Untitled - Quakers

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Library of the Geneva Monthly Meeting of the Society of Friends (Quakers)
Bibliothèque du groupe de Genève de la Société des Amis (quakers)
Jeanne Henriette Louis : Antoine Bénézet
Louis, Jeanne Henriette
Antoine Bénézet, constructeur de ponts transatlantiques / Jeanne Henriette
Louis. - 2010. - 3 p.. - Article paru dans « nord’ », revue de critique et de
créations littéraires du Nord / Pas-de-Calais, numéro 56 « Protestantisme et
littérature », décembre 2010
Benezet, Anthony, 1713-1784
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Antoine Bénézet, constructeur de ponts transatlantiques
Jeanne-Henriette Louis
Dans sa biographie d’Antoine Bénézet, Memoirs of the life of Anthony Benezet, Robert Vaux
rappelle que la famille Bénézet est originaire du Languedoc. L’histoire de la famille
commence au XIIème siècle, avec le jeune Bénézet (1165-1184) qui, selon la légende, a
construit le pont d’Avignon, et est connu comme Saint Bénézet (2-3). C’est de cette famille
que descendit Antoine Bénézet, né à Saint-Quentin en 1713, et devenu Anthony Benezet à
Philadelphie dans les années 1730.
Dans son article « Anthony Bénézet, un quaker d’origine vaunageole en Amérique », Bernard
Douzil donne davantage de précisions : « Antoine Bénézet, quaker américain, a pour arrièregrand-père un natif de Congénies [Etienne Bénézet], pays des Couflaïres vaunageols » (176).
Etienne était né à Congénies en 1602. Si le pont d’Avignon, pont Saint Bénézet, a enjambé le
Rhône en ses débuts, on peut se demander si la famille Bénézet n’a pas lancé d’autre ponts,
transatlantiques, ceux-là, entre l’Amérique du Nord et l’Europe.Pour cela, nous devons nous
pencher sur la fondation de la Pennsylvanie par William Penn, et sur ce qui suivit la fin de la
Sainte Expérience de la Pennsylvanie (1756).
Commençons cependant par le passage à Saint-Quentin de la famille Bénézet, famille
huguenote persécutée au XVIIème siècle.
Jean Bénézet, fils d’Etienne, né à Calvisson en 1645, grand-père du futur Anthony, émigra à
Saint-Quentin dans la deuxième moitié du XVIIème siècle. Il épousa Marie Testard en 1682.
Son fils aîné, Jean Etienne, né à Saint Quentin en 1683, parti à Abbeville, revint à SaintQuentin pour épouser Judith de la Méjenelle en 1709 (Douzil 171). A Saint-Quentin, Jean
Etienne Bénézet était marchand de tissus. Son fils aîné, Antoine, né en 1713, fut baptisé
catholique. Son parrain était M. Antoine de Bénezet d’Artillon, subdélégué de l’intendant de
la ville de Dunkerque (Douzil, 172 et 179).
Bernard Douzil nous apprend qu’Antoine, parrain du futur Anthony, et Jean-Baptiste Bénézet,
de Calvisson, ont vécu à Dunkerque, au même domicile, où ils sont morts (Douzil 173).
En 1715, la famille de Jean-Etienne, se sentant en danger, quitte d’urgence Saint-Quentin
pour Rotterdam puis s'établit à Londres, où elle passe 16 ans. Elle émigre en 1731 en
Amérique du Nord, dans la région de Philadelphie. Le jeune Antoine rejoint sans tarder la
Société religieuse des Amis. Sensible au sort des exclus de façon générale, il se consacre à
tous les déshérités, en compagnie de John Woolman, un autre quaker dont il partage le
dévouement. Il est actuellement considéré comme le père fondateur du mouvement antiesclavagiste américain.
Les dates de la présence d’Anthony à Philadelphie (1731- 1784), indiquent qu’il a pleinement
participé à la Sainte Expérience de la Pennsylvanie : en 1731, en pleine période d’expérimentation du projet de William Penn, il enseignait à l’école publique de Philadelphie fondée par
William Penn. En 1755 il prit part à la fondation d’un collège de jeunes filles qu’il dirigea lui-
même. Il se consacra aussi, le soir, à l’éducation des enfants d’esclaves noirs, dans sa propre
maison. C’était l’époque où la Sainte Expérience de la Pennsylvanie se terminait : en 1756 le
gouverneur de la Pennsylvanie déclara la guerre aux Français et aux Indiens, ce qui obligea
les quakers qui étaient au gouvernement, à démissionner (Langford, 3, et Louis et Héron,
1990).
1755, c’était aussi l’époque où les Acadiens, d’origine française, furent chassés du Canada par
la Grande-Bretagne, tragédie qu’ils ont eux-mêmes appelée « le grand dérangement ». A
Philadelphie, il y avait 414 de ces infortunés. L’Assemblée de Pennsylvanie demanda à
Bénézet de jouer un rôle d’intermédiaire avec ces étrangers. Pendant dix ans Bénézet se
dévoua au bien-être de ces victimes de la guerre franco-britannique. Il prit gratuitement
plusieurs jeunes filles dans son collège (Langford, et Louis, 1995).
Très sensible aux souffrances des esclaves noirs, il mena une grande campagne en Amérique
du nord et en Grande-Bretagne en faveur de l’abolition de l’esclavage. Il créa ainsi un pont
transatlantique avec l’Europe. D’autre part, lui et son collaborateur John Woolman, obtinrent
que, pour le moins, les quakers esclavagistes dussent choisir entre leur statut de propriétaire
d’esclave et leur appartenance au mouvement quaker (Marietta et Jackson).
Benezet se consacra également aux Amérindiens. En 1756, il prit part à la fondation d’une
« Association amicale pour la restauration et la Préservation de la paix avec les Indiens par
des moyens pacifiques ». Là encore il s’inscrivait dans la droite ligne des principes et des
actions de William Penn.
1784 (mort de Bénézet) : Les États-Unis venaient de naître, en 1783. La nouvelle nation était
née d’une guerre (la guerre d’indépendance), mais l’héritage pacifique de William Penn ne
disparut pas, malgré les apparences. Quelques apôtres le sauvegardèrent. Anthony Benezet est
de ceux-là. Bénézet a donc enjambé la période coloniale vers la nation naissante, mais en
s’inscrivant dans le courant pacifique de cette nation, le moins connu, devenu invisible pour
beaucoup. D’autres témoins de la Pennsylvanie des origines prirent le relais : Joseph et
Edward Fox, quakers britanniques, William et Benjamin Rotch, quakers de Nantucket, qui
passèrent quelques années à Dunkerque au moment de la révolution française, Jean de
Marsillac, de Congénies, à la même époque (van Etten, 2009). On peut donc suivre le fil
d’Ariane qui a prolongé la Sainte Expérience de la Pennsylvanie, et qui relie Philadelphie à
Congénies, berceau du mouvement quaker français. Antoine Bénézet est un élément-clé de ce
fil.
-----------------Liste des auteurs cités :
Bernard Douzil, « Anthony Bénézet, un quaker d’origine vaunageole en Amérique », La
Vaunage au XVIIIème siècle, tome 2, sous la direction de Jean-Marc Roger, de l’Académie de
Nîmes, 169-176.
Maurice Jackson, Let this voice be heard. Anthony Benezet, Father of Atlantic Abolitionism,
University of Pennsylvania Press, 2009.
Michael Langford, « La Vaunage et la Pennsylvanie. Mémoire sur les origines et la vie
d’Antoine Bénézet, 1713-1784». Lettre des Amis 69, juin 2001, pp. 3-5.
Jack Marietta, The reformation of American Quakerism, 1748-1783, University of
Pennsylvania Press, Philadelphia, Pennsylvania.
Henry van Etten, Chronique de la vie quaker française, Editions Ampelos, 4ème édition, 2009.
Jeanne-Henriette Louis et Jean-Olivier Héron, William Penn et les quakers. Ils inventèrent le
Nouveau Monde, Découvertes/Gallimard n°90, 1990.
Jeanne-Henriette Louis, « 1755, l’année de tous les dangers pour les neutres francophones et
anglophones d’Amérique du Nord », Etudes canadiennes n°37, (1995) : 9-11.
Jeanne-Henriette Louis, « Les Couflaïres de la Vaunage et les quakers anglophones. Une
rencontre providentielle à la fin du XVIIIème siècle » in La Vaunage au XVIIIème siècle, II.
Association Maurice Aliger, éd. 2005, 145-168.
Robert Vaux, Memoirs of the life of Anthony Benezet, Philadelphie, 1816, rééd. Londres,
1859.
P.S. 1) Antoine Bénézet fut honoré par Saint-Quentin, qui donna son nom à une rue, ou
encore le célébra à l’occasion de la venue du professeur William Comfort, en avril 1934
(Douzil 170).
P.S. 2) Le cinéaste Michel Grosman prépare un documentaire sur Antoine Bénézet en vue de
célébrer le trois centième anniversaire de sa naissance, en 2013.
Paru dans « nord’ », revue de critique et de créations littéraires du Nord / Pas-de-Calais,
numéro 56 « Protestantisme et littérature », décembre 2010.

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