LE CHE~!,~:~~~.,~~OLIERS f
Transcription
LE CHE~!,~:~~~.,~~OLIERS f
·~-----------------A-V~R~0-----------------1 17 Sepfembre 1927 J PRIX DE CE NUMERO : (avec lc: supplimcnr-thiitrc ) " La Petite Illustration " CHE~!,~:~~~.,~~OLIERS LE f FRANCE de M. ANDRE BIRABEAU ---------------~~---------------1 I!T ETRANGER Le prix de France majort des frais de port. HEBDOMADAJRE Droih de reproduclion reserves pour tous pays. JlBONNEMENTS FRANCE ET CoLONIES FRAN<;AISEs: Un An. . . . 1So fr. ~e.g/emenl - 6 mois. . . . 77 fr. par mandab, ch.iqr,es postaux (compte 2.101, Paris) ou cheques 3 mois . . . . 39 fr. - a l'ordre de L'Jllustration sur une banque de Paris. ETRANGER: 'Prix etablis dans Ia monnaie nationale ou usuelle de chaqut pa_ys el bases sur les frais d'ajfrancbiuement oariant suivant les pays deslinataires. Voir a la page 2 de cette couverture les tarifs et modes de reglement. Les abonnements partent du 1 •t de chaque mois. les dcmandu de renouve.llc:ment doivent ltre. accompagnic:s d'une band~. Lu de.mandc.s de chlmge.ment d'adre.ssc. doivc:nt i:tre. accompagnies d'une. band~ et de Ja somme de. UN franc e.n tlmbre.s·posre. TELEPHONE : TRUDAINE ... 6-:~.7 : ... 6-28 ; +6·29 1J, .l{ue Saint-Georges, PA1{1S (9} FRAN<;AISES 4 Francs UNJVERSEL jOURNAL CoLONIES L'l LL UST RATION Un appareillage a Saint-Malo pour le depart. Un trois-mAts sur le bane et ses doris en train de pl!cher. LA VIE DES TERRE-NEUVAS 17 SBPTEMBRE 1927 L' I L LU STR ATIO N NO 4411 - 259 La foret de mats de Ia flotte de grande peche. dans le bassin de Saint·Ma·o, Lcs grand:{ raids d'alJions au-dessu.s de l'Allantique fJnt rc1nis d'actualit€ le nom de Tcrre-Seuve. Entre le XouVeau. 1Vonde c-t la vieille Europe, que l'audace des ailes s'efforce de riunir, Terre-Neuve est la seule ~;;scale pos.sible, d 4.000 kilomCtrei.i des cOtes d'Irlande. Peut-iJlre, dans quelques awtCes, y ven·a-t-on des terrains d'attenissage el de conjortablus hOtels pour le-8 voyageurs al:riens. Jusqu'ici, la grande ile a peif!£ peupl€e clle 1w cutnpte pas trois habilaut.; au. kilometre carre et sa capilale, Sai'nt-Jean, n'en a que 8(}.000 - n·etait guCre citee que com.me centre de peche. Et encore, la nLde vie des Tcrre-:Veu.vas, c 'est-d-dire dL& marins qui t•ienn.ent souvenl de bien loin - d'A ltl}leterre, d u Dwl(:mark, d·u. Portugal et de rran ce, pour ne rien dire de~ Etalll-Unis et du Canada - pt:chcr li1tT ce.s cOle.o; loi11laines, est-elle insuf]i.sammen..t cmwuc .You." lwons rcru, d smt sujet, une ample documentation, pal' l'image d le texte, de deux sourceli diflt!rentes : d'une part, de 1\1. Raynwnd Guiit, adntinU3lrnleur de l'inscription maritime, el, cl'aulre part. de la Sociite des CEuvres de m.er, dont on 'U(.;Tra plux loin quelle tache active et bienjaisante elle accompli£. Com.me les renseiyucmenls contenus dans ces deux articles se c01npletaient, en se rCp€ta1tl parjoi.'i, ce qui Ctait inevitable, sur quelques points, nous avons CTll devoir les rCunir en un seul texte qui donn£Jra ci nos lecteurs une idee assez pr6ci~Se et dCtaillee de la grandt· peche. a La France a jouC jadis, Terre-Xcuve et dans ses parnges, un rOle considCrable. Ce sont des marins basqucs du cnp Breton qui, en 1350, un siCcle ct demi avant Christophe Colomb, sous ln. conduitc de J ean de Echalde, parvinrent les premiers, en pourcha;;:sant Ia baleine, jusqu'U. Ia petite ile 8. laquclle ils UonnCrent le nom de leur payiS d"origine, qu'elle porte encore. Ils furent :-;uivis par des madns bretons t't. normand:-:; qui. cinquunte an~ plus tard, reconnaissaiPnL Ia cOte meme de Terrc-Xcuve et !'embouchure du Saint-La.urenl. Au seiz iCme si(.cle, nos Ctabli~~cmcnts de pCdtc Ctaient florisstmts. Mais lc traite d'Utrechl, en 1713, nous fais.'l.!t pC'rdre Ia. baie d'Hudson ct I'Acrulic, TencXcuvc et lcs ilcs adjaccntcs ; en 1763. le traite de Paris nous en levait, U.\'ec le Canada, Ia colonic du cap Breton, et nous nc conservions plus que les d ux ilots de Saint-Pierre ct l\1iquelon, aux 4.000 habitant~. C't un droit de pechc dnns le french shore, encore amoindri par Ia com·ention franco-angl:1ise de 190-1. en Cchnnge de modifications de frontieres en AfriquC' occidentale. Depuis 1904, d'ailleurs, le Parlement de Terre-Neu\'e a pris des m(.SUI'C'S draconicnnes rontre lcs tyechcurs fran<:nis, leur intcrdi8ant de vcnir dans lcs pcrts de l'iJc s'approvisjonncr de boiilles, de sorte que Ia peche fran~aise aumit compJetemcnt disparu si l'on 1 P 8\'ait dCcou\·ert un auh·e app3.t pour Ja morue, le coquillagc appeh\ bu/ot. C'est a leur situation ~Cop;raphiquc que les caux de Terre-X em·c doivent leur rich esse cxceptionnelle Nl poi&ons dC' toutes sorte~. Par le Saint-Laurent :;c dC\'e~cnt dans l'ocCan Jes ~mods lacs, et l 'on imag-ine sans pcine tout ce que peuL charrier !'immense ftcun:• en vases. en boues, en dCbris veg:etaux, en cadavre,.;: d'animaux. Sur Ia cOte orientale de Terre-Neuve, le courant polaire entraine les glaces du Labrador, aussi chargCes que le Saint-Laurent en matieres de toutes sortes. Ces deux courants froids, dont Ia temperature est de 6 a s·, se beurtcot. au ' nrl rle l'ile, II a 18 ou 20". De leur choc resulte un Cnormc tourbillon, un p;ign.ntc~que remous au scin duquel de nombreux phenomenes se produisent.. Tout d"ahord, les eaux chaudes du Gulf-Stream out vite fait de fondre les ·g)aces dCrivantes qui se dCsup;rCgent et liberent les matieres Ctrangfres qu'pJ\es chau<.l, celui du Gulf-Stream, LA GRANDE PECHE SUR LES BANCS DE TERRE-NEUVE liD conrnnt Vieil!e coutume : le capitaine du Fleur·de·Frallce do.nne Ia premiere morue p&hee a baiser au mousse. cant icnnf'nl. Les llll(>s Aottent ou restent enlrc deux eaux, les aulrC'S coulent et se dCposent, formant, avec le lent tra\'ail des siCcles, les ,·astes p lateaux 8ousmarins qui sont les banes de Terre-Neuve. 1\1ais le melange brusque de cuux froides et des eaux chaudes dC~aJ!:e au:.-... i d<'s condC'n~at ions intense:-;. origine de brumes persistantes. Seul un vent tres violent parvient a les dissiper, soulevant du mCme coup une grosse mer: de sortc que les malhcun•ux pCcheurs sc dCbatteot, au miheu du froid, entre Ia brume opaque et Ia ter~piite! AJOUtez h, cela le danger constant des glaces. II y a IPs drifts, p:l::u:ons fiottants de faible Cpai:- eur anaclH~:-:; p~n Ia tf'mpCte aux franttf'::i de Ia banqube et entrain{•:-; d:ln~ if' Sud par IE' t·ournnt polairr. Ceux-13. ne sonl pa:-; u-P~ dnn~C'reux, au moin..- pour le~ c·oques solides 1• mai"' il n'Pn f'~t pas de mPnw Je~ iC.ebl'T(J.~, pron•nanl pour l:t plupar1 du J(laf'ier grof'nlandais et de Ja faUlCU:-l:f' baif' dP MPkille. Ccux-c·i 001 ..::ou\·ent dP~ dimension:-; consid€rab l f'~ ; !em· hauteur :w-df'R8US de !'Pall attPinr frequemmC'nt 20 f"t 30 metres, CC' qui reprPsente unP profondeur sou:=: l'cau de 100 meti'('S et plu:-;. De jour. <'I par temps clair, on pcut nssez ft\Ci lPm Pnt Jes (>\·itrr. mnis de nuit ou par brouillunl, il n'r-n est pus de m€mP. Comme )('1'1 dllf',!o:, In mer n !'><l police, et les navire qui rC'n<·onh1'nl de~ 1{larP~ indiquPnt nu~itOI pa1· T. S. F. lf'ur po~it io11 aux po~te$ C'Oiiers. qui r~p€-tent it heure:-; fixes Je rCII:"Pi~nement aux navires C'n lllC'I'. MaltTe ces prCcautions, il .v u rncorc des aceident.~. Ce fut lc cas du Titanic, il y :1 quelquc:::. annees, et Ia catastrophe c-ut un retenti..:::;;cmeni mondial ; quand il s'agit l'OH"IlllC J'nn dcrniC'r. d\m simple navir·c de pechc, les \'em·c~ et lcs orphclims soot a. peu prCs lcs seuls a en a \'Oir connaissance el it en conserver \e douloureux souvenir. Les banr~ soot situCs au Sud ct au Sud-Est de l'ilc. L c p lu~ important, le Grand Bane, affccte Ja forme d"tm trian~ l e Cquilat€ral de 500 kilometres de cOte, ayanl son sommet. tournC vers J'AmCriqnC et sa base \"Crs I"Eur·ope. Sa surface. pour prendre un terme de comparai:::iOO. Cquivaut a pcu pres a celle de l'lrlande. Ce plateau. dont Ies borcl!3 sont abrupts, afHeurc a une profondeur variant entre 40 et 100 mCtrcs, mais il r cpo~e dircctemenl sur lc fond de !'Atlantique. Si Ia mer se retirait. on \·errait une immense plate-forme a ux flancs CscarpCs, une sorte de table haute de plus de 5.000 metres, plus hnute, par consequent, que les .r..ooK~ 0 0 L.es banes de Tcrre·Ncuvc. L'JLL SUR LES BANGS DE TERRE-NEUVE, PAR GROS TEMPS. - Des son arrivee , le capita ine d'une g' Photographie communiq .:sommets d'Europe les plus eieves et dominCe par une pointe : les iles Vj1gin. II y t'l encore le Bonnet flamand, isolC 8. l'Est, le Hone a Vert, le Bane de Saint-Pierre, le Banquereau et le Bane de l'ile de Sable. Ce sont du moin."i les plus connus. C'est $Ur ces banes, que les courants transferment en colo:sml garde-nmnger. que se tiew1ent les poissons. En mars, a \·ril et mai, c'est le hurcng dont les interminables cohortes rPmontent. vers le ~ord ; puis dent Ia saison de l'encornet, plus connu sur nos cOtes sous le nom de seiche, puis cclle du rapelan. Derriere tous ces petits poissons courP..nt Jes ~ros qui les mangent., et, parmi NIX, Ia morue dont In voracit€ est l€gendaire. Derriere Ia n10rur court le pCcheur. 11 y a deux cents nns, on compta.it dans Ia r€gion de Terrc- Neuve uu mi ll ier de bateaux et 20.000 marins fran~·ais. II y a vingt ans, nous avions exactement 426 voiliers montCs par 10.000 pecheurs environ et, en 1914, 8. Ia veiJle de Ia guerre, ces chiffres etaient encore tombCs 8. 250 bateaux, avec 7.000 marins. On utilisait autrefois des gOOietles de 40 A. 80 tonneaux et des trois-mats de 300 a 400 tonnes, chaque equipagP comprcnant de 20 it. 30 homm~. Les trois-mAts pa1·taient de France du 1er au 15 mar ; les goelettes, clles, bivernaient dans le petit port de SaintPierre oU elles prenaient armcment au commencement d'avril, avec de5 marins vcnant de France sur des navires U. vapeur spCcialement atTrCtCs pour ce but et emportant rhacun de 1.200 R. 1.500 passagers. GCnCralement, Jes troismilts allaient a Saint-Pierre, dans Je courant de juin, livrer leur prPmiere peche ; ils rapporta ient Ia. seconde di rectement dnns lee diffElrents ports de France, Pn octobre ou oovembre. Quant nux goe lettes, ellee avaient vite fait de remplir leurs Cales de dimen~ions reduites, et les allees et 1 \·enues incessantes auxquelles elles Ctaient condamoCes po livrer leur poisson repn!sentaieot pour les armateurs ur perte de temps tres prejudiciable A leurs interets. 1 goelette a aujourd'hui presquE" complCiemcnt disparu, sa disparition a entrainC celle des ateliers d'armement et c reparation de Saint-Pierre : les n€:cc;-;;;ites econorniques c l'industrie de Ia p€:che ant eu lA une rCpercussion fAcheu pour notre colonie. Eo fait de voiliers, nous n'avops pl1 f'tUr les banes que de grands trois-mll.ts. qui sCjournent 1 permanence sur les lieux de peche pendant toute Ia sais< et rentrent directement en France quand leur cale e pleine. I I faul une peche exceptionnellement abondante c un accident imprevu pour qu'ils reliichent 8. Saint-Pier au cours de Ia campagne. La regression numerique de notre fiotte de peche et de n1 equipages de pecbeurs D 'est pAS necessaircment Ia marql 51: RATION tte - a demi masquee par une forte lame - ]7 i:iEPTE>ffiRE 1927 - 261 va, en doris, prendre contact avec le capitaine d' un voilier voisin. ar Ia Socitte des CEulires de m ?T . que cette industrie p€riclite, car il faut tenir compte du progres et de I'amelioration des procedes et du materiel qui pennet, pour un resul tat equivalent, l'€conomie du travail humain. Quant a !'importance de notre peche, malgr€ des €carts in€vitablcs, elle se maintient g€n€ralement aux environs de 45 millions de kilos de poisson, representant plus de 100 millions de fra ncs. Mais il n'y a pas de risques, en d€pit de ces h€catombes annuelles, que Ia morue diminue, car e ll e est d'une f€condite prodigieuse: une seule femell e peut pondre pres de 10 millions d'ceufsl Lcs principaux ports francais de grande p€:cbe soot SaintMalo, F€camp, GranvilJe et Cancale. Le premier de ces ports anne taus les ans pres de 100 navires, le second une vingtaine, et lea autres environ 10 chacun. Plus de 4.000 marins formen t les equipages de cette flotte. Tels sont lcs effectifs nctnels. En ete, Ie bassin de Snint·Malo est presque vide et les tou ristes n 'y peuvent guere contemp ler que queJques canonnieres et quelques petit:s caboteurs. En hiver, le spectacle est tout autre. Les voiliers so nt amarres tout le long des quais par mugs de trois, quatre ou cinq et l'on aperQoit comme une veritable foret de mAts. Au debut de l'annee, le::; caplta.ines parcourent Ia region, vont de village en village et conclucn t les engagements . Cela se passe generaJement autour de Ia table d'un cafe et le capitaine verse au marin une ccrtaine :somme, appelee denier 8. Dieu, con tre Ia promesse de faire Ia campagne A son bard. L es meilleurs marins sont toujours tres disputes par les capitaines. Quelques jours plus tard , les departs commencent. On \'Oit peU ft. peU les navireS quitter le ba.ssin pour mouiller en rade. que les vents favorables sont venus, ils mettent A Ia voi le, his..,-ent le pavillon pour snluer terre Des une dernihe fois et, du haut des remparts, parents et amis peu\·ent voir les voiliers robustes et elegants diroinuer, s'estomper a !'horizon et di.sparaitre insensiblement. Alors, A bord, c'est la vie d 'exile pour de longs mois. E lle est generalemeut inauguree par Ia priCre. Le capitaine reunit les hommes sur l'arriCre et recite UD Pa ter et un Ave .Afaria que taus Ies hommes ecoutent tete nue ; il ajoute genera1ement un vceu : le retour de taus et bonne pCche. Si les vents soo t bans, Ia traversee peut Ctre effectuee en deux semaines et mCme mains. En genera l, il faut en compter trois. Cette annee, ell e a ete tres dure ; les Terre-Neuviers furent assa illis en Atlantique par de violents coups de mer ct Ia plupart mirent 35 8.. 50 jours pour traverser l'ocean. L'un meme mit 70 jours. Deux navires ~e perdirent apres le depart de Saint-Malo. J..., c~ condi t ion:"= d'existence sont p€:nibles. A part le capi· 262 - L'ILLUSTRATION NO 4411 La preparation complete des morues. a bord 17 d'un chalutier, apres Ia pCche. De droite a gauche. Jes morues sont succe.~ivement eventr6es, tranchees, lavees, apres quoi elles seront .;alees; le tr~~.vail, 6claire par les lampes e!ectriques, se poursuit meme pendant Ia nuiL Iaine, qui n une chambrP, le re5te tie I'Cquipage est lo!!f. dun!=-~ d.-.s sorle~ dC" couchcttes, Uite.s cabaner-, QUi SOUl U. ~('Z primitin·~ pour )e con(orl et meme pOUT Ia propretC. La nourriturc e::t peu \·ariCe : conserycs et pommC's d(' t.erre, CC"IIes-ci tres efficacpg contre le sc01·but; le pain est rcmplace par du biscuit qui nCce~ite des ruiichoires et une denture solides. Enfin In lrn,·ersee s'achCve. Les nnvircs, pour Ia plupart, se dirigent imml>di!lternent sur les banes. Les capitnines chercheut. le mouillap:e qu'il:-1 ont repere lors de leurs precedentes cnmpa~nes ou qu'ils ont choisi apres lecture des cartes 1 puis vont. 1 g:enCralement 1 loro-qu1ils ne soot pas les premiers atTi\·6s, rendre visite aux capitaines des voiliers proches {'f rntr('r en contact avec eux. Au itOt, s:i l'heure et le tPmps le permettent, plusieurs dori8 soot mis k Ia mer, emportant des chaudrettes garnic~ de ,·iand~:> de cheval plus ou mains avancee et quelques paniers. On commence alors a bulotter, c'cst-U.-dirc a pechcr le bulol, sorte de gros coquillage as~cz semblab lr- au bcrnard-l'cnuite, mais plus grand, qui sen·ira d'uppllt pour attircr Ia monic. Une fois en possession d 1 un certain nombre de panicrs pleins. on amOr('{" les !ignes. On ecrase d'abord le:;; coquillagc:: a coups de pellc, puis on extrait le mollusque et on Jlaccrorhe aux ham e~ons . Ce travail nCcessite beauroup de patience ct d'alt('ntion, car If's Jignes E'Oilt IODJ!;UCS de 1.500 lt 2.000 metres cbOCUD(', rt il import(' de ne pn~ 1<':- brouiller. Les hame~on~ soot dispose~ de deux metre~ en deux metres, soit en moyenne plus de 800 par ligne. Une foil'i pon\ on part pCcher. Dans les mers d'Islande, on pCchc du bard, it. Ia liJZne, le navil'c derivant. II n'en est pus de mCme ~ur les baD<'S. Lf' \"oilier eAt mouiiiC. il ~rt d<' lieu d'habitation et d'aff'lier de tra,·nil. On pC<•he don." des doris. lis sont <'ommode-s purc·e que, R'Pmboitant les uns dan~ les I autres, ils tiennent pf'u de place su r le pont ; ils soot a isement manoom-res. mais chu,·ircnt aussi farilcment. Chaque n.:wire en possCde une vingtaine. Vers cinq heures du ~oir. les doris , montes par deux homrnes, le patron et l'a,·ant. s'Cioignent du navire it Ia voile ou a J'aviron. Arrives iL une distance de 2 a 4 milles (le mille marin vaut 1.853 metres), J'u n rame doucement et l'autrc tend les ligncs. A chaquc bout son! placCes dNtx bouees qui servent de repere, empechr-nt de les confondrc et avertissent les nuli·E-s na,·ires qui pourraient l c~ couper. Le travail fini, les doris rentrcnt a bard, gCnCralement vrrs neuf hcures du soir. Le lend ernain, vers trois J1 eu res, on rcpart rhercher Ia morue qui s'est laisSE! prendre dans Ia nuit. Les pCf· hem-:s rev1ennent vcrs 11Uit ou neuf heures, Ia ICgere embarcation pleinr smwent au ra~ de l'eau 1 ils accostcnt et 1 it l'aide d'un instrument en bois muni d'un crorhct Pn mPt.:1l nnmme p1"qu.m's~ ils lancent les morues un e a une Rur le pont et lcs comptent. Lc ca.pitainc prcnd note et. porte la quantitC ramenCe sur le carn('t pnrticulier de l'hornme. La premiere morue pfchec donne lieu a une petite ceremonie traditionnrlle: lc rapitaine Ia donne a baiser au plus jeune des mousses pour portPr bonheur a Ia pecbe. Les poissons jet€s 8Ur Ie pont sont immCdiatement lmvaillC . Au milieu du mwire e:e trouve un pare. Sur les cOtCs soot fi.xCes des pointes. On y accroche !'anima l par Ia tC.tc, d'un coup de couteau le ventre est ouvert. ct les entrai lles lanc€e:s iL Ia mer, ce qui fait Ia joie de l'essaim cl<" mouettes qui entourent le na,·ire. Cettr operation premiere s 1appe lle l'ibragage. Le poisson f>Rt ensuitP jpt(' dans le p~uc oU un marin, g€nCralPtnPnt un novice, lui tranch e Ia tete et le dCpose sun.l'a table du tranchcur placPe tout a cOte. AprCs le dPcollaye a lieu le tranchage; c'est presque toujours le travail du capitaine ou du !:'econd ou d\m hommc de confiance. En trois coups de couteau Ia mome l"~t fendue, ap lnliP, ~. - •• t~ La Rotille des doris portug::lis sur un bane de l"us:~e:,. 1927 I'epine dorsale enlev€e 1 et jctCe dans un baquet d 1eau oU a I ieu I'Cnoctaye. C tte derniCre tf1che est confiee aux mou e:::~ qui barbotent dans J'eau, enlevent Jes morceaux sanguinol ents et. la\·ent Ia bCte . .EIIe est ensuite lancCe dans In calc par un panneau. La se tieot un bomme tres important a bord 1 le saleur. C'est de lui, SOU\'CUt, que dCpend lc resultat de Ia campagne, car les consequences de scs soins peuvent Ctre Ia bonne consen'lltion ou Ia pcrtc totale de Ia pCche. Aussi est-il considCn~ presque comme un officicr et sc trouve-t-il avantag:C dans le partage des benefices. A\·ec uue petite peUe en bois, il saupoudrc de sel le:s poissons et les arrirnc f'n commen~nnt par l'arriihe de Ia cale et en les empilant les uns sur lcs autres par rangs. En 1907. un noun•l engin de pCche a fait son appariti on sur les btmcs c'est. le chalut, immense poche en filet d 'environ trrnte metres de large ct. sept ou huit mCtres de haut, cue le chaluticr rcmOI'QUe sur le fond, ramassant sanR" c!tstinction tout. le pois.o:on qui ~c trouve sur son purcou l'-5. Pendant deux heur<'s, quatre heures, quclquefo:s plus. lr chnlutier trace son sillon : quand lc filet commence t\ se remplir, quand Ia tension de Ia remorque augmcnte, le chalut gonflC de poisson est, au moyen d 1un puissant treui l 8. vapeur, relevC, arnenC SUI' lc pont du navire 1 puis vidC dans les pares, oU le pois.-~on est pris et travaiiiC, tandis que le chalut est remis U. Ia mer. C'c~l Ia p€che industrielle. Est-ce a dire que c'est Ia pe(·he Cconomiquc 1 C'est une autre question. Les chalutiers fmn~ais les plus modernes attcignent 2.000 tonnes de dCplacement et ont 6i' hornmes d'Cquipa~e. D'autrc part, on Ctudie actuellf'ment le J?mnd ,·oili<'r n' ec doris i\ moteur, et cela pourrait redonner flU \'i~ueur a l 1armetn('Dt a Ia \'Oile. La ~ucrrc a eu, on le sail, de profondcs rCpercu~sions sur nol re flotte commercia lc : 330 on vi res de pCche franc:;:aif;, nrm Cs commercialement, ont Cte pcrdus de 1914 ~\ 1918. Cependant, meme nux heures les plu~ dan,~Z:er(' u ~es, il n'y C'\lt jamais rnoins de 50 voi liel'8 a Terff'-~f'lt\'C, tra,·aillnnt ~usIa protertion de palroui l- 1 . ---------------------------------------------: Contrnire-me-nt A SEPTEMllRE Terre-Neuv~. des marins francais. qui pkhent dewc par deux dans les dons, disper~- ~m \1'!1 II"S PnnuP,al~ sont ~11\!': d:~ni"' chaqu,. f'mbarcaticm f't """ r~uniMent pour Ia p6che- banes. Pesage et dechargement des morues salees au retour. leurs. Quant aux chalutiers a Vtl.peur, ils Haicnt tous rCquisitionnes par Ia marine nationale. La situation Ctait tellel au lendernain de In gucrrc, que 59 voi liers seulement purent faire Ia campagne de 1919. Sans se laisser dCcouragl"r, nos armateul's se rcmirent au travail avec Cncrgie et confiance, et, dCs 1922, 139 na,•n·ps, dont 23 cha lu tiers, reparaissaient sur les banes . L'isolemcnt. materiel et mora l dans lequel vivent les pCcheurs, cet exil de plusieurs mois en pleine mer a u mi lieu de dangers perpCtuels, le froid, Ia maladie1 les pri,·ations, les accidents de toute.s sortes rendent leur profession particulie rcment durc. On s'est efforce d 1y apport cr quelque sou l n~tcment. La marine de guerre entreticnt un stationnairc su r les banes: c'est Ia Villed" l 's. Cet aviso n'arri\'e qu'assez tard et n'a.ssiste que quelques na,·ires. II n'cst du reste pas arnCnage pour recevoir des malade~ et de:s ble~sCs. L 1aide priv€e est plus efficace. En 1894 s'est fondCe Ia c Societe des illuvrcs de mer ,. qui sub,·entionne deux rnaisons de marins, l'unc en I s:lande, l'autre A. Snint-Pierre, et qui a rm e chuque annee au printernps un na\'ire-hOpital possedant un aurnOnier et un mCdecin. Ce navire, Ia Sainte-Jeanne-d'Arc, rend des !:'Crvice" inappr€:ciables. II stationne sur lcs licux de pCche 1 va d'un \'Oilier U. Jlautre, s'enquiert de l<•ur:s bcsoins, fait les reparations dr matCriel, apporle ct prend lcs courriers. rec;oit et transmet lcs tCle~ramnw8, soi~ne ou hospitalise les blesses ct les malades. Ccux qui soot l€gCrement atteints soot soi1.mes a bord 1 IC's nutrcs soot dCposCs a SaintPierre. Les officiers s'o<·cupent 0. Ctablir les cartes des fonds de peche qui, d'annCe en annCe, deviennent plus completes et soot vivement appr€ciCes par les capitaines. La Societe des CEuvres de mer, si bienfnisant.e et si profondCment humaine, est nCe et ne subsiste que gr5.ce aux dons et legs. Une annCe, on put craindre que ses ressources ne permettraient pas l'envoi du navire-h6pita1 sur les banes : les Terre-Neuviers auraient ete un peu plus aba ndonnes et auraient connu 11ne misere de plus. L • ILL US T RAT I 0 N Un navire de Ia Societe des CEuvres de m~r devant un iceberg. La descente de Ia banquise au moment de Ia fonte; Un etrange iceberg. LA RUDE VIE PE NOS P~CHEURS SUR LES BANCS DE TERR£-NEUVE