SAHEL: dangers réels, menaces récurrentes

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SAHEL: dangers réels, menaces récurrentes
SAHEL: dangers réels, menaces récurrentes
Écrit par El Haiba ould Cheikh Sidati /Directeur Executif alakhbar.info specialiste des questions de sécurité dans
le sahel sahara
Mercredi, 11 Janvier 2012 07:11 - Mis à jour Vendredi, 03 Février 2012 08:16
SAHEL: dangers réels, menaces récurrentes
Devenue la base arrière des mouvements radicaux nés en Algérie, la région du Sahel
Sahara sert aujourd’hui de champ d’affrontement pour les groupes terroristes.
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Écrit par El Haiba ould Cheikh Sidati /Directeur Executif alakhbar.info specialiste des questions de sécurité dans le
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Ceux ci se livrent au kidnapping ainsi qu’à des attaques contre les armées des Etats de
la région ou bien les intérêts étrangers qui s’y trouvent représentés. A ces menaces
anciennes et nouvelles se rajoutent, depuis la chute du régime de Kadhafi, la
prolifération d’armements sophistiqués et le retour massif d’anciens combattants
Touareg dans un espace qui échappait déjà à tout contrôle. Avec, comme conséquence
que le nord Mali pourrait bientôt connaitre une période de violence et d’insécurité sans
précédent aux multiples répercussions pour la région du Sahel Sahara
.
‘’Ces gens là ne sont pas les terroristes qu’on avait l’habitude de voir, reconnaissables à leurs
grands turbans, leurs barbes touffues et leurs assourdissants Allah Akbar. Ceux qui nous ont
attaqués sont bien différents. Ils sont plus violents, leurs armes plus diversifiées et plus
sophistiquées. Ce sont les Touaregs qui écumaient la région pendant les années 90 du siècle
dernier. Ils sont revenus après avoir disparu pendant une longue période de la zone’’.
Ainsi s’exprimait un commerçant de Digueni (sud est de la Mauritanie) qui faisait partie d’un
convoi victime d’une attaque de brigands, en novembre dernier, au nord du Mali. Le récit qu’il
fait de l’attaque et des agresseurs confirme clairement les menaces nouvelles qui pèsent sur la
région, et le grand bouleversement qu’elle a connu, particulièrement avec l’afflux des
combattants provenant de Lybie avec armes et équipements. Il s’agit là d’une partie du lourd
héritage de Kadhafi légué à cette zone.
Origines de la peur : anciennes et nouvelles
On peut dire que la région s’était habituée aux troubles – ou du moins à des formes de tensions
- depuis des époques lointaines. L’ère de la quiétude et de la stabilité pour ses peuples remonte
à l’époque de l’empire du Ghana * (300-1240) disparu à l’aube du deuxième millénaire après
Jésus Christ. Cet empire avait réussi à imposer sa domination, des siècles durant, sur de
vastes zones de la région du Sahel et des confins du Sahara, sécurisant des voies qui furent et
demeurent vitales pour les habitants.
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La structure ethnique complexe et imbriquée des populations du Sahel, les dures conditions
climatiques et leurs conséquences profondes sur le mode de vie dominant, la nature de
l’activité productive et l’impact de l’échec des modèles de l’Etat-nation nés sur les ruines de la
période coloniale, sont autant de facteurs d’instabilité permanente. Dans la plupart des cas,
pour imposer une situation donnée ou exprimer des revendications politiques, les tensions
débouchent sur des conflits armés à base tribale ou ethnique. Cette évolution est plus évidente
depuis l’inclusion du Sahel Sahara dans les stratégies et scénarios des puissances régionales
et internationales à la recherche de plus d’influence ou de nouvelles zones de repli.
Au cours des dernières années, les menaces liées à l’insécurité dans la région sont devenues
si dangereuses que cet espace s’est transformé en une arène de confrontation pour les
groupes terroristes nés en Algérie, et dont l’action s’est étendue au Sahara. Celui-ci a alors
servi de refuge à ces mouvements soumis à une pression de plus en plus forte à l’intérieur du
territoire national algérien. De base arrière pour des mouvements radicaux, la région s’est
transformée en un vaste espace ouvert à leurs opérations clandestines : celles relatives à la
formation de structures terroristes aussi bien que le kidnapping d’otages occidentaux, les
attaques contre les armées des pays voisins ou les intérêts étrangers établis sur leur territoire.
La présence de ce genre de mouvements armés, leurs accrochages avec les armées
nationales, dont la cadence n’a cessé d’augmenter ces derniers temps, ainsi que leur contact
permanent avec les populations autochtones, ont certainement joué un rôle dans la résurgence
de la rébellion. Il en est de même de l’enthousiasme manifesté à prendre les armes contre le
gouvernement malien, après deux décennies d’une paix fragile ponctuée par des périodes de
tension et d’affrontements. Dans la conjoncture née de la situation en Libye, la crainte de la
naissance d’un mouvement nouveau au sein de la communauté Touareg est d’autant plus
préoccupante, que plusieurs rapports évoquent le retour massif au nord du Mali de nombreux
ressortissants de cette communauté. De grandes quantités d’armes sophistiquées, plus
performantes dans tous les cas que celles utilisées par les forces de sécurité dans le Sahel,
renforcent ces craintes.
De fait, le problème ne se réduit pas à cette agitation sans précédent des populations du nord
du Mali ni à l’émergence de revendications séparatistes, sur fond d’informations relatives à la
rébellion de chefs tribaux et de déserteurs de l’armée (dont certains avaient déjà participé au
conflit déclenché il y a plus de vingt ans). Il s’agit bien d’une situation nouvelle provoquée par la
prolifération d’armes sophistiquées et l’arrivée massive de combattants, bien entrainés, dans un
espace qui échappe déjà à tout contrôle ou bien dont le contrôle reviendra aux plus forts. Cet
état de fait pourrait pousser des acteurs locaux ou régionaux à s’aventurer pour faire ‘’bouger’’
la situation, obtenir des avantages sur le terrain, régler des comptes, ou tout simplement
brouiller les cartes.
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Fortes menaces sur l’avenir
La situation actuelle, en perpétuelle évolution, présage ‘’d’un avenir inquiétant’’. Tous les signes
indiquent que le nord Mali pourrait connaitre une période de violence et d’insécurité sans
précédent et dont les conséquences toucheront toute la région. L’organisation d’Al Qaïda au
Maghreb Islamique (AQMI), qui a amassé d’importantes ressources financières, a contribué à
la naissance d’une sorte d’économie criminelle, allant de la protection des trafics à l’enlèvement
d’otages. Désormais, son champ d’action dépasse l’engagement idéologique, proclamé par
certains de ses adeptes, pour entretenir de vastes réseaux de soutien et des éléments d’appui
qui
profitent de ses diverses activités. Elle s’est, en outre, bâti des alliances et a ‘’acheté’’ des
fidélités locales afin de s’offrir le maximum de couverture, d’appui et de soutien.
Parallèlement à cela, l’organisation terroriste a bien profité de l’effondrement du régime libyen
pour accroître son arsenal d’armement. Il n’est pas exclu qu’elle bénéficie de la complicité de
certains combattants libyens qui désormais apparaissent au grand jour. L’appel lancé par Abu
Yahya al-Libi, numéro 2 officieux d’Al-Qaïda, aux révolutionnaires libyens pour conserver leurs
armes, expliquerait l’intention prêtée à cette organisation de transférer son centre d’intérêt de
l’Asie vers la région du Sahel.
Au niveau opérationnel, l’organisation maintient, presque intacte, sa capacité de nuisance.
Récemment, ses opérations se sont développées, aussi bien dans leur cadence que dans leur
forme, (AQMI a mené avec succès deux opérations successives au Mali, les 24 et 25 novembre
dernier, exécutées par des combattants de l’organisation et non à travers des intermédiaires,
selon son communiqué). Aujourd’hui, AQMI a, entre ses mains, neuf otages occidentaux, dont
les deux tiers sont français. Les autres sont hollandais, suédois et sud-africain en plus de deux
Espagnols et d’une Italienne kidnappés, apparemment, par un groupe dissident d’AQMI, (Jamat
Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya- Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest). Il
s’agit d’un record dans le palmarès des enlèvements depuis la vaste opération opérée par le
GSPC en 2003.
Le plus dramatique dans le cas d’AQMI est que, même si ses points de force constituent un
motif d’inquiétude, ses points de faiblesse ne sont pas forcément rassurants. Prenons, par
exemple, le rétrécissement de la base de recrutement des éléments acquis à son discours, le
peu de compréhension et de cohésion entre ses dirigeants et le manque de discipline dans ses
brigades. Le premier cas ajoute des difficultés supplémentaires pour pister les agents d’AQMI.
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Il rend ardue la prévention des opérations en cours de préparation du fait de l’absence de
données précises sur le type d’hommes, leur manière de penser et la nature de leur doctrine
militaire.
Le second cas, illustré par la concurrence entre les chefs de l’organisation, se serait accentué
après l’apparition de divergences telles que celles annoncées à l’occasion du rapt d’otages à
Tindouf, le 23 octobre dernier. Il est de nature à provoquer une compétition de la terreur entre
les factions, chacune voulant prouver qu’elle est plus violente et plus extrémiste que l’autre. La
naissance de Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya pourrait confirmer cette hypothèse.
Sur un autre plan, l’attitude de certains chefs Touareg dans la région ne pousse pas à
l’optimisme, particulièrement suite à l’échec des discussions avec l’Etat Malien, sur fond de
menace de retour à la guerre. Et parce que la saison électorale - présidentielle en avril
prochain - implique nécessairement des calculs et anime l’esprit des politiciens à Bamako, la
position de l’autre bord ne sera faite ni de concessions ni de modération.
De manière générale, le positionnement des Touaregs parait déroutant, inquiétant et difficile à
appréhender parce qu’ils demeurent partagés en fractions, tribus et milices privées. Il faut y
ajouter la confusion et le manque de cohésion entre les visions des différentes fractions et
l’absence de forme bien déterminée des priorités de chaque groupe. Ceci est surtout valable
pour ceux qui reviennent de Lybie. Ils auront, peut être, le dernier mot pour faire pencher la
balance en faveur de la partie locale traditionnellement en conflit avec le leadership
communautaire.
Le risque d’affrontements entre les Touaregs eux-mêmes, demeure une option plausible. Et ce
qu’ils soient provoqués par des calculs internes ou encouragés par des forces régionales ; ces
dernières y trouvant leur compte en les empêchant de s’unir autour d’un seul mot d’ordre ou
d’une vision commune.
Il est aussi tout à fait possible que les frictions entre les éléments Touareg armés et les groupes
salafistes pour le contrôle de zones d’influence provoquent des confrontations qui pourraient se
transformer en conflits plus vastes. Quel que soit le cas de figure, il est établi que la situation
actuelle ne milite, nullement en faveur de la stabilité et de la sécurité dans la région.
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Vivement une nouvelle approche
Jusqu’à présent, les efforts déployés pour faire face aux multiples menaces qui pèsent sur la
zone paraissent à la fois insuffisantes et inefficaces. Mais le plus inquiétant est qu’on commette
à chaque fois, les mêmes erreurs pour trouver une solution au règlement du problème qui du
reste n’est pas insoluble. Il peut être réglé avec une réelle volonté politique de le faire et des
actions appropriées.
L’erreur souvent répétée au Sahel est de vouloir y copier les pratiques expérimentées dans
d’autres régions. La différence d’environnement requiert nécessairement de diversifier les
approches et de les adapter aux situations locales. Les outils de la lutte contre l’insécurité et la
violence en Afghanistan ou en Irak, par exemple, pourraient ne pas être efficaces au Sahel
précisément du fait des conditions spécifiques à cette zone.
Autre exemple des erreurs de lutte contre la violence : les solutions partielles. Parmi les
illustrations de ce phénomène, opter uniquement pour la solution sécuritaire ou politiser le
traitement de ces défis ou l’inclure dans le jeu d’influence régionale, réduit les chances de
coordination et de complémentarité entre les différents intervenants.
Il y a aussi l’erreur qui consiste à confier à des régimes politiques ou à des secteurs déterminés
des élites militaires et sécuritaires, la mission de lutter contre ce fléau et de se croire protégé en
occultant le danger ou en fermant les yeux sur les dérapages qu’ils peuvent
commettre, tant qu’ils se conforment à l’agenda sécuritaire qui leur a été assigné.
L’une des fautes les plus graves commises dans la région, est de troquer la démocratie contre
la sécurité. La vérité est que sans démocratie réelle, qui protège la dignité du citoyen et le met à
l’abri de la peur et de la faim, il n’y aura point d’opportunités réelles pour éradiquer la violence
et l’extrémisme qui s’alimentent de l’absence des libertés, de la pauvreté et de la généralisation
de la corruption et de l’oppression.
Ainsi, peut-on dire, et sans risque de se tromper, que la lutte contre les menaces dans la
région du Sahel requiert, en premier lieu, l’analyse des causes de tension et des facteurs de la
violence. Elle requiert aussi davantage de moyens à même de les éradiquer sur des bases
objectives, loin des préjugés tribaux ou autres.
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Compte tenu de la nature du défi, il est nécessaire de soutenir les armées de la région, en vue
d’améliorer leurs moyens et leurs capacités opérationnelles. Une bonne coordination entre les
pays du front pour harmoniser leurs stratégies et leurs approches des relations avec les
partenaires intéressés, demeure essentielle.
Il n’est pas réaliste de se fonder uniquement sur la force pour éradiquer le terrorisme. La
violence nourrit la violence, et les armes, quelle que soit leur sophistication, ne pourront pas à
elles seules sécuriser la région ni assurer sa stabilité. Partant de ce constat, l’action armée doit
être accompagnée de grands efforts pour réaliser un vaste développement dans les Etats de la
région. Un développement centré autour de la personne humaine afin de réunir les éléments
nécessaires à la réalisation de sa dignité, liberté, égalité et justice sociale, reste indispensable.
Cela ne sera possible qu’avec la construction de régimes politiques, ouverts; qui soient
capables de garantir les droits fondamentaux et les libertés publiques pour les citoyens, et de
gérer leurs ressources de manière transparente et efficace.
Enfin, en l’absence de structures d’enseignement et de santé, d’infrastructures et de politiques
de production ou d’emploi, permettant d’améliorer le quotidien des populations et d’offrir aux
jeunes espoir et avenir, la région sera condamnée à connaitre une spirale de la violence.
Chaque fois qu’elle sortira d’une épreuve, elle risquera de tomber dans une autre.
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Mercredi, 11 Janvier 2012 07:11 - Mis à jour Vendredi, 03 Février 2012 08:16
*L'empire du Ghana (de ghana, « roi guerrier »), qui a existé de 300 environ à 1240 , fut l'un
des trois grands empires marquant la période impériale
ouest-africaine
. Il s’étendait du moyen
Sénégal
à la région de l’actuelle
Tombouctou
dans une région qui englobait une partie des actuels
Sénégal
,
Mali
et
Mauritanie
. Désigné par ses habitants comme l'
Empire Wagadou
, il se fit connaître en
Europe
et en
Arabie
comme l'
Empire du Ghana
. Le royaume du Ghana s'est constitué au
viii
e
siècle
avec l’exportation d’or et de sel, important pour la conservation des aliments.
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