InstitInvest

Transcription

InstitInvest
"Le gérant parfait, capable de générer une performance
régulière à moindre risque, n’existe pas"
Nicolas Bénéton, Senior Analyst, Cedrus AM
03/04/13 | Allocation
Nicolas Bénéton débute sa carrière au sein du groupe BNP Paribas en sélection de fonds
(2004) puis dans le département d’Ingénierie du Reporting et de la Performance (20052007). Il rejoint ensuite la division Gestion d’Actifs de FitchRatings où il est Associate
Director (2008-2010). Depuis janvier 2011, Nicolas est analyste senior en multigestion ISR au
sein de Cedrus Asset Management.
En quoi l’année 2013 peut-elle être favorable à la gestion stock-picking ?
Les marchés actions sont redevenus plus lisibles grâce à un retour des investisseurs vers la
prise en compte des fondamentaux des entreprises. En effet, jusqu’à mi-2012, les marchés
financiers ont évolué essentiellement en fonction des perspectives macro-économiques avec
de fortes rotations sectorielles. C’est un soulagement pour les stock-pickers qui, selon leurs
propres termes, « peuvent enfin faire leur métier ». Avec la baisse des corrélations, des
disparités se créent à nouveau et la sélection de valeurs peut créer des différences. L’intérêt
pour la gestion stock-picking est donc beaucoup plus grand cette année qu’en 2011 et 2012.
Comment identifier un bon stock-picker ?
L’investisseur doit s’interroger sur le processus d’investissement du gérant : quels sont les
critères d’investissement et son approche vis-à-vis des entreprises ? L’investisseur doit
également définir quelle est la place du stock picking dans le processus d’investissement. Il
peut, par exemple, observer quels sont les stock-pickers qui ont réussi à dégager de la valeur
en 2012 alors que la valorisation des entreprises ne reflétaient pas les fondamentaux. En
effet, dans ce cas, il faut se poser la question de savoir si la sélection de titres a représenté
sa seule source de performance.
D’une certaine manière, il peut être rassurant de voir que des stock-pickers sous-performent
quand les marchés sont compliqués car c’est « logique » compte-tenu de leur mode de
gestion. Dans le cas contraire, cela signifie que le gérant s’appuie peut-être sur d’autres
sources de valeur ajoutée. Cela peut être une bonne chose pour la performance du fonds,
mais à condition de prévenir l’investisseur que la politique d’investissement ne repose pas
uniquement sur la sélection de titres et peut intégrer ponctuellement une approche top
down si nécessaire.
L’institutionnel peut-il lui-même faire du stock-picking ?
En général, il gère lui-même la poche taux de son portefeuille en direct et investit en actions
via des OPCVM en interne ou en externe. Une délégation à un multigérant présente
l’avantage de lui donner accès à plusieurs styles de gestion, même au sein de la poche stockpicking…
Existe-t-il différents types de stock-picker ?
On peut distinguer deux types de stock-pickers. Certains ne se préoccupent pas de la macroéconomie. Leurs portefeuilles affichent généralement des biais sectoriels et géographiques
assez importants qui sont la résultante de leur sélection de valeurs. Ces gérants trouvent en
effet toutes leurs bonnes opportunités dans un nombre restreint de secteurs. L’investisseur
qui a en portefeuille ce type de profil devra bien connaître le gérant et effectuer un suivi
approfondi de sa gestion. D’autres stock-pickers préfèrent prendre moins de risque relatif et
font donc le choix de ne pas avoir de biais forts avec le souci de diversifier, au niveau
sectoriel, ses investissements. En conséquence, ces fonds sont plus benchmarkés que les
autres.
Si l’investisseur opte pour un stock-picker qui ne tient pas compte de son exposition
sectorielle et qui privilégie une approche très fondamentale en dehors des indices, il doit
avoir conscience que les risques sont plus importants. Par exemple, les gérants qui n’avaient
pas de valeurs bancaires à l’été 2012 ont pu être fortement pénalisés.
En résumé, le gérant parfait, capable de générer une performance régulière à moindre
risque, n’existe pas. Il ne faut pas se fier aux belles performances passées et chercher avant
tout à bien connaître le gérant.
Comment contrôler les risques ?
Il peut arriver que le stock-picker ne soit pas toujours conscient des risques qu’il prend s’il
s’affranchit d’un indice de référence, en considérant que sa connaissance des entreprises
constitue une gestion du risque en soi. C’est donc à l’investisseur de les contrôler lui-même,
en fonction de ses propres objectifs. Il doit tout d’abord effectuer un examen qualitatif de la
personnalité et du comportement du gérant avant de le sélectionner. Il est important de le
comprendre car le stock-picking est une gestion dans laquelle le facteur humain est plus
prépondérant que pour une gestion reposant sur une approche top-down. Il faut
comprendre sa philosophie de gestion, savoir jusqu’où il est capable d’aller en termes de
prise de risques. Bien le connaître, cela nécessite aussi de l’appeler régulièrement et ne pas
se contenter d’attendre qu’il vous communique son reporting trimestriel.
L’investisseur doit aussi effectuer une analyse quantitative avant et après la sélection du
stock-picker. Il doit lui demander de préciser les attributions ou tout document explicatif de
la performance. Un point important est de savoir si la performance dégagée repose sur deux
ou trois titres ou si elle est plus diversifiée. Il doit également vérifier la stabilité de la
génération d’alpha dans le temps. S’il constate de très fortes irrégularités dans la génération
d’alpha, l’important est de disposer des informations qui permettent d’identifier clairement
les raisons de la sous-performance afin de juger par la suite de la conformité avec le style de
gestion du stock picker.
Par ailleurs, si un institutionnel souhaite placer plusieurs fonds de stock-picking dans son
portefeuille, il doit vérifier que l’assemblage des fonds est pertinent. Il est en effet important
que leurs performances ne soient pas corrélées entre elles, sinon il risque de s’exposer à des
déconvenues le jour où les marchés baissent et que la majorité de ses fonds suivent le
mouvement. Il est donc très important de vérifier que les gérants ont des sources d’alpha
bien diversifiées, qu’ils ne sont pas amenés à tous investir dans les mêmes titres, au même
moment. La diversification est notamment possible en faisant appel aux deux types de stockpickers dont je parlais précédemment.
Comment investir dans les actions dans les prochains mois ?
Dans le cadre de notre gestion, nous privilégions les fonds de stock-picking dans un souci de
création d’alpha. Mais attention, plus un investisseur intègre de fonds, plus il doit être
vigilant sur l’assemblage et la corrélation des alphas.
Depuis 2009, nous avons observé un décalage croissant entre les marchés de la zone euro et
ceux de l’Europe et même avec les indices couvrant le monde. Par exemple, l’EuroStoxx 50 a
été beaucoup plus chahuté que le MSCI World. Or, nous observons aujourd’hui que les
investisseurs institutionnels ont la volonté d’ouvrir leur univers d’investissement à l’Europe
et aux actions internationales. Certes, cet intérêt nouveau ne se traduit pas
systématiquement par une évolution de leurs investissements mais il s’agit néanmoins d’une
tendance nouvelle.
Pour l’un de nos mandats, afin de se conformer à une offre de fonds de plus en plus
internationale, nous avons d’ailleurs modifié notre benchmark. Précédemment, notre indice
de référence se composait à 100% de l’Euro Stoxx, il est désormais constitué à 50% du MSCI
Europe et 50% du MSCI World.
Faut-il privilégier les gérants essentiellement présents sur les small et mid cap ?
Il y a certes plus de valeur à créer sur les small et mid cap, mais c’est aussi plus risqué. Les
stock-pickers qui vont chercher de l’alpha sur ces titres sont généralement à la recherche de
marchés de niche dynamiques. Certains ont subi de plein fouet la crise de liquidité en 2008
et ont déçu les investisseurs qui leur avaient fait confiance.
Suite à cette mauvaise expérience, les institutionnels ont eu tendance à mettre en place un
dispositif beaucoup plus étoffé en matière de sélection de fonds. La plupart ont compris que
la sélection de stock-pickers essentiellement présents sur les small et mid caps nécessitait
d’être capable d’effectuer le travail et le suivi d’un multi-gérant, en réalisant une due
diligence approfondie. Nous avons ainsi pu observer une vraie évolution du contrôle des
risques dans la sélection de gestions de stock-picking. A l’époque, en 2008, peu
d’institutionnels mesuraient le ratio d’emprise dans les small cap. Aujourd’hui, ils prennent
en compte le risque de liquidité et suivent donc de près la gestion.
Quel est l’intérêt d’avoir recours au stock-picking ISR ?
La finalité de l’investissement ISR est de privilégier les sociétés qui adoptent le meilleur
comportement en termes de développement durable d’après des critères classés selon trois
piliers : environnement, social/sociétal et gouvernance. L’offre en gestion stock-picking ISR
s’est développée ces dernières années grâce à des sociétés de gestion comme la Financière
de l’Echiquier et puis, plus récemment, avec Métropole Gestion et Sycomore AM. L’offre
s’élargit de plus en plus, ce qui est satisfaisant. Certes, elle reste encore peu développée au
niveau des fonds internationaux et des fonds small et mid cap car la couverture de l’analyse
ESG par les agences de notation est encore insuffisante.
Les investisseurs qui choisissent d’investir dans les fonds thématiques durables doivent être
très vigilants dans la façon dont le gérant sélectionne les valeurs à l’intérieur de la
thématique car son investissement peut être très concentré dans un seul secteur. Ils doivent
savoir si la surperformance provient uniquement de la thématique ou du stock-picking.
Un des avantages de l’approche ISR repose sur le niveau de transparence. En effet, ce type
d’approche implique que le gérant soit capable de fournir à l’investisseur un maximum
d’informations. L’investisseur peut donc être très exigeant sur le plan financier comme au
niveau de l’analyse extra-financière. Ainsi, il peut apprécier la façon dont l’approche ISR
permet ou non de modifier voire de renforcer la génération de performance. Il doit
comprendre son processus de gestion dans le détail, savoir notamment s’il fait appel à un
analyste ISR et/ou à une agence spécialisée dans la notation extra-financière. De son côté, le
gérant doit expliquer en quoi chaque valeur sélectionnée présente un intérêt du point de
vue du développement durable.
Combien d’investisseurs institutionnels conseillez-vous actuellement ?
Cedrus AM conseille actuellement 4 investisseurs institutionnels, dont Agicam, en gestion
stock-picking ESG et thématique ISR, soit un total de 300 millions d’euros d’encours. Par
ailleurs, Cedrus AM a lancé son propre fonds de fonds stock-picking ISR en novembre dernier
qui s’adresse en priorité à la clientèle des investisseurs institutionnels.
Arbitrer la gestion stock-picking avec un investissement dans les OC, est-ce pertinent ?
La gestion stock-picking actions et les obligations convertibles sont deux classes d’actifs très
différentes. Alors que la première repose sur une approche fondamentale peu complexe, les
OC nécessitent une expertise spécifique. Une expertise en gestion actions ne suffit donc pas.