Tuberculose, cirrhose biliaire primitive
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Tuberculose, cirrhose biliaire primitive
Tuberculose, cirrhose biliaire primitive et autoimmunité (A propos d’un cas tunisien). M. Kallel Sellami (1), M. Zitouni (1), F. Zouiten (2), L. Laadhar (1), T. Ben Chaabane (2) & S. Makni (1) (1) Laboratoire d’immunologie, Hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie. (2) Service des maladies infectieuses, Hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie. Correspondance :Pr Sondés Makni,Laboratoire d’immunologie, Hôpital La Rabta,El Jabbari 1007, Tunis, Tunisie. Courte note n°2331. “Clinique”. Reçue le 12 juin 2001. Acceptée le 8 septembre 2001. Summary: Tuberculosis,primary biliary cirrhosis and autoimmunity. We report the case of a 70 year-old Tunisian patient who developed antimitochondrial antibodies and anti-ADN during urogenital tuberculosis with clinical and biological signs of primary biliary cir rhosis and systemic lupus erythematosus. We discuss the association of the three diseases and the etiopathogeny of the autoimmune mechanisms induced by Mycobacterium tuberculosis. Introduction I l est actuellement bien établi que les agents infectieux jouent un rôle dans la pathogénie des maladies autoimmunes. Les mycobactéries en général, et le Mycobacterium tuberculosis (MT) en particulier, sont souvent incriminés dans la genèse de troubles dysimmunitaires avec présence d’autoanticorps (AAC). Nous rapportons le cas d’une patiente présentant une tuberculose (TBCL) chez qui on a diagnostiqué une cirrhose biliaire primitive (CBP) avec anticorps anti-mitochondries type M2 (anti-M2). Durant l’évolution de sa maladie, nous avons détecté dans son sérum, en plus des anti-M2, des anticorps antinucléaires (AAN) avec anti-ADN natifs. S’agit-il d’une association fortuite TBCL, CBP et lupus érythémateux disséminé (LED) ou d’AAC induits par l’infection par MT ? Observation M G. A., âgée de 70 ans, est suivie depuis juin 1997 pour tuberculose urogénitale confirmée ; malgré le traitement, elle a développé une localisation pleurale. Lors de son suivi, la malade a développé des signes cliniques d’hypertension portale avec circulation veineuse collatérale et splénomégalie. Il existe une cholestase avec des phosphatases alcalines à 3N et des gammaglutamyl transpeptidases à 691 UI/l. me Clinique tuberculosis primary biliary cirrhosis antimitochondrial antibody M2 anti-ADN antibody hospital Tunis Tunisie tuberculose cirrhose biliaire primitive Anti-M2 Anti-ADN hospital Tunis Tunisie Les marqueurs des virus de l’hépatite B et C sont négatifs. La recherche d’AAC par immunofluorescence indirecte (IFI) sur coupes de tissu de rat et sur cellules HEP/2 montre la présence d’anticorps anti-M2 titrés à 1/6 400 et l’absence d’AAN. Le diagnostic d’une CBP associée à la TBCL a été évoqué et confirmé par l’examen anatomopathologique de la ponction-biopsie du foie. L’évolution un an plus tard, alors que la malade était sous traitement antituberculeux, est marquée par l’apparition d’arthralgies avec poussées d’arthrites. Une deuxième recherche d’AAC retrouve les anti-M2 à 1/12800 associés à des AAN à un taux de 1/3200 avec anti-ADN natifs positifs en IFI sur Crithidia luciliae. Discussion C ette patiente présente une tuberculose, une CBP et, sur le plan immunologique, des anti-M2 et des AAN type anti-ADN natifs. L’analyse de toutes ces données clinico-biologiques nous amène à nous demander si cette patiente présente une association fortuite entre une CBP, une TBCL et un LED ou bien si l’infection par MT et son traitement ont été à l’origine de l’apparition de troubles autoimmuns et sont, par conséquent, responsables de l’induction de pathologies autoimmunes. L’hypothèse de troubles autoimmuns induits par l’infection par MT a été étayée par plusieurs auteurs qui ont montré que les anti-M2 et les anti-ADN ont été détectés dans le sérum de patients tuberculeux sans signes cliniques, en faveur d’une maladie autoimmune. 330 KLEIN (1), dans son étude qui a porté sur 28 tuberculeux, trouve que 43 % des patients développent des anti-M2. Ces derniers réagissent avec la sous-unité E2 de la pyruvate déshydrogénase (PDC-E2) qui est l’antigène majeur reconnu par les anti-M2. Utilisant un anticorps monoclonal anti-idiotype, SELA (3) a trouvé que 60 % des 57 malades tuberculeux ont des AAC qui reconnaissent l’ADN en ELISA, mais pas en IFI sur Crithi dia luciliae. SHÖENFELD (4) a pu montrer qu’un anticorps monoclonal anti-MT pouvait réagir avec l’ADN, de même que des anti-ADN reconnaissent des antigènes de MT. Ceci prouve que les antigènes de MT et ceux de l’ADN partagent des épitopes communs qui peuvent entraîner des réactions croisées. Ces AAC au cours de l’infection par MT seraient dûs à une stimulation polyclonale des lymphocytes B par ce microorganisme, avec sélection de clones autoréactifs par mimétisme moléculaire. Un mimétisme d’une part avec la PDC-E2 et apparition d’AAC anti-M2 (1), et d’autre part avec l’ADN et apparition d’anti-ADN (4). La présence des anti-M2 et des anti-ADN serait-elle suffisante à elle seule pour entraîner une pathologie autoimmune ? Si le pouvoir pathogène des anti-ADN a été démontré expérimentalement sur une souche de souris qui a développé un lupus après injection d’anti-ADN, les résultats obtenus avec les anti-M2 quant à leur capacité d’induire le développement d’une CBP ne sont pas aussi concluants (1). Dans le cas de notre patiente, le diagnostic de CBP ne pose aucun problème et l’apparition des arthralgies avec poussées d’arthrites, d’une leucopénie et, sur le plan immunologique, Bull Soc Pathol Exot, 2001, 94, 4, 330-331 des anti-ADN, constitue beaucoup de critères en faveur de l’installation progressive d’un LED, même si les anti-ADN ont été décrits au cours de la CBP (2). Le problème qui se pose est de savoir si la tuberculose est à l’origine des troubles auto-immuns ou si le déficit immunitaire causé par la CBP évoluant à bas bruit aurait réveillé un ancien foyer tuberculeux avec prolifération de MT et induction d’anti ADN ? L’intrication de plusieurs manifestations cliniques avec présence d’AAC chez cette patiente est un fait certain. La pathologie de cette patiente pourrait trouver son explication dans une prédisposition génétique et à cause de son âge. Références bibliographiques 1. 2. 3. 4. KLEIN R, WIEBEL M, ENGELHART S & BERG PA - Sera from patients with tuberculosis recognize the M2a-epitope (E2-subunit of pyruvate dehydrogenase) specific for primary biliary cirrhosis. Clin Exp Immunol, 1993, 92 , 308-316. MING-JEN CHOU, SHU-LING LEE, TZY-YEN CHEN & TSAY GJ Specificity of antinuclear antibodies in primary biliary cirrhosis. Ann Rheum Dis, 1995, 54 , 148-151. SELA O, EL-ROEIY A, ISENBERG DA, KENNEDY RC, COLACCO CB, et al.- A common anti-DNA idiotype in sera of patients with active pulmonary tuberculosis. Arthritis Rheum, 1987, 30 , 5056. SHOENFELD Y, VILNER Y, COATES AR, RAUCH J, LAVIE G et al.Monoclonal anti-tuberculosis antibodies react with DNA, and monoclonal anti-DNA antibodies react with Mycobacterium tuberculosis. Clin Exp Immunol, 1986, 66 , 255-261. 331