Vers une biographie de Poincaré

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Vers une biographie de Poincaré
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2012 : Année Poincaré
L’année Poincaré, commémorant la mort du célèbre
mathématicien le 17 juillet 1912, a débuté à Nancy
avec le colloque “Vers une biographie de Poincaré”
qui s’est déroulé du 4 au 6 janvier. Co-organisé par le
Laboratoire d’Histoire des Sciences et de PhilosophieArchives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS, UMR
CNRS 7117, Universités Nancy 2, Henri PoincaréNancy 1, et INPL) et la Maison des Sciences de
l’Homme Lorraine (USR CNRS 3261, Université de
Lorraine), ce colloque avait pour ambition de contribuer à l’élaboration d’une biographie d’Henri Poincaré
qui prenne en compte les difficultés inhérentes à toute
entreprise de ce type.
Les biographies de savants opèrent très souvent une
séparation problématique entre vie scientifique et vie
personnelle, comme si ces deux dimensions pouvaient
aisément être séparées ; en ce sens, elles ne résolvent
qu’imparfaitement le problème de l’inscription de la
pratique de la science dans la vie sociale et elles ne
produisent que peu d’effets de connaissance sur la dimension sociale de la science elle-même.
Le nom de Poincaré est associé à des découvertes ou à
des travaux de première importance : on lui doit ainsi
la découverte des fonctions fuchsiennes en mathématiques et une contribution essentielle à la résolution du
problème des trois corps en mécanique céleste (pour laquelle il obtint le Grand Prix du roi de Suède en 1889).
Ses recherches théoriques sur la mécanique nouvelle
après 1900 préparèrent la découverte de la théorie de
la relativité restreinte par Einstein en 1905. Polytechnicien, ingénieur des Mines, il s’orienta après avoir
soutenu sa thèse en 1879 vers une carrière universitaire.
Chargé du cours de calcul différentiel et intégral à la
Faculté des sciences de Caen durant deux ans, il fut
ensuite nommé maître de conférences d’analyse à la Faculté des sciences de Paris en 1881. Il occupa ensuite
diverses chaires au cours de sa carrière (mécanique
physique et expérimentale, physique mathématique et
calcul des probabilités, astronomie mathématique et
mécanique céleste), sans pour autant abandonner ses
responsabilités dans le Corps des Mines. Académicien
des sciences à 33 ans, il fut également membre de
l’Académie française (1908) et de plusieurs dizaines
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d’académies et de sociétés savantes étrangères. On peut
rappeler aussi son implication dans l’organisation des
premiers congrès internationaux des mathématiciens,
dans la promotion du projet du Répertoire bibliographique des sciences mathématiques ou son action essentielle au sein des entreprises géodésiques nationales
et internationales.
Vers
une
biographie
de
Poincaré
Colloque international
4, 5 et 6 janvier 2012
June BARROW-GREEN (Milton Keynes) / Bruno BELHOSTE (Paris) / Umberto BOTTAZZINI (Milan)
Christian GERINI (Toulon) / Etienne GHYS (Lyon) / Hélène GISPERT (Paris) / Catherine GOLDSTEIN (Paris)
Jeremy GRAY (Milton Keynes & Warwick) / Jules-Henri GREBER (Nancy) / Gerhard HEINZMANN (Nancy)
Caroline JULLIEN (Nancy) / Ralf KRÖMER (Siegen) / Igor LY (Aix-en-Provence) / Jean MAWHIN (Louvain)
Philippe NABONNAND (Nancy) / Laurent ROLLET (Nancy) / Tatiana ROQUE (Rio de Janeiro)
Martina SCHIAVON (Nancy) / Klaus VOLKERT (Wuppertal) / Scott WALTER (Nancy)
Lieu du colloque :
MSH Lorraine
91 Avenue de la Libération
Nancy (France)
Contacts :
[email protected]
[email protected]
Maison des Sciences de l’Homme Lorraine (USR CNRS 3261 / PRES de l’Université de Lorraine)
Archives Henri Poincaré-Laboratoire d’Histoire et de Philosophie des Sciences (UMR CNRS 7117 / Universités Nancy 2, Henri Poincaré-Nancy 1 et INPL)
et Région Lorraine
PRES de l'Université de Lorraine
Affiche du colloque.
Mathématicien, physicien, astronome, administrateur de la recherche, Poincaré fut également très actif
dans le domaine de la philosophie en tant que collaborateur régulier de la Revue de métaphysique et de morale.
Ses ouvrages de philosophie scientifique contribuèrent
à assurer sa renommée tant en France qu’à l’étranger.
On lui connaît peu d’engagements sociaux ou politiques mais il joua cependant un rôle non négligeable
dans l’Affaire Dreyfus à travers plusieurs expertises
mathématiques.
Philippe Nabonnand et Laurent Rollet.
Quadrature no 84
L’année Alan Turing
L’année 2012 sera aussi l’année Turing. De nombreuses commémorations sont en effet programmées
dans le monde pour fêter le centième anniversaire du
mathématicien britannique Alan Mathison Turing, (23
juin 1912 - 7 juin 1954). Cet événement est coordonné
par le TCAC (Turing Centenary Advisory Committee)
présidé par Barry Cooper.
L’enveloppe Alan Turing.
C’est une production du comité Alan Turing et du Bletchley Park Trust, dessinée par Rebecca Peacock (Firecatcher Design).
Il n’est pas possible ici de détailler tous les
événements prévus ou passés, mais tout se trouve sur
le site officiel :
http://www.mathcomp.leeds.ac.uk/turing2012/
Le logo ATY.
En avant première, la projection sur Channel 4, en novembre 2011, du documentaire ”le plus grand briseur
de code anglais” a attiré un million et demi de spectateurs. De nombreux congrès, conférences, et expositions sont prévus tout au long de l’année, en Angleterre,
aux États-Unis, dans les pays du Commonwealth (Nouvelle Zélande, Hong-Kong), mais aussi à l’étranger
(Israël, Suisse, Allemagne, Portugal, Chine, Grèce, Philipinnes, Norvège, etc.) A Cambridge en particulier, la
conférence du centenaire sera suivie de la neuvième
conférence sur la calculabilité et la complexité en analyse, du 24 au 27 juin. Du 10 au 12 juin, l’université de
Princeton organise également une célébration du centenaire. À cette occasion, les presses universitaires de
l’université de Princeton vont rééditer la thèse d’Alan
Turing, sous forme d’un fac-similé.
On sait que durant la seconde guerre mondiale, les services s’occupant du décryptage des communications
allemandes étaient basés au manoir de Bletchley Park,
à mi-chemin entre Oxford et Cambridge. Du 4 septembre 1939 à l’automne 1944, Alan Turing séjourna
à l’auberge de la couronne, dans le village voisin de
Shenley Brook End. A l’occasion de cet anniversaire,
le bureau de poste de Bletchley Park va éditer une enveloppe premier jour à la mémoire du centenaire de la
naissance de Turing.
Avril-mai-juin 2012
Enfin, signalons que la pétition pour la réhabilitation d’Alan Turing, réservée aux citoyens britanniques avait déjà recueilli près de vingt mille signatures au premier janvier 2012. Rappelons ici brièvement qu’en dépit des services rendus pour le décryptage
des codes allemands au centre de Bletchley Park, Alan
Turing fut condamné pour son homosexualité à la castration chimique, ce qui fut à l’origine de son suicide.
On ne peut que souhaiter que cette pétition parvienne à
faire officiellement réhabiliter Alan Turing.
Rue des Maths
Paris compte près d’une centaine de rues ou de
places portant des noms de mathématiciens ; ce nombre
pourrait prochainement augmenter d’une unité car nous
avons appris que la mairie de Paris songeait à honorer le mathématicien briançonnais Oronce Fine, en lui
attribuant un lieu proche du collège de France où il a enseigné à partir de 1530. Quadrature reviendra prochainement sur l’histoire de ce mathématicien, ingénieur et
cartographe.
Le blog de la revue Quadrature
Lancé récemment, son adresse est :
http ://quadrature-revue.blogspot.com/
Nous attendons votre visite et votre inscription ;
vous pouvez également proposer des billets éventuels et des informations que vous pouvez envoyer à
[email protected] ou directement au rédacteur
en chef de la revue, modérateur du blog .
La Rédaction.
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La moyenne des voisins
Un avant-goût
Nous sommes à Jussieu devant le tableau noir dans
l’attente de la leçon de Werner Wendelin sur les « Fonctions harmoniques et probabilités ». Un de ses assistants chauffe l’amphithéâtre (qui n’en est pas un) par
des exercices. Ex.1 : Soient 10 personnes autour d’une
table. L’âge de chaque personne est égal à la moyenne
de l’âge de ses deux voisins. Montrer que tout le monde
a le même âge. La réponse ? Un conseil de méthode :
considérez la personne la plus âgée. Elle a l’âge de
la moyenne de ses deux voisins. Ses deux voisins ont
le même âge, sinon elle ne serait plus la doyenne. De
proche en proche, on est conduit à admettre que tout
le monde a le même âge. Ex.2 : même question avec
une table sous forme d’une ligne infinie... L’hypothèse
implique que la différence d’âge entre deux voisins
doit être la même pour tous, et on sait que le plus jeune
invité doit avoir au moins 0 année ! Ex.3 : même question avec une table Z 2 (sous forme de tableau)... Ex.4 :
avec une table Z 3 (à chaque point de coordonnées, il y
a une personne). C’est plus dur à deviner... Ex.5 : tous
les exercices précédents si les âges peuvent être négatifs. Avec un nombre fini de personnes (table de 10),
l’argument précédent marche. Il y en a un autre avec
une table infinie... Voilà nos papilles mises en bouche.
Nous sommes prêts à entendre un professeur qui ne
paraît pas le plus âgé de la salle (remplie d’étudiants
des classes préparatoires et de fac). On est indécis. Le
restaurateur ne fait pas son âge. Diable ! pas de repère
avant d’attaquer le plat principal sur l’ardoise.
rencier veut illustrer cette manière de voir. En France,
ajoute-t-il, il y a un biais : on commence très tôt à travailler avec des objets continus comme des fonctions et
leurs évolutions. Il y a des avantages, mais on oublie la
façon intuitive qu’offre l’abord des problèmes discrets.
Werner Wendelin propose d’attaquer le problème de la
moyenne des voisins sans préjugé méthodologique. Il
nous dit que ce problème est en fait le même que celui
dit « de Dirichlet ». Examinons-le sous tous les angles.
Le problème de Dirichlet
Originellement, il s’agissait de déterminer la distribution de la température dans un milieu continu. Soit
une plaque métallique carrée, avec un trou carré en
son centre. On fixe la température aux bords intérieurs,
disons à 0° et extérieurs à I°. Quelle serait la température u(x, y) en chaque point de coordonnées (x, y) de la
plaque ? Traditionnellement, on nous apprend que la
température u vérifie l’équation de Laplace : ∆u = 0,
où ∆ désigne l’opérateur laplacien qui associe à u la
∂ 2u ∂ 2u
fonction 2 + 2 . La distribution de la température
∂x
∂y
u(x, y) est une fonction harmonique, u, en chaque point
de la plaque, qui vaut 0 sur un bord et 1 sur l’autre.
Soit, mais il existe une autre manière de comprendre
les fonctions harmoniques, plus Le problème des personnes assises autour d’une table nous permettra de
mieux saisir ce que sont ces fonctions. Avant d’aller
plus loin, Wendelin Werner préfère revenir à l’analogue
discret du problème de Dirichlet.
La première approche : l’algèbre linéaire
La présentation de la table
Même en son for intérieur, le professeur a conservé
toute une fraîcheur. Médaille Fields, il évoque ses souvenirs d’école et de lycée. Avoir une bonne note l’intéressait comme la plupart des étudiants français, mais
il voulait aussi « comprendre » la science, par delà les
formules. Souvent il avait l’impression qu’on lui présentait le formalisme, les lois (dont celle de Newton),
des notions mathématiques sans signification apparente
(gradient, rotationnel, ...). L’enseignement éveillait davantage sa curiosité qu’il ne la comblait. L’approche
plurielle des problèmes l’intéressait. Diverses branches
de la science peuvent constituer des manières complémentaires d’étudier un même problème. L’algèbre, la
combinatoire, la théorie des probabilités, l’analyse, apportent chacune une solution différente à une question
naturelle issue de la physique. Aucune n’est meilleure
que l’autre. Elles contribuent toutes à saisir ce dont il
est réellement question. Leur entrecroisement met à
jour des « objets très simples, naturels » (sic). Le confé6
Werner Wendelin dessine un graphe sur le tableau
noir, qui rappelle un circuit électrique : des nœuds
(sites) reliés par des traits (arêtes). Ces nœuds sont
voisins. Le graphe est planaire - dessiné sur le tableau
sans que deux arêtes ne se coupent -, mais on aurait pu
imaginer un graphe qui ne le soit pas. Le graphe est supposé connexe (il n’est séparé pas en plusieurs parties
non-reliées). Les nœuds sont coloriés en deux couleurs
différentes, les bleus et les rouges. On va considérer
que les sites rouges forment le bord du domaine bleu.
On se donne une fonction qui, à chaque site rouge,
associe une valeur (qui peut varier d’un site rouge à
l’autre). Voilà la donnée du problème. Il convient de
trouver une manière d’associer à chaque site bleu une
valeur de sorte qu’elle soit égale à la moyenne de ses
voisins. Pour revenir à l’Ex.1, des personnes d’âges
variables s’assoient à certaines places (les rouges). Il
faut trouver une manière de compléter la table avec de
nouvelles personnes dont chacune doit avoir le même
âge que la moyenne de ses voisins. On peut traduire
Quadrature no 84
ce problème en un système fini d’équations linéaires,
une pour chaque site bleu. Par exemple, pour un graphe
avec 5 sites bleus, on cherche les 5 inconnues qui sont
les âges des personnes à ces 5 sites. Mais, pour chaque
site bleu, on a une équation linéaire (la valeur est égale
à la moyenne des voisins). Comme on a autant d’équations que d’inconnues, le système a une solution si les
5 équations sont indépendantes. Nous sommes en face
d’un devoir d’algèbre linéaire. Si le déterminant n’est
pas nul, nous avons une solution (un déterminant nul
signifierait qu’une des 5 équations est une combinaison
linéaire des 4 autres). Le problème n’est pas très difficile (une manière de le résoudre consiste à commencer
par étudier le cas où l’on assigne à tous les sites rouges
la valeur 0, et de noter comme dans l’Ex. 1, que la
solution nulle est la seule qui convient, ce qui implique
que les équations sont indépendantes). Il existe une
seule solution au problème. Vérifier que ces équations
linéaires sont indépendantes revient à montrer que le
déterminant d’une matrice est non nul. Wendelin Werner nous apprend que la matrice dont il vient d’évoquer
implicitement le déterminant est appelée le Laplacien
discret,
La deuxième approche : le problème
variationnel
Cette approche consiste à transformer le problème
précédent en un problème d’extremum. Soit une fonction U qui à chaque site du graphe associe un nombre.
On définit alors son énergie G(U) comme la somme de
toutes les différences au carré entre les valeurs de deux
points voisins dans le graphe : [U(x) −U(y)]2 . Cherchons une fonction d’énergie minimale. Il en existe
une : la fonction constante, d’énergie nulle, mais, parmi
toutes les fonctions qui prennent certaines valeurs prescrites sur les sites rouges, y en a-t-il une plus petite
que les autres ? Si on fixe la valeur de la fonction dans
tous les sites sauf un, noté x, alors l’énergie devient
une fonction de U(x). En fait, cette fonction est un polynôme du second degré. Lorsque U(x) est très grand,
l’énergie l’est aussi. L’énergie est minimale lorsque la
dérivée de cette fonction est nulle, c’est-à-dire lorsque
U(x) = u avec 2 [u −U(y)] = 0 en sommant sur les
voisins y de x. Ainsi, U(x) est égal à la moyenne des
valeurs de U en ses voisins. En d’autres termes, si on
fixe toutes les valeurs de U sauf une, il sera plus avantageux de choisir pour la dernière valeur la moyenne
de ses voisins. Wendelin Werner nous assure qu’il est
aisé de voir que le minimum de G(U) est atteint pour
une certaine fonction, grâce à un argument de continuité et de compacité. Cette fonction est la solution au
problème précédent.
P
P
Avril-mai-juin 2012
Une fonction harmonique (z = sin(πx)sh(πy)).
Cette deuxième approche fait penser au lien entre
calcul d’énergie potentielle et force. Le conférencier
évoque un système de petits ressorts. Il explique qu’on
cherche un équilibre, caractérisé par le fait que le potentiel est extrémal ou que la somme des forces qui
s’exercent sur chaque point est nulle sachant qu’il est
situé à la hauteur moyenne des voisins . L’argument précédent a montré que la solution existe. Est-elle unique ?
Si on a deux fonctions solutions, f et g, l’idée est de
regarder la différence entre les deux, f − g. Comme
ces deux fonctions sont solutions, elles coïncident au
bord où f − g est nulle. Cette égalité est vraie partout
(sinon il existerait un extremum local de f − g hors de
la frontière contredisant le fait qu’en cet extremum, la
valeur de f − g est égale à la moyenne de celle prise en
ses voisins).
La troisième approche : les suites
La troisième approche est une construction algorithmique. L’idée est de construire une suite de fonctions,
semblable à une suite de nombres croissants qui serait majorée. Supposons que la valeur prescrite en les
points rouges est positive en chacun des points rouges.
À chaque instant n, on définit une fonction fn qui prendra toujours les valeurs prescrites aux points rouges.
A l’instant 0, on définit f0 de sorte que f0 vaut 0 en
chaque point bleu. On définit f1 en chaque point bleu,
comme la moyenne de f0 en les voisins de ce point
bleu. La fonction f2 sera obtenue en ce point en prenant la valeur moyenne prise par f1 en ces voisins, etc.
Clairement, f1 est positive partout. Elle est partout supérieure à f0 . La fonction f2 est obtenue en prenant la
moyenne de f1 . On en déduit que f2 est une fonction
supérieure à f1 (en chaque site, la valeur prise par f2
en ce site est plus grande que celle prise par f1 ). De
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cette manière, on montre par récurrence que fn est une
suite croissante de fonctions. En chaque point x, fn (x)
est une suite croissante. Cette suite est majorée car elle
ne peut jamais dépasser la plus grande valeur prise par
f0 sur les sites rouges (on peut aussi le voir par récurrence). On en conclut qu’elle converge vers une valeur
f (x). Mais qu’advient-il à la limite ? Quid de la condition qu’en chaque site bleu, la valeur de fn+1 est la
moyenne des valeurs de fn lorsque n tend vers l’infini ?
La fonction f vérifie la propriété de la moyenne en ce
site bleu. Que vaut-elle sur les sites rouges ? Réponse :
la valeur prescrite pour chaque fn . La fonction limite
f est la solution au problème. On a utilisé une idée de
point fixe.
La quatrième : les probabilités
La quatrième approche fait intervenir une marche
aléatoire. Une particule se déplace au hasard sur le
graphe. A chaque carrefour, la direction prise est décidée au hasard, elle choisit un de ses voisins. Elle part
d’un site bleu. Elle se promène au hasard, jusqu’au moment où elle se retrouve sur un site rouge. Elle s’arrête.
La trajectoire choisie au hasard part du site bleu b et se
termine en un site rouge aléatoire R. Comme l’on s’est
donné une fonction f sur l’ensemble des sites rouges,
on définit h(b) comme étant l’espérance mathématique
(la moyenne a priori) du nombre aléatoire f (R). Reprenons la marche aléatoire. Après le premier pas, elle a
autant de chances d’être en chacun des voisins du site
bleu b. Si elle fait une halte chez un voisin x de b, la
moyenne attendue a priori est h(x), car on a une marche
aléatoire issue de x. On voit que h(b) est la moyenne
des valeurs de h en les voisins de b. Par ailleurs, h = f
en chaque site rouge. La fonction h est aussi la solution
au problème. Telles sont les différentes façons discrètes
de regarder la même chose sans avoir forcément l’impression de faire chaque fois la même chose ! Wendelin
Werner note que chaque approche renvoie à des choses
évoquées en physique lors de l’étude d’un circuit électrique : une pile dont un bord émet des électrons et
un autre les absorbe ; un voltmètre qui mesure sur ce
circuit le potentiel ; des électrons qui se baladent en
marche aléatoire du pôle - au pôle +.
Le problème continu
Nous avons évoqué cette approche avec la distribution de la température dans une plaque métallique
carrée. Werner Wendelin dessine une « patate » dont il
évide le centre, d’où deux bords : le bord extérieur déjà
tracé, et un bord intérieur. Que serait l’analogue de la
propriété de la moyenne en chaque point ? On se donne
une fonction f sur le bord de la patate. Par exemple,
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on peut prendre f égale à zéro sur le bord intérieur
et à 1 sur le bord extérieur. On se donne un point x à
l’intérieur de la patate et on trace un petit disque autour
de ce point, suffisamment petit pour être inclus dans la
patate. Cela étant, on cherche une fonction continue H
égale à f sur le bord de la patate, telle qu’en chaque
point x et pour tout tel disque, la valeur de H en x soit
égale à la valeur moyenne prise par H au bord de ce
disque. Wendelin Werner nous assure que le problème
est exactement celui du Laplacien. Les approches présentées dans le cadre discret ont chacune quelque chose
à dire dans ce cadre continu. Il choisit de développer davantage l’approche probabiliste. On peut interpréter les
fonctions harmoniques en termes de mouvement brownien qui est l’analogue continu de la marche aléatoire.
On peut penser à une molécule se déplaçant au sein
d’un gaz. Son parcours est continuel et irrégulier. On
se donne la fonction f sur le bord, et un point x dans la
patate. On fait partir un mouvement brownien de x, jusqu’au moment où il touche le bord de la patate (en un
point aléatoire puisqu’il dépend de la trajectoire choisie). On note R ce point. Ensuite on prend l’espérance
mathématique de f (R), que l’on appelle H(x). C’est
la moyenne attendue de f (R). Faisons partir le mouvement brownien de x et arrêtons-le lorsqu’il atteint
le bord d’un petit disque centré en x. Le point atteint
est choisi uniformément. Si le mouvement brownien
atteint le cercle en un point y, la nouvelle moyenne attendue devient H(y). Comme pour la marche aléatoire,
on voit que H(x) est la moyenne des valeurs prises
par H sur ce cercle. On observe également que H = f
sur le bord. Wendelin Werner nous explique que cette
approche probabiliste permet de comprendre certains
phénomènes qui sont délicats à appréhender autrement.
Avec des patates tridimensionnelles au bords pointus,
le problème de Dirichlet peut n’avoir aucune solution.
Il s’avère que la fonction H précédemment définie n’est
pas continue au bord. On revient aux objets naturels :
les éclairs qui partent d’une pointe chargée électriquement comme ceux du bout d’une baguette magique...
Problème local ou global ?
Très bien. La séance est levée. On a compris qu’une
répartition harmonique est un objet très simple. La solution arrive par exemple toute seule par itération. Dans
le cas discret comme dans le cas continu, on n’a pas
d’extremum local ailleurs qu’au bord (les conditions
aux bords sont imposées). Aussi, le problème de Dirichlet est à la fois purement local, mais tout se tient.
C’est là une source d’étonnement (et non un paradoxe).
De proche en proche, je suis relié à tout le monde.
Comme la particule soumise au mouvement brownien,
j’explore de manière imaginaire tous les chemins posQuadrature no 84
sibles. Ma valeur au centre est égale à la moyenne des
points périphériques. Je suis l’intégrale de ce qui se
passe au bord. La configuration d’ensemble (le réseau),
encadrée par des conditions aux bords, régit la suite des
étapes. La structure sur le bord contrôle l’ensemble.
Alain Laraby
Microelectronics, IBM, Capgemini, Electronic Data
Transfer, Ensimag, Inria). la compagnie Laps (Cindy
Girard, Elise Pradinas, Cyril Vernet, Emilie Lambert)
a ensuite joué une pièce de théâtre interactive, où l’héroïne est en butte avec les stéréotypes familiaux, scolaires, et des cabinets de recrutement, qui s’opposent
à sa volonté de suivre une carrière scientifique. La
journée s’est terminée par une intervention de Brigitte
Plateau, Directrice de l’Ensimag.
Filles & Maths
La rédaction
Du 12 au 18 mars 2012 s’est déroulée la semaine des
mathématiques, placée cette année sous le thème “filles
et maths”. En avant-première l’ENSIMAG (Grenoble
INP), en partenariat avec les associations femmes &
mathématiques et Animath a organisé le 29 janvier une
journée “filles & maths, une équation lunimeuse”, qui a
connu un franc succès en rassemblant un nombreux public de jeunes lycéennes. Après une conférence de Florence Bertails-Descoubes (INRIA), elles ont pu suivre
une intervention de Véronique Chauveau. Rappelant
les grandes dates de l’émancipation universitaire des
femmes (loi Jules-Ferry en 1882, unification des baccalauréats masculin et féminin en 1924, convention
interministérielle pour l’égalité des chances en 2000),
Véronique Chauveau s’est ensuite attachée à mettre en
évidence les causes sociologiques qui font obstacle à
l’égalité entre filles et garçons pour suivre des études
de mathématiques.
Photo Caroline Waltz (Grenoble INP).
Le discours ambiant est différent selon qu’on s’adresse
aux hommes ou aux femmes ; ainsi pour une campagne
de recrutement, le ministère de l’éducation déclare
“Laurence a trouvé le poste de ses rêves”, devant la
photo d’une jeune femme lisant un livre, alors que la
photo d’un jeune homme travaillant sur son ordinateur
est accompagnée de la phrase “Julien a trouvé un poste
à la hauteur de ses ambitions”... Après un buffet, où des
étudiantes de l’Ensimag ont pu répondre aux questions
des lycéennes, les lycéennes ont pu discuter avec des
femmes scientifiques venant de différents horizons (ST
Avril-mai-juin 2012
Journées popularisation des
mathématiques à l’Université d’Orléans
A l’initiative d’Animath, l’Irem d’Orléans et la fédération Denis Poisson organisent les 15 et 16 mai 2012
les premières « Journées popularisation des mathématiques » sur le site de l’Université d’Orléans.
De nombreuses initiatives sont mises en place dans
le but de favoriser la diffusion de la culture mathématique et de ses interactions avec les autres sciences notamment les sciences du numériques. Elles prennent
la forme de conférences, d’expositions, de stages, de
compétitions de problèmes... ou empruntent les voies
de l’édition, comme c’est le cas pour votre magazine.
C’est pour permettre le partage de ces expériences
que les « Journées popularisation des mathématiques »
sont organisées. Ainsi, les enseignants, les chercheurs,
les techniciens et ingénieurs des laboratoire, les doctorants, les médiateurs... se rassembleront autour d’un
programme mêlant conférences (dont une soirée grand
public) et temps d’échanges des bonnes pratiques.
Le comité scientifique a rassemblé des grands noms
de différentes formes de popularisation des mathématiques : Nicolai Andreev (pour l’expertise russe en
matière de promotion des mathématiques), Etienne
Ghys (pour les conférences grand public), Michela Maschietto (pour les expositions) et Tadasho Tokieda (pour
la vulgarisation des mathématiques à partir d’objets du
quotidien). De même, les experts viendront échanger
durant des tables rondes « Enseigner et vulgariser : une
complémentarité nécessaire mais problématique » et
« Les initiatives en direction des jeunes pour favoriser
l’égalité des chances » ainsi que dans les ateliers du
mercredi après-midi.
Renseignements et inscriptions sur le site :
http :www.animath.fr/conf
Bruno Teheux
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