/sida. Plusieurs
africains et afro-caraïbéens du Canada sont unis par
des liens familiaux, des événements culturels et des
efforts de défense des droits tant au Canada qu’audelà de nos frontières. Selon les données du
Recensement de 2001 de Statistique Canada, les
personnes d’origine africaine forment la troisième
2
Réduction des cas de transmission du VIH
et amélioration de la qualité de vie des
PVVIH/SIDA
soutenir des initiatives provinciales, nationales et
internationales de collaboration en matière de
prévention du VIH et de soutien.
Considérant l’incidence profonde des iniquités
systémiques et structurelles ainsi que la
vulnérabilité des personnes d’origine africaine
vivant au Canada, il est nécessaire d’effectuer des
investissements significatifs en amont (politiques et
programmes visant à prévenir la maladie et à
corriger les conditions du milieu qui favorisent la
maladie). Il s’agit d’assurer un accès équitable aux
traitements contre le VIH/sida, aux soins et au
soutien, y compris de l’emploi ou d’autres sources
de revenu stables et à long terme, du logement
accessible et non ghettoïsé et des ressources
familiales et de garde des enfants sans
stigmatisation,
racisme
ni
oppression.
L’élimination progressive de la honte et de la
discrimination liées au VIH est une priorité
importante.
Perspectives mondiales
Un rapport de 2001 du projet européen AIDS &
Mobility affirmait que l’épidémie de VIH/sida
touchait de manière disproportionnée les minorités
ethniques et les immigrés vivant en Europe. Elle
affecte particulièrement les personnes originaires
de l’Afrique subsaharienne ainsi que des Caraïbes,
surtout ceux demeurant en France et en Angleterre.
C’est aussi vrai des ressortissants d’Afrique du
nord qui vivent en Francexiv.
Les taux d’infection à VIH parmi les peuples de la
diaspora africaine en Europe et les AfroAméricains aux Etats-Unis sont considérablement
plus élevés que dans la population en général, tout
comme chez les personnes d’origine africaine et
caraïbéenne au Canada. C’est lié à de multiples
facteurs, y compris entre autres l’accès aux soins de
santé et la migration ou l’infection au VIH à la
suite d’une guerre ou de troubles économiques ou
civils dans le pays d’origine. L’exclusion
économique et sociale, notamment le sous-emploi
et le chômage dus au racisme et à la discrimination
subis par les membres de la diaspora africaine dans
tous ces pays, vient souvent s’ajouter aux défis
liées à la colonisation, à l’inégalité entre les sexes,
à la religion et à la culture et aggraver leurs effets.
Le CACVO organise le premier volet « Diaspora
noire et africaine » qui a lieu durant le Congrès
international sur le sida de 2006 avec l’appui
d’alliés comme la Coalition interagence sida et
développement (CISD), le Black AIDS Institute des
Etats-Unis et le AIDS Policy Network du
Royaume-Uni. Ensemble ils établiront les bases
pour la création d’un réseau visant à aborder les
questions concernant la vulnérabilité unique et
apparemment universelle au VIH/sida des peuples
de la diaspora africaine en Europe et en Amérique
du Nord.
Pratiques exemplaires
Des initiatives locales doivent être conçues et
pilotées par des membres et des organismes de la
communauté dont le travail sur le plan de la
promotion de la santé, de la justice sociale et des
pratiques d’anti-racisme et d’anti-oppression est
reconnu. Ces initiatives, en plus de l’attribution
adéquate et soutenue de ressources de la part de
tous les paliers de gouvernement et de l’appui
technique et financier d’organismes donateurs, sont
nécessaires si l’on veut stabiliser le taux actuel
d’infection à VIH et éliminer progressivement les
décès dus au sida. Les interventions visant
l’élimination de l’homophobie et de la transphobie
dans les communautés de la diaspora africaine et la
population en général ont été identifiées comme des
mesures essentielles à la réduction de la
transmission du VIH et de la honte et du déni qui
accompagnent l’infectionxiii.
Le conseil des africains et caraïbéens sur le
VIH/SIDA en Ontario (CACVO) a lancé une
initiative globale pour la population ontarienne
d’origine africaine avec l’appui du Bureau de lutte
contre le sida, du ministère de la Santé provincial et
des Soins de longue durée et de l’Ontario HIV
Treatment Network (réseau ontarien de traitement
du VIH). Le CACVO a également inspiré les
membres de la diaspora africaine et leurs alliés
partout au Canada et les a aidés à lancer et à
Sites Internet
www.accho.ca
www.ahpn.org
www.aidslaw.ca
www.aidsmobility.org
www.apaa.ca
www.blackaids.org
3
www.black-cap.com
www.criss.org
www.aihc.ca/CCRI/gapvies.html
www.halco.org
www.icad-cisd.com
www.pasan.org
www.whiwh.com
x
Réseau juridique canadien VIH/sida, Les politiques
canadiennes sur l'immigration et leur impact sur les personnes
vivant avec le VIH/sida, juin 2005.
xi
Remis, R., Estimates and projections of HIV infection among
persons from HIV-endemic countries in Ontario, 1st African and
Caribbean HIV/AIDS Research Summit, 28 avril 2006, Toronto,
Canada
Notes
xii
Milan, A.et Tran, K. Les Noirs au Canada : une longue
tradition, Tendances sociales canadiennes, Statistique Canada,
n° 11-008 au catalogue, pp. 3-6.
i
Rapport de la Commission sur le racisme systématique dans le
système de justice pénale de l’Ontario (1995), Rapport sur le
racisme systémique et la discrimination dans les politiques
canadiennes sur l’immigration et les réfugiés (Conseil canadien
pour les réfugiés, 2001), Canada’s Creeping Economic
Apartheid: The economic segregation and social marginalization
of racialised groups (Grace-Edward Galabuzi, 2001), Le revenu
des femmes noires au Canada 2005 (Association canadienne des
travailleuses et travailleurs sociaux, 2005) et Racial Status and
Employment Outcomes (Leslie Cheung, octobre 2005).
xiii
Tharao, E. Massaquoi, N. et Teclom, S. Silent Voices of the
HIV/AIDS Epidemic: African and Caribbean Women in Toronto,
2002 – 2004, centre de santé communautaire Women’s Health in
Women’s Hands, avril 2006.
xiv
del Amo, J., Erwin, J., Fenton, K., Grey, K., AIDS and
Mobility: Looking into the future, Migration and HIV/AIDS in
Europe - recent developments and needs for the future action,
rapport commandé par le projet européen AIDS and Mobility
(NIGZ), 2001.
ii
Limites des données épidémiologiques : le CPCMI déclare
que « Les données de surveillance nationale du VIH ne portent
que sur les personnes qui ont passé un test de dépistage, chez qui
on a diagnostiqué une infection à VIH et dont les résultats
positifs des tests ont été signalés au CPCMI. Par conséquent, ces
données ne reflètent pas toute la portée de l'épidémie. On
complète les données de surveillance nationale par d'autres
sources de données et méthodes analytiques afin d'estimer le
nombre total de gens atteints du VIH (prévalence) et le nombre
de personnes nouvellement infectées (incidence) » Actualités en
épidémiologie sur le VIH/sida 2005, Agence de santé publique
du Canada.
Lectures complémentaires
1) Silent Voices of the HIV/Epidemic: African and
Caribbean Women in Toronto, 2002-2004, Esther
Tharao, Notisha Massaquoi, Senait Teclom, centre
de santé communautaire Women’s Health in
Women’s Hands, avril 2006.
2) Projet donnant l’élan à une stratégie Nationale sur
le VIH/sida pour les communautés noirs d’origine
canadienne, africaines et des caraïbes: Rapport
d’examen situationnel, D.A. Falconer & Associates,
octobre 2005.
3) HIV Prevention Guidelines and Manual: Tools for
Service Providers Serving African and African
Caribbean Communities Living in Canada, LLana
James, 1e édition, juin 2006.
4) 1st African and Caribbean HIV/AIDS Research
Summit Report, LLana James, conseil des africains
et caraïbéens sur le VIH/SIDA en Ontario et centre
de santé communautaire Women’s Health in
Women’s Hands, juin 2006.
iii
Geduld, J., Gatali, M., Remis, R.S., Archibald, C.P.,
Estimations de la prévalence et de l’incidence du VIH au
Canada, 2002, dans RMTC 2003, vol. 29, pp. 197-206.
iv
Actualités en épidémiologie sur le VIH/sida, Centre de
prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Le VIH au
Canada chez les personnes originaires de pays où le VIH est
endémique, pp. 1, 6, 10, 13.
v
34,3 % des porteurs du VIH d’origine africaine avaient moins
de 30 ans et 45,8 % avait de 30 à 39 ans.
vi
Près de la moitié (45,9 %) des membres de la diaspora africaine au Canada qui ont reçu un diagnostic de sida avaient de 30 à 39 ans, tandis que 14,4 % d’entre eux avaient moins de 30 ans. vii
Le nombre de cas d’infection au VIH et de cas de sida
diagnostiqués est probablement sous-évalué, les données ne
reflétant que le nombre de personnes qui ont dévoilé leur état
sérologique.
viii
HIV/AIDS Legal Clinic, HIV/AIDS & Hepatitis C in Prisons:
The Fact, 2004, p. 101.
La mission de la CISD est de réduire la propagation du VIH et
l’impact du VIH/sida dans les communautés et pays pauvres en
ressources, en apportant son leadership et sa contribution active
à la réponse canadienne et internationale. Ce document a été
préparé grâce au financement de l’Agence de santé du Canada.
Les opinions exprimées par les auteurs et chercheurs ne
reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Agence
publique du Canada. This document is also available in English
ix
Imprimeur de le Reine pour l’Ontario, Rapport de la
Commission sur le racisme systématique dans le système de
justice pénale de l’Ontario, Toronto.
4

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