La « supply chain » de demain : Évolution ou révolution ?
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La « supply chain » de demain : Évolution ou révolution ?
Logistique & Management La « supply chain » de demain : Évolution ou révolution ? Xavier MESNARD Vice preésident A.T. Kearney - Bureau de Paris Prof. Hans-Christian PFOHL University of Technology, Darmstadt - President European Logistics Association Tous les cinq ans AT Kearney et l’ELA réalisent une large radioscopie de la logistique et du Supply Chain Management en Europe. Cette enquête diffusée auprès de 2000 entreprises de tous secteurs permet de définir les nouveaux critères de performance et d’identifier un ensemble de pratiques communes aux stratégies logistiques des entreprises leaders. Il apparaît aux vues des résultats que la Supply Chain de demain nécessite un changement radical d’état d’esprit et de mode de management. Depuis le début des années 90, les plus grands experts prédisent la fin de la consommation de masse. Aujourd’hui, ce n’est plus une prédiction, cette mutation – rapide et envahissante – est en cours. L’explosion des nouvelles technologies (en particulier Internet) permet aux consommateurs d’être très pointus au niveau de leurs exigences, et de se tourner facilement vers d’autres fournisseurs s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Parallèlement, les entreprises de premier plan n’acceptent plus désormais les produits et les services standards de leurs fournisseurs. Pour améliorer leur performance économique et leur positionnement concurrentiel, elles durcissent leurs propres exigences, et sélectionnent des fournisseurs capables de les satisfaire, voire les dépasser. En réponse, ceux-ci cherchent à se différencier en offrant des solutions sur mesure et un service à haute valeur ajoutée. De nouveaux entrants sont capables de cibler leurs clients de façon quasi individuelle. Ils balayent les vieilles idées reçues des « supply chains » actuelles: les canaux de distribution figés, la nécessaire détention d’actifs clés, les partenariat exclusifs et à long terme, la proximité géographique des clients. En Europe, ils profitent notamment d’un terrain de jeu Vol. 8 – N°1, 2000 étendu du fait de l’effacement des frontières et de la construction d’un marché unique. En utilisant la technologie du commerce électronique et les ressources qu’ils ne détiennent pas en propre, ces nouveaux entrants sont en train de créer de toutes pièces une nouvelle génération de « supply chains » qui bouleverse l’environnement concurrentiel. Les schémas logistiques élaborés il y a seulement quelques années deviennent rapidement obsolètes. Les dirigeants doivent repenser leur « supply chain » et développer les capacités de leurs organisations en conséquence. Ces tendances – qui représentent autant de menaces que d’opportunités pour toutes les entreprises – sont largement corroborées par les résultats d’une étude récente menée par A.T.Kearney et l’ELA (European Logistics Association). Tous les cinq ans, A.T.Kearney entreprend en effet avec l’ELA une large radioscopie de la logistique et du « supply chain management » en Europe. Cette étude vise à mesurer les progrès effectués en terme de performance logistique, à identifier les nouveaux challenges et à évaluer la façon dont les entreprises se préparent à les affronter. La quatrième édition se fonde sur 2000 questionnaires qui ont été adressés à des entreprises de tous secteurs 61 Logistique & Management industriels dans dix-huit pays européens, et 70 entretiens approfondis menés avec des entreprises reconnues comme innovantes dans le domaine. Les principaux faits marquants concernant le niveau de performance logistique actuel et les progrès effectués depuis 1993 sont les suivants : En dépit de la promesse d’une intégration l économique, les entreprises ont été lentes à rationaliser les réseaux de distribution en Europe : En 1998, seulement 20% des entreprises possédaient des centres de distribution couvrant plus d’un pays, en légère progression par rapport aux 17% de 1993. D’ici 2003, ce chiffre passera à 31 %. Aujourd’hui les coûts logistiques représenl tent en moyenne 7,7% du chiffre d’affaires, en baisse sensible par rapport à 1993 (10,1%). Cela s’explique principalement par la diminution des coûts de transport et des frais financiers d’immobilisation des stocks (du fait de la baisse des taux). Les délais de livraison moyens continuent à l diminuer, de 18 jours en 1993, à 12 aujourd’hui …à 9 prévu en 2003. La qualité de service ne s’est pas vraiment l améliorée depuis 1993 :12% des commandes sont livrées en retard, 8% ne sont pas complètes et 2% arrivent endommagées, ce qui est comparable à l’étude précédente. Plus que ces données chiffrées, les véritables enseignements de l’enquête A.T.Kearney / ELA sont ailleurs : de nombreuses entreprises perçoivent les changements en cours chez leurs clients et dans le paysage concurrentiel, mais la plupart d’entre elles n’ont pas véritablement initié les révolutions nécessaires en interne et dans leurs relations clientsfournisseurs pour se doter de stratégies et de schémas logistiques permettant de transformer les menaces en opportunités. Seuls les leaders - environ 10% de l’échantillon sondé dans l’enquête - anticipent l’avenir en admettant que les schémas logistiques traditionnels sont menacés d’une extinction aussi irrémédiable que celle de la consommation de masse. Ils conçoivent d’ores et déjà des “supply chains” multiples, performantes et adaptées à leurs micromarchés. De même, ils apprennent à gérer efficacement les synergies de méthodes et de moyens (infrastructure physique, systèmes d’information, prestataires) entre leurs multiples “supply chains” et à les adapter en permanence pour coller aux besoins de leurs clients 62 et aux capacités de leurs fournisseurs et de leurs partenaires. Dans un tel contexte, comment définir les nouveaux critères de la performance logistique ? Quel ensemble de pratiques est mis en œuvre par les leaders pour concevoir les schémas logistiques différentiateurs et performants de demain ? Quels impacts sur la culture, l’organisation de l’entreprise et les modes de management ? Nouveaux critères de performance logistique La majorité des entreprises focalisent leurs efforts sur la réduction des délais et des coûts logistiques, et sur l’amélioration de la qualité de service. Certes impératifs, ces efforts ne sont plus suffisants : d’une part, parce que les améliorations sont plus difficiles à obtenir et d’autre part, parce que ces mesures statiques de la performance d’une « supply chain » individuelle ne constituent pas une réelle source d’avantage compétitif durable. Pour être performant dans des environnements où il faut continuellement réinventer de nouvelles “supply chains” et adapter celles existantes aux exigences des clients et à l’environnement concurrentiel en évolution permanente, de nouveaux modes d’organisation et de mesure de la performance logistique doivent être mis en œuvre. En résumé, pour compléter les traditionnels indicateurs de performance en terme de délais, coûts et qualité de service, les schémas logistiques de demain devront être réactifs, agiles, efficients et intelligents. (Cf figure 1 page ci-contre) Réactivité. Alors que la concurrence s’intensifie dans la plupart des secteurs, la capacité de réaction pour identifier et satisfaire les demandes non prévues devient primordiale. Les entreprises ne peuvent plus se permettre de passer à côté d’opportunités, les clients étant plus volatiles que jamais. Anticiper la demande et devancer les concurrents en terme de délai de livraison n’est plus suffisant. Il faut pouvoir cibler et atteindre les clients existants ou les futurs clients, avec les produits et services adaptés, au bon moment et dans quelque circonstance que ce soit ! Agilité Pour être performant dans un contexte ou la durée de vie des produits est de plus en plus courte et les clients de moins en moins fidèles, Vol. 8 – N°1, 2000 Logistique & Management il est impératif d’être capable d’adapter en permanence ses opérations à toute circonstance extérieure tout en maintenant des structures de coûts et des niveaux de service optimisés. Alors que la réactivité correspond à la vitesse de satisfaction de demandes non anticipées, l’agilité est la capacité de l’entreprise à reconfigurer rapidement son propre système en redéployant efficacement les ressources disponibles (ressources propres et celles des prestataires et partenaires). Etre agile impose de diminuer les coûts de changement et de complexité et de se concentrer sur ses processus clés. Figure 1. Nouveaux critères des leaders de la Supply Chain Efficience Dépassant la notion de coût d’une « supply chain » individuelle, l’efficience est définie comme l’élimination systématique de toute forme de gaspillage. Elle couvre naturellement le coût des structures et les processus logistiques. Mais elle touche également d’autres formes de gaspillage : les ressources engagées (gaspillage de capitaux), les coûts pour l’environnement ou l’optimisation du chiffre d’affaires (gaspillage d’opportunité). Pour être performantes dans la durée, les entreprises devront notamment accélérer les flux, maximiser les synergies entre les différentes « supply chains », focaliser leurs opérations et rendre variable leurs structures de coût. Intelligence. Fournir des multitudes de micro-marchés nécessite une connaissance détaillée et précise des attentes et des besoins des clients ainsi que des ressources disponibles pour les satisfaire. Concevoir des schémas logistiques « intelligents » implique de développer les capacités de l’entreprise à pleinement utiliser l’ensemble des informations pouvant être disponibles (exigences des clients, besoins des consommateurs finaux, disponibilité des ressources, vision instantanée de l’ensemble des flux de produits et d’informations) pour maximiser sa réactivité, son agilité et son efficience. Ceci passe en particulier par des échanges directs et le partage d’informations entre les parties concernées (clients, prestataires et partenaires). Pratiques des leaders L’enquête A.T. Kearney/ELA a permis d’identifier un ensemble de recommandations et de pratiques communes aux stratégies logistiques des entreprises leaders. Certaines sont connues et déjà appliquées - les meilleu- Figure 2. Application des meilleures pratiques par les leaders. Étude ELA - A.T. Kearney Vol. 8 – N°1, 2000 63 Logistique & Management res pratiques d’aujourd’hui - d’autres caractérisent de nouvelles pratiques : les premières applications des meilleures pratiques émergentes. L’ensemble constitue une check-list, illustrée par des exemples et des résultats quantifiés de l’enquête (Cf figure 2), de principes à mettre en œuvre pour concevoir des schémas logistiques performants. Partir des besoins des clients Les modèles de segmentation classiques sont en train d’être remplacés par des modèles extrêmement ciblés (les micro-marchés) issus notamment des attentes logistiques ou des profils de consommation. Internet joue un rôle déterminant comme moyen de communication, aussi bien pour capter sans effort les demandes des clients que pour les cibler de façon spécifique voire individuelle : chaque client devient alors un marché en soi. Mattel, par exemple, a monté son site web afin de permettre aux enfants de créer leur propre poupée Barbie en choisissant la couleur des yeux, des cheveux, les accessoires et même son nom. Lorsqu’ils recevront leur commande, les enfants trouveront leur nom sur l’emballage ainsi qu’une description de la personnalité de la poupée générée par ordinateur. Pour cibler et atteindre correctement tous les micro-marchés, les entreprises doivent adapter leur offre pour proposer des produits sur mesure à un coût comparable à celui des produits standards. Le véritable changement tient au fait que chez les leaders, tout ce qui est lié au client est prioritaire et dicte d’organisation des processus internes. Les implications en terme de marketing, de conception, de production et de distribution sont considérables. De plus, en développant de façon pro-active des relations approfondies avec ses clients, l’entreprise peut contrebalancer la banalisation de ses produits en les complétant par des services à valeur ajoutée et en les intégrant dans les processus de ses clients ; Ainsi, 63 % des entreprises leaders ont développé certains processus en relation étroite avec leurs clients (contre 38 % pour les autres) et près de 20 % des leaders (contre 7 %) ont déjà réalisé des échanges de personnel. La livraison en juste à temps sur le lieu d’utilisation, la préparation des produits pour leur utilisation ultérieure, le partage d’informations de planification et de production ou la gestion des stocks par le fournisseur sont autant de pratiques qui se diffusent rapidement. 64 Retarder la configuration Satisfaire la demande de tous les micro- marchés n’est plus possible à partir d’une “supply chain” traditionnelle souvent constituée autour d’un stock de produits finis, la diversité de produits/versions différents induisant alors des coûts de complexité énormes. Les leaders reportent un certain nombre de phases de production et de distribution pour les réaliser le plus tard possible, et idéalement à la commande. Ceci suppose bien sûr de développer des produits en maximisant la modularité et en facilitant l’assemblage - qu’il s’agisse de jeans, de voitures ou d’ordinateurs. La prise en compte de la configuration retardée dès la conception des produits est impérative pour garantir des produits sur mesure à un prix compétitif, c’est à dire comparable à celui des produits standards. 29 % des ventes des leaders concernent des produits ayant été conçus pour une configuration retardée contre 13 % pour les autres entreprises, et 47 % des ventes des leaders sont personnalisées à la commande contre 29 % pour les autres. Un constructeur automobile européen a ainsi changé son système de planification et de commande pour constituer un “stock virtuel”. Les véhicules en configuration basique moteur/couleur sont fabriqués sans commande client sur la base de données statistiques et d’analyses de marché. Grâce à un système informatique spécifique, les concessionnaires peuvent chercher et trouver dans le réseau la voiture la plus proche du souhait du client. Un ensemble d’options peut ensuite être monté avant la remise des clés au client. Ce système de stock virtuel a permis de réduire les délais de six semaines à un jour et demi pour la moitié des commandes tout en réduisant les niveaux de stock de 20 %. Se concentrer sur les opérations créatrices de valeur. L’efficience ne pourra être atteinte que si l’entreprise respecte un principe de spécialisation, c’est à dire si elle ne gère que ce qui compte vraiment. La place de l’entreprise dans la « supply chain » globale doit être définie pour générer l’impact maximum, en utilisant le moins de ressources possible. Ainsi le taux d’outsourcing des opérations logistiques de base telles que le transport (75 %), l’entreposage (43 %) et la gestion du transport (41 %) est en constante augmentation. Le taux d’outsourcing des activités à plus Vol. 8 – N°1, 2000 Logistique & Management forte valeur ajoutée, telles que la préparation de commande, est beaucoup plus réduit (moins de 10 % en moyenne) mais deux fois plus élevé chez les leaders. Les leaders tendent également à distinguer la conception – stratégique – du schéma logistique et l’exploitation – tactique – de leur logistique depuis la commande jusqu’à la livraison, exploitation qu’ils envisagent de sous-traiter. Un certain nombre de prestataires les plus modernes s’empressent de bâtir et de s’approprier les compétences et les moyens nécessaires pour satisfaire cette nouvelle demande. Minimiser les coûts fixes Un des éléments clé pour créer l’agilité logistique est la capacité à configurer ses moyens sur une base de coûts variables, ce qui permet d’éliminer les problèmes de capacité de production et d’utilisation des actifs. Le moyen le plus communément employé pour éliminer les coûts fixes est l’outsourcing des processus non stratégiques (même si de nombreux contrats d’outsourcing conclus sans attention suffisante, demeurent en fait des coûts fixes). Bien évidemment externaliser implique qu’il existe un marché de sous-traitance d’une taille suffisante pour obtenir ces services sur une base de coûts variables. Lorsque les demandes sont trop spécifiques, l’appel à la soustraitance ne résout pas le problème. Les leaders s’efforcent également d’organiser leurs ressources propres pour rendre les coûts correspondants variables. Ainsi ils utilisent de la main d’œuvre flexible et développent la polyvalence (les leaders investissent 40 % de plus que les autres en formation de leur personnel pour en augmenter la flexibilité). En ce qui concerne les équipements, ils se tournent en fonction de leur utilisation vers des paiements ou vers leur partage entre plusieurs entreprises. Comme exemple, une grande entreprise est en train de mettre en place un système lui permettant de soumissionner des produits et équipements pour obtenir des offres par Internet. Elle pourra ainsi traiter directement avec les fournisseurs par l’intermédiaire d’Internet et recevoir de multiples offres. Les économies attendues sont de l’ordre de 500 à 700 millions de dollars sur trois ans, avec une réduction du cycle d’achats et des coûts fixes de transaction correspondants supérieure à 50 %. Vol. 8 – N°1, 2000 Accélérer les flux Pour réduire les délais et les stocks, l’ensemble des “supply chains” doit tendre vers un flux efficient et ininterrompu de produits. Cela nécessite une bonne maîtrise des processus internes et surtout une gestion très précise et serrée des interfaces (méthode baptisée « flowgistics »). C’est précisément la gestion de ces interfaces qui fait la différence. La mise en place de la “flowgistics” passe en effet par la conception de schémas de flux coordonnés et un pilotage des délais et du timing sur toute la chaîne et par conséquent par le partage entre les différents acteurs de l’information de prévision, de planification et de suivi. Ainsi 27 % des leaders partagent leurs prévisions à court terme avec leurs clients contre seulement 8 % des autres. Pour promouvoir cette méthode, une multinationale fabricant des produits détergents a mis en place un « index de rupture de charge » (pour suivre le nombre d’opérations de manutention et de stockage) comme indicateur clé de la performance de sa « supply chain ». L’objectif était de se limiter en moyenne à une seule rupture de charge entre l’usine et les magasins et de garantir des livraisons journalières. L’approche a permis d’augmenter la précision des timing de livraison, de réduire les stocks et de supprimer les ruptures de stock Dans ce cadre, l’enquête a montré que l’élimination des entrepôts au profit de centres de “cross-docking”, qui fonctionnent sans stocks, est une tendance lourde en Europe. Dans les secteurs des produits de grande consommation, des commodités et des matériels électroniques, le nombre moyen d’entrepôts de stockage a été réduit par un facteur 5 depuis 1993, les entrepôts actuels couvrant un territoire géographique étendu. C’est notamment en mettant en place ces centres de “cross-docking” et en appliquant plus largement les principes de « flowgistics » pour accélérer les flux que les leaders espèrent réduire leurs stocks de 60% dans les prochaines années, en les faisant passer de 43 jours, actuellement, à 18 jours en 2003. Créer des réseaux de “supply chains” Le réseau de « supply chains » vise à profiter de l’amélioration de l’efficacité des processus issue de relations de partenariat, et de la flexibilité d’alliance que permettent les nouvelles formes de standardisation. Dans les relations de partenariat habituelles, l’intégration des processus entre clients, four- 65 Logistique & Management nisseurs et prestataires repose sur des engagements à long terme afin de garantir l’amortissement des investissements consentis au départ : le prix à payer est le manque de souplesse et de flexibilité. Les leaders s’orientent vers de nouveaux modes d’organisation – les réseaux de « supply chains » qui sont basés à la fois sur le partage d’objectifs stratégiques et de relations à long terme pour financer les développements conjoints et les investissements correspondants sans se priver de la possibilité d’introduire de nouveaux acteurs. Leur mise en place repose sur trois préalables : Adopter et promouvoir des standards de l qualité, de performance et de communication au niveau d’un secteur d’activité entier, de manière à développer une base de fournisseurs et de prestataires de bon niveau et capables de travailler facilement et rapidement ensemble de façon efficace. L’enquête a montré par exemple que les leaders utilisent plus souvent les code barres sur les produits et les emballages (78 % contre 61 %) et ont recours à des emballages standardisés (37 % contre 31 %) - 50 % des entreprises leaders pensent d’ailleurs utiliser des emballages standards en 2003. Etablir des relations privilégiées : la sécuril té perçue des contrats exclusifs et à long terme doit être remplacée par une relation valorisée mutuellement et basée sur les compétences de chacun, dirigée vers un objectif commun et sous tendue par un flux régulier d’affaires. Ces relations de “comptés clés” ou de “fournisseurs de référence” sont nécessairement construites à plusieurs niveaux de l’organisation, du sommet de l’entreprise jusqu’à son niveau le plus opérationnel. l Etablir des positions mutuelles équilibrées : les réseaux de “supply chains” requièrent un équilibre du rapport de force pour éviter les tentations de retours à des pratiques de négociation privilégiant l’intérêt individuel et le court terme. Un des premiers exemples de ce type de réseau en Europe est « Hi-Tech Forwarder Network », regroupant Oceanair, Dutch Air, James P. Jones et Superior Freight Services qui offre à ses clients du secteur de la haute technologie un ensemble de solutions de transport, une organisation coordonnée et une forte présence sur des marchés locaux, le tout à prix compétitif. La plupart des entreprises interrogées dans l’enquête A.T. Kearney / ELA utilisent déjà 66 aujourd’hui ou expérimentent certaines de ces pratiques. Ce qui différencie les leaders des autres est qu’ils ne considèrent pas ces pratiques comme figées et indépendantes. Ils les adaptent, les combinent et les intègrent pour concevoir des “supply chains” radicalement nouvelles : réactives, agiles, efficientes et intelligentes. Ils améliorent ainsi leur performance en terme de délais, qualité de service et de coûts logistiques. Mais ils vont également plus loin en positionnant leur stratégie logistique comme la colonne vertébrale de leur activité, l’élément différentiateur, le moteur de la génération d’activité supplémentaire et par conséquent de la création de valeur. Compétences de management Concevoir et gérer les « supply chains » de demain, dans cet environnement en évolution permanente, nécessite un changement radical d’état d’esprit et de mode de management. Cela doit se faire en deux étapes : Faire évoluer les mentalités En préalable, il est impératif de repositionner les problématiques de « supply chain » au cœur de la réflexion stratégique : ne plus la considérer comme une fonction auxiliaire mais comme une compétence clé, ne plus la gérer comme un centre de coûts mais comme une opportunité de création de valeur. Développer les talents Ensuite, il faut développer dans l’entreprise les processus, les systèmes d’information et les compétences spécifiques pour : l Comprendre les besoins logistiques spécifiques des clients, et les segmenter selon leurs exigences. l Intégrer les apports de la technologie en particulier en terme de communication et de systèmes d’information. l Combiner les meilleures pratiques pour définir, en commun avec les clients et les fournisseurs, des “supply chains” spécifiques à chaque segment. l Gérer chaque “supply chain” individuelle par rapport à ses objectifs définis de coûts, de service et de temps. l Améliorer continuellement les processus en interne et les interfaces avec les clients et fournisseurs. l Capitaliser sur les synergies possibles à travers les “supply chains” (infrastructures physiques, systèmes d’information , prestataires). Vol. 8 – N°1, 2000 Logistique & Management l Anticiper la dynamique des marchés clients et fournisseur pour gérer le cycle de vie des « supply chains » de l’entreprise. Certains pionniers ont ouvert la voie en appliquant déjà depuis plusieurs années les principes qui ressortent de l’étude à l’ensemble de leur modèle d’entreprise : la success-story de Dell et son « modèle direct » en est un exemple parfait. Dell est organisé par segment client et applique les concepts de configuration retardées. Focalisé sur son métier de base et visant à éliminer tous les coûts fixes, Dell travaille sans stocks et ouvre ses systèmes d’information à ses clients et à ses fournisseurs. Ses principes sont fondés sur le culte de l’écoute du client, de la créativité, de la discipline d’exécution et d’une remise en cause permanente. Cependant, le « modèle direct » de Dell était le concept à l’origine de la création de l’entreprise ; les dirigeants l’ont fait évoluer en fonction des changements de l’environnement et par exemple du développement d’Internet. Vol. 8 – N°1, 2000 Pour les entreprises établies, reconstruire leur stratégie logistique sur des “supply chains” modernes est un processus compliqué et difficile, en particulier parce qu’il nécessite la remise en cause des habitudes et des mentalités, et l’évolution de la culture interne. Mais les entreprises ont-elles le choix ? Certaines sociétés dans les secteurs de l’électronique ou de la grande distribution par exemple, sont reconnues aujourd’hui pour le niveau de performance logistique de leur réseau d’usines, d’entrepôts et de magasins. Mais quelle que soit la qualité de leur processus logistique, comment concurrenceront-elles demain la nouvelle génération des e-distributeurs aux « supply chains » multiples, entièrement externalisées et redéployables quasi instantanément ? Les attentes des clients et les positionnements concurrentiels évoluent à la vitesse de l’Internet. Les entreprises qui ont décidé de construire des “supply chains” réactives, agiles, efficientes et intelligentes seront mieux préparées que les autres à la dynamique du nouveau marché. 67 Logistique & Management 68 Vol. 8 – N°1, 2000