n° 106 - Roms and Media
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n° 106 - Roms and Media
06 n°1 Avril 2013 - 3,40 € Dans le box avec Sylvie Andrieux Reportage dessiné au procès de la députée PS menacée de deux ans de prison avec sursis. p.25-27 Tous les chemins mènent aux Roms Expulsions, aires d’accueil en sousnombre ou indignes, les gens du voyage et les Roms ne sont pas à la fête en Paca. Enquête et rencontres… Avec tsiganes. p.10 à 14 la grosse enquête COMBIEN POUR UNE PIP ? Paca. Le procès du PDG varois Jean-Claude Mas va s’ouvrir à Marseille. Enquête sur l’affaire des prothèses mammaires PIP défectueuses. p. 3 CUMUL, QUAND TU NOUS TIENS Paca. Nos élus s’accrochent à leurs mandats. p. 5 Fin de règne pour JOISSAINS Aix-en-Provence (13). Mme le maire UMP accumule les tuiles alors que les municipales approchent. Mais son clan a de la ressource... p. 7 Une petite ligne ? Paca. Des réouvertures de lignes de TER sont à l’étude, des collectifs se mobilisent mais élus et argent manquent à l’appel… p. 9 «VOUS FOURVOYEZ LE DROIT» Orange (84). Contrôle technique de la démocratie au conseil municipal présidé par Jacques Bompard, le député d’extrême droite. p. 23 UN PApYVore A la Provence Presse. Olivier Mazerolle a pris ses fonctions de directeur de la rédaction de La Provence, ère Tapie. Portrait satirique. p. 28 R 28871 - 106 10 ‹ n°106 Avril 2013 ‹ leravi tous les chemins mÈnent aux roms la grosseenqu Tous les chemins mènent aux Roms Expulsions, aires d’accueil en sous-nombre ou indignes, les gens du voyage et les Roms ne sont pas à la fête en Paca. Enquête et rencontres… tsiganes. Tendances C’est la dernière tendance à New York : les Roms font une percée remarquée dans le milieu de la mode. Les stylistes hexagonaux et autres apôtres de la « branchitude » suivent, bien entendu, le mouvement. Le 3 avril, les salons feutrés du Sofitel Vieux Port, le nouvel hôtel de luxe marseillais, ont pris « une coloration chaude et estivale » avec la soirée So Gipsy. Rien de plus glamour, également, qu’un séjour en roulottes tsiganes dans le Lubéron. « Décorées pour rêver », elles sont destinées aux amoureux « qui voyagent même la nuit ». Une autre tendance semble, hélas, indémodable : les gens du voyage et les Roms font toujours de parfaits boucs émissaires. Nicolas Sarkozy, l’ancien président mis en examen pour « abus de faiblesse », n’est plus là afin de porter le flambeau des expulsions, mais Manuel Valls se débrouille très bien. « Les familles Roms qui souhaitent s’intégrer sont peu nombreuses » a lancé, en mars, le ministre de l’Intérieur pour justifier le démantèlement à marche forcée des camps. Selon la Cour des comptes, Paca est la région la moins accueillante pour les gens du voyage. Les aires d’accueil y sont en sous-nombre ou indignes. Alors que le festival Latcho Divano, à Marseille, fête les cultures tsiganes, alors que le 8 avril est décrété journée internationale des Roms, nous avons voulu aller à la rencontre de celles et ceux que notre République pourchasse dans des bidonvilles. Et nous avons aussi donné la parole à ceux qui se mobilisent pour combattre l’ignorance. Bonne nouvelle : les « gadjé » mobilisés contre les discriminations sont de plus en plus nombreux… Michel Gairaud En partenariat avec Les chiens aboient... Dans le sud, si on apprécie les Gipsy King, on n'aime pas les caravanes : malgré l'ancienneté de la présence des gens du voyage en Paca, notre région est la moins accueillante. «D ébut avril, un spectacle, « Reinhardt, prénom Django », aura lieu à Gignac... dans le Gard. Car, à Gignac, dans le « 13 », pour les gens du voyage, une autre partition se joue. D'après l'association Rencontres tsiganes (1), le maire (PS), « prenant prétexte de la préservation des terres agricoles », vient d'engager « une campagne systématique d’évacuation de plusieurs dizaines de familles dont certaines sont présentes dans la commune depuis plus de vingt ans et sont propriétaires de leurs terrains ». Rappelant qu'il reste à Gignac « moins de 3 % de terres agricoles », M. le maire, Christian Amiraty est inflexible : « Suite à l'installation de poteaux électriques de fortune pour alimenter une parcelle, lorsque mes équipes ont voulu intervenir, elles se sont faites caillasser. Avec le procureur et la préfecture, on ne pouvait pas ne pas réagir. Des familles sont déjà parties. Et d'autres ont demandé un relogement... » L'une d'elles ne décolère pas : « C'est du harcèlement ! On vivait, tranquille, sur notre terrain depuis 2005. On avait installé notre caravane, un mobil-home... Nos enfants allaient à l'école. Et puis il a fallu tout retirer. On s'est installé un peu plus loin. Mais on ne va pas pouvoir rester. Alors qu'on est propriétaire ! Paraît qu'il y aura une aire d'accueil à Gignac. Mais, avec 46 places, comment accueillir tout le monde ?» Dans le collimateur Cette situation est loin d'être isolée. Au Puy-SainteRéparade, près d'Aix-en-Provence, une quarantaine de familles est sommée de quitter les terrains qu'elles occupent. « Quand elles ont voulu voir le maire, on leur a dit qu'il n'était pas là. Ce jour-là, il était au tribunal pour être mis en examen », peste l'association. Jean-David Ciot, le maire PS, assume : « S'il y avait jusque-là une tolérance, on est passé de caravanes à des constructions en dur. Or, on est en zone inondable. Une caravane, on peut l'évacuer. Pas un chalet. » Reste que dans ces deux villes de plus de 5000 habitants, il n'y a pas, comme les y oblige pourtant la loi Besson de juillet 2000, d'aire d'accueil pour les gens du voyage. Légalement, elles ne devraient donc pouvoir s'opposer à leur présence. Ciot assure qu'il y aura une aire au Puy. Sauf que « le terrain proposé fait l'objet d'un examen en interne, précise-t-on à la Communauté du pays d'Aix. Car, quand le terrain est inondable ou pose d'autres problèmes, rien ne sert de soumettre le dossier à l’État. En matière de manœuvre dilatoire, nos élus savent faire... » Pourtant, suite à l'abrogation par le Conseil Constitutionnel, après un siècle d'existence, du carnet de circulation, le gouvernement vient d'annoncer vouloir non seulement reconnaître la culture des gens du voyage mais surtout faire évoluer leur statut. Or, pour Alain Fourest, de Rencontres Tsiganes, « après les Roms, aujourd'hui, ce sont les gens du voyage qui sont dans le collimateur ». Et il y a, selon lui, en Paca, une véritable ambivalence à leur égard : « D'un côté, on promeut leur culture mais, de l'autre, on rejette ceux qui la portent. » Ainsi, d'après la Cour des comptes en octobre dernier, Paca est, pour les gens du voyage, la région la moins accueillante : moins d'un quart des aires d'accueil prévues ont été réalisées, avec, bons derniers, les Bouches-du-Rhône (16 %) et les Alpes-Maritimes (8 %). Mais le Var n’est pas en reste ! (lire page 12) Pourtant, comme le rappelle l'ethnologue aixois Marc Bordigoni (2), même si « le pèlerinage aux SaintesMaries-de-la-Mer ne date que de 1935 », « la présence du « Boumian » dans la crèche » témoigne de l'ancienneté de la présence des gens du voyage en Paca. Ce qui n'est guère étonnant au regard de la situation géographique de la région - au croisement de l'Italie, de l'Espagne et du Maghreb - et des activités qu'ils exercent : « Ils travaillent dans l'agriculture, l'artisanat, le commerce, les marchés. Et, en été, les clients, ils sont en bord de mer... » Néanmoins, pour le chercheur, ce qui caractérise la région, c'est « l'inorganisation de l'accueil ». Si la stigmatisation des « nomades » par Sarkozy, notamment depuis le discours de Grenoble en 2010, n'a rien arrangé, leravi › Avril 2013 n°106› 11 enquête Petite leçon de vocabulaire… Bohémiens. Désigne les premiers Tsiganes venus de Bohême (une région de la République tchèque actuelle), souvent liés aux diseuses de bonne aventure. Boumian. Bohémien en provençal, santon important de la crèche de Noël. Forains. Commerçants nomades mais pas forcément issus de familles tsiganes. Gadjo. L’étranger, celui qui n’est pas tsigane. Gens du voyage. Désigne, au départ, les artistes de rue ou de cirque qui passent l’année sur les routes. Depuis la décennie 70, l’administration utilise l’expression pour remplacer le terme de « nomades » sur le sol français. Gitans ou Kalé. D’origine andalouse ou catalane, ils résident le plus souvent dans le sud. Manouches ou Sinti. Désigne les Tsiganes des régions germanophones qui ont été déportés et exterminés en partie (85 %) par les nazis lors de la Seconde guerre mondiale. Romani (le). Langue indo-européenne à déclinaisons parlée par les Gitans et Tsiganes, dont la forme savante était le sanskrit. Romanichel. Signifie « le peuple Rom » en romani et serait théoriquement le meilleur terme à utiliser, même s’il est devenu péjoratif en français. Roms. Signifie « Homme » en hindi et désigne une population qui a en commun la langue Romani. Ce terme est souvent employé, à tort, pour regrouper des populations diverses qui ne veulent absolument pas être amalgamées. Les Roms, originaires d’Inde, ont migré progressivement à travers l’Asie occidentale puis l’Europe. Les premiers Roms sont arrivés en France autour du XVème siècle. La vague d’immigration récente concernent les Roms de Roumanie et des pays de l’Est sans papiers qui, pour la plupart, sont des sédentaires (seulement 2 % de voyageurs). Tsiganes. Recouvre toute la diversité des gens du voyage, dont certains sont français depuis des siècles : les Gitans, les Sinti ou Manouches et les Roms. la Cour des comptes pointe, elle, autant « la rareté des disponibilités foncières » que la « réticence des collectivités à remplir leurs obligations ». Ce que Fourest traduit ainsi : « Ici, les gens du voyage, personne n'en veut. » En témoigne ce qui se passe aux Saintes-Maries-de-la-Mer (13), une ville qui, tout en bénéficiant du pèlerinage, fait la chasse aux « diseuses de bonne aventure ». Autre facteur explicatif, pour Marc Bordigoni, ayant, un temps, travaillé pour l'AREAT (association régionale études actions tziganes), la façon dont cet organisme a conçu et géré les aires d’accueil : « Ne serait-ce que par leur physionomie - un camp, entouré de clôtures avec, au centre, le bloc sanitaire - ces aires sont devenues de véritables points de crispation ». Dans le collimateur Comme l'est désormais la question des terres agricoles. Un « prétexte, dixit Alain Fourest. Si des gens du voyage se retrouvent sur des terrains, c'est parce qu'on a bien voulu leur vendre. D'ailleurs, légalement, rien ne devrait s'opposer à ce qu'ils bénéficient d'un raccordement au réseau électrique et sanitaire ». Et si, aujourd'hui, nous". De fait, des préjugés, il y en l'heure est aux aires « nouvelle « Une caravane, a des deux côtés. Le dialogue est donc génération » avec emplacements et indispensable. » sanitaires individualisés, pour lui, on peut l’évacuer » Problème : pour dialoguer, il faut être « les problématiques ont évolué. On a Jean-David Ciot au moins deux. Or, symbolique, les affaire de plus en plus à des populations quelques élus en Paca qui s'intéressent sédentarisées. Or, vu le retard en Paca à la question se comptent sur les sur les aires d'accueil comme du côté du logement social, doigts de la main... de Django Reinhardt. Ce qui fait l'alternative entre la caravane et le HLM, si elle est dire au fondateur de Rencontres Tsiganes : « Depuis plus imposée, est un non-choix ». de dix ans, on a été de toutes les discussions pour défendre les droits des gens du voyage. Aujourd'hui, l'échec est si patent Une problématique abordée par l'exposition « A la et la tension telle que même notre crédibilité est mise à gitane », au J1, sur la vie quotidienne des gitans arlésiens mal. Ceux qui ont joué le jeu se sentent floués. Comment et sur laquelle a travaillé Anne Drillau, de l'association s'étonner alors de voir des convois qui, avant, ne comptaient Petit à Petit. « Parce que voyager était de plus en plus pas plus de cinq caravanes, en réunir aujourd'hui plus d'une difficile, une communauté de gitans s'est installée sur Arles dizaine ? Car, d'une certaine manière, la seule chose qui il y a plus de 20 ans, souligne-t-elle. Et, depuis 2004, elle marche, c'est le rapport de force. » vit dans un quartier d'habitat social. Or, parce que cela ne va pas sans mal, il a fallu accompagner cette sédentarisation. 1. www.rencontrestsiganes.asso.fr On sent chez eux beaucoup de nostalgie. Comme me l'a 2. Auteur, entre autres, au Cavalier Bleu, du livre Les gitans. dit un vieux gitan : "Avant, on était plus libre. Non Sébastien Boistel parce qu'on voyageait. Mais parce qu'on restait entre 12 ‹ n°106 Avril 2013 ‹ leravi tous les chemins mÈnent aux roms la grosse enqu Se poser à Saint-Menet L’aire d’accueil des gens du voyage de SaintMenet est l’une des rares à bénéficier d’un centre social permanent, lieu d’échange et de vie où tsiganes et gadjé se côtoient. Reportage. Une semaine en décembre… Deux journalistes partagent une tranche de vie avec une famille rom. Elles témoignent de leur rencontre dans un documentaire. Lever de soleil sur une passerelle d’autoroute dans le 15ème arrondissement de Marseille : juste en dessous, un campement de Roms et une caravane, celle des Gjuliaj, originaires du Kosovo, ayant fui la guerre des Balkans pour se réfugier en Allemagne puis en France… Chassée de partout et bienvenue nulle part, cette famille est contrainte à l’errance. Sahar et Dasuhrije ont trente ans, quasiment le même âge que les deux journalistes de LCM (La chaîne Marseille) qui les ont filmés, une semaine, en décembre. Fanny Fontan et Margaïd Quioc ont installé leur camping-car sur le campement, pour partager quelques moments de vie. Elles ont pris le temps de poser leur caméra afin de montrer la réalité de ceux que l’on ne regarde pas. C’est François Missen, grand reporter marseillais (Prix Albert Londres) qui leur a présenté la famille Gjuliaj - rencontrée par hasard lors d’une panne de voiture - et les a incitées à réaliser leur premier 52 minutes. « C haïma, je t’aime, tu es belle, tu es la plus jolie très très fort. » Quelques mots d’amour, écrits au feutre rose et épinglés à côté d’autres dessins d’enfants, décorent le poste de travail de Chaïma, agent d’accueil et secrétaire du Centre de culture ouvrière (CCO) situé sur l’aire des gens du voyage de Saint-Menet (Marseille 11ème). Paumée entre l’autoroute A50 et la Chocolaterie de Provence, l’aire est loin de tout et de tous, sans panneau d’indication. Créée en 1977, fermée en 2005 pour insalubrité, ré-ouverte depuis 2006, elle est l’une des rares à accueillir sur son site un centre social permanent. « C’est un luxe ! », se réjouit Loucif Mendil responsable du CCO qui voulait travailler avec les gens du voyage. « La différence, je la situerais dans leur mode de vie, dans leur rapport au temps, souligne-t-il. Aujourd’hui, dans notre société, la notion de famille est redistribuée, redessinée. On y est beaucoup plus isolé, alors qu’ici, il y a encore du respect pour la place de l’ancien pris en charge par la communauté. Et puis il y a toute une histoire, toute une langue, une forme de résistance aussi, puisqu’ils veulent préserver leur mode de vie et rester en caravane. » dire que John est un papa un peu particulier. Alors que beaucoup de voyageurs sont illettrés voire analphabètes, il a décidé d’apprendre à lire et à écrire il y a deux ans. Au départ c’était pour déchiffrer les annonces sur le Bon Coin, mais maintenant il est plutôt fier de pouvoir se débrouiller tout seul dans ses démarches, pour aider sa fille aux devoirs, mais aussi pour lire les panneaux sur la route : « Quand on voyage on suit tous une même caravane et si elle se trompe de chemin, et bien on se trompe tous de chemin. Maintenant je peux savoir si on va dans la bonne direction ou pas ! » Une école en moins Amour et méfiance Le quotidien de cette famille pourrait ressembler à celui de n’importe quelle autre si seulement on ne lui refusait pas l’asile depuis 10 ans. Sahar voudrait travailler mais, faute de papiers, il est obligé de se débrouiller comme il peut - vente d’objets aux puces, branchement sauvage sur les poteaux électriques - pour que ses enfants mangent et soient au chaud. Cette bataille journalière lui permet de tenir. Pour sa femme, Dasuhrije, c’est plus compliqué. Enceinte de son cinquième enfant, coincée dans la caravane, elle a le temps de ressasser. A 31 ans, elle porte sur ses épaules la lassitude de trop d’années d’errance : « Je ne veux pas la même vie pour mes enfants […] Parfois, je voudrais mourir. » Leurs quatre enfants, trois filles et un petit garçon, rêvent d’une maison « où chacun aurait sa chambre », insiste Samira, 9 ans. Samantha, 11 ans, voudrait un bureau « pour dessiner mieux ». Ils vont dans la même école depuis deux ans, ils se sont faits des amis, ils dansent, chantent, rient, parlent avec l’accent marseillais. Si leur joie de vivre contraste avec leur dure réalité matérielle, c’est justement dans leurs sourires que réside l’espoir… Une semaine en décembre, sans voyeurisme aucun, montre avec justesse la vie d’une famille ordinaire que la quête absolue d’un avenir meilleur rend extraordinaire. Le CCO propose du soutien scolaire, des sorties Melissa et Jessica, la vingtaine, ne savent pas lire, ce S.R. culturelles, des moments de paroles etc. Chaïma gère qui n’a pas empêché Loucif de leur donner leur chance Une semaine en décembre, reportage de 52 minutes, aussi au quotidien les soucis de CAF, de docteur, en leur proposant de devenir animatrices. Le mercredi réalisé par Fanny Fontan et Margaïd Quioc. Le film, diffusé sur LCM le 31 mars, sera prochainement projeté d’inscription à l’école et de documents en tout genre. et pendant les vacances scolaires, elles s’occupent de en salle. le Ravi fera connaître les dates. Les problèmes administratifs sont huit enfants de l’aire de 3 à 7 ans. Les nombreux : « Pourtant c’est simple, il deux jeunes femmes faut juste leur expliquer les choses. Mais les « C’est toujours sont encore célibataires, administrations ne prennent pas le temps et et même si Melissa a à côté des ça complique tout. » Voilà un an et demi un petit copain, elle ne qu’elle travaille à Saint-Menet et une déchèteries compte pas se marier avant quand il n’y avait pas de Dans l’un des relation de confiance s’est établie. Son qu’on installe les de si tôt. Et tomber places désignées. » départements les plus bureau n’est pas que celui des pleurs, amoureuse d’un gadjo, aires ! » touristiques de France, on passe dire bonjour et discuter un est-ce envisageable ? Dans le Var, les gens du voyage les élus préfèrent y peu… Il est aussi le terrain de jeux des Loucif Mendil « Même si l’occasion ne se bousculent aux portillons des voir fleurir les tentes enfants dont les têtes dépassent à peine s’est jamais présentée, on aires d’accueil tellement elles Quechua des vacanciers le comptoir d’accueil. C’est mercredi, le reste du temps n’est pas raciste et de toute façon l’amour sont peu nombreuses. Le schéma que les caravanes des ils sont scolarisés. Jusqu’à l’an dernier il y avait une est au-dessus de ça », nous assure-t-elle. départemental de 2003 en gens du voyage… école maternelle sur l’aire. Le poste a été supprimé pour Mais finalement les seuls gadjé qu’elles prévoyait 18, mais dans les faits des raisons budgétaires. « Ça a été un coup dur pour les côtoient sont bien souvent ceux qui « La misère est au soleil, moi il n’en existe que cinq. Celle de mamans, déplore Loucif. On nous a dit que ça permettrait travaillent ici. Comme le dit Latino (1), j’vous l’dis ! », lance Bodin, la Six-Fours a pris l’eau peu de temps aux enfants de s’intégrer plus facilement dans les écoles, voyageur d’une soixantaine d’années : trentaine qui attend de savoir après son inauguration. Celle de pourtant c’est toujours à côté des déchèteries qu’on installe « En voyant la caravane, les gens ont s’il peut s’installer avec sa famille Puget est dégradée avant d’être les aires, pas des écoles ! » toujours peur, c’est pour ça qu’on nous sur l’aire des gens du voyage de terminée. Parmi les deux aires met loin de la ville. » Mais la méfiance, la Farlède, à côté de Toulon. Le de grand passage destinées aux John, 33 ans, est venu acheter les tickets de cantine de sa conclut Loucif, n’est pas à sens unique : bureau d’Hélène, l’agent d’accueil, convois de missionnaires, sur les fille Céléna, 9 ans, qui veut devenir institutrice : « Moi « Le gadjo c’est celui qui les a rejetés et ne désemplit pas. L’aire compte 8 préconisées, celle de Fréjus est si j’envoie ma fille à l’école c’est pour qu’elle apprenne à bien pourchassés. Ils le ressentent encore quand 30 emplacements, tous déjà pris. inondable… « Tout gitan qu’on parler le français et pour qu’elle se mélange avec d’autres ils voient le traitement que les politiques est, on tient à notre dignité », Elle dirige Bodin vers celle de enfants. J’ai envie que ma fille ait des amis sédentaires, leur accordent. » note Helig, la soixantaine, en nous Brignoles. « Ah non merci ! C’est des Arabes, des Chinois... Mais là, ils les mettent tous dans une cuvette là-bas, on n’arrive pas montrant les sanitaires collectifs des classes de voyageurs, où ils ne parlent que le Romanès (1) A sa demande, nous avons changé le prénom. avoir la télé et le portable ne passe sans fenêtre de la Farlède. Les et où ils dessinent ! Ma fille elle ne veut pas colorier, elle pas, s’insurge Bodin. C’était mieux aires existantes ont été construites veut apprendre ! C’est pas normal et ça m’énerve ! » Faut Samantha Rouchard Quand le Var leravi › Avril 2013 n°106 › 13 enquête manque d’aires… sans l’avis de ceux qui vont y vivre et qui paient des emplacements. 5 euros par jour à la Farlède, 6 euros à Brignoles, contre 2 euros à Marseille (St Menet) et à 2, 50 euros sur Paris. Avec l’eau et l’électricité, l’emplacement revient facilement à 80 euros par semaine. Une caravane n’étant pas considérée comme une habitation, aucune aide au logement n’est possible. « Avant, les communes de plus de 5000 habitants étaient subventionnées à 70 % par l’Etat pour installer les aires d’accueil, précise Jérôme Burcklen, chargé du pôle habitat de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du voyage). Depuis le 31 décembre 2008, c’est à la charge de la commune, mais la préfecture peut s’y substituer et mettre en place les espaces manquants. Cependant aucun préfet ne le fait et aucune commune n’est inquiétée. » A Sanary-sur Mer, l’aire doit être construite depuis cinq ans, elle est même inscrite au PLU. Mais toujours rien ! L’an dernier, le maire, Ferdinand Bernhard (sans étiquette), grand seigneur, nous assurait : « Je leur ai même proposé de leur payer le camping, mais ils ne veulent pas. Que voulez-vous que j’y fasse ! » Un geste altruiste qui fait sourire l’opposition. « Ça n’a pas été une prise de parole publique en tout cas ! », s’étonne Olivier Thomas, conseiller municipal UMP. En juin dernier, Ferdinand Bernhard n’a pas hésité à couper l’eau à tout un secteur sur lequel s’étaient installés des gens du voyage… Mais vivant lui-même dans le quartier, il a fini par la rétablir ! Pour François Espinas, coordinateur départemental gens du voyage, il y a peu d’espoir de voir le problème se régler : « A une année des échéances municipales on sait de toutes façons qu’aucune aire d’accueil ne verra le jour car les politiques ne veulent pas froisser leurs électeurs. » Si rien n’avance pour les itinérants, c’est encore autre chose pour ceux qui veulent se sédentariser. Les aires d’accueil ne sont pas prévues pour, puisque tous les deux mois les caravanes doivent quitter les lieux. On leur propose des HLM, comme c’est le cas à la Ripelle, au Revest où les familles « Tout gitan qu’on est, on tient à notre dignité » Helig qui vivent sur place depuis 1972 seront relogées dans des maisons individuelles d’ici quatre ans. « Mais lorsqu’ils veulent rester dans leurs caravanes c’est plus compliqué, nous explique Sasha Zanko, rom français et président de l’association Tchatchtipen à Toulon. Car même lorsqu’ils ont les moyens d’acheter un terrain privé les communes font tout pour empêcher qu’il soit viabilisé. » Les occupations illégales sont donc légions. Fin février les soixante familles sédentaires qui occupaient depuis dix ans le terrain de la Chaberte à La Garde, ont été expulsées par TPM qui, ironie du sort, veut y construire une aire d’accueil pour les itinérants. Philippe Chesneau, a tenté avec d’autres élus locaux de défendre les droits de ces derniers en préfecture. « C’est la première fois que je vois ça, s’inquiète le conseiller régional EELV. La directrice de cabinet qui nous a reçus est restée campée sur ses positions, il n’y a plus de dialogue possible » Le député varois UMP, Philippe Vitel en est encore, quant à lui, à balancer sur son blog des clichés d’un autre temps : « Mais comment font-ils pour se payer de si belles voitures et caravanes ? » Façon, l’air de rien, d’entretenir la peur du voleur de poules… Samantha Rouchard 14 ‹ n°106 Avril 2013 ‹ leravi la grosse enquête tous les chemins mÈnent aux roms e g n a h c é l e b e l : e c i š o K – e l Marseil tribune Par l'équipe racisme « L'origine dnuomique. est socio-écos en avoir Nous devont conscience précisémenpoint de départ car là est lelidarité ». de notre so ) (Jean Genetédition du Pour la 6ème Divano (« le festival L atcho nous mettons à bel échange ») ovaquie, dont l’honneur la Sl avec Marseille, Košice partage e de Capitale en 2013, le titr la culture. européenne de s, quand on Ici, les Tsigane , c'est le plus en entend parlerrubrique souvent dans la et sa litanie « faits divers » encore d'expulsions ours politiques dans les discou qui flattent propagandistes tcho Divano du festival La ecteurs. Et à la bassesse des éllleurs, quoi Košice ? Et d'aitre les Roms de de commun ende Slovaquie, France et ceu x arseille et entre ceu x de M? Première ceu x de Košice enne, ils minorité européMarseille et seraient 1500 àns (Roumains dans ses enviro cipalement), et Bulgares prin lement faible un chiffre ridicu t pourtant que l'on brandifon rouge. A comme un chif 35000, ce qui Košice, ils sont de personnes à fait 20 fois plus stigmatiser... en commun Pas grand chose , bien rt en réalité, à pa reté et le entendu, la pauvmissible traitement inad A Marseille, qu'ils subissent. n moyenne les expulsions (eindividu !), 9 par an et par iminels les incendies cr neau x, avec (comme au Créssivité, voir la le silence, la pa d'une partie compréhension e locale), de l'élite politiqu s menaces les insultes et le ébins par (certains Maghrprochent exemple, qui re manger « le au x Tsiganes de is » – on pain des Françan Slovaquie, croit rêver !). Es forcées, les les stérilisation dirige vers enfants que l'onhandicapés les écoles pour illiers de mentau x, les m un point d'eau bidonvilles avec les… pour 200 famil ošice 2013 Sur le papier, K ande gr e accordait un s minorités, importance à se ènes et hongroises, ruthvolées dès roms. Paroles ené débloqué ? que l'argent a ét ncert de Par contre, le co ouverture n'a Jamiroquai en ni son coût et – pas été oublié décentes... Ça ses exigences in elque chose ? vous rappelle qu s organisations Par bonheur, lelturelles politiques et cu développées, tsiganes se sont t été élus au des Tsiganes on jourd'hui, on Parlement et, audiscrimination parle même de radoxalement, positive. Car pa « comme un Košice apparaîtnce, comme centre d'excellelturelle pour une capitale cu ec des projets les Roms » – av mme l’École exemplaires, coarts, le théâtre secondaire des core l'école Romathan ou en ents mixtes ECK, établissemrapprochement qui œuvrent autés. des communau Košice nous Nos ami(e)s de , professeurs, e montrent la voie ctuels, toute un artistes, intelle une mission : élite investie d' ire vivre les sauvegarder et fangue comme traditions – la la isine. Et nous les recettes de cuons jouer ce aussi, nous voul de culture. rôle de passeurs ures tsiganes ? Festival des cult ce qui reste L a culture, c'estus rien, comme quand il n´y a pl populaire, on dit. Culturens du terme, dans tous les se sprit, de nourriture de l´ere sans laquelle l'âme, nourritu ssible de il ne serait pas po survivre. er – persister Insister – résist us donnent – les Tsiganes no uer à exister – envie de contin vie. vivre – aimer la cho Divano Le Festival Ljuatsqu’au 8 se poursuitseille. Infos avril à Mar page 18. 2000 Roms et moi, et moi... Malgré la mobilisation d'une multitude d'acteurs, la situation des Roms ne cesse de se dégrader. Interrogations en marge du premier « Social For'Roms » à Marseille. « Vous savez ce qu’on dit de Manuel Valls ? Que, dans le gouvernement, Sarkozy a oublié un de ses ministres », plaisante un écolo. Comme pour lui donner raison, le premier flic de France y est allé d’une saillie que ses prédécesseurs n’auraient pas reniée : « Les Roms ne souhaitent pas s’intégrer » car ils « ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner. » servir ? A trier, à sélectionner ? » En filigrane, cette interrogation : comment expliquer, malgré la pluralité des acteurs - institutionnels, associatifs... - intervenant auprès d’une population n’excédant pas dans les Bouches-du-Rhône 2000 personnes, que la situation de ces dernières ne cesse de se dégrader ? Certes, comme le rappelle Alain Fourest, de Rencontres tsiganes, « au début, on n'était qu'une poignée. Cela ne fait que trois-quatre ans qu’il y a une multitude d’acteurs ». Ce qui, pour le vice-président (Front de gauche) à la Région, JeanMarc Coppola, a permis à la fois « une médiatisation de la question et donc une mobilisation mais aussi une radicalisation des positions ». Des propos largement commentés lors du « Social For’Roms », mi-mars à Marseille, et qui entrent en Aujourd'hui, explique Bernard Eynaud, de la Ligue des résonance avec la multiplication des démantèlements droits de l'Homme, « il y a plusieurs types d'associations dans les Bouches-du-Rhône. Les représentants de l’État qui interviennent. Des associations caritatives, souvent expliquent pourtant doctement que, d'obédience chrétienne, comme la dans le prolongement de la circulaire du « Sept siècles que Cimade (1). D’autres dont la porte 26 août 2012, le « diagnostic collectif et l’on nous chasse » d'entrée est plus « politique », comme le Mrap (1). Et des associations plus individuel » réalisé en ce moment dans Un Rom. « professionnelles » interviennent les 32 camps recensés dans le « 13 », vise autant à l’« amélioration des conditions sanitaires » qu’à avec un cahier des charges précis, sur la santé comme « l’éradication des bidonvilles ». Et de rappeler que pour Médecins du monde ou sur le logement comme la s’inscrire « dans un parcours d’insertion », « le premier fondation Abbé Pierre ou l'Ampil. A cela s'ajoutent les organisations syndicales et politiques. » critère, c’est de ne pas être un délinquant »… Les associations, après avoir demandé, sans succès, un « moratoire des expulsions », travaillent aujourd’hui avec la Dihal (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement). Et, dans leurs rangs, le malaise est palpable. D’autant que, comme le déplore Kader Attia, de l’Ampil 13 (1), « quand on va sur le terrain, juste après nous, c’est la police qui débarque ». Et Christophe Lenfant, du Secours catholique, de s’interroger sur le travail de diagnostic : « A quoi va-t-il D'où parfois, sur le terrain, « des problèmes de coordination ». Voire de « stratégies ». Pas simplement sur l'opportunité de réquisitionner - ou non - tel ou tel lieu. « Pour certains, cela ne sert à rien de travailler avec l’Etat, décrypte le militant. D'autres considèrent que, même si c'est un jeu de dupes, on ne peut pas jouer la politique de la chaise vide. Et enfin, il y a ceux, minoritaires, qui ont cru au changement. » Reste qu'en ce moment, avoue-t-il, « on est en panne car on ne voit pas de solution. D'autant que, sur le terrain, les problématiques que l'on rencontre dépassent largement nos capacités et nos compétences ». Mais l’Etat, non content d'être schizophrène, a, lui aussi, ses limites. « Quand on voit les terrains qui appartiennent à l'Etat, à la Région, au département ou aux agglos, il y aurait des niches à exploiter, estime Dominique Michel, de l'Addap 13. Mais, à la veille des élections, on sait très bien que les municipalités ne bougeront pas. » Pourtant, rappelle Alain Fourest, « on parle de 2000 personnes ! Qu'est-ce que c'est pour une ville comme Marseille ? Rien ! La question qui se pose, ce n'est pas celle des Roms, c'est celle de notre capacité à accueillir l'autre. » Comme le dira un Rom, ce jourlà, à Marseille : « Cela fait sept siècles que l'on nous chasse ! Combien de temps allons-nous encore devoir courir ? » Et Bernard Eynaud de conclure : « A force d'être chassé, au bout d'un moment, on ne peut plus aller ailleurs, car ailleurs, il n'y en a plus. » Plusieurs Roms ont d’ailleurs porté plainte contre les habitants qui les ont délogés de la cité des Créneaux... 1.Ampil : Action méditerranéenne pour l'insertion par le logement. Addap 13 : Association départementale pour le développement des actions de prévention. Cimade : Comité Inter-mouvements auprès des évacués. Mrap : Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Sébastien Boistel