Actualité Juridique Famille 2006 p. 210 Une créance commune peut
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Actualité Juridique Famille 2006 p. 210 Une créance commune peut
Actualité Juridique Famille 2006 p. 210 Une créance commune peut être encaissée par chacun des époux Arrêt rendu par Cour de cassation, 1re civ. 31 janvier 2006 n° 03-19.630 (F-P+B) Sommaire : M. X, marié sous le régime de la communauté, prête une somme d'argent à M. Y. Quelque temps plus tard, ce dernier règle le solde de ce prêt au moyen d'un chèque établi à l'ordre de M. X mais encaissé par l'ex-épouse de celui-ci. Le créancier conteste le paiement et estime que son débiteur n'est pas libéré de son obligation de rembourser. La Cour d'appel de Douai lui donne gain de cause. Pour condamner M. Y à rembourser le solde du prêt entre les mains de M. X, les juges douaisiens retiennent que, selon la reconnaissance de dette, le prêt litigieux a été consenti à M. Y par M. X et non par les époux X et que, à supposer que les fonds prêtés soient des biens communs, il n'en reste pas moins que M. X est seul créancier de M. Y, la communauté ayant dans cette hypothèse un droit à récompense. Partant, à défaut d'accord de M. X pour la réception du paiement par son ex-épouse, M. Y n'est pas libéré de son obligation de paiement. Cette analyse est censurée par la première Chambre civile de la Cour de cassation sur le fondement des articles 1402, al. 1er, et 1421, al. 1er, du code civil (1) : Texte intégral : « Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X avait le pouvoir de recevoir le remboursement du prêt d'une somme présumée dépendre de la communauté, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Mots clés : REGIME MATRIMONIAL * Communauté légale * Reconnaissance de dette * Chèque * Encaissement * Présomption de communauté * Gestion concurrente (1) En droit des régimes matrimoniaux, les règles relatives à la répartition des biens doivent être nettement distinguées de celles aménageant les pouvoirs des époux. En l'espèce, les deux étaient imbriquées, comme bien souvent. En effet, pour savoir si l'ex-épouse avait le pouvoir de recevoir la somme d'argent versée par M. Y en remboursement d'un prêt qui lui a été consenti par le mari, il convenait, au préalable, de qualifier cette somme d'argent. Bien commun ou bien propre ? Toute la question était là ! S'y greffait tout naturellement un problème de preuve. Sur ce point, le code civil pose une présomption selon laquelle tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de la communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. Il en résulte qu'un époux ne peut revendiquer la propriété d'un bien que s'il renverse avec succès la présomption de communauté dans les conditions restrictives fixées par l'article 1402 du code civil. Un bien, même propre, ne le sera que si la présomption a pu être efficacement renversée ! Or, dans l'affaire rapportée, M. X n'a pu rapporter la preuve du caractère propre de la somme d'argent versée par M. Y. En raison de la présomption, celle-ci devait donc s'analyser en un bien commun. Partant, il convenait de la soumettre aux règles de gestion des biens communs, et plus précisément à celles énoncées à l'article 1421 du code civil. Cette disposition pose le principe de la gestion concurrente qui a vocation à régir tous les biens communs et tous les actes, sauf ceux faisant l'objet de dispositions dérogatoires. Rien de tel en l'espèce, de sorte que la somme d'argent versée par M. Y se trouvait nécessairement soumise aux règles de la gestion concurrente. Celles-ci sont peu contraignantes. En effet, elles confèrent à chacun des époux le pouvoir de réaliser seul tous les actes de conservation et d'administration, et même les actes de disposition dès lors qu'ils ne sont pas concernés par les articles 1422 à 1425 du code civil. Juridiquement, recevoir le paiement d'une créance s'analyse en un acte d'administration. En conséquence, l'épouse détenait les pouvoirs suffisants pour encaisser seule le chèque émis par M. Y. A d'autres occasions, la Cour de cassation s'était déjà prononcée dans ce sens en décidant que chaque époux peut prendre l'initiative de percevoir des capitaux communs, quelle qu'en soit l'origine, réserve faite des opérations visées à l'article 1424 du code civil. Ce texte, qui interdit à un époux de percevoir sans son conjoint les capitaux provenant de certaines opérations limitativement énumérées, ne pouvait pas trouver application en l'espèce. A cet égard, le droit a évolué. En effet, la possibilité pour la femme mariée de recevoir paiement des créances communes n'a été introduite dans le code civil que par la loi du 23 décembre 1985. Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1965, le paiement fait entre les mains de l'épouse n'était pas, à moins qu'il ne fût fait dans le cadre de l'exercice par elle d'une profession séparée, libératoire à l'encontre du mari (V. Cass. 1re civ., 12 mai 1981 ; Cass. 3e civ., 19 déc. 1983). Le recours au droit des régimes matrimoniaux aura ainsi été suffisant pour déclarer le débiteur valablement libéré de son obligation de rembourser le prêt. Patrice Hilt Doctrine : I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux, LGDJ, 2004, n° 282 ; J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., 2001, n° 347 s. ; M. Jeantin, P. Le Cannu et T ; Granier, Droit commercial. Instruments de paiement et de crédit, Dalloz, 7e éd. 2005, n° 98 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Les régimes matrimoniaux, Defrénois, 2004, n° 413 ; F. Terré et P. Simler, Les régimes matrimoniaux, 4e éd. 2005, n° 473. - Jurisprudence : Cass. 1re civ., 12 mai 1981, RTD civ. 1982, p. 410 s., obs. Nerson et Rubellin-Devichi ; Cass. 3e civ., 19 déc. 1983, Defrénois 1984, art. 33432, p. 1496, obs. Champenois. AJ Famille © Editions Dalloz 2009