La nouvelle procédure de rétablissement professionnel sans

Transcription

La nouvelle procédure de rétablissement professionnel sans
Rubrique d’actualité en droit commercial et
procédure collectives
Par Adeline Cerati-Gauthier
Maître de conférences HDR
Université d'Aix-Marseille
avril 2014
La nouvelle procédure de rétablissement professionnel sans liquidation
Synthèse de la nouvelle procédure de rétablissement professionnel mise en place par l’ordonnance du 12
mars 2014
L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des
entreprises et des procédures collectives 1 a fait entrer dans le giron du droit des entreprises en difficulté
une nouvelle procédure dite de rétablissement professionnel sans liquidation2. Particulièrement adaptée
aux débiteurs impécunieux3, cette procédure, à la fois rapide et simplifiée, leur offre l’opportunité d’un
nouveau départ. Même si son ouverture est subordonnée – notamment - à la bonne foi du débiteur4,
d’aucuns redoutent l’effet d’aubaine que suscitera cette purge des dettes qui pourrait transformer cette
nouvelle procédure en « machine à blanchir les débiteurs marrons »5.
Eligibilité. - L’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel est subordonnée à plusieurs
conditions nées de la combinaison des articles L. 645-1 et L. 645-2 du Code de commerce. Seules peuvent
1
F.-X. Lucas, Présentation de l’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, BJED 2014, p. 111 ; A. Lienhard, Réforme du droit des entreprises en difficulté :
présentation de l’ordonnance du 12 mars, D. actu 17 mars 2014, P.-M. Le Corre, Premiers regards sur
l’ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en difficulté, D. 27 mars 2014, 733.
Sur le projet, V. B. Brignon, Projet d'ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises
et des procédures collectives, JCP, éd. E, 2014, act. 99, 1re partie ; JCP, éd. E, 2014, act. 123, 2e partie.
2
F.-X. Lucas et M. Sénéchal, La procédure d’enquête pour le rétablissement professionnel, D. 2013. Chron.
1852 ; Ph. Roussel Galle, Le rétablissement professionnel : de l’effacement des dettes au rebond, Gazette du
Palais, 08 avril 2014 n° 98, p. 32.
3
La loi la loi d’habilitation n° 2014-1 du 2 janvier 2014 la destinait à permettre « de couvrir les frais de
procédure et … faciliter la clôture pour insuffisance d’actif lorsque le coût de la réalisation des actifs résiduels
est disproportionné ».
4
Ce qui éloigne d’ailleurs cette nouvelle procédure de nos procédures collectives « classiques » pour l’ouverture
desquelles la mauvaise foi du débiteur n’est pas un obstacle.
5
F.-X. Lucas, préc., p. 112 .
en bénéficier les personnes physiques de l’alinéa 1 de l’article L. 640-2, c’est-à-dire toute personne
exerçant une activité commerciale ou artisanale, tout agriculteur, toute autre personne physique exerçant
une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif
ou réglementaire ou dont le titre est protégé. En sont donc exclus les personnes morales de droit privé,
l’EIRL et les débiteurs décédés ou ayant cessé leur activité.
Le débiteur ne doit pas faire l'objet d’une procédure collective en cours, ni être impliqué dans une
instance prud'homale en cours, ni avoir fait l'objet, depuis moins de cinq ans, au titre de l'un quelconque
de ses patrimoines, d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ou d'une
décision de clôture d'une procédure de rétablissement professionnel ( Art. L. 645-2 ).
Le débiteur ne doit pas avoir employé de salarié au cours des six derniers mois.
L'actif déclaré du débiteur doit avoir une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat.
Le montant reste à déterminer mais il devrait être suffisamment bas pour concerner plus de 20 000
procédures par an.
Procédure. - Le débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire peut, par le
même acte, solliciter l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel ( Art. L. 645-3 ). Après
avis du ministère public, et après s’être assuré que les conditions sont remplies, le tribunal ouvre la
procédure pour une durée de 4 mois, désigne un juge commis - chargé de recueillir tous renseignements
sur la situation patrimoniale du débiteur, notamment le montant de son passif et la valeur de ses actifs - et,
pour assister le juge commis, un mandataire judiciaire ( Art. L. 645-4 ).
En cours de procédure, une conversion en procédure de liquidation judiciaire est envisageable dans quatre
hypothèses : s'il est établi que le débiteur n'est pas de bonne foi ( ce qui rapproche cette nouvelle
procédure de la procédure de rétablissement personnel du Code de la consommation ), si l'instruction a
fait apparaître l'existence d'éléments susceptibles de donner lieu aux sanctions prévues par le titre V du
livre VI du Code de commerce ou à l'application des dispositions régissant les nullités de la période
suspecte, s'il apparaît que les conditions d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel
n'étaient pas réunies à la date à laquelle le tribunal a statué sur son ouverture ou ne le sont plus depuis et,
enfin, si le tribunal est saisi en ouverture de la procédure de liquidation judiciaire sur requête du ministère
public ou par assignation d'un créancier ou par le débiteur.
Les effets de l’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel. – Ils sont
finalement assez éloignés de ceux de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
L’ouverture n’emporte pas suspension des poursuites et des voies d’exécution. L’article L. 645-6 évoque
seulement la faculté pour le débiteur, mis en demeure ou poursuivi par un créancier au cours de la
procédure, de demander au juge commis de reporter le paiement des sommes dues dans la limite de
quatre mois et ordonner, pour cette même durée, la suspension des procédures d'exécution qui auraient
été engagées par le créancier.
L’ouverture n’emporte pas dessaisissement du débiteur mais le mandataire judiciaire se voit confier la
mission de « faire tous les actes nécessaires à la conservation des droits du débiteur » ( Art. L. 645-7 ).
Les créanciers n’ont pas l’obligation de déclarer leur créance. C’est le mandataire judiciaire qui informe
sans délai les créanciers connus de l'ouverture de la procédure et les invite à lui communiquer, dans un
délai de deux mois à compter de la réception de cet avis, le montant de leur créance avec indication des
sommes à échoir et de la date des échéances ainsi que toute information utile relative aux droits
patrimoniaux dont ils indiquent être titulaires à l'égard du débiteur ( Art. L. 645-8. ).
Clôture. - La procédure prend tout son intérêt lorsqu’elle est clôturée. La clôture de la procédure de
rétablissement professionnel entraîne l’effacement des dettes du débiteur.
Pour être effacée, la dette doit être née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, avoir
été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et avoir fait l'objet de l'information prévue à
l'article L. 645-8 ( Art. L. 645-11 ). Notons que cette dernière exigence risque de profiter au créancier
taisant. Ne peuvent au contraire être effacées les créances postérieures, les créances des salariés, les
créances alimentaires, les créances résultant d'une condamnation pénale du débiteur, les créances résultant
de droits attachés à la personne du créancier et la créance de la caution ou du coobligé qui a payé au lieu et
place du débiteur.
Si, une fois la procédure clôturée, il apparaît que le débiteur a obtenu le bénéfice de cette procédure par
une description incomplète de son actif ou de son passif, le tribunal, s'il est saisi aux fins d'ouverture d'une
procédure de liquidation judiciaire, peut fixer, dans son jugement, la date de cessation des paiements à la
date d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel sans qu'elle puisse être antérieure de plus
de dix-huit mois à la date de ce jugement. La décision du tribunal fait recouvrer leurs droits aux créanciers
dont les créances avaient fait l'objet de l'effacement. C’est « l’effacement de l’effacement »6. Ces
créanciers sont par ailleurs dispensés de déclarer ces créances à la procédure de liquidation judiciaire.
6
P.-M. Le Corre, préc., n° 44.