Traitements de données de captures et efforts en halieutique : Mod

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Traitements de données de captures et efforts en halieutique : Mod
Traitements de données de captures et efforts en
halieutique :
Modèles, estimation et indicateurs d’aide à la
décision.
Francis Laloë
UMR C3ED (IRD-UVSQ) IRD, BP 64501 34 394 Montpellier Cedex 5
Résumé
L’étude des ressources naturelles renouvelables exploitées implique la collecte, l’analyse
et le traitement de données relatives à l’exploitation et ses résultats. Dans le domaine
halieutique, de telles données, issues d’enquêtes de “captures et efforts” peuvent être
abordées selon deux points de vue.
Le premier porte sur la dynamique de la ressource conditionnellement à l’exploitation.
On y répond d’autant mieux que l’exploitation peut être précisément mesurée sous la
forme d’un argument f de la fonction décrivant l’état de la ressource Y . La description
de l’exploitation est alors largement dictée par le choix de la variable Y (la dimension de
f est par exemple généralement égale à celle de Y .)
Le second porte sur la dynamique de l’exploitation qui n’est alors plus nécessairement
définie à partir de son impact sur la ressource. Il s’agit par exemple de rendre compte des
décisions des pêcheurs lorsque ceux-ci peuvent choisir, selon leurs connaissances et leurs
intérêts, parmi plusieurs options engendrant des impacts différents. Il convient alors de
considérer les données de captures et d’effort comme issues d’une dynamique conjointe
“ressource-exploitation”.
Cette décision à de nombreuses conséquences. Pour la statistique il s’agit de considérer comme “aléatoire” le plan d’expérience du modèle conditionnel. Au travers de la
production d’indicateurs, les enjeux sont par ailleurs ceux de la nature et de la qualité de
la contribution au domaine de la gestion.
Mots clés : Dynamique des systèmes halieutiques, données de captures et d’efforts,
indicateur, modèle conditionnel aux efforts, modèle de dynamique conjointe.
Abstract
Studies on harvested renewable natural resources make necessary to collect and analyse
data on exploitation activity and results. For fisheries analysis, Such “catch–effort” data
set may be considered from two viewpoints.
The first one is on the resource’s dynamics conditional to the exploitation. The more
the impact of fishing activity on the resource can be precisely measured and the more
1
precise are the results of the analysis. The exploitation is described as one argument f
of a function describing the state of the resource. Therefore the activity is defined and
described according to the way we define and describe the resource as a variable Y : the
dimension of f is usually equal to the dimension of Y .
The second one is on the dynamic of the exploitation whose description is no more
mainly defined according to the chosen definition of the resource. One question deals for
example with the individual fishermen decision when they may choose among a set of
available “tactics” with different impacts on the resource. If this choice depends at least
partially on the state of the resource, it becomes necessary to consider a joint resourceexploitation dynamic.
This decision has several consequences. For statistic this leads to consider as “not
fixed” the “experimental design” of the conditional model. Through the production of
indicators, key issues also deal with the nature and the quality of the contribution to
fisheries management.
Key words: Fisheries systems dynamics, catch-effort data set, indicator, model conditional to effort, joint dynamics model.
Introduction
L’étude de la dynamique des populations sous l’impact de la pêche est l’une des composantes essentielles de la recherche halieutique (Laurec et LeGuen, 1981 ). A partir
de données collectées dans ce but, il s’agit d’estimer l’état de la ressource en fonction de
l’exploitation. Les résultats obtenus peuvent alors être utilisés en contrôlant l’exploitation
pour atteindre ou approcher un objectif donné, relatif à la ressource (abondances) ou à
des fonctions de cet état (revenus par exemple).
Selon ces questions, les données relatives à l’activité et aux résultats de cette activité
sont collectées selon des systèmes d’enquêtes adaptés. L’activité est décrite selon des
nombres d’actions de pêche et les résultats selon les captures par action. Selon la définition
de la ressource (distinction de plusieurs populations, de structures démographiques...), ces
captures sont décrites par une variable de dimension un ou plus.
S’il existe une diversité de méthodes de pêche, dont les impacts sont différents, on
réalise une classification des actions selon une relation d’équivalence. Chaque classe (tactique) réunit des actions dont les captures sont réalisations de variables de même distribution. La population des actions d’une classe constitue alors de façon naturelle une strate
du plan d’échantillonnage mis en place. Lors de la réalisation des enquêtes, l’observation
d’une action implique son affectation à une strate. Cette affectation peut être faite selon
divers critères, en particulier liés à l’engin de pêche utilisé.
L’intérêt d’un tel plan est double.
• L’espérance des captures par action dans une strate peut être reliée à l’abondance
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• l’activité est fonction des effectifs des strates
Il faudrait en théorie connaı̂tre exactement les effectifs des strates. Cela n’est pas
possible en règle générale et ces effectifs sont estimés. Pour un effort donné d’enquête,
ces estimations seront d’autant plus précises que ces effectifs sont stables. Tel est le cas
lorsque la pêcherie est constituée d’unités de pêche dont l’activité est régulère et lorsque
chaque unité de pêche réalise toujours des actions relevant de la même classe (strate).
Or il apparaı̂t dans de nombreux cas que les unités de pêche (ou au moins certaines
d’entre elles) ont à leur disposition plusieurs types d’engins et/ou qu’elles peuvent utiliser
certains d’entre eux de plusieurs manières (choix des lieux de pêche par exemple) se
traduisant par différents impacts. Cela pose deux types de difficultés :
• Le choix d’un engin (critère d’affectation à une strate) correspond à un choix de
strate. L’effectif des strates devient donc variable...
• La distribution des captures au sein d’une strate est en fait un mélange de distributions, dont les proportions dépendent des choix de pêche et dont les résultats
deviennent plus difficilement interprétables en termes de relation avec l’abondance
de la ressource...
Ces difficultés conduisent logiquement à privilégier l’observation de l’activité et des
résultats d’unités de pêche “mono tactique”. Elles justifient pour une part le recours à des
estimations d’abondance par campagnes scientifiques selon divers moyens d’observation.
Les efforts de pêche réalisés par des unités dont le suivi pose les problèmes décrits ci-dessus
peuvent alors être estimés par le rapport entre les captures qu’elles réalisent et des indices
d’abondance obtenus auprès d’unités dont le comportement est plus “fiable”, ou par des
observations scientifiques.
Modèle conditionnel à l’effort
Les modèles consacrés à l’étude de la dynamique de la ressource (dynamique des
populations exploitées) reviennent à considérer que l’espérance des séries chronologiques
constituées par les résultats Y de pêche (captures, rendements) est fonction d’un certain
nombre de paramètres θ1 (taux de croissance, capacités de charge, capturabilité selon
les classes d’actions de pêche...) et d’un argument, f , série chronologique, représentant
l’activité de pêche. Cet argument est généralement une mesure (sous forme de fonction
des effectifs des nombres d’actions par strate) de la mortalité provoquée par la pêche. La
définition de cet argument est largement dictée par le choix de la définition de la ressource :
Sa dimension est en général égale à celle de la description choisie pour la ressource (une
mortalité pour chaque population exploitée par exemple). Sous l’hypothèse que l’impact
moyen d’une action de pêche d’un type donné est constant pour chaque composante de
la ressource, le rapport des impacts des actions de différents types est constant. Ceci
permet de réaliser une standardisation des efforts de pêche selon les diverses actions,
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rendant possible le calcul d’un effort exprimé, pour chaque composante de la ressource,
en nombre d’actions d’un type particulier.
Les paramètres du modèle sont alors estimés en référence à la vraisemblance :
L(Y ; θ1 |f )
Si Y est constituée de rendements de pêche on peut choisir (Hilborn et Walters, 1992)
d’estimer les valeurs des paramètres par minimisation d’un critère de moindres carrés ) :
C(θ1 ) =
2
X k ck − cc
k k
k
k ck − c¯k k2
Où ck , cck et c¯k sont les valeurs observées, ajustées et moyennes de la série chronologique
de captures par action pour chaque composante k de la ressource.
Des indicateurs, fonctions des estimations obtenues, sont ensuite calculés pour répondre
de façon “pertinente” à diverses questions, en particulier dans le domaine de la gestion.
En tant que fonctions des estimations des paramètres du modèle, ces indicateurs sont
des éléments d’une reparamétrisation, ce sont donc encore des estimations de paramètres.
pour être des indicateurs, ils doivent être paramètres d’un modèle plus large, en étant
par exemple considérés comme arguments d’une (fonction de) décision. Cette fonction de
décision est un modèle qui englobe le modèle initial et on se place dès lors dans le cadre
d’un modèle complexe (Legay 1997).
En fonction des estimations de θ1 et du modèle qu’elles “calibrent”, on peut obtenir
une large gamme de résultats, en particulier en prolongeant l’application du modèle avec
l’introduction de changements correspondant à divers scénarios. Un exemple typique
consiste à considérer les résultats à court, moyen et long terme d’une modification de
l’effort de pêche f .
Selon la nature des pratiques des unités de pêche, ces scénarios peuvent être plus ou
moins réalistes. Ici encore la présence d’unités pouvant choisir parmi une gamme d’actions
d’impacts différents conduit à une difficulté dans la mesure où ces décisions individuelles
engendrent une variabilité non contrôlée de l’impact de leur activité sur la ressource. En
d’autres termes l’usage de ces modèles est d’autant plus efficace que peut être contrôlée
l’activité telle que décrite et définie en tant qu’argument f du modèle de dynamique des
populations exploitées...
Dynamique conjointe ressource-exploitation
Il est alors utile de poser la question dans les termes suivants : Quel est l’impact d’une
modification de l’activité, selon un contrôle pouvant être réalisé, sur l’impact de cette activité sur la ressource. Pour ce faire il faut tenir compte des décisions des unités de pêche
et considérer un modèle de la dynamique conjointe de la ressource et de l’exploitation.
Les effectifs des strates d’échantillonnage deviennent dès lors des réalisations de variables aléatoires. Les unités de pêche peuvent être réunies selon des classes d’équivalence
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(stratégies) fondées sur la gamme des types d’action (tactiques) disponibles et sur une
règle de choix définissant la probabilité de choisir une tactique donnée à un moment
donné (Pech et al, 2001). Ainsi le nombre d’actions de tactique j au temps t sera :
E(fjt ) =
S
X
psjt × Nst
s=1
où psjt est la probabilité qu’une unité de pêche de stratégie s choisisse la tactique j au
temps t. Les psjt sont des paramètres de lois multinomiales pouvant être représentés à
partir de “conditional logit models of qualitative choice behaviour” (MacFadden 1973).
ej,t+1
R
.
e
R
j∈J (s) j,t+1
∀j ∈ J (s), pj,s,t+1 = µs pj,s,t + (1 − µs ) P
e
où J (s) est la liste des tactiques disponibles pour la stratégie s et R
j,t+1 est donné par la
fonction
ρs Rj,t+1
e
R
.
j,t1 = e
Rj,t+1 étant le revenu espéré en t + 1 de l’usage de la tactique j, estimé au moment t à
partir de revenus passés observés (tenant compte des prix par composante de la ressource
et de coûts fixes associés à la mise en œuvre de la tactique j). Ce modèle, ainsi que la
procédure d’ajustement sont décrits plus en détail par Pech et al (2001).
Le point essentiel ici est que le modèle devient un système dynamique “produisant”
des effectifs de strates. Par ailleurs les paramètres θ1 du modèle précédent sont complétés
par les paramètres décrivant les choix des unités de pêche. Il s’agit entre autres des prix,
des coûts, des µs et ρs intervenant dans les équations des modèles de décisions.
En notant qu’une strate d’échantillonnage peut réunir une ou plusieurs tactiques j,
un ajustement peut dès lors porter, au sein de chaque strate e, sur l’effectif de la strate
et sur les rendements des actions selon les diverses composantes de la ressource.
C(θ1 , θ2 ) =
2
X k cek − cc
ek k
ek
k cek − c¯ek k2
+
c k2
X k fe − f
e
e
k fe − f¯e k2
On fait donc maintenant référence à une vraisemblance
L(Y, f ; {θ1 , θ2 })
Cet ajustement conduit à l’estimation d’un ensemble de paramètres plus large que le
précédent et permet donc de produire un ensemble plus “riche” d’indications. Considérant
par exemple des modifications des effectifs des unités par stratégie, ou de l’interdiction
de certaines méthodes, ou encore d’une modification de prix de certaines composantes de
la ressource, il est possible d’en estimer l’impact en rendant compte et en tenant compte
des réactions des unités de pêche aux changement intervenus.
Mais il peut y avoir ici quelques illusions.
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En premier lieu le nombre de paramètres de tels modèles devient considérable et il n’est
pas possible pour des raisons à la fois pratiques et théoriques (colinéarités et redondances
entre paramètres conduisant à des matrices de Hess singulières) de minimiser les critères
d’ajustement sur tous ces paramètres à la fois. Il est nécessaire de fournir des contraintes
d’identification et on constate empiriquement l’existence de solutions multiples (Pech et
al (2001)).
Perspectives
En fait, cette recherche peut être poursuivie selon au moins trois directions. Les
deux premières portent sur l’acquisition de connaissances relatives à la dynamique de
la ressource et à celle de l’exploitation. Il s’agit de réduire les domaines de solutions
possibles par l’acquisition de connaissances “mono disciplinaires” sur la ressource et sur
l’exploitation, permettant de “valider” des contraintes d’identification sur les paramètres.
Notons au passage que cela renvoie à la recherche de situations dans lesquelles les
modèles conditionnels à l’effort sont utilisables... Ces modèles ne doivent donc en aucun
cas être rejetés
Du point de vue statistique, il s’agit de produire des estimations plus satisfaisantes
(ou bien de montrer en quoi celles proposées le seraient). En fait, si toutes les indications
fournies à l’aide d’un jeu de données sont calculées à partir des estimations issues de
sont ajustement, on se comporte comme si la statistique réunissant ces estimations était
exhaustive minimale.
Il est possible qu’une question de recherche féconde réside dans la critique de cette
hypothèse : En quoi n’est elle pas satisfaite, quelles en sont les conséquences et quelle
solutions peuvent améliorer cette situation...
Bibliographie
[1] Hilborn, R., Walters C. J., 1992. Quantitative Fisheries Stocks Assessment, Choice,
Dynamics and Uncertainty. Chapman and Hall, London.
[2] Legay, J.-M., 1997. L’expérience et le modèle. Un discours sur la méthode. Sciences
en questions, Inra éditions, 112 p.
[3] Laurec, A. et J.C. Le Guen. 1981. Dynamique des populations marines exploitées,
CNEXO, Rapp. Sci. et Techn., 45, 117 p.
[4] McFadden D., 1973 Conditional logit analysis of qualitative choice behavior. In P.
Zarembka (ed), Frontiers en econometrics, 105-142. Academic Press, New-York.
[5] Pech N., A. Samba, L. Drapeau, R. Sabatier et F. Laloë. 2001. Fitting a model
of flexible multifleet-multispecies fisheries to Senegalese artisanal fishery data. Aquatic
Living Resources, 14 : 81-98
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