La réforme de l`enquête publique
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La réforme de l`enquête publique
DÉCRYPTAGE GRENELLE Gouvernance FICHE N°2 mise à jour Mars 2012 Ces fiches Décryptage apportent des éclairages techniques et juridiques sur les mesures du Grenelle 2. Destinées à en faciliter le déploiement par les collectivités locales, elles sont organisées en 5 domaines : ● Énergie et climat ● Transport ● Ba iments et urbanisme ● Biodiversité ● Gouvernance La réforme de l’enquête publique (Articles 236 à 242) L’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement. Les observations et propositions recueillies au cours de l’enquête et les conclusions du commissaire enquêteur sont prises en considération par le maître d’ouvrage et l’autorité compétente pour prendre la décision. La loi portant Engagement National pour l’Environnement (ENE dite loi Grenelle 2) simplifie et réforme les enquêtes publiques ; au-delà, elle procède à une réforme de l’ensemble des procédures d’information et de participation du public aux décisions « susceptibles d’affecter l’environnement » (cf. aussi fiches « information et concertation » et « rapport et débat en matière de développement durable »). Ce que dit le texte… La loi Grenelle 2 (en son chapitre III) rationalise les enquêtes publiques et redéfinit leur champ d’application dans l’objectif de limiter les risques de recours contentieux. Certu 2010 / 106 Le décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l’enquête publique relative aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement précise la procédure ainsi que le déroulement de l’enquête publique prévue par le Code de l’environnement. À ce titre, il encadre la durée de l’enquête, facilite le regroupement d’enquêtes en une enquête unique en cas de pluralité de maîtres d’ouvrage ou de réglementations distinctes. Il précise la composition du dossier d’enquête ainsi que les conditions d’organisation, les modalités de publicité d’enquête et les moyens dont dispose le public pour formuler ses observations en permettant, le cas échéant, le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. De plus, il facilite le règlement des situations nées de l’insuffisance ou du défaut de motivation des conclusions du commissaire enquêteur, améliore la prise en considération des observations du public et des recommandations du commissaire-enquêteur par de nou- velles procédures de suspension d’enquête ou d’enquête complémentaire. Il définit enfin les conditions d’indemnisation des commissairesenquêteurs et introduit un recours administratif préalable obligatoire à la contestation d’une ordonnance d’indemnisation d’un commissaire enquêteur. Une rationalisation des enquêtes publiques Dans un recensement réalisé par le ministère en charge de l’écologie et du développement durable, 180 catégories d’enquêtes ont été identifiées. Elles étaient présentes dans un grand nombre de codes. La loi ENE regroupe les enquêtes publiques en deux catégories principales : l’enquête à finalité principalement environnementale régie par le Code de l’environnement, l’enquête d’utilité publique classique régie par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Concernant la première, régie par le Code de l’environnement, l’article 240 de la loi, modifiant une douzaine de codes et plusieurs textes législatifs, abroge les dispositions spécifiques Cette fiche annule et remplace la fiche précédente de décembre 2010 ; elle tient compte du décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 ; les § « ce que dit le texte » et « ce que cela implique pour les collectivités » ont été complétés. aux enquêtes qui y étaient prévues. Ces enquêtes sont soumises au statut unique défini par les articles L.123-1, R.123-1 et suivants du Code de l’environnement. Elle répond au principe d’information et de participation du public tel que défini par la Charte de l’environnement et les normes internationales et communautaires mais aussi à l’objectif de prendre en compte l’environnement dans les décisions publiques. S’agissant de la seconde enquête, l’article 239 de la loi en définit l’objet par une nouvelle rédaction de l’article L.11-1 du Code de l’expropriation. Il s’agit d’une procédure contradictoire conçue comme une garantie de la propriété immobilière et des droits réels. Elle ne concerne que les décisions n’ayant pas d’incidences sur l’environnement, les autres devant faire l’objet de l’enquête régie par le Code de l’environnement. Un nouveau champ d’application dans un objectif de simplification Modifié par l’article 236 de la loi Grenelle 2, l’article L.123-2 du Code de l’environnement aligne à quelques exceptions près le champ d’application de l’enquête sur celui de l’évaluation environnementale à laquelle sont assujetties les opérations et les décisions ayant des effets notables sur l’environnement. En application de l’article susmentionné, sont soumis à enquête publique : Certu 2010 / 106 • les projets des travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d’impact (L.122-1 et R.122-2 du même code) hormis les projets de création de ZAC et des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par l’article R.123-1 du même code; • les plans, schémas, programmes et autres documents de planification soumis à évaluation environnementale en application des articles L.122-4 à L.122-11 du Code de l’environnement, ou des articles L.121-10 à L.121-15 du Code de l’urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; • les projets de création de parc national, de parc naturel régional, d’inscription ou de classement de site ou de réserve naturelle ; • les autres documents d’urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique. Sont visés notamment les opérations et plans qui ont des effets sur l’environnement mais qui parfois ont été dispensés d’études d’impact ou d’évaluation environnementale. Contenu du dossier de l’enquête L’article R.123-8 du Code de l’environnement précise le contenu du dossier de l’enquête publique. Il comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Il comprend au moins : • Lorsqu’ils sont requis, l’étude d’impact et son résumé non technique ou l’évaluation environnementale et son résumé non technique, et le cas échéant, la décision d’examen au cas par cas de l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement (cf. fiche étude d’impact) ainsi que son avis ; • En l’absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementale, une note présentant notamment l’objet de l’enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme, un résumé des raisons pour lesquelles le projet, plan ou programme a été retenu du point de l’environnement ; • La mention des textes qui régissent l’enquête publique et la façon dont cette enquête s’insère dans la procédure administrative relative au projet, plan ou programme [...], des autorités compétentes pour prendre la décision d’autorisation ou d’approbation ; • S’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l’ouverture de l’enquête, les avis émis sur le projet, plan ou programme. Dans les cas d’avis très volumineux, une consultation peut être organisée par voie électronique dans les locaux de consultation du dossier ; • Le bilan de la procédure de débat public ou de la concertation ou toute autre procédure permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Lorsqu’aucune concertation préalable n’a eu lieu, le dossier le mentionne. Une procédure d’enquête publique réécrite • La compétence En application de l’article L.123-3 du Code de l’environnement, l’enquête publique est organisée par l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle elle est requise. Dans le cas des décisions relevant de la compétence des collectivités territoriales, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un des établissements publics qui leurs sont rattachés, l’enquête publique est ouverte par le président de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement. Lorsque l’enquête est préalable à une déclaration d’utilité publique, la décision d’ouverture est prise par l’autorité de l’État compétente pour déclarer l’utilité publique. • L’amélioration de la participation et l’information du public En application de l’article L.123-10 du Code de l’environnement, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête doit informer le public quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et durant celle-ci. L’information du public est assurée par tous moyens appropriés selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, notamment par voie d’affichage sur les lieux concernés par l’enquête, par voie de publication locale ou par voie électronique (un décret détermine les cas qui font l’objet d’une communication par voie électronique dans le cadre d’une expérimentation). Conformément à l’article R.123-13 du code susmentionné et pendant toute la durée de l’enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contre-propositions sur le registre d’enquête. Conformément à l’article L.123-12 du même code, le dossier d’enquête publique, s’il reste régi par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme, comprend toujours un résumé non technique du projet. En outre, il inclut un bilan de la concertation préalable à l’enquête publique, lorsqu’elle existe (article R.123-8 du Code de l’environnement). La loi améliore ainsi l’articulation entre l’enquête publique et les procédures de participation instituées en amont. • Le rôle du commissaire enquêteur L’article L.123-13 du Code de l’environnement définit le rôle du commissaire enquêteur qui doit conduire l’enquête publique de manière à per- Certu 2010 / 106 mettre au public de disposer d’une information complète sur le projet, plan ou programme et de participer au processus de décision en lui permettant de présenter ses observations et propositions. Il a la possibilité de faire appel à un expert chargé de l’assister. En application de l’article R.123-14 du même code, le commissaire enquêteur peut demander au responsable du projet, plan ou programme de compléter le dossier par des documents concourant à la bonne information du public. Cette demande ne peut porter que sur les documents en la possession dudit responsable. Ces documents ou le refus motivé du responsable mentionné ci-dessus sont versés au dossier tenu à l’enquête. L’article L.123-15 du même code apporte une solution au blocage provoqué par les retards avec lesquels certains commissaires enquêteurs remettent leur rapport. Le commissaire enquêteur a trente jours à compter de la fin de l’enquête pour remettre son rapport et ses conclusions motivées. Si ce délai ne peut être respecté, un délai supplémentaire peut être accordé. Si à l’expiration de ce délai, le commissaire enquêteur n’a pas remis son rapport et ses conclusions motivées, ni justifié d’un motif pour le dépassement du délai, l’autorité compétente pour organiser l’enquête peut, avec l’accord du maître d’ouvrage et après mise en demeure du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête restée infructueuse, demander au président du tribunal administratif de dessaisir le commissaire enquêteur et de lui substituer son suppléant, un nouveau commissaire enquêteur ou une nouvelle commission d’enquête qui dispose de 30 jours à partir de sa nomination pour remettre son rapport et les conclusions motivées. Le nouveau commissaire peut faire usage des prérogatives prévues au L.123-13 du même code. Date d’entrée en vigueur des dispositions Les dispositions du décret du 29 décembre 2011 entreront en vigueur : • en ce qui concerne les enquêtes publiques, à celles dont l’arrêté d’ouverture et d’organisation est publié à compter du 1er juin 2012 ; • en ce qui concerne les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements qui ne sont pas soumis à enquête publique, aux demandes d’autorisations déposées à compter du 1er juin 2012. Ce que cela implique pour les collectivités… Une sécurisation de la procédure d’enquête publique En application de l’article L.123-2 IV du Code de l’environnement, la décision prise au terme d’une enquête publique organisée selon les dispositions du Code de l’environnement n’est pas illégale du seul fait qu’elle aurait dû l’être dans les conditions définies par le Code de l’expropriation. Un recours facilité aux enquêtes publiques La rationalisation des enquêtes publiques et, de fait, la réduction de leur nombre devraient se traduire par une diminution de coût pour les maîtres d’ouvrage tout en permettant une meilleure intégration de l’environnement dans le projet. Par une meilleure lisibilité de la procédure et une levée de certains blocages (retard dans la transmission du rapport par le commissaire enquêteur, possibilité d’une seule enquête au lieu de deux, organisation d’une enquête complémentaire) la loi Grenelle 2 devrait ainsi lever les réserves de certains élus et maîtres d’ouvrage à l’égard des enquêtes publiques. Des nouvelles possibilités • Possibilité de demander au commissaire enquêteur de motiver davantage son avis La réforme des enquêtes publiques a pris en compte les conséquences dommageables de la défaillance de certains commissaires enquêteurs (CAA Bordeaux, 24 mai 2011, Commune Ainhoa, req. n°10BX02046 et CAA Lyon, 10 mai 2011, Commune de Soucieu-en-Jarrest, req.n°09LY01091). Le décret du 29 décembre 2011 a introduit dans le Code de l’environnement un article R.123-20 qui facilite le règlement des situations nées de l’insuffisance ou du défaut de motivation des conclusions du commissaire enquêteur en permettant au président du tribunal administratif saisi par l’autorité organisatrice de l’enquête ou de sa propre initiative, de lui demander de compléter ses conclusions. • Suspension suivi d’une prolongation de l’enquête possible Aujourd’hui, si la personne responsable du projet, plan ou programme estime devoir apporter à celui-ci des modifications substantielles, une seconde enquête sera nécessaire. La prolongation de l’enquête n’est désormais plus subordonnée à l’accord du préfet. Ceci a pour conséquence d’allonger la procédure d’enquête et de risques contentieux. À compter du 1er juin 2012, l’article L.123-14 du Code de l’environnement permet à l’autorité organisatrice de l’enquête, après avoir entendu le commissaire enquêteur, de suspendre l’enquête pendant une durée maximale de six mois. Cette possibilité de suspension ne peut être utilisée qu’une seule fois. Pendant ce délai, le nouveau projet, intégrant les modifications substantielles, est transmis pour avis à l’autorité de l’État compétente en matière d’évaluation environnementale. À l’issue de ce délai et après que le public ait été informé des modifications apportées au projet, l’enquête est prolongée d’au moins trente jours. Dans ce cas, il n’y a qu’une seule enquête sur un projet modifié, un nouvel arrêté d’organisation, une nouvelle publicité, une nouvelle information des communes sur le projet (R.123-22 du Code de l’environnement). • Enquête complémentaire possible Au vu des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête, la personne responsable du projet, plan ou programme peut, si elle estime souhaitable d’apporter à celui-ci des changements qui en modifient l’économie générale, demander à l’autorité organisatrice d’ouvrir une enquête complémentaire portant sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l’environnement. Dans le cas des projets d’infrastructures linéaires, l’enquête complémentaire peut n’être organisée que sur les territoires concernés par la modification. Dans le cas d’enquête complémentaire, le point de départ du délai pour prendre la décision après clôture de l’enquête est reporté à la date de clôture de la seconde enquête. La collection Décryptage Grenelle 2 est une coproduction Etd - Certu. Avant l’ouverture de l’enquête publique complémentaire, le nouveau projet, plan ou programme, accompagné de l’étude d’impact ou du rapport environnemental intégrant ces modifications, est transmis pour avis à l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement prévue. L’enquête complémentaire, d’une durée minimale de 15 jours, est organisée selon les modalités mentionnées au R.123-23 du Code de l’environnement. Le dossier d’enquête initial est complété dans ses différents éléments et comprend notamment : une note expliquant les modifications substantielles apportées au projet et lorsqu’elles sont requises, une étude d’impact ou une évaluation environnementale intégrant ces modifications. Contacts : Vincent Wisner, Etd Tél. : 01 43 92 68 13 v.wisner@etd asso.fr Chahoul Gaffar, Certu Tél. : 04 72 74 58 18 chahoul.gaffar@ developpement-durable. gouv.fr Etd, Le Centre de ressources du développement territorial 30, rue des Favorites 75015 Paris Tél. : 01 43 92 67 67 Fax : 01 45 77 63 63 www.projetdeterritoire.com Certu, Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les construc ions publiques 9, rue Juliette Récamier 69456 Lyon Cedex 06 Tél. : 04 72 74 58 00 Fax : 04 72 74 59 00 www.certu.fr POUR EN SAVOIR PLUS… • © Etd - Certu - 2010 La reproduction totale ou partielle du document doit être soumise à l accord préalable d Etd et du Certu Certu 2010 / 106 Décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l’enquête publique relative aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JOR FTEXT000025053908&fastPos=1&fastReqId=15022 07798&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte