Burkina Faso : Être homme, être femme… n`est pas la même chose.

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Burkina Faso : Être homme, être femme… n`est pas la même chose.
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chose.
Burkina Faso : Être homme, être femme… n’est
pas la même chose.
samedi 22 octobre 2016
Quand Pierre se lève à 5.30 du matin, Élisabeth est déjà de retour de la recherche d’eau, du bois et elle a
soigneusement balayées sa cour et sa porte après avoir fait la vaisselle de la soirée antérieure. Elle a déjà
donné à manger aux animaux, préparé le thé pour son mari et chauffée l’eau pour sa douche et la de ses
enfant qui partiront après à l’école.
Une fois que tout le monde sera dehors, elle-même va prendre la route pour rencontrer les autres femmes
qui vont au marché, soit à vendre ou à acheter les condiments du jour… un temps de nouvelles, de rires et
de plaintes partagés… "a ka gwele" (c’est dur) disent les burkinabés, mais "ça ira" et elles se donneront du
courage les unes aux autres pour la journée.
Au retour, piler, allumer, couper, éplucher, étaler, laver, préparer, chauffer, déposer, aller, revenir,
regarder, vendre, saluer, réparer, coudre… la vie des femmes est pleine des verbes du matin au soir… des
verbes en pluriel. Elles sauront partager les rires de préparations des mariages et de baptêmes et les
jours de deuil où tout est fait ensemble et dans le silence.
Il y a des verbes en commun avec les hommes et il y a des verbes propres, que la culture enlève avec
difficulté. Nous voyons chaque jour des femmes qui partent à l’université, qui guident ses véhicules même dans le transport publique-, des femmes qui gèrent des stations d’essence ou des usines, qui
occupent des bureaux et qui portent le titre des Directrices Générales…
Mais deux mondes différents sont-là… et la société s’organise autour de ce deux planètes diverses et
complémentaires mais pas égalitaires.
Enfants, ils joueront ensemble à la rue, ils joueront à faire le marché ou à labourer les champs, mais dès
qu’on grandisse, elle va apprendre à couper seule le bois sur ses pieds nus tandis que son camarade boit
calmement son thé à l’ombre de l’arbre, entouré de ses amis… arbre de paroles où les hommes
construisent leur pensé. Ils se regardent en silence, chacun à sa place. Ils rentreront séparément à la
mosquée (aussi au temple, à l’église) pour ne pas se distraire à la prière et séparément ils construiront ses
deux mondes : culturelles mais aussi économiques, même affectifs…
Il prendra la charge du "gros" mais c’est elle qui rentre dans les "détails". Détails qui sont suivant l’école
des enfants, la santé, les habits… mais lui ne va pas le demander comment, elle non plus… Aux sessions
de préparation au mariage, revient la question : qui connaît le salaire de son conjoint ? Si un ou deux
couples parmi les 30 ou le 70 répondent " oui", on peut se féliciter.
Quelque chose est en train de changer, donc…
Et, effectivement quelque chose change… quand la fille de Pierre est venue communiquer sa grossesse en
famille et son père a décidé de ne pas la chasser sinon de lui donner l’opportunité d’avoir son enfant et de
continuer ses études… quand le groupe des couples de la pastoral familiale se rencontrent pour un dîner,
et on fait la vaisselle ensemble… quand celui qui habite seul, décide d’apprendre à préparer son tôt et se
sentir autonome… quand Louis et Lucie se décident à parler ensemble… quand Prosper est capable de
dire : "c’est ma femme qui m’a changé"… quand dans des groupes mixtes, les femmes osent prendre la
parole… quand un jeune père se promène avec son enfant qui pleure en laissant sa femme continuer la
formation…
Quand les femmes viennent à l’alphabétisation, parfois ils disent : "Nous voulons sortir de l’obscurité".
L’obscurité est un ensemble de situations, des liens d’histoire et de culture qui deviennent poids lourds à
supporter… Sortir de l’obscurité ne se fait pas sans conflit : Awa venait de passer la journée au service de
un projet pour le groupement de femmes, la journée l’avait fait courir à gauche et à droit… en arrivant à
la maison, elle a donné à manger ce qu’elle avait eu le temps d’acheter à la rue pour que les enfants
retournent à l’école avec la promesse de quelque chose de bonne le soir si "vous ne dites pas à papa que
je n’ai pas préparé aujourd’hui, sinon lui va me frapper"… Le soir, son père arrivé, la cuisine sent bon,
mais les enfants déclarent qu’ils ont faim parce que maman…
Sortir de l’obscurité es un combat pour la justice que, quelque fois, t’enlève la paix…. Aussi pour les
hommes qui veulent risquer un autre comportement, une autre vision.
Le passé avec les mariages forcés, arrangés, les excisions des femmes, la chasse des vieilles, l’accusation
de sorcellerie… est encore là avec des noms propres que nous connaissons… mais nous voulons prêter
oreilles et yeux à ce monde nouveau qui est en gestation, en douleur d’enfantement, comme une annonce
de VIE, et de vie en abondance pour les hommes et les femmes, à part égale. Qui pouvait être la sagefemme !
Petites Sœurs de l’Assomption
Bobo-Dioulasso
http://www.assumpta.org/Burkina-Faso-Etre-homme-etre-femme