cadre gi~ologique et mini~ralogie des argiles des charentes, france
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cadre gi~ologique et mini~ralogie des argiles des charentes, france
Clay Minerals (1984) 19, 29-41 C A D R E GI~OLOGIQUE ET M I N I ~ R A L O G I E DES A R G I L E S DES C H A R E N T E S , F R A N C E J. D U B R E U I L H , P. MARCHADOUR* ET M . THIRY* BR GM Service Gdologique rdgional Aquitaine, Avenue Albert Schweitzer, 33600 Pessae, et *Ecole des Mines de Paris, Centre de Gdologie Gdndrale et Mini~re, 35 rue Saint-Honord, 77305 Fontainebleau, France (Received 17 May 1983) R E S U M E : Des kaolinites sont exploit6es dans les s6diments du Tertiaire inf6rieur des Charentes, constitu6s d'argiles, de lignites, de sables noirs ~ gros bois et pyrite et de sables roux. Deux niveaux de kaolinite sont exploit6s: (i) des kaolinites ordonn6es accompagn6es de muscovite, (ii) des kaolinites d6sordonn6es toujours accompagn6es d'anatase. Ces deux niveaux correspondent a deux ~pisodes s6dimentaires successifs, dates du Sparnacien et du Cuisien par la palynologie. Le premier 6pisode est vraisemblablement issu de la reprise d'alt6rations &ablies sur le socle cristallin du Massif Central, alors que le second reprendrait des mat&iaux issus de l'alt6ration des roches s6dimentaires des bordures du bassin. Des kaolinites tr6s bien ordonn6es et de la gibbsite r6sultent de transformations g6ochimiques au sein des d~pSts. Elles sont li6es aux milieux acides des d6p6ts ligniteux et ~ l'oxydation des pyrites qui am6nent la mobilisation de l'aluminium. A B S T R A C T : Kaolinite deposits quarried in the early Tertiary sediments of Charentes consist of clays, lignites, black sands with wood fragments and pyrite, and red-brown sands. Two kaolinite units are worked: (i) well-ordered kaolinites accompanied by muscovite, (ii) disordered kaolinites always accompanied by anatase. These two units result from two successive sedimentary episodes, dated as Sparnacian and Cuisian by palynology. Material deposited during the first episode probably originated as erosion products of soils formed on the crystalline rocks of the Massif Central region, whereas that sedimented during the second episode resulted from weathering of sedimentary rocks at the border of the basin. Well-ordered kaolinites and gibbsite result from geochemical transformations within the deposits. These transformations are favoured by the acidic environment of the lignite deposits and also that resulting from pyrite oxidation, which permits movement of aluminium. D a n s les C h a r e n t e s , des argiles kaoliniques sont exploit6es d a n s les s6ries s6dimentaires tertiaires. Les exploitations s ' & e n d e n t sur u n e b a n d e N o r d - S u d d ' e n v i r o n 25 k m de long et de 6 k m de large. Les premi6res, exploitations 6taient limit6es ~t la r6gion de M o n t g u y o n , en b o r d u r e de l'anticlinal de Jonzac. Depuis, les essais de valorisation des argiles, p o u r d ' a u t r e s utilisations que celles des industries r6fractaires et sanitaires, o n t relanc~ la p r o s p e c t i o n d u b a s s i n et a b o u t i h l ' o u v e r t u r e de n o u v e a u x secteurs d'exploitation d a n s les zones h s6diments tertiaires plus 6pais entre M o n t g u y o n et Barbezieux. Les argiles kaoliniques s o n t exploit6es d a n s plus de 30 carri~res ~t ciel ouvert (Fig. 1) et la p r o d u c t i o n d'argile extraite a atteint 860 000 t o n n e s p o u r r a n n 6 e 1979. 9 1984 The Mineralogical Society 30 M. Thiry et al. FIG. 1. Carte g6ologiquedes Charenteset distributiondes exploitationsde kaolinite. CADRE GEOLOGIQUE En Aquitaine, les formations tertiaires continentales, rapport~es au Sid~rolithique et aux Sables du P~rigord, occupent toute la r~gion Nord-Est du bassin. Dans les r~gions orientales, P~rigord et Quercy, l'~paisseur des d~p6ts est relativement r~duite (moyenne de 10 ~ 20 m) parfois directement tributaire de soutirages karstiques. Le plus souvent, les d~p6ts y sont oxyd~s et montrent une structuration d'alt~ration (Archanjo, 1982). Dans le domaine occidental, qui correspond aux Charentes, c'est la zone de bassin, l'~paisseur des d~p6ts est importante (plus de 100 m). Les d~p6ts se font en milieu r~ducteur, riche en mati~re organique, avec individualisation de puissantes unit~s d'argiles, de sables et de lignites. La structure du bassin est perc~e en son centre par l'anticlinal ~t coeur cr~tac~ calcaire de Jonzac-Montguyon (Fig. 1). Les formations tertiaires des Charentes sont constitutes par un complexe de sables, graviers et galets, avec de nombreuses lentilles d'argiles et des accumulations de lignites. Leur r~partition semble au premier abord tr~s d~sordonn~e, d'autant que leur puissance varie de quelques m~tres en bordure du substratum des catcaires cr~tac~s, ~ plus de 500 m en aval, vers le bassin d'Aquitaine (r~gion de St Emilion). Des datations palynologiques ont pu, pour la premiere fois, ~tre avanc~es par Chateauneuf et aL (1977). Par ailleurs, une approche s~dimentologique, par m~thode s~quentielle, a permis d~couper cette puissante s~rie d~tritique en quatre unit~s (Dubreuilh & Platel, 1980). C'est dans les deux unit~s inf~rieures (sparnacienne et cuisienne) que sont exploit~es les argiles kaoliniques. Sparnacien Sur les argiles ~ nodules ferrugineux, li~es ~ l'alt~ration du toit du Cr~tac~ Sup~rieur, les premiers d~p6ts attribu~s au Sparnacien sont constitu~s de sables fins argileux, gris clair, Les argiles kaoliniques des Charentes 31 d'argiles blanches, ainsi que d'accumulations ligniteuses ~t nombreux nodules de pyrite. Une h deux s~quences n~gatives y ont bt~ reconnues dans le secteur de Montguyon au Sud et de Baignes au Nord; elles caract6risent un environnement delta'/que, donc des d6pfts sous tranche d'eau. Autour de l'anticlinal de Jonzac, ces premiers d6p6ts pr6sentent une g6om&rie tr6s perturb6e b. l'6chelle des carri~res avec des d6formations post-s6dimentaires importantes dues en partie h des ph6nom6nes de karstification et de compaction diff6rentielle. Certains effondrements apparaissent comme pr6coces, entre deux 6pisodes de d+p6t, mais la plupart sont tardifs, probablement cons6cutifs au rehaussement de la zone anticlinale. Ces effondrements sont souvent soulign6s par des formations ligniteuses; ils sont de forme grossi6rement circulaire et isolent des masses d'argile d'environ 10 ~t 50 m de diam&re. Dans les zones d'aflteurement continu, la stratonomie est plus r6guli6re. Les argiles s'y pr6sentent en niveaux horizontaux, continus, massifs, sans stratification marqu6e, jusqu'h 6 m d'6paisseur, ravin6s et recoup6s par des chenaux sableux. Des argiles ligniteuses, voire de vrais lignites, sont souvent associ6s h la bordure de ces chenaux. Sur les flancs des chenaux apparaissent des remaniements (galets mous) et quelquefois des figures de dessication, avec des traces de racines pyritis+es. Cette organisation des chenaux, avec lignites et figures d'6mersion associ6s, est tout/~ fait similaire/~ celle des argiles kaoliniques sparnaciennes du Bassin de Paris (Argiles de Provins) (Thiry, 1981). Les sables sont g6n6ralement de couleur claire (grise ~ beige) ou de couleur rouille. Mais, principalement dans les secteurs m&idionaux, il subsiste des sables noirs, pyriteux, bois flott+s, dans les chenaux ravinant au toit des argiles. Ces bois ont couramment une dizaine de centim~tres de diam&re et sont quelquefois ~pig~nisbs par la pyrite. Des bois subsistent aussi sous forme de traces oxyd6es plus haut dans les sables, dans les facies beiges ou rouille. Ces observations montrent que l'ensemble des d6p6ts aussi bien des sables que des argiles se sont faits en milieu r6ducteur. Les Facies oxyd6s sont tardifs, 6ventuellement relativement r6cents, li6s ~, des circulations de nappes oxydantes. Cu~&n Cette formation est constitute par une ou plusieurs s+quences (plus de cinq ont pu ~tre individualis~es dans le Sud des Charentes, r+gion de Coutras). I1 s'agit de sables vert p~le avec quelques graviers h la base, surmont6s par des argiles sableuses, ~ marmorisations rouge~ttres et nombreux petits terriers. Tous ces caract+res ont une extension r~gionale, ce qui permet d'affirmer que ces formations ont subi des actions p+dog~n&iques pr+coces dans de vastes zones calmes sous faible tranche d'eau temporaire (saisonni+re ?), facies de plaine d'inondation. Au sommet de la s+rie, la palynologie indique un environnement de mangrove pouvant &re attribu~ au passage Cuisien-Lut~tien. Eocene moyen La base de cette unit~ est marquee par une discordance g~n~ralis~e et l'arriv~e de materiel moins alt6r& Les d~pressions sont d~s lors combines car la base de l'Eoc~ne moyen 'transgresse' largement sur les calcaires cr&ac~s. Dans les Charentes, il s'agit d'une assise assez constante de gros galets qui ravine fortement le toit des d~p6ts du Cuisien et du Sparnacien. 32 M. Thiry et al. Eoc@ne sup&ieur ~ Oligoc@ne Ces formations ne sont pas repr6sent6es dans les carri6res d'argiles kaoliniques. On distingue trois grandes sSquences: la base, une s6quence de sables argileux bruns passant fi des argiles sableuses grises et jaunes; au-dessus, deux s$quences de sables feldspathiques vert pS.le passant ~t des argiles silteuses vertes, ~tterriers et petites marbrures rouge~.tres a lie de vin. En l'absence de niveaux organiques, la datation de cet ensemble a 6t6 fait par corr61ation avec les passages aux formations fluvio-lacustres de la r6gion de Coutras (Dubreuilh, 1980). NATURE DES KAOLINITES Les argiles des formations sparnaciennes et cuisiennes des Charentes ont fait l'objet d'une premiere 6tude par diffraction des Rayons X de Kulbicki (1956). Plus tard, Fleurence & Nicolas (1964) ont montr6 la diversit6 min6ralogique des kaolinites des Charentes dans lesquelles ils reconnaissent une s6rie continue depuis des kaolinites bien ordonn6es jusqu'/t des fire-clays. Plus r6cemment Yvon et al. (1982), et Cases et al. (1982) ont montr6 que c'est le fer, sous forme d'oxydes ou hydroxydes dans l'espace interfoliaire ou en couche octa6drique, qui semble principalement responsable du nombre de d6fauts cristallins dans les kaolinites des Charentes. En utilisant conjointement les crit6res de classification bas6s sur la r6solution des raies caract6ristiques de l'ordre d'empilement des feuiUets (Brindley & Robinson, 1947) et sur la capacit6 de gonflement/t l'hydrazine hydrat6 (Range et al., 1969), nous avons 6t6 amen6 fi distinguer 3 principaux groupes de min6raux. Kaolinites ddsordonndes ou fire-clays Les diagrammes de diffraction sur poudre orient6e montrent de larges bandes de diffraction (hkO), caract6ristiques des kaolinites /L empilement d6sordonn6 des feuillets (Fig. 2). En m~me temps, la raie basale (001)/l 7.15/~ est large, traduisant une cristallinit6 faible (Thiry, 1982). Le rapport des intensit6s I(001)/I(020) est faible, jusqu'~i ~tre voisin de 1. Les diagrammes de diffraction sur la fraction <2/~m orient~e, et trait~e par l'hydrazine hydrat6 montrent un faible indice de gonflement. 1~< 1 7.15 A normal 1 7.15/k hydrazine <2 Les observations au microscope 61ectronique fi balayage montrent qu'elles sont form6es de plaquettes petites et fines, orient6es parall61ement entre elles, formant un assemblage compact (Fig. 3(1)). Kaolinites ordonndes typiques Les diagrammes de diffraction des RX sur poudre non orient6e montrent des raies (hkl) fines et bien individualis6es (Fig. 2) caract6ristiques de kaolinites ordonn6es. En m~me temps, les intensit6s diffract6es sont fortes et le rapport des intensit6es I(001)/I(020) est 61ev6. Les argiles kaoliniques des Charentes KAOLINITE 33 D E S O R E ) O N NE E ::I I', ............ *p l o 3,0 KAOLINITE 4o ORDONNEE MICA L E i 1(3 20 30 40 FIG. 2. Diagrammes de diffraction des Rayons X (Cu-Ka) des deux principaux types de kaolinites des gisementsde Charentes (trait pointill6:apr6s traitement &l'hydrazinehydrate). Les diagrammes de diffraction sur les fractions fines (< 2 ~tm) et orient+es, trait6es par l'hydrazine hydrate, montrent un fort indite de gonflement. 2< 1 7.15/i~ normal 17.15 hydrazine <6 Ces kaolinites ordonn6es typiques sont dans tous les cas form6es de plaquettes plus grandes que les kaolinites d6sordonn~es. Elles forment, soit des assemblages orient6s et compacts (Fig. 3(2)), soit des assemblages isotropes dispos6s en 'chateau de cartes' (Fig. 3(4)). Kaolinites ordonndes atypiques Les diagrammes de diffraction de RX sur poudre non orient6e sont ceux d'une kaolinite ordonn6e, tout ~t fait identiques & ceux du groupe pr6c6dent. Mais ces min~raux se distinguent par le fait qu'ils ne pr6sentent aucun gonflement &l'hydrazine hydrat6: 17.15 A normal 17.15 ,/k hydrazine-- 1 34 M. Thiry et al. FIG. 3. Microscope 61ectronique h balayage. (1) Argile ~t kaolinite d6sordonn6e (Cuisien, Fontbouillant). (2) Argile ~ kaolinite ordonn6e et mica (Sparnacien, Bois de Bernet). (3) Argile ligniteuse/t kaolinite ordon6e atypique et gibbsite (Cuisien, Maine Bertin). (4) Argile pyriteuse h kaolinite ordonn~e (Sparnacien, Guizengeard). Le trait repr6sente O-5/~m. Au microscope 61ectronique a balayage, plaquettes en assemblage isotrope (Fig. 3(3)). elles apparaissent form6es de petites Les argiles kaoliniques des Charentes MINERALOGIE DES DEPOTS 35 SIDEROLITHIQUES Les d6p6ts sid6rolithiques des Charentes sont presque exclusivement compos~s de kaolinite et de quartz. N6anmoins ~t c6t6 des min6raux majeurs existent quelques min6raux accessoirs, qui sont d'une part les min6raux du fer (h6matite, goethite, pyrite et sid6rite), et d'autre part de l'anatase, de la muscovite, de la smectite, des feldspaths potassiques, des plagioclases et de la gibbsite. Nous n'avons pas retrouv6 la dickite signal6e par Kulbicki (1956). Associations et successions mindrales L'exploitation du Bois de Bernet (5 km au Sud-Est de Montguyon) montre les associations et les successions typiques de ces formations. On y reconnait 3 associations majeures de la base au sommet (Fig. 4). (1) Kaolinites ordonn6es typiques, accompagn6es d'un peu de muscovite (2 ~ 5%). (2) Kaolinites d6sordonn6es toujours accompagn~es d'anatase (1 ~ 3%). (3) Kaolinites d6sordonn6es accompagn6es de smectites (jusqu'/t 50%) de mica-illite, et de feldspaths. La pyrite est limit6e aux pass6es argileuses et aux sables inf6rieurs qui contiennent des bois flott6s. La sid6rite forme de petits pisolithes blancs, millim&riques, qui criblent FIG.4. Formations sid~rolithiques et Sables du P6rigord de la carri~re du Bois de Bernet (CharenteMaritime).Compositionmin6ralogique. 36 M. Thiry et aL l'extr@me base des argiles, vraisemblablement non loin du contact avec les calcaires cr&ac6s. Goethite et h6matite sont les min6raux du fer dans les sables sup6rieurs, oxydbs. On retrouve l/t, la m@me succession min@ralogique des compos@s du fer que dans les argiles kaoliniques du Sparnacien du Bassin de Paris (Thiry, 1981). Extension des associations mindrales Les trois associations min6rales principales d6crites ci-dessus se retrouvent sur l'ensemble du bassin d'exploitation des argiles des Charentes. L'ordre de succession de ces associations est toujours respectS; les niveaux /t kaolinite d6sordonn6e et anatase recouvrent toujours les niveaux/t kaolinite ordonn6e et mica, et les formations/t kaolinite, smectite et feldspaths couronnent les coupes. Cette succession est g~n6rale sur rensemble du bassin. N~anmoins les niveaux /t kaolinite d6sordonn6e et anatase viennent souvent/t manquer et, dans ce cas, les formations /t smectite et feldspaths recouvrent directement l'ensemble inf6rieur. La Fig. 5 donne les sch6mas des successions lithologiques et min~ralogiques des principales coupes &udi6es. L'association /t kaolinite ordonn~e et mica est connue sur l'ensemble de la r6gion. Par contre, la formation /t kaolinite d6sordonn6e et anatase est limit~e au secteur de Baignes et de Montguyon. Entre ces deux secteurs, les formations/t kaolinite, smectite et feldspaths viennent reposer directement sur l'unit6 inf6rieure. N6anmoins, il existe quelquefois des interp6n&rations de ces associations min6rales. C'est la cas de la carri6re de Montroux (/t l'Est de Baignes), off un niveau m6trique de sable/t kaolinite ordonn~e et mica se place au sein de l'ensemble/t kaolinite d~sordonn6e et anatase. De m@me, dans le sondage au Sud de Sauvignac, une pass@e sableuse/t kaolinite d@sordonn6e et anatase s'intercale dans l'ensemble /t smectite et feldspaths. Ces " ~3ARBE ZIELJ E ] o ~ -- LITHOLOGIE ~ saem [ om [ A S S Ol~Tal C [Dc~Nr~R41NE .... s r ~ o c t l t e - t[ I d s p a t h ~<aol,n,te d e s o r d o n ' ~natas@ V " 4 ,:a.,e,e ~rg,le 0 ~orldac]e O h c n l t e d'af f l e , u < e m e , , l l ......... i I ! ! F]6. 5. Distribution des associations min+rales. Les argiles kaoliniques des Charentes 37 dispositions peuvent s'interpr&er comme des r~currences de facies, t~moignant de l'6rosion des assises sous-jacentes. Interprdtation sddimentologique L'analyse min6ralogique fine de ces formations argilo-sableuses permet de pr6ciser leur s6dimentalogie. Le passage d'une association ~ l'autre se fait de mani~re franche darts la s6rie, ce qui permet de d6finir des unit6s se rapportant ~t un m6me 6pisode s~dimentaire. Ces associations min6rales d61imitent, du moins dans les formations kaoliniques, des unit~s s6dimentaires dont la base est souvent occup6e par un puissant niveau d'argile; on passe ensuite soit ~ des argiles sableuses, soit directement fi des sables qui ravinent quelquefois les argiles. En sommet d'unit6, s'individualisent 6ventuellement fi nouveau des lentilles d'argiles dans les sables. La s6quence est donc de type n~gatif et elle permet d'interpr6ter ces formations comme des d6p6ts dans un syst6me de delta progradant, dans lequel s'effectue le tri des mat6riaux (Marchadour, 1980). En effet, la formation de couches d'argiles tr6s pures, parfois sur 5 m d'6paisseur et plusieurs hectares de superficie, ne peut se faire que dans un milieu suffisamment calme pour qu'un tri trbs s61ectif des particules apport6es au bassin soit r6alis6. Seul un syst6me du type lacustre ou lagunaire est capable de telles performances. Les grosses particules se s6dimentent d6s l'entr~e dans le plan d'eau, off la vitesse du courant chute brusquement. Les particules d'argiles peuvent par contre &re transport6es tr~s loin par un faible courant, se s6dimenter tr~s lentement, mais former des ~paisseurs importantes dans un environnement stable. Les d6p6ts sableux littoraux progradent et on assiste fi un recouvrement des couches d'argile par des mat6riaux plus grossiers. Le front du delta est marqu6 par l'6dification de digues et de lev~es de sables qui canalisent les ~coulements fluviatiles. Les ruptures de ces digues am~nent le d6p6t de mat6riaux granulom~triquement tr~s h&~rog~nes et peuvent provoquer de puissants ravinements dans les couches argileuses recouvertes. Lithostratigraphie La superposition, selon un certain ordre, de niveaux ~t compositions min+ralogiques diff~rentes conduit b. envisager que la nature des produits amen+s au bassin varie dans le temps, et que ces unit6s puissent constituer des rep+res lithostratigraphiques. Sur quelques coupes, on poss+de un ou plusieurs niveaux dates par la palynologie (Chateauneuf et al., 1977), pour la plupart elles montrent que: les formations ~t kaolinite ordonn~e et mica sont d'~ge sparnacien; les niveaux ~ kaolinite d6sordonn6e et anatase sont d'~tge cuisien; l'ensemble h kaolinite, smectite et feldspaths est d'~tge lut&ien ou plus r6cent. Mais des d+saccords existent entre l'attribution lithostratigraphique et les datations palynologiques dans un certain nombre de carri6res. Plusieurs faits pourraient &re l'origine de cette discordance dans les attributions stratigraphiques. Les deux associations kaoliniques se retrouveraient dans plusieurs provinces d'alimentation. Pour concorder avec les attributions palynologiques, il faudrait imaginer une mosa'ique de secteurs diff~rents et ind~pendants, difficilement conciliable avec la continuit6 des d~p6ts sur l'ensemble du secteur. De plus, il existerait dans ce cas des termes de passage et des interp6n&rations des deux unit6s. M. Thiry et al. 38 La s6paration d'unit6s ~t kaolinites ordonn6es et d6sordonn6es r6sulterait d'un tri s6dimentologique au sein du bassin, lh aussi existeraient vraisemblablement des termes de passage et des interp6n&rations de faci6s. Certaines associations palynologiques qui ne sont pas tr6s vari6es auraient une signification plus faciologique que stratigraphique, li~es au milieu de d6p6t. Pour pouvoir trancher, il faudrait disposer d'un plus grand hombre d'6chantillons riches en pollens et une couverture plus compl&e de sondages et de carri6res. L'&ude des min6raux lourds est par ailleurs 6galement entreprise (Dubreuilh, th6se en cours). TRANSFORMATIONS PENDANT ET A P R E S DEPOT Par l'&ude micrographique, Kulbicki (1956) avait mis en 6vidence la pr6sence de min6raux vermiculaires (kaolinite et dickite) dont l'habitus est incompatible avec un transport quelconque. I1 avait rapport6 ces min6raux ~t des cristallisations sur place, et les avait reli6es h une lat6ritisation des d6p6ts. Au niveau de l'analyse globale, apparaissent 6galement des singularit6s min6ralogiques qui ne peuvent s'expliquer que par des transformations li6es ~tdes conditions g6ochimiques locales particuli6res. Influence des mati~res organiques Les formations ligniteuses sont relativement fr6quentes dans les Argiles des Charentes; leur puissance varie de niveaux lenticulaires d6cim&riques au sein des argiles et des sables, des niveaux plus continus d'6paisseur m&rique. La min6ralogie des argiles est affect6e par la proximit~ de la mati6re organique. Plusieurs faits sont h noter (Fig. 6). (A) Pr6sence de kaolinite ordonn6e, montrant des raies fines et bien individualis6es; le traitement ~ l'hydrazine hydrate r6v61e deux types diff6rents. 1. Dans les niveaux LITHOLOGIE MECANISMES CRISTALLINITE KAOLINITE sables r o u x lentllle dargHe (:i.:~ sables roux * !:: et p v r l t e 1:!~.1. ~ arglie sabie[J se l e s s i v a g e de n a p p e s hb~.ratloN H 2 S O 4 ~i Ilgr, tte arglle MINERAUX Is S E C O N E ) ~ I R ES ~ Glbbslte FIG. 6. Sch6made distributiondes kaolinites secondaires et de la gibbsite dans les formations sid6rolithiques. Les argiles kaoliniques des Charentes 39 sparnaciens (h kaolinite ordonn6e), la kaolinite est encore mieux ordonn6e que dans les niveaux encaissants; ce sont des kaolinites ordonn6es typiques qui gonflent au traitement h rhydrazine. Mais ces 6chantillons, pris au sein ou ~t proximit6 des lignites, ne contiennent g6n~ralement pas de mica. 2. Au voisinage des lignites des niveaux cuisiens (~ kaolinite d6sordonn6), ce sont des kaolinites ordonn6es atypiques, ne pr6sentant pas de gonflement ~tl'hydrazine, qui apparaissent. (B) Occurrences de gibbsite qui sont toujours associ6es ~t des kaolinites ordonn6es. Ce sont les argiles hyper-alumineuses des exploitants. La pr6sence de gibbsite dans les Argiles des Charentes a d~j~ &~ d6crite par plusieurs auteurs (Lanquine & Halm, 1951; Caillere & Jourdain, 1956; Kulbicki, 1956). Plusieurs occurrences ont &6 retrouv6es aussi bien dans les niveaux argileux de la formation ~t kaolinite ordonn6e et mica que de la formation h kaolinite d6sordonn6e. Les kaolinites des sables Les importantes masses sableuses du sid6rolithique des Charentes sont surtout form6es de sables roux et de sables blancs. Certaines exploitations montrent aussi des sables noirs pyriteux qui renferment souvent de gros bois flott6s, dont certains sont 6pig6nis6s en sulfure. Sous les sables, h la partie sup6rieure des argiles, la kaolinite est souvent mieux ordonn6e que dans rensemble du niveau. D'ailleurs, d'une mani6re g6n6rale, les kaolinites des sables et les kaolinites des galets d'argile contenus dans les sables, sont mieux ordonn6es que ceUes des niveaux argileux. Au microscope 61ectronique ~t balayage, ces kaolinites montrent parfois un d~veloppement en accord6on, par empilement de grosses plaquettes automorphes (Esteoule-Choux, 1981). Interpretation La pr6sence fr6quente de petites quantit6s de gibbsite au sein des niveaux argileux pose le probl6me de l'origine de ce min6ral. En effect, la gibbsite est instable en pr6sence de quartz, alumine et silice se recombinent alors pour former de la kaolinite. De ce fait, il est difficile d'imaginer que lors de la s6dimentation, avec reprises successives de mat6riaux argilo-sableux, de la gibbsite d&ritique ait pu arriver au bassinet ~tre conserv6e. On est donc oblig6 de faire appel h des n6oformations apr~s d6pSt. Gibbsite et kaolinites ordonn6es sont li6es ~ la pr6sence de lignites. La n6oformation de la gibbsite r6sulte non pas du lessivage de la silice comme darts les sols, mais d'un processus de d6placement de l'aluminium par mise en solution dans les milieux tr6s acides des d6pfts ligniteux et de l'intervention 6ventuelle de complexes organiques. L'aluminium mis en solution ~t partir de kaolinites (voire de micas ou de feldspaths) au contact des lignites est repr6cipit6 un peu plus loin d6s que le milieu est moins acide. Deux cas se pr6sentent: En pr6sence de quartz, c'est la kaolinite bien ordonn6e qui est form6e, par cristallisation ou agradation. Les assemblages isotropes, 'en ch~tteau de cartes', des plaquettes de kaolinite (Figs 3(3) et 3(4)), r6sultent de ces n6oformations. En l'absence de quartz, l'hydroxyde d'aluminium pr6cipite. Ainsi, la gibbsite ne se rencontre qu'au sein des masses importantes d'argile. Ce processus g~ochimique de d~placement de raluminium contribue ~ 'purifier' les masses 40 M. Thiry et al. d'argile. L'apport d'aluminium amine, dans un premier temps, un 6puisement du quartz dont la silice se combine pour former de la kaolinite; ce n'est qu'apr6s que la gibbsite se forme. Dans les argiles plus sableuses, seule la kaolinite ordonn6e est exprim~e. Ces kaolinites ordonn~es doivent &re rapproch6es des 'underclays' d6crits ~t la semelle des couches de houille en de nombreux endroits (Keller et al., 1954; Glass, 1958; Patterson & Histerman, 1960; Keller, 1968). Pour les sables, ce sont des circulations de nappes aquif~res et des phbnom6nes d'oxydation qui interviennent. Des sables noirs, pyriteux, se recontrent tr6s souvent dans des d~pressions locales, ou des ravinements au-dessus des niveaux d'argile. Ils repr6sentent le facies originel de d6p6t des sables, alors que les sables roux et blancs r6sultent d'oxydations et de lessivages tardifs, voire sub-actuels. Souvent subsistent des nodules pyriteux et des traces de bois oxyd6 au sein des sables roux. Ces circulations lessivent les sables et les niveaux argileux h leur contact, et en m~me temps provoquent l'oxydation de la pyrite qui lib6re de racide sulfurique et peut localement d6velopper des milieux tr6s acides. Ces milieux lessiv~s et acides sont h l'origine du d6veloppement de kaolinites bien ordonn~es dans les sables, les galets d'argile et dans les niveaux d'argile au contact des sables. Les transformations observ6es correspondraient h une recristallisation des kaolinites en grandes plaquettes empil6es en accord6on (Kulbicki, 1956; Esteoule-Choux, 1981). Mais, en dehors de ces transformations tardives, le caract6re un peu mieux ordonn6 des kaolinites des sables par rapport h celles des couches argileuses, doit vraisemblablement &re imput6 hun tri s6dimentologique par la taille des particules (Thiry, 1982). CONCLUSION--INDICES PALEOGEOGRAPHIQUES Des d~pSts de mat~riaux diff~rents se sont succ~d~s dans le bassin des Charentes. Par le biais des associations min~rales, on peut essayer de pr~ciser l'origine des mat~riaux. Les kaolinites sont issues de puissantes alt6rations lessivantes &ablies sur rEurope de l'Ouest au Cr&ac~ Sup~rieur et au Tertiaire inf~rieur. La nature des kaolinites form~es est largement tributaire de la nature de la roche m~re. (A) L'alt~ration des roches acides, tels les gr~s, les gneiss et les granites engendre des kaolinites ordonn~es (Hinckley, 1963; Fauck, 1972). (B) L'alt~ration des roches basiques comme les gabbros, les basaltes, mais aussi les roches s~dimentaires argileuses et carbonat~es favorise la formation de fire-clays ou kaolinites d6sordonn6es (Sudo & Hayashi, 1956; Hinckley, 1963; Liberto de Pablo, 1966; Sieffermann, 1969; Thiry & Weber, 1977). Ainsi, le premier ~pisode h kaolinite ordonn~e et mica pourrait &re issu de la remobilisation d'alt~rations &ablies sur le socle granito-gneissique du Massif Central. Le second ~pisode ~ kaolinite d~sordonn~e et anatase appara~trait quant ~t lui issu de l'alt~ration des roches s~dimentaires, surtout carbonat~es, de la plateforme nor&aquitaine (Poitou, P~rigord, Quercy). Les kaolinites de ce second ~pisode sont tr~s voisines de celles des Argiles de Provins du Sparnacien du Bassin de Paris (Thiry, 1981). Enfin, avec le dernier ~pisode apparaissent les smectites. Elles sont la traduction de conditions d'alt~rations moins lessivantes, sous des climats moins humides. L'arriv~e de feldspaths avec les sables de cet ~pisode va dans le m~me sens. Le changement de la nature min~logique des produits entre les deux premiers 6pisodes Les argiles kaoliniques des Charentes 41 est la consequence d'un changement dans les provinces d'alimentation, alors que le troisi~me episode serait li~ h une ~volution climatique. BIBLIOGRAPHIE ARCHANJO J.D. (1982) Le Siddrolithique du Quercy blanc (France). A ltdrations polyphasdes paldog~nes sur roches sddimentaires. Essai de datation. Th~se Doct.-Ing., Univ. Louis Pasteur, Strasbourg, 148 pp. BRINDLEY G.W. & ROBINSONK. (1946) An X-ray study of some kaolinitic flreclays Trans. Brit. Ceram. Soc. 46, 49-62. CAILLERE S. & JOURDAIN M.A. (1956) Sur quelques particularit6s de la formation argileuse de Montguyon (Charente Maritime). Bull. Gr. Ft. Argiles 7, 31-38. CASES J.M., LIETARD O., YVON J. & DELON J.F. (1982) Etude des propri&bs cristallochimiques, morphologiques, superficielles de kaolinites d6sordonn6es. Bull. Mineral 105, 439-455. CHATEAUNEOF J.J., DUBREUILH J. & PLATEL J.P. 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