(Mémoire F.Mathé)
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(Mémoire F.Mathé)
UNIVERSITE PARIS I – SORBONNE DESS Gestion des produits culturels Année 2003-2004 Florence MATHE MEMOIRE ENJEUX DE LA DEMATERIALISATION DES CONTENUS MUSICAUX ET DE LEUR CIRCULATION SUR INTERNET SOMMAIRE INTRODUCTION...................................................................................................................... 4 Premiere partie : Les principaux modes d’accès à la musique en ligne en France.............. 5 I. Les échanges de fichiers musicaux reposant sur des applications P2P............................ 6 A. Mode de fonctionnement des réseaux P2P et architectures générales B. Les principaux logiciels de P2P et leur fonctionnalité II. 7 14 Les offres légales de téléchargement de fichiers musicaux ........................................... 21 A. Les plates-formes légales 22 B. Les limites de l’offre légale de téléchargement 28 Deuxieme partie : Enjeux économiques et culturels de la circulation des fichiers musicaux sur Internet ............................................................................................................................... 32 I. Les effets du P2P sur la consommation ........................................................................ 33 A. La baisse des ventes de CD 33 B. Les nouvelles formes de consommation et le poids du consommateur 37 II. La dématérialisation des contenus et les applications P2P bouleversent l’équilibre établit au sein du marché de la musique................................................................................. 41 A. La fin de l’organisation verticale de l’industrie du disque 42 B. Impact de la crise sur les majors 43 III. Les effets du P2P sur l’activité artistique : menace ou nouvelles opportunités ? ..... 47 A. Le P2P menace-t-il la créativité ? 48 B. Les réseaux P2P peuvent-ils offrir de nouvelles opportunités de créativité ? 49 2 Troisième partie : Les solutions envisageables pour sortir de la crise ................................ 51 I. Installer le marché légal de la musique en ligne ............................................................ 52 A. Proposer une offre concurrentielle 52 B. Adapter les droits de propriété intellectuelle 58 II. Etablir un nouveau contrat social entre les consommateurs et les détenteurs de droits 62 A. Légitimer le rôle des maisons de disques auprès des consommateurs 63 B. Responsabiliser plutôt que réprimer les consommateurs 66 III. D’autres pistes envisageables..................................................................................... 68 A. Etendre le domaine d’application de la copie privée 68 B. Intégrer les NTIC et diversifier les sources de revenus 70 CONCLUSION......................................................................................................................... 74 ANNEXES................................................................................................................................. 75 3 INTRODUCTION Selon le SNEP (syndicat national de l’édition phonographique), au cours du premier trimestre 2004, le marché du disque en France a enregistré un chiffre d’affaires de 223.6 millions d’euros soit 21% de moins qu’en 2003 et 27% de moins qu’en 2002 pour la même période. La récession que rencontre actuellement le marché du disque serait, selon cette même source, due au développement des réseaux peer-to-peer (P2P). Le P2P est un système permettant l’échange de données de poste à poste. Il est depuis peu de temps utilisé par des logiciels dits « sauvages », tel que Kazaa, pour faire circuler des fichiers musicaux entre les membres du réseau et ce, en contournant les droits de propriété intellectuelle. La musique, en raison de sa faible densité, est le premier contenu grand public confronté à la distribution de masse sur la toile. En effet, aujourd’hui, entre 130 et 150 millions de fichiers musicaux « sauvages » transitent chaque jour sur Internet, dont 16.4 millions dans l’hexagone. Les fichiers musicaux représentent 38 % des fichiers recherchés en P2P, et arrivent ainsi en seconde position, juste derrière les films et les vidéos qui représentent 47 % des fichiers. L’objet de cette étude, limitée au territoire français, est de déterminer quels sont les enjeux de la dématérialisation des contenus musicaux et de leur circulation sur Internet notamment via l’utilisation du P2P. Pour cela nous dresserons, dans un premier temps, les caractéristiques majeures du paysage de la musique en ligne en France en analysant les principaux modes d’accès via Internet. Puis, nous déterminerons quels sont les enjeux économiques et culturels induits par la circulation des fichiers musicaux, et quel est l’impact auprès des acteurs de l’industrie du disque, des consommateurs et des artistes. Enfin, nous orienterons notre recherche sur les pistes envisageables pour rétablir l’équilibre au sein du marché. 4 PREMIERE PARTIE : LES PRINCIPAUX MODES D’ACCES A LA MUSIQUE EN LIGNE EN FRANCE 5 La musique en ligne, n’est pas un phénomène nouveau puisqu’elle existe depuis onze ans. Le pionnier dans la diffusion de morceaux musicaux fut le site Internet IUMA1 (Internet Underground Music Archive) mis au point par Jeff Paterson et un groupe d’amis. Il s’agissait d’un projet d’étudiants visant à mettre en ligne des morceaux téléchargeables dans les formats MP1 et MP2. Aujourd’hui, la diffusion de la musique en ligne a pris une dimension toute autre avec l’utilisation de systèmes d’échanges peer-to-peer (P2P) pour diffuser gratuitement des œuvres musicales en contournant le droit de propriété intellectuelle. Cette première partie vise à présenter les caractéristiques principales du marché de la musique en ligne en France. Nous nous intéresserons dans un premier temps aux sites de téléchargements reposant sur des applications P2P et verrons leur mode de fonctionnement. Puis, dans un second temps, nous nous pencherons sur les offres légales et leurs principales limites. I. Les échanges de fichiers musicaux reposant sur des applications P2P Le peer-to-peer, « de pair à pair » en français, est un système d’échange direct de fichiers entre utilisateurs du réseau. Cette relation d' échanges réciproques unit deux acteurs de même statut : des pairs. Le P2P permet une mise en commun à une vaste échelle de données ou de capacités, débouchant sur une réduction spectaculaire des coûts. Si le mot peer-to-peer a pris toute son ampleur depuis deux à trois ans, ce système d’échange ne date pas d' hier. Il y a 30 ans, certaines entreprises travaillaient déjà avec des architectures qui seraient aujourd' hui qualifiées de pair à pair. 1 Informations issues de l’étude de Tarik Krim : « le peer-to-peer : un autre modèle économique pour la musique » (Juillet 2004). Le site de l’IUMA : www.iuma.com. 6 A. Mode de fonctionnement des réseaux P2P et architectures générales 1. Définition et mise en place des réseaux d’échanges P2P Pour comprendre les enjeux liés au déploiement des réseaux d’échanges P2P, il est intéressant de retourner aux prémisses de l' informatique. Au départ, l’architecture des serveurs reposait sur une gestion centralisée des données où les terminaux ne communiquaient entre eux qu' au travers d’une machine centrale. Ce concept a ensuite évolué vers le modèle Client / Serveur où les clients étaient attachés au serveur par réseau au travers d' un logiciel propriétaire. La fin des années 60, marque un tournant dans l’histoire de l’informatique avec la conception d’« Unix », système pour des machines plus petites avec un mode de communication d' égal à égal pour partager des ressources sur un réseau : Arpanet. Ce réseau, après diverses modifications, aboutit en 1990 à la création d’Internet. Internet a donc été conçu comme un système symétrique P2P où chaque ordinateur peut être à la fois client et serveur. Toutefois, le vrai changement, fut dans la nature des éléments constituant les réseaux peer-to-peer. Dans le passé, les centaines de millions d' ordinateurs connectés à Internet de manière intermittente ne faisaient pas partie du réseau et n' avaient pas d' adresse IP2 fixe. Avec le système d’échange peer-to-peer, c’est une classe d' applications qui tire partie des ressources matérielles ou humaines d' Internet. Comme ces ressources ont une connectivité instable ou des adresses IP variables, elles fonctionnent de manière autonome, indépendamment de systèmes centraux. Pour définir et déterminer un vrai système peer-to-peer, on peut considérer que celui-ci doit permettre à chaque pair de se connecter de manière intermittente avec des adresses IP variables, et de disposer d’une autonomie significative. On peut également raisonner en terme de "propriété", sachant que dans un système P2P l’essentiel des ressources ne provient pas d’un organe central mais de l’ensemble des utilisateurs du réseau. La décentralisation des fonctions s’accompagne également de la décentralisation des coûts et charges d' administration. 2 IP : Internet Protocole. Chaque équipement, serveur ou poste client connecté au réseau doit avoir une adresse IP unique. 7 L’accumulation de la puissance de chacun des ordinateurs connectés permet une puissance globale énorme. Ainsi 100 millions de PC connectés à Internet avec une puissance de 100Mhz et 100Mo de disques représentent une puissance de dix milliards de Mhz et dix mille téraoctets de stockage. La musique, en raison de sa faible densité, est le premier contenu culturel confronté à la distribution de masse sur Internet. Les premières utilisations de taille des systèmes P2P pour la distribution de musique en ligne, commencent avec l’arrivée de Napster à la fin des années 90. 2. Les prémisses de la musique en ligne: le modèle de Napster Napster est sans doute le plus connu des systèmes peer-to-peer. Il permettait de partager sa collection de CD avec celle de 50 millions d' utilisateurs. Les techniques de compression, en particulier le MP3, avaient permis de stocker sur PC des fichiers musicaux et de les échanger sur Internet. La naissance de Napster Fin 1998, un étudiant de Boston âgé alors de 19 ans, Shawn Fanning, écrivit un logiciel qui lui permettait d’échanger des fichiers audio au format MP3 avec ses amis. L’écriture de ce programme reposait sur le constat suivant : chercher des MP3 sur les moteurs de recherche conduisait à une perte considérable de temps tant les réponses étaient inappropriées. Shawn, dont le pseudonyme sur les forums était Napster, donnera ce nom à son application. Napster était constitué de l’assemblage d’un navigateur Web, d’un serveur de fichiers, d’un module de messagerie instantanée et d’un lecteur de fichiers MP3. Le serveur permettait de mettre à jour en permanence la liste des fichiers audio partagés par les utilisateurs connectés. L’originalité résidait dans le fait que les fichiers transférés ne se faisaient pas à travers un serveur mais directement d’un utilisateur vers un autre utilisateur définissant ainsi le principe d’échange « Peer to Peer ». Fin 2000, environ 25 millions d’usagers utilisaient ce logiciel et le site Napster était alors dans le top 50 des sites américains les plus consultés. 8 Le mode de fonctionnement de Napster Avec le logiciel Napster, le simple fait de se connecter sur Internet, rendait les fichiers d’un ordinateur personnel disponibles et utilisables par le serveur central. Ceux-ci étaient alors stockés dans un répertoire. Le principe était alors simple, lorsqu’un utilisateur recherchait un titre en particulier, Napster fournissait la liste des utilisateurs en ligne qui le possédaient et le téléchargement s’effectuait directement depuis l' autre PC par une liaison peer-to- peer. Principe de fonctionnement de Napster 3 L’architecture centralisée de Napster posait des problèmes à plusieurs niveaux : Il fallait s' enregistrer pour pouvoir accéder au réseau : acte qui ne garantissait aucun anonymat puisque que le service connaissait l' adresse IP de toutes les machines connectées et le type de fichiers téléchargés. L’investissement en ressources était si important que les ressources restaient rarement de bonne qualité : lenteur, problème de disponibilité… La centralisation rendait les services souvent saturés et limitait le nombre d’utilisateurs simultanément connectés. 3 Schéma réalisé par des étudiants de l’université de Marne la Vallée spécialisés dans l’informatique. Il est disponible sur le site : open-files.com. 9 Napster n’était donc pas un véritable système d’échange P2P puisqu’un relais central était nécessaire à son fonctionnement. Toutefois, il mit en péril les distributeurs de musique qui voulurent tout de suite y mettre fin. La fin de Napster La RIAA (Recording Industry Association of America) entreprit plusieurs tentatives avant d' obtenir un jugement défavorable à Napster. L' interdiction de mettre dans son catalogue des titres de chansons avec copyright a signé l' arrêt de mort de Napster en 2001. Toutefois, la fin de Napster ne fut, en définitive, que le point de départ de l’utilisation du P2P à la diffusion de fichiers musicaux en ligne. En effet, devant les menaces de la justice, de nouveaux logiciels similaires mais plus perfectionnés et sécurisant pour l’utilisateur sont apparus. Au lieu de faire appel à un serveur central indexant les ressources pour mettre en relation les usagers, ils transférèrent cette fonction d' annuaire à des milliers d' ordinateurs de par le monde donnant ainsi naissance au principe du pur P2P. 3. De l’architecture centralisée vers l’architecture décentralisée Vers la décentralisation Pour améliorer la qualité de connexion avec le serveur et limiter les problèmes de saturation du réseau, le serveur central est remplacé par un anneau de serveur. Le principe est proche de celui du serveur central. Chaque serveur peut avoir accès, par l’intermédiaire d’un des postes s’inscrivant dans l’anneau de serveurs, aux informations détenues par les clients connectés. L’utilisateur télécharge alors directement sur le poste possédant les fichiers souhaités. Cette architecture permet : La continuité du réseau : si une panne se produit sur un serveur, il y a toujours un point de connexion. 10 Une meilleure répartition des demandes de connexions permettant de limiter la chute de bande passante. Schéma d’un anneau de serveurs4 Toutefois, l’anneau de serveurs conserve encore une architecture centralisée qui pose des problèmes de sécurité, de robustesse, et de limitation de la bande passante car leur utilisation sert principalement à constituer un annuaire des clients. Pour supprimer les serveurs centraux, il fallu donc trouver le moyen de constituer un annuaire sur chaque client, puis de les faire communiquer directement entre eux. C' est sur ces mécanismes que sont basés les réseaux P2P décentralisés. Les serveurs centraux, sont remplacés par l’ensemble des éléments du réseau. Comme toutes les machines ont un rôle identique on appelle ces types de réseaux « pur P2P ». 4 Schéma réalisé par des étudiants de l’université de Marne la Vallée spécialisés dans l’informatique. Il est disponible sur le site : open-files.com. 11 Les architectures décentralisées Le grand avantage de ces réseaux, est qu’il assure l’anonymat à ces utilisateurs. En effet, il n’y a plus de machine centralisant les demandes et les annuaires, donc plus de problèmes de récupération des données utilisateurs. Pour mettre en place un réseau P2P décentralisé il faut, dans un premier temps, mettre en place un annuaire pour avoir accès à une information sans intermédiaires centraux. Le principe est le suivant : Lorsqu’un client A (Peer A), se connecte il ne connaît pas la typologie du réseau. Pour connaître les autres membres du réseau, il va "broadcaster"5 une demande d’identification des nœuds du réseau. Les nœuds recevant la demande vont à leur tour la répercuter sur tous les nœuds voisins et ainsi de suite (comme les nœuds B, C et D). Lorsque que la trame est reçue et identifiée par un autre client, le nœud renvoi une trame d’identification à A. Ainsi A va peu à peu pouvoir identifier tous les nœuds du réseau et se créer un annuaire (cf. schéma ci-dessous). Création de l’annuaire 5 Du verbe « to broadcast » : transmettre, diffuser. 12 La deuxième étape, après la création de l’annuaire, est la mise en place de la recherche d’informations et la récupération des fichiers souhaités. Pour cela, l’utilisateur A émet une demande. Celle-ci est transmise à tous les nœuds proches de lui qui vont à leur tour la transmettre. Lorsque l’un des nœuds est capable de répondre à la demande de A, il émet une réponse vers A contenant la liste des fichiers répondants aux critères de recherches. Un index des fichiers est créé en local sur A. L’utilisateur n’a plus qu’à choisir les fichiers qu’il désire récupérer. Le téléchargement se fait réellement de machine à machine sans passer par le réseau. Toutefois, le principal inconvénient de cette méthode sont les séries de broadcast qui sont diffusées sur le réseau. Cela pollue et donc ralentit les échanges de données entre les machines. Un modèle hybride : les réseaux Super Nœuds Le modèle super nœud a pour but d’utiliser les avantages des réseaux centralisés et décentralisés. En effet, sa structure permet de diminuer le nombres de connexions sur chaque serveur, et ainsi d’éviter les problèmes de bandes passantes. D’autre part, le réseau de serveurs utilise un mécanisme issu des réseaux décentralisés pour tenir à jour un annuaire client et un index des fichiers à partir des informations provenant des autres serveurs. Un serveur peut donc proposer à n’importe quel client toutes les informations contenues sur le réseau. Le réseau n’est plus pollué par les trames de broadcast mais l’anonymat n’est plus assuré. Réseau Super Nœuds 13 B. Les principaux logiciels de P2P et leur fonctionnalité Cette partie, vise à présenter les principaux sites de téléchargements « sauvages » de musique ligne accessible en France et, d’expliquer les raisons de leur succès auprès des consommateurs. 1. Les principaux sites de téléchargements Kazaa Kazaa fait parti du réseau Fasttrack, dont il est le client le plus connu du grand public, et est le réseau P2P le plus largement utilisé (autres clients : iMesh et Grokster). Ce réseau décentralisé repose sur des serveurs dynamiques appelés Supernodes. Pour rejoindre la communauté des utilisateurs, il faut télécharger le logiciel Kazaa. Les utilisateurs se connectent alors directement les uns aux autres sans recourir à un serveur central. Les recherches de « Pair à Pair » se font grâce aux utilisateurs avec connexions rapides, appelés supernodes, qui jouent le rôle de serveur. Les supernodes communiquent entre eux pour les recherches et hébergent la liste des fichiers partagés par les clients. Les serveurs principaux ne gèrent donc que les connections et la liste des supernodes. Cette méthode permet au réseau Fasttrack de disposer d’une quantité croissante de serveur de recherche avec le nombre de clients présents. Il faut noter que les supernodes restent des peers puisqu’ils partagent et téléchargent aussi des fichiers. Le client peut refuser de devenir supernode, mais dans cas, c’est la mort du réseau Fasttrack. Une fois localisé, le fichier est téléchargé directement depuis le ou les utilisateur(s) qui le possèdent. Toutefois, pour bénéficier des fichiers, les utilisateurs doivent partager leurs fichiers et pas seulement télécharger : c’est un mécanisme à double sens. 14 Aucun client connu ne permet de se connecter avec une autre plate-forme que Windows6. Le principal atout de Kazaa est qu’il est très rapide puisque : - Un fichier peut être téléchargé depuis plusieurs sources en même temps, - La technologie de recherche est très efficace : elle choisit la source la plus rapide et anticipe le temps de téléchargement. Si nécessaire, elle lance le téléchargement en ultrapeer7 pour accélérer la vitesse d’échange. De plus, avec sa technologie Automatic Meta Data Assignment, Kazaa n´utilise pas uniquement les noms de fichiers pour identifier les sources, mais compare les médias eux-mêmes ce qui augmente les chances de trouver un fichier. - Beaucoup de peers de Kazaa disposent de liaisons spécifiques permettant d’atteindre des débits supérieurs à 50ko/s. En outre, Kazaa est très facile d’utilisation puisque son interface est très intuitive et comporte un lecteur multimédia et une bibliothèque pour organiser ses fichiers. 6 Il faut également disposer d’Internet Explorer et de Windows Média Player. Ultra-peer : possibilité pour un réseau P2P de télécharger simultanément un même fichier depuis plusieurs sources. 7 15 L’inconvénient de Kazaa est qu’il renferme des Spywares8 utilisés à des fins commerciales et publicitaires. Depuis quelques temps Kazaa s’est également transformé en boutique en ligne et l’on peut télécharger des CD moyennant paiement. e-Donkey Le réseau e-Donkey est né en septembre 2000, mais c’est au cours de l’année 2001 qu’il a connu son véritable essor. Par rapport à ses prédécesseurs, eDonkey fonctionne dans un mode décentralisé avec une multitude de serveurs : l’architecture est proche du super noeud. e-Donkey permet le transfert de tous types de fichiers et ce, quelque soit la plate-forme, puisqu’il dispose de client Windows et Unix. Chaque utilisateur peut ouvrir son propre serveur et tous les serveurs peuvent être reliés entre eux. Lorsqu’un client se connecte sur un serveur, il lui fournit la liste des fichiers partagés, lui permettant ainsi de rechercher un fichier : - Soit sur le serveur sur lequel il est connecté, - Soit sur tous les serveurs connus par l’intermédiaire des autres peers (fonctionnalité réservée à eMule). 8 Spyware : Freeware ou shareware qui installe un espion fourni par une société de marketing afin d’analyser vos habitudes. Les informations recueillies sont expédiées sans que vous le réalisiez. 16 Comme la plupart des réseaux P2P, à aucun moment les fichiers ne sont transférés sur les serveurs. Ils n’interviennent qu’à la connexion et lors des recherches puisqu’ils ont le rôle d’annuaire. Le plus gros avantage d’eDonkey est son protocole MFTP (Multisource File Transfert Protocol). Derrière cette abréviation se cache un système ingénieux pour optimiser les temps de téléchargement de fichiers. Sur un système classique, le client ne pourrait télécharger des fichiers qu’à partir de Peer sources disposant du fichier complet. Grâce au MFTP, un client peut à la fois télécharger une partie d’un fichier à partir de plusieurs sources et aussi partager les parties déjà téléchargées (cf. schéma ci-dessous). Principe du téléchargement partagé sur eDonkey Le client Z possède la totalité du fichier (les minuscules représentent les différentes parties du fichier). Les clients W, X, et Y veulent tous télécharger ce fichier. Puisque les clients X et Y ont différents morceaux du fichier, ils peuvent non seulement télécharger ce fichier à partir de Z mais, ils peuvent aussi commencer à s' envoyer mutuellement ce qu' ils ont. Cela permet de distribuer le plus rapidement possible le fichier sans bloquer la bande passante de Z. En réalité cette bande passante sera bloquée (les clients X et Y vont télécharger au maximum de la vitesse) mais beaucoup moins longtemps (puisque certains morceaux seront arrivés d' autres sources). De plus le client W peut commencer à charger ce qui lui manque chez les clients X et Y tant que Z n' a pas assez de bande passante. En plus du MFTP, eDonkey utilise un système de listes d’attente très ingénieux qui favorisent les personnes qui ont le plus de parties du fichier. Grâce à cela la diffusion se fait 17 rapidement et plus il y a de sources qui disposent du fichier complet, plus la vitesse de téléchargement est rapide. e-Mule remplace peu à peu eDonkey chez les clients Windows grâce à ses nombreuses fonctionnalités comme une gestion des recherches plus poussée et une gestion automatique des files d’attente et des priorités. Le succès d’eDonkey est dû au fait qu’il soit disponible sous Linux. Les serveurs sont généralement sous Linux (les plus gros serveurs pouvant accueillir de 30 000 à 150 000 utilisateurs). Gnutella Gnutella se distingue en proposant un réseau entièrement libre. Gnutella est sous licence Gnu et donc libre de droit. Il s’agit d’un peer-to-peer décentralisé qui a évolué au fil du temps. Son architecture était comparable à e-Donkey avec des fonctionnalités en moins (pas de recherches sur les serveurs voisins etc.). Suite à l’explosion du nombre de clients (de 75 000 à 300 000), le réseau a évolué vers le pur peer-to-peer. Pour se connecter, l’utilisateur fait une sorte de "broadcast" vers l’Internet afin de trouver les utilisateurs les plus proches. Le principe de fonctionnement Gnutella est le suivant. Lorsqu’un un client se connecte sur le réseau, il commence par rechercher tous les nœuds Gnutella présents. Pour cela il transmet une trame d’identification (PING) à tous ces voisins qui eux-mêmes la transmettront à leurs voisins. Lorsqu’un nœud est identifié, il envoie à l’émetteur une trame de réponse (PONG). Une fois les requêtes reçues par le nœud d’origine, l’utilisateur peut récupérer le fichier. Pour cela le téléchargement s’effectue directement entre les deux nœuds via le protocole http. 18 Le partage de fichiers partiellement téléchargés n’est possible qu’avec certains clients du réseau Gnutella (Ares, BearShare, Morpheus…). Certains d’entre eux, à la manière de Kazaa, imposent l’affichage de publicités. Gnutella dispose des clients Linux et Macintosh. 2. Les raisons du succès Les sites de téléchargements reposant sur des applications P2P connaissant actuellement un succès considérable. Les raisons en sont de deux natures : endogènes et exogènes. Les raisons endogènes La gratuité des contenus : c’est la principale raison du succès des sites d’échange de musique en ligne de type P2P. Le consommateur étant un acteur rationnel, il souhaite maximiser son utilité. Ainsi, pourquoi payerait-il un produit de valeur élevée sur le marché, alors qu’il a la possibilité d’avoir le même produit gratuitement. La communauté de peers : avec la mise en commun des données personnelles, la communauté de peers permet de disposer d’une ressource partagée énorme. De plus, il faut savoir que plus un fichier est demandé, plus sa distribution se mutualise, et plus son téléchargement est rapide. Ce phénomène peut être qualifié d’«effets de club », mécanismes par lesquels l’utilité des internautes croit avec le nombre d’usagers. En d’autres termes, le déploiement des réseaux étend le marché des contenus. On pourrait rapprocher cela au dilemme du prisonnier. Dans le système du P2P, le fournisseur du 19 bien est aussi le consommateur : les rôles sont mélangés et alternent. On pourrait donc rapprocher l’échange de fichiers en P2P à la théorie des jeux et en le traduisant en un dilemme du prisonnier à plusieurs joueurs. Dans ce cas de figure, les joueurs font le choix rationnel de ne pas coopérer alors qu’ils gagneraient plus en coopérant. Or l’efficacité de la solution P2P dépend des souhaits des participants à partager leurs ressources propres pour le bénéfice du réseau. Leur accord est favorisé par la gratuité de l’échange, l’étendue de l’offre et également la qualité des contenus désormais équivalent à l’œuvre originale. La facilité d’accès et d’usage des logiciels P2P : les sites P2P, contrairement aux offres payantes (cf. 2nd partie), ont peut de contraintes. Ils offrent des moteurs de recherche pertinents, disposent d’une ressource immense et ont des systèmes d’exploitation performants. Les raisons exogènes La numérisation des contenus : La numérisation des contenus du fait de la compression des fichiers a créé des utilités nouvelles. Elle a permis La dématérialisation de leur distribution. Elle n’a été possible que par le développement de plusieurs innovations technologiques combinées : - les formats de compression de type PDF, MP3, MPEG2…L’adoption du format de compression MP3 pour la musique dans les années 1999-2000 coïncide avec le déploiement des réseaux Internet bas débit et les premiers logiciels de partage de type P2P des fichiers compressés. - l’encodage qui permet la dématérialisation des œuvres et leur exécution sur des équipements variés, - les supports d’enregistrement et de lecture des signaux numériques compressés, - le transport point à point des signaux sur les réseaux de télécommunications. Le succès des réseaux P2P a également été accentué par le développement du haut-débit. 20 Face au succès des logiciels P2P, une offre légale de téléchargement de musique en ligne s’est développée. Toutefois, celle-ci reste assez marginale et encore très peu utilisée par les internautes. II. Les offres légales de téléchargement de fichiers musicaux Tous les pays touchés par la baisse des ventes de CD, notamment les Etats-Unis, ont mis du temps à prendre conscience du développement non négligeable de la circulation des biens musicaux sur Internet. La France, qui a donné naissance au MP3 et au Divx, est curieusement un acteur secondaire du marché de la musique en ligne. Ce marché a été décalé dans le temps pour plusieurs raisons : - Peu d’opportunités économiques pour les start-up technologiques : tarifs inadaptés de la Sacem, pas de licences des producteurs, pas de licence légale pour les webradios. - Peu d’implication de la part des acteurs économiques de la filière : indépendants, majors et sociétés de gestion collective. - Les distributeurs numériques sont les distributeurs physiques : à la différence du marché américain, les services qui vendent la musique en ligne en France sont d’abord des distributeurs physiques : MTV/Universal, la Fnac, Virgin, Wanadoo/Tiscali/Msn/Club Internet (utilisant la solution OD2)… Le marché de la musique en ligne en France n’est actuellement qu’à ses prémisses, notamment concernant l’implication des majors sur ce nouveau marché. Avec Ecompil, Universal est le seul major à occuper le terrain de la musique dématérialisée. 21 A. Les plates-formes légales Actuellement, plusieurs plates-formes se partagent le marché français : i-Tunes, OD2, ecompil, Virgin mega, Sonny Connect et plus récemment Napster et la Fnac. Ces offres légales sont proposées par différentes catégories d’acteurs : des professionnels de la musique, des industries de l’informatique et des sociétés de service. 1. Les plates-formes de téléchargement proposées par des acteurs de la musique E-Compil E-Compil, est le premier magasin virtuel français. Il fut lancé par Universal Music France dès octobre 2001 et possède un catalogue de 100 000 titres. E-Compil a réussi le tour de force de signer des accords de distribution avec toutes les autres maisons de disques, les indépendantes comme les majors, à une époque où chacune des maisons de disques cherchait à installer sur le marché sa propre solution de téléchargement. Il faut également noter que le site à fait l’objet d’une politique de prix agressive qui a placé d’emblé les titres E-Compil en deçà des tarifs pratiqués habituellement sur les CD. Le premier prix pour un titre est de 0.77 € moyennant un abonnement d’un mois. Les titres téléchargés sont gravables sur CD et transférables sur baladeur numérique compatible WMA. Dans le cadre d’un premier achat sur E-Compil, il est nécessaire d’ouvrir un compte qui permet de gérer les titres de chaque consommateur. A partir de ce compte, on peut acheter de nouveaux titres en choisissant la formule de téléchargement souhaitée : - L'achat au titre : il s’agit d’une offre sans engagement. Elle permet d' acheter un titre, qui est à télécharger dans les 3 mois qui suivent l’achat. Certains titres vendus sur E-Compil ne sont disponibles qu'à l'achat au forfait. Le paiement s' effectue par téléphone. 22 - Les formules sans Engagement : 18 € pour 20 titres, soit 1.69 € pour 1 titre (par audiotel). Les titres achetés sont à télécharger dans les trois mois qui suivent l’achat. Certains titres vendus sur E-Compil ne sont disponibles qu'à l'achat au titre et donc pas au forfait. - Les formules d’abonnement : les abonnements sont d' une durée de 6 mois et sont renouvelables par tacite reconduction pour la même durée. Deux forfaits existent : 10 titres pour 8 € par mois, ou 20 titres pour 15.5 € par mois. Le paiement s’effectue uniquement par carte bancaire. Concernant la gestion des titres, il n' y a pas de report de titres d' un mois sur l' autre. Face à Universal Music France, les enseignes de la distribution se devaient de réagir. La première fut Virgin Store. VirginMega Un premier site fut lancé quelques mois après E-Compil mais il ne rencontra pas le succès espéré. C’est pourquoi, la direction de Virgin Store, filiale du groupe Lagardère, s’est résolue à lancer rapidement une seconde version plus ambitieuse le 18 mai 2004. Son souhait était de rivaliser avec les grands magasins en ligne de type i-Tunes ou Napster. VirginMega propose actuellement un catalogue de 300 000 titres, et envisage d’atteindre les 500 000 titres prochainement. De quoi rivaliser avec les 700 000 chansons disponibles sur i-Tunes ou Napster. D’entrée, VirginMega joua la carte du prix : pas d’abonnement, comme pour E-Compil, mais la possibilité d’acheter les titres entres 0.99 € et 1.19 €, selon qu’il s’agisse d’une nouveauté ou non. Il faut compter entre 9.99 € et 11.99 € par album. Les double-albums sont vendus 15.99 €. Deux moyens de paiement sont proposés : par carte bancaire ou via la facture France Telecom. Les morceaux sont encodés par Windows Media Audio et sont téléchargeables avec Internet Explorer. Il faut donc impérativement utiliser le lecteur Windows Media 9 pour écouter les morceaux, les transférer vers un baladeur ou les graver sur CD. 23 La Fnac Le troisième magasin tricolore n’est autre que la Fnac. Lancer le 18 septembre 2004, le site de téléchargement, Fnacmusic, est composé d’un catalogue de 300 000 titres. Tous les morceaux sont proposés à un prix unique, 0.99 €. Ils peuvent être gravés cinq fois sur ordinateur et transférés sept fois vers la plupart des baladeurs du commerce. Les achats peuvent être réglés par carte bancaire ou au moyen de la carte adhérent Fnac. Pour la Fnac et Virgin, le succès de leur magasin en ligne est un enjeu de taille. Elles doivent compenser les pertes de revenus occasionnés par la baisse des ventes de CD par une migration de leur activité vers le numérique. Mais pour cela, il faut qu’elles négocient des marges suffisantes avec les maisons de disques et les prestataires informatiques. Un problème que ne connaît pas Universal Music car E-Compil génère des recettes supplémentaires à partir d’un catalogue déjà amorti. 2. Les plates-formes proposées par des acteurs de l’informatique I.Tunes Mis en place dans le courant du mois de juin 2004 en France, le service iTunes MusicStore d’Apple réalise 70% des ventes en lignes aux Etats-Unis. Disponible pour tous les utilisateurs de Mac et PC Windows, il offre un catalogue de 700 000 titres édités par les principales maisons de disque (BMG, EMI, Sony Music Entertainment, Universal et Warner Bros), et une kyrielle de morceaux d’artistes et de labels indépendants américains. Les catalogues des indépendants européens n’ont pas été référencés. On ne trouve donc pas des artistes comme Corneille, Carla Bruni… Le grand avantage d’iTunes est sa facilité d’utilisation puisqu’il n’y a pas d’abonnement. Le téléchargement se fait en un clic : 0,99 € par chanson au format AAC et 9,99 € par album. Les titres peuvent être gravés sur un nombre illimité de CD pour usage personnel, et lu sur un maximum de cinq Mac ou PC Windows. En outre, le logiciel iTunes fonctionne de telle manière que l’on peut partager de la musique entre tous les Mac et PC du 24 réseau local, que soit utilisé iTunes sur Mac ou sur PC. Pour avoir un aperçu des chansons, il est possible d’en écouter un extrait de 30 secondes gratuit. Mais le point fort d’Apple, c’est qu’il a associé à son site de musique en ligne son baladeur numérique, lecteur de fichiers musicaux de I-Tunes : l’Ipod. L’objectif principal n’est pas de vendre de la musique en ligne mais bien les Ipods. En effet, la marge est quasi inexistante dans un cas, alors qu’elle s’élèverait a près de 30% dans l’autre sur des produits facturés jusqu’à 549 € l’unité. Sonny Connect Opérationnel en France depuis fin juin 2004, Sonny Connect s’est ouvert sans quasiment aucune promotion en amont. Tout juste un partenariat en juillet avec Macdonald. Sonny Connect propose aux internautes plus de 300 000 titres à la carte, d’artistes signés chez les majors et quelques labels indépendants, et sans obligation de souscription. Pour ce qui est de la France, un accord a été conclu avec l’Union des producteurs phonographiques indépendants (Upfi) tels que Naïve, Scorpio Music, Lifestyle Sounds et Fifty Five. L’achat de titres sur Internet permet trois gravages sur un CD, trois transferts sur MD, high-MD ou carte mémoire, et un nombre illimité de synchronisation vers trois baladeurs à disque dur. De même qu’Apple, Sonny a associé à son site de musique en ligne son baladeur musical numérique. La différence avec I-Tunes ne se fait donc pas sur l’offre mais bien sur la capacité de chacune des plates-formes à investir le marché du baladeur numérique. Ce marché n’est qu’à ses prémisses puisque d’autres industries de l’informatique proposent, pour l’instant aux Etats-Unis, leurs propres plates-formes de téléchargement. Il en est ainsi pour Microsoft, le géant américain du logiciel, qui ouvre aux Etats-Unis une librairie musicale sur son portail Internet MSN. Microsoft s’aligne sur Apple en vendant chaque titre moins de 1 €, et en permettant l’écoute sur un ordinateur personnel et le transfert sur un baladeur numérique. 25 3. Une plate-forme sous la forme d’une « société de service » : OD2 OD2 (On Demand Distribution) OD2, a beau être inconnu du grand public, il n’en est pas moins un pionnier du téléchargement en Europe. Son service est bien antérieur à Apple, puisqu’il a ouvert ses portes en 1999. OD2, créée sur l’initiative du chanteur Peter Gabriel, a été racheté en juillet 2004 par son concurrent américain, Loudeye. Désormais filiale de Loudeye, le grossiste numérique OD2 a annoncé le lancement de sept nouveaux services en Europe et en Australie. OD2 met son catalogue à la disposition de grands noms tels que la Fnac, Alapage, Microsoft Network (MSN), MTV ou encore Tiscali pour proposer des téléchargements payants sur leurs sites Internet respectifs. Dotée d’une gigantesque infrastructure, l’entreprise peut supporter deux millions de téléchargements par jour sachant que la demande ne dépasse pas la moitié de cette capacité. Ces sites marchands peuvent choisir librement le prix de vente mais ont une marge de manœuvre limitée par les tarifs encore très élevés des maisons de disques. Il leur est donc très difficile de casser les prix. Il faut compter en moyenne 1.75 € pour un titre. Les références disponibles varient très peu d’un site à l’autre, seuls quelques accords d’exclusivité viennent perturber l’homogénéité de l’offre. Le catalogue de 350 000 titres proposé actuellement devrait être multiplié par trois d’ici la fin 2004. La nouvelle version d’OD2 propose un service juke-box, SonicSelector, petit logiciel à télécharger et basé sur la technologie Microsoft : Windows MediaPlayer 9. Il est accessible depuis les sites partenaires, MSN, Tiscali et Packard Bell, et transforme les lecteurs Windows Media en un service de musique à la demande. SonicSelector permet, comme un juke-box, de payer un titre « à l’écoute » (streaming), pour un centime d’euro, de le télécharger pour 0.99 centimes, ou de s’abonner pour un certain volume mensuel de musique. L’utilisateur crédite un montant minimal de deux euros. Chez Tiscali, il pourra être débité directement sur la facture du fournisseur d’accès à Internet. En outre, SonicSelector présente de nouvelles fonctionnalités : recommandations de choix de titres, génération automatique de listes d’écoute selon les préférences et surtout 26 possibilité de graver ou de transférer les titres sur 70 modèles de baladeurs numériques compatibles avec Windows Media. Enfin, la dernière qualité d’OD2 est la place du répertoire européen dans les catalogues mis en ligne. Le catalogue global comprend 350 000 titres de 12 000 artistes. Tableau comparatif des différentes offres Plate-forme Date de création ou d’arrivée sur le marché français Catalogue 100 000 titres E-Compil (Universal France, (Initiative Warner France,, d’Universal Music Octobre 2001 France) Sony France, EMI, BMG + Indépendants) Prix A partir de 0.77 € - 18 € pour 20 titres - 8 € pour 10 titres par mois - 15.5 € pour 20 titres par mois 300 000 titres Virgin Mega 18 mai 2001 FnacMusic 18 septembre 2004 i-Tunes Music store (Majors + - 0.99 à 1.19 € par Indépendants) titre 300 000 titres - 0.99 € par titre (prix unique) 700 000 titres Juin 2004 (Majors + 0.99 $ par titre Indépendants) 500 000 titres Sonny Connect Juin 2004 (Majors exceptés - 0.99 € par titre EMI + Indépendants) OD2 1999 350 000 titres - 0.99 € par titre L’innovation majeure de la musique en ligne est venue de nano acteurs économiques, souvent une seule personne travaillant chez elle ou dans une université. L’industrie musicale a toujours travaillé dans une logique de planification de l’innovation avec des transitions 27 technologiques orchestrées (Vinyle, CD, DVD). Cette remise en cause brutale des modèles a totalement paralysé ces acteurs qui se sont avérés incapables de mettre en œuvre une stratégie efficace d’adaptation à la demande. C’est pourquoi, on constate actuellement de nombreuses limites aux offres légales de musique en ligne. B. Les limites de l’offre légale de téléchargement Les plates-formes légales s’avèrent rigides dans leur utilisation. Les freins à cette offre sont liés aux problèmes d’interopérabilité, des DRM et des catalogues limités. 1. Le problème de l’interopérabilité entres les plates-formes La plupart des sites de vente de musique en ligne, utilisent des logiciels dotés de protocoles de compression et de systèmes de gestion des droits d’auteur9 incompatibles, et certains ne permettent la lecture des morceaux téléchargés que sur des produits précis. Quelques exemples : Le problème de compatibilité entre les formats AAC10 de iTunes Music Stores et WMA11 des autres plates-formes obligent les utilisateurs de Macintosh à télécharger à partir d’iTunes Music Store. Les autres utilisateurs n’auront pas de contrainte d’ordinateur mais devront toutefois disposer de Windows Media 9, le lecteur média de Microsoft, pour accéder au téléchargement sur e-compil, Virgin Mega ou OD2. Ce logiciel est indispensable pour écouter et acheter de la musique sur ces sites mais également pour pouvoir graver les fichiers WMA protégés. Le principe est le même chez Apple avec le logiciel iTunes. 9 Les protocoles de compression et de gestion des droits sont souvent désignés par le terme DRM (Digital Right management). 10 AAC (Advanced Audio Coding) : format de compression audio, proche qualitativement du WMA et supérieur au MP3. Il est plus répandu dans l’univers Macintosh, mais peut être lu sur PC. A l’heure actuelle, ces fichiers ne peuvent être lus qu’avec un baladeur Ipod. 11 WMA (Windows Media Audio) : format audio de Windows, développé par Microsoft. WMA compresse la source audio d’origine en la dégradant moins que le format MP3 et en donnant un fichier de poids inférieur. 28 Il en est de même pour Apple et son magasin iTunes Music store qui refuse de céder aux autres plates-formes de musique les codes d’accès à son baladeur numérique, l’iPod. Virgin Mega, a été le premier site à déposer une saisine le 28 juin 2004 devant le conseil de la concurrence pour abus de position dominante. Sony pourrait subir le même sort car la firme utilise des technologies propriétaires qu’elle refuse de céder aux autres. Les consommateurs sont donc obliger de choisir entre Apple ou Sony pour acheter de la musique. De même, le service e-compil ne fonctionne pas pour les utilisateurs de MAC et Linux (les versions du Lecteur Windows Media compatibles avec ces environnements ne sont pas disponibles pour le moment). La gravure de CD doit uniquement se faire avec Windows Media Player et non par l' intermédiaire d' un autre logiciel. En effet les licences qui accompagnent les titres font que ceux-ci ne pourront être lus par d' autres logiciels que le Windows Média Player. Le tableau ci-dessous permet de mieux appréhender les différents types de formats entre les plates-formes. Plate-forme E-Compil Virgin Mega i-Tunes Music store Sonny Connect Format WMA WMA AAC ATRAC Il faut noter toutefois que les DRM12 sont actuellement au sein de débats juridiques importants puisque, notamment, de nombreux consommateurs leur reprochent d’aller à l’encontre du leur droit d’achat de CD. En effet, de nombreux CD sortis de leur emballage ne sont pas lisibles sur certains supports que ce soit des chaînes hi-fi, des ordinateurs ou des autoradios. Saisie de cette affaire, la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) des Hauts-de-Seine a réalisé une batterie de tests pour vérifier si effectivement des CD vendus dans le commerce étaient inécoutables. Constatant que les dispositifs anti-copie rendaient les CD illisibles sur certains 12 DRM : digital right management. 29 supports, la DDCCRF a saisi le Parquet de Nanterre. Après examen du dossier, le juge d' instruction du Tribunal de Grande Instance a décidé de mettre en examen EMI Music France et la Fnac en qualité de distributeur et de revendeur. Le motif de la mise en examen est celui de la tromperie sur les qualités substantielles des CD. D’autres juristes s’accordent à dire que les DRM vont à l’encontre du droit à la copie privée. 2. La limite du nombre de copies De même que pour l’interopérabilité des plates-formes, la copie des fichiers téléchargés est loin d’être simple. Tout dépend du disque choisi et du site puisque certains titres sont copiables « au moins trois fois », alors que d’autres sont « limités à trois copies », et que certains peuvent être copiés une fois, cinq fois ou plus. Notons également que pour chaque titre, les conditions varient sensiblement d’un titre à l’autre13. Le tableau ci-dessous répertorie les différentes conditions de copies imposées par chacune des plates-formes. Plate-forme E-Compil Virgin Mega i-Tunes Music store Sonny Connect Conditions - gravure sur CD - téléchargement - gravure sur CD - téléchargement - gravure sur CD illimitée - copie sur 3 ordinateurs - copie sur Ipod illimitée - compatible Macintosh uniquement - gravure sur CD - téléchargement 13 Pour pouvoir suivre le nombre de manipulations effectuées sur un fichier, chaque titre dispose d’une fiche de suivi. 30 3. Des catalogues limités La moyenne, par plate-forme de téléchargement, est de 300 000 à 500 000 titres par catalogue. Ce qui paraît assez limité lorsque l’on sait que 500 000 titres représentent pour la Fnac moins d’un tiers de son catalogue. De plus, pour trouver les titres souhaités, il faut visiter les différents sites et par conséquent ouvrir autant de comptes14. Cette première partie, est un point d’appui à la compréhension du phénomène du P2P et nous permettra de mieux appréhender les enjeux économiques et culturels de la circulation des fichiers musicaux sur Internet. 14 Cette notion sera développée dans la troisième partie. 31 DEUXIEME PARTIE : ENJEUX ECONOMIQUES ET CULTURELS DE LA CIRCULATION DES FICHIERS MUSICAUX SUR INTERNET 32 I. Les effets du P2P sur la consommation L’industrie du disque fait sans contestation l’objet d’une récession qui débuta à l’échelle mondiale en 1999. En France, le chiffre d’affaire de la vente de CD a commencé à chuter à partir de 2003. Toutefois, des interrogations restent posées quant aux causes profondes de la crise. Les acteurs économiques restent divisés à ce sujet. D’un côté le SNEP, représentant des majors, accuse directement les sites de téléchargements « sauvages » et, de l’autre, différents économistes ou professionnels du disque, tel que la Fnac, réfutent la corrélation entre croissance du nombre d’utilisateurs de réseaux P2P et décroissance du marché du disque. A. La baisse des ventes de CD La première forme touchée par le piratage de la musique en ligne est le format court c' est-à-dire les singles. En effet, le téléchargement permet facilement de copier un titre pour un coût quasi nul, alors que sur le marché les formats courts ont un prix unitaire de 5 € en moyenne. Les chiffres parlent d’eux même, puisque selon une étude du magazine Musique Info Hebdo, au premier trimestre 2004 les ventes de singles ont chuté de 28.2 % en volume et 32.7% en valeur comparé au premier trimestre 2003. Le marché des singles est actuellement sinistré et ceux-ci font l’objet de pré-commandes de plus en plus réduites de la part des magasins. Certaines Fnac sont passées de 150 références de CD deux titres à seulement 30 à 40 titres. Le CD est également touché par le piratage puisque selon le même magazine, au premier trimestre 2004, la vente des formats longs aurait chuté de 7.9 % en volume et 13.1 % en valeur comparé au premier trimestre 2003. 33 1. La position du SNEP Selon le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), près de six milliards de fichiers MP3 auraient été téléchargés en 2003 en France à partir de logiciel P2P. En outre, il apparaît, toujours selon le SNEP, que plus d’un disque sur trois vendu dans le monde serait un disque pirate. La raison de la crise du CD serait bien le téléchargement « illégal » de la musique en ligne. Ainsi, selon le rapport de l’IFPI (Fédération internationale de l’industrie phonographique) sur la musique en ligne, « Des études indépendantes, réalisées en 2002 sur les cinq marchés de la musique (États-Unis, Canada, Allemagne, Japon et Australie), ont montré que le téléchargement et le gravage avaient clairement un impact négatif sur les achats de musique. En moyenne, 27 % des personnes interrogées de toutes les études ont déclaré que leurs dépenses en CD et autres achats musicaux avaient décru depuis qu’ils avaient commencé le partage et le téléchargement de fichiers, contre 15 % qui déclaraient que leurs dépenses avaient augmenté». (cf. schéma ci-dessous). Sources: RIAA/Hart Research, CRIA/Solutions Research Group, ARIA/Quantum Market Research, RIA, GFK. 34 Une étude du Cerna15, réalisée par Olivier Bomsel (commandée par des majors de l’audiovisuel tel que Gaumont) confirme la corrélation entre arrivée du piratage et baisse des ventes de CD. Selon l’auteur : « la décroissance du marché de la musique et le nombre d’utilisateurs des réseaux P2P sont corrélés. A la fin des années 1990, après quinze années glorieuses du CD, la croissance de l’industrie mondiale du disque se ralentit. Surgit le P2P. La décroissance qui s’engage en 2000, et qui s’aggrave en 2002, suit alors la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs du P2P. Cette décroissance traduit la baisse des ventes de CD. » Toutefois, la corrélation établit par les majors ne fait pas l’unanimité dans le monde de la musique puisque de nombreuses thèses contradictoires réfutent l’impact, partiel ou direct, du piratage sur la baisse des ventes de CD. 2. Une autre vision du secteur phonographique L’étude la plus inattendue s’opposant au pessimisme ambiant est celle de la Fnac, premier distributeur français de disques, en réalisant une vente de CD sur quatre dans l’hexagone. L’étude, parue en juin 2004, fut réalisée par l’enseigne fin 2003 à partir d’interviews menées auprès : - d’acteurs du marché : labels, syndicats…, - de tournées sur le terrain : dans les Fnac, mais aussi chez Virgin, Carrefour, Leclerc…, - d’analyses de nombreux sites de téléchargement légaux et P2P. Elle cerne les évolutions du marché et aborde les effets des mutations à la fois sur le disque, la musique et la distribution. Ainsi, selon la Fnac, le marché du disque français a reculé de 15% l’an passé et la chute se poursuit en 2004. Moins touchées, les ventes de musique de la Fnac, qui représentent 16% de chiffre d’affaire de l’enseigne en France, ont tout de même baissé de 9% en 2003. La Fnac s’attend encore à une baise de 7% en 2004, et ne prévoit une 15 Etude du CERNA : « Enjeux économiques de la distribution des contenus », Olivier Bomsel, Janvier 2004. 35 stabilisation qu’à l’horizon 200616. Toutefois, le piratage n’expliquerait que 2 à 3 points de la baisse du marché en 2003. Les autres facteurs explicatifs de la récession seraient : - « La gestion incohérente des prix et du cycle de vie du produit », - Le vieillissement du support : « Aujourd’hui, le disque n’a plus de valeur intrinsèque », - Les investissements marketing, dont l’explosion « a fait évoluer le marché vers un système évènementiel dangereux », - Des prix incohérents : les albums réalisant les meilleures ventes actuellement seraient ceux dont les prix sont compris entre 9.22 et 23 €. Enfin, Denis Olivennes17 souligne que « les difficultés du CD ne doivent pas masquer le triomphe de la musique » : la Fnac a enregistré une hausse de 15% des ventes de billets de concerts en 2003 et les six millions de fichiers MP3 téléchargés sont également un signe de bonne santé du secteur. D’autres études confirment la vision plus optimiste de la Fnac : Une Etude de deux universitaires du Connecticut Felix Oberholzer et Koleman Strumpf : « Do artists benefit from online music sharing ? » (Février 2004). Pour ces deux chercheurs, la baisse des ventes de CD n’est que très peu liée au P2P. Une Etude du cabinet Pew Internet réalisée du 15 mars au 15 avril 2004 auprès de 2755 musiciens et compositeurs américains, composée de professionnels et d’amateurs et recrutés auprès de divers organismes dont Nashville Songwritters Association ou American Federation of Musiciens. Les résultats sont les suivants : - 37% estiment qu’en matière de perception, le P2P a un effet néfaste contre 41% que cela n’a aucun effet. - 37% pensent qu’Internet peut avoir un effet positif sur leur carrière, et 5% le contraire, 16 17 Propos de Rodolphe Buet, directeur du disque à la Fnac, recueilli par La Tribune dans l’édition du 10/06/2004. Denis Olivennes, directeur de la Fnac. 36 - 21% voit dans le net un facteur de hausse en terme de vente de CD, 5% de baisse, 34% aucun effet et 39% ne se prononcent pas. - 19% ont remarqué que le P2P a augmenté le nombre de passage de leurs titres en radio et 30% ont enregistré une hausse des entrées à leurs concerts. - 60% concluent que les poursuites menées par la RIAA18 ne bénéficieront pas à terme à la musique. Les études réalisées, qu’elles proviennent des majors ou de cabinets indépendants, restent très aléatoires et approximatives. En effet, il est très difficile de mesurer l’impact réel du P2P sur la baisse des ventes de CD étant donné que chaque téléchargement ne représente pas forcément un acheteur potentiel. Toutefois, la circulation des œuvres sur Internet a conduit a des mutations dans le comportement des consommateurs. B. Les nouvelles formes de consommation et le poids du consommateur Les échanges sur les réseaux P2P redonnent le pouvoir à l’utilisateur et court-circuitent les monopoles d’information ou de distribution. Ils créent ainsi des comportements nouveaux chez les consommateurs et de nouvelles formes de consommation de la musique. 1. La typologie des consommateurs des réseaux P2P Selon Tarik Krim19, il existe trois profils d’utilisateurs des réseaux P2P : 18 19 RIAA : Association américaine de l’industrie du disque. Tarik Krim : auteur de l’étude : « le P2P un autre modèle économique pour la musique », juillet 2004. 37 Les Feeders20 Les Feeders représentent moins de 10% des usagers des réseaux P2P mais se sont eux qui alimentent les réseaux en nouveaux contenus. On peut distinguer à l’intérieur de cette catégorie, deux comportements différents : - Les collectionneurs : ils introduisent des titres rares, des enregistrements inédits, des captations de concerts, d’émissions de radios. Ces consommateurs pérennisent et organisent les contenus sur les réseaux P2P. - Les releasers 21: dans la tradition des « swappers », ces groupes, ou ces individus divulguent des titres ou des albums souvent avant leur sortie sur une trentaine de serveurs à l’échelle mondiale. Ces albums sont des promotions envoyées aux radios, à la presse, aux distributeurs physiques, ou parfois récupérés dans les studios de musique. Les «releasers», qui sont de plus en plus actifs dans la diffusion de films de cinéma et des programmes audiovisuels, mettent à disposition des packs complets avec les pochettes numérisées, les informations légales sur la sortie de l’album, et parfois des informations complémentaires sur l’album (fiche artiste,…). Ces populations sont extrêmement recherchées par les services P2P car elles alimentent en diversité le contenu des réseaux P2P. Les accumulateurs Ils stockent le maximum de fichiers et les mettent à disposition. Ces consommateurs de réseaux P2P augmentent la réplication et donc l’intelligence du réseau. Ils sont également très recherchés par les réseaux P2P car ils ont une influence sur la qualité et la stabilité du service. En effet, leur taux de connexion consécutif est le plus élevé. Cette cible est d’ailleurs celle qui fait l’objet des poursuites par la RIAA aux Etats-Unis et en France. 20 21 Du verbe anglais « to feed » : alimenter. Du verbe anglais « to release » : diffuser, rendre public. 38 Les Freeriders Ils ne font que télécharger et mettent à disposition les contenus récents même s’ils ne savent pas qu’ils mettent à disposition (usagers récents des réseaux P2P). Cette population est la population la plus rentable pour les réseaux P2P. Si son apport en terme de ressources reste limité, et si l’uptime22 de ces consommateurs est peu élevé, ce sont eux qui font travailler les modèles économiques du P2P sauvage (publicité, consommation promotionnelle, spyware et exploitation des données personnelles). C’est ainsi que certains services comme KaZaA et WinMX exploitent le fort taux de renouvellement de ces utilisateurs, souvent novices, pour mettre à jour leurs bases de données commerciales. 2. Le profil des usagers Selon une étude réalisée par l’université de Lausanne en 2001-2002, le stéréotype de l’usager de réseaux P2P est un jeune homme dont la moyenne d’âge est de 25 ans et dont la fréquence d’utilisation est, pour 80% d’entre eux égale à une fois par jour. Pour 85 % de ces personnes, le téléchargement se fait depuis le domicile. En outre, près de 90 % des internautes utilisent seulement un ou deux programmes pour le téléchargement, ce qui souligne une certaine fidélité23 de leur part dans le logiciel P2P utilisé. Enfin, la quasi-totalité des utilisateurs de logiciels P2P sont des abonnés à l’Internet haut débit. Les chiffres clés, en 2003, relatifs à la population utilisatrice des logiciels P2P sont les suivants : - Par sexe : 32 % sont des hommes, - Par tranche d’âge : 52 % ont entre 18 et 29 ans, 27 % entre 30 et 49 ans et seulement 12 % ont 50 ans et plus. 22 23 Uptime : taux de connexion. Cette tendance se confirme dans notre enquête auprès de peers. Cf. entretiens n° 3 en annexes. 39 On remarque donc que la jeune génération est la plus utilisatrice des réseaux P2P sans doute du fait de sa plus grande familiarité avec les nouvelles technologies. En outre, les plus de 45 ans, qui possèdent un pouvoir d’achat plus important, sont moins soucieux d’acquérir des contenus gratuits. 3. Le consommateur redevient un acteur économique de poids Depuis une dizaine d’années, les outils informatiques se sont standardisés, permettant leur accessibilité au plus grand nombre. En 2001, on comptait 7.9 millions de foyers français équipés en PC, soit 32.3 % de la population, dont 4 millions ayant un accès à Internet (soit 16.7 % de la population). En 2004, on dénombre 11 millions de foyers équipés en PC (45 % de la population), dont 7 millions ayant un accès à Internet, soit 29 % des français. On estime ainsi à 23 millions le nombre d’internautes en France. L’atout majeur d’Internet est qu’il n’est pas un réseau de distribution de contenus payant. En s’acquittant d’un faible abonnement auprès des fournisseurs d’accès, le consommateur a accès à une pléthore d’informations et de fichiers de toute nature. La musique, en raison de sa faible densité, est le premier contenu grand public confronté à la distribution de masse sur Internet. C’est donc naturellement sur cette filière que se portent les premières incitations massives au contournement des droits de propriété intellectuelle. Ainsi, le consentement à payer du consommateur est favorisé par l’ensemble des services associés à l’abonnement et l’impression de gratuité qui s’en dégage. Cela a contribué au déploiement massif du haut-débit. Actuellement en France, on peut évaluer à 10 euros par abonné et par mois le consentement à payer pour l’accès aux contenus.24 24 Chiffres issus de l’étude d’Olivier Bomsel : « Enjeux économiques de la distribution des contenus », Janvier 2004. 40 Toutefois, si les ménages ont investit dans l’équipement informatique, leur budget n’a pas augmenté particulièrement. Il y a donc un réel transfert d’utilité de l’industrie des contenus vers l’industrie des réseaux numériques : fournisseurs d’accès, opérateurs télécoms, équipementiers, logiciels….Ce transfert d’utilité a déplacé le centre de gravité du marché vers le droit de l’utilisateur. Devant la bibliothèque mondiale de fichiers musicaux disponibles gratuitement, le consommateur aurait baissé son consentement à payer pour les supports CD, entraînant ainsi des bouleversements au sein de l’organisation de l’industrie du disque. II. La dématérialisation des contenus et les applications P2P bouleversent l’équilibre établit au sein du marché de la musique L’ensemble de la chaîne a vu se produire une modification du poids spécifique d’acteurs déjà présents et apparaître de nouveaux acteurs : fabricants de matériel informatique, fournisseurs d’accès, hébergeurs…. Des métiers semblent d’ores et déjà amener à disparaître, d’autre devront faire l’objet de mutations pour s’adapter aux nouvelles données économiques du secteur. La distribution numérique et la circulation des contenus sur Internet engendrent une mutation profonde des métiers de l’industrie du disque. Il faut désormais que les acteurs de la chaîne s’adaptent à la production numérique et à la distribution immatérielle de la musique. C’est donc toute une partie de la chaîne de l’industrie musicale qui est remise en cause. 41 A. La fin de l’organisation verticale de l’industrie du disque 1. Le raccourcissement du cycle de vie du produit Les fichiers musicaux diffusés sur les réseaux P2P sont de qualité sonore égale aux originaux et sont disponibles gratuitement. Ils concurrencent donc très fortement le marché du CD et déstabilise l’équilibre du produit en accélérant son cycle de vie. Ce phénomène est accentué par l’internationalisation des échanges. On ne peut plus gérer le cycle de vie d’un CD au niveau national et de façon fractionnée. Il faut désormais avoir des actions globales et simultanées. 2. La mort supposée du support met-elle fin au métier de distributeur ? Désormais, le détenteur d’une copie peut, grâce au système P2P, sans coût ni perte de son bien, le disséminer sans limite à tous les participants du réseau. Les détenteurs de droits ne contrôlent plus la diffusion de leurs œuvres et ne sont par conséquent plus rémunérer. Comme nous avons pu le voir précédemment, la vente des CD est en baisse depuis 2003 en France. Or, il semble bien que ce soit le support CD qui arrive à maturation. Le single, premier format touché, est amené à disparaître rapidement car l’utilité pour le consommateur est nulle face aux offres de téléchargement légales et P2P de titres à l’unité pour un coût bien inférieur. Quant au CD, c’est le vieillissement du support qui est mis en exergue. La capacité de stockage d’un CD est limitée comparé au DVD-audio qui a une capacité 6 fois supérieure pour une qualité identique. En valeur, le DVD musical dépasse désormais celui du single, avec un chiffre d’affaires au premier trimestre 2004 de 25.3 millions d’euros (pour 2.4 millions d’unités vendues) contre 20.6 millions d’euros pour les singles. En quatre ans, le marché de DVD musical s’est multiplié par huit. 42 Le CD est donc amener à disparaître progressivement. Certains spécialistes estiment qu’il perdurera encore une dizaine d’années. Le métier de distributeur a donc plusieurs années devant lui d’autant plus que de nouveaux supports, tels que les DVD musicaux, vont dans un premier temps remplacer le CD. Toutefois, de nouveaux modes de consommation devraient à long terme prendre le pas sur la distribution physique. Le domicile deviendra sans doute un lieu majeur de consommation et le concept d’habitat interactif se développera. Ainsi, la « domotique »25 se présente comme un concept d’habitat intégrant tous les automatismes en matière de gestion de l’énergie, de la communication, de la sécurité… B. Impact de la crise sur les majors La crise du CD touche les majors puisque la vente de supports représente l’essentiel de leurs revenus. En effet, les producteurs ne font l’objet d’aucune médiation sur la vente de supports. Ils perçoivent directement les recettes qu’ils redistribuent par la suite aux artistesinterprètes. C’est pourquoi ils sont tant attachés à ce mode de diffusion et que la crise du CD a des impacts directs sur leur activité. 1. Les effets négatifs de la crise Le phénomène de concentration Aujourd’hui les majors détiennent, à elles seules, près de 80% du marché du disque en Europe. Déjà entamé depuis plusieurs années, le phénomène de concentration des majors est en train de prendre de la vitesse. La commission européenne a donné son feu vert en juin 2004 à la fusion de deux majors du disque : Sony et BMG. Cette décision donne naissance au numéro un de la musique dans le monde avec 25.1% de part de marché contre 23.5 % pour Universal26. Désormais, les majors ne sont plus qu’au nombre de quatre (Universal Music, Sony-BMG, Warner et EMI), mais cette situation pourrait être de courte durée. En effet, motivés par le mariage de BMG et Sony, EMI et Warner Music seraient prêts à discuter à nouveau d’une 25 26 Expression employée par Michel Muller dans son rapport auprès du conseil économique et social. Sources : Le Figaro économie des 19 et 20 juin 2004 : « Bruxelles accepte la fusion Sony-BMG ». 43 fusion de leurs activités. Ce rapprochement serait motivé par la volonté de ne pas se laisser distancer par un « duopole » formé d’Universal et de Sony-BMG sur un marché en pleine crise. La commission de Bruxelles ne pourrait pas empêcher cette fusion puisqu’en donnant son accord à Sony-BMG, elle a ouvert la brèche.… La réduction de la masse salariale Tout le premier semestre 2004 a été marqué par des annonces de licenciements au sein des majors. Fin mai 2004, BMG supprimait 20% des effectifs de BMG Allemagne dans le cadre de la restructuration de la filiale musicale de Bertelsmann. Ces licenciements représenteraient selon le Financial Times Deutschland une soixantaine de salariés, sur 300. A la même période, 70 CDI sur 181 étaient en danger chez Warner. Concernant Universal, il s’agissait d’une vingtaine de départs non renouvelés sur les 1000 employés actuels…Les exemples ne font que grandir au fil des jours. La réduction des coûts fixes La crise a poussé également les maisons de disques à faire des économies sur leurs frais de fonctionnement. C’est ainsi qu’au mois d’avril un véritable jeu des « chaises musicales des maisons de disques »27 s’est opéré. EMI-Virgin ont ouvert le bal : EMI déménagea près de la Porte de Clignancourt dans le 13ème arrondissement, tandis que Virgin quittait ses locaux de la place des Vosges. Sonny, jusqu’alors installé rue de Wagram dans le 17ème transféra son siège en banlieue. Selon le SNEP, l’ensemble des restructurations réalisées au sein des majors sont directement dues au développement du téléchargement « sauvage ». Cette thèse est loin de faire l’unanimité au sein de la profession, puisque de nombreux acteurs accusent les majors de profiter de la chute des ventes de CD pour réorganiser leurs filiales afin de faire croître les bénéfices. 27 Titre d’un article publié le 13 avril 2004 dans le Parisien. 44 2. La crise ne régule-t-elle pas le pouvoir des majors ? La fin du cartel des majors Le marché du disque se présente sous la forme d’un oligopole à frange où il existe plusieurs offreurs face à une multitude d’acheteurs, plus quelques indépendants qui se placent sur des niches. L’oligopole n’est pas en situation de concurrence réelle car on voit s’organiser des ententes implicites entre les différents offreurs. En effet, selon Florent Latrive28, il existe une entente « trop cordiale » entre les majors. Celles-ci aligneraient le prix de ventes de leurs CD. La Commission de Bruxelles avait également dénoncé, avant de rendre son avis positif à la fusion Sony/ BMG, la « position dominante collective » détenue par Universal Music, EMI, Sony, BMG et Warner. Les majors détiennent entre 75% et 90% du marché de la production en Europe et, selon Bruxelles elles ont aligné «les prix d’une grande part de leurs produits », « parallélisme qui est sûrement le résultat d’un comportement de coordination et non d’une concurrence effective ». La commission avait constaté que « les majors coopèrent étroitement en ce qui concerne les royalties accordées aux producteurs, aux auteurs et aux compositeurs », ou encore que « les ristournes accordées aux consommateurs sont stables » d’une maison de disque à l’autre. Enfin, Bruxelles soulignait qu’autant d’arguments « apportent la preuve solide que les majors opèrent dans un environnement dans lequel la coordination est non seulement souhaitable, mais très facile à mettre en œuvre. Les éléments sur lesquels elles s’accordent sont facilement identifiables et la structure du marché est telle que l’information circule aisément, tandis que le fait de s’aligner sur les prix des uns et des autres fait partie de la routine des majors ». La régulation des prix La crise pousse les majors à revoir leurs politiques de prix qui, semble-t-il, ont été inflationnistes à partir des années 1990. 28 Florent Latrive : journaliste à Libération, spécialisé dans les problèmes du piratage et de la musique en ligne. 45 Selon un documentaire paru sur Arte29, les majors auraient profité du passage du vinyle au CD pour augmenter fortement les prix de leurs supports sous prétexte de l’introduction d’une nouvelle technologie. Or il s’avère que le vinyle était plus cher à la fabrication que le CD. Ainsi, les majors ont fait basculer leur prix de 10 € environ pour un vinyle à plus de 15 € pour le CD. En outre lorsque l’on regarde la décomposition du prix hors taxe d’un CD, on est surpris par la part reversée aux majors. Selon l’UFC-Que choisir, la décomposition du prix hors taxes d’un CD est la suivante : (1) Dont : - frais d’enregistrement : 3 % - fabrication du disque : 11 % - promotion : 16 % - frais généraux : 13 % - marge d’exploitation : 9 % (2) De nombreux artistes contestent les 19% annoncés par le SNEP, affirmant qu' il s' agit d' un taux versé à des vedettes confirmées. 29 « Requiem pour l’industrie du disque », diffusion : fin juillet 2004. 46 Ces chiffres recoupent globalement ceux disponibles sur le site Web du SNEP 30: - frais d’enregistrement et de fabrication entre 12 et 15 %, - frais de distribution entre 22 et 24 %, - frais généraux entre 13 et 15 %, - droits d’auteur et redevances d' artistes entre 25 et 30 %, - publicité et promotion entre 18 et 23 % ; Il est étonnant de constater que les frais de promotion soient : - supérieurs au frais de production, - quasiment égal à la proportion reversée aux auteurs et aux artistes. Si le piratage a accentué la baisse des ventes de CD, fort est de constater que le consommateur n’est plus prêt à payer plus de 20 € par album. La valeur marchande du CD n’est plus justifiée comme à l’époque de la révolution du laser qui amenait une qualité sonore maximisant l’utilité du consommateur. La crise a donc entamé une phase de régulation du marché en entraînant la baisse des prix des CD. Des premières actions ont été entreprises par Universal Music qui a fait descendre, sur certains CD, le prix unitaire à 10 €. Outre les consommateurs et les professionnels de l’industrie du disque, il est important de s’interroger sur la situation des artistes et plus globalement de l’activité artistique. III. Les effets du P2P sur l’activité artistique : menace ou nouvelles opportunités ? De même que sur la question des causes de la crise du CD, les acteurs sont partagés quant aux effets du P2P sur l’activité culturelle. 30 A cette composition du prix de revient s’ajoutent la TVA et la marge du détaillant. 47 A. Le P2P menace-t-il la créativité ? 1. Les contrats des artistes menacés Le paragraphe suivant portera essentiellement son attention sur la relation entre artistes et majors, puisque celles-ci représentent 80 % de la production européenne. Le piratage, pousse les majors au non-renouvellemnt de nombreux contrats d’artistes. En effet tout le premier semestre 2004 a été marqué par des relations entre maisons de disques et artistes relativement tendues. De nombreux contrats d’artistes selon les médias, ont été « rendus » : Alain Souchon, Vanessa Paradis, Stéphane Eicher…D’autres voient leur contrat renégocié. Toutefois, il faut être vigilant quant à l’information relayée par les médias. En effet, selon le magasine Télérama31, « la plupart des noms cités dans les médias l’ont été hâtivement. Jacques Higelin, Yves Duteil, Michel Jonasz, Alain Chamfort, Alain Souchon…tous auraient été remerciés. Faux ! Quelques coups de fil suffisent pour démontrer que l’ampleur de la purge est très exagérée dans la presse. » En outre, selon le directeur d’un label indépendant, « il y a toujours eu des contrats non renouvelés, des divorces à l’amiable. […] D’une crise somme toute banale, on prétend faire une tragédie collective ». Toutefois, certains chiffres ne trompent pas. Les nouveaux contrats passés par les cinq majors l’an dernier ont chuté de 23%, passant de 171 signatures à 132. Dans le même temps, le nombre de contrats « rendus » à des artistes, faute de ventes probantes, est passé de 75 à 114, soit une hausse de 52% en une année. 32Les coupes pourraient concerner 30% des catalogues. Même les artistes « établis » sont menacés puisque ceux dont les ventes n’atteignent pas les 100 000 copies vendues sont susceptibles d’être remercié. C’est le cas de l’artiste Alain Chamfort qui a cessé ses engagements contractuels avec Delabel/EMI, et ce en pleine tournée, seulement six mois après avoir sorti son nouvel album qui s’est tout de même vendu à plus de 80 000 exemplaires. Selon Isabelle Wekstein, avocate spécialisée dans le doit d’auteur, il y a une inflation des problèmes liés aux contrats d’artistes « rendus » et « désormais on rend des contrats à des artistes qui n’ont pas encore sorti d’albums ! ». 31 32 Télérama, « Mon CD va craquer », 22 au 28 mai 2004. Source : Musique Info Hebdo de mai 2004. 48 En outre, jusqu’à une période récente, la majorité des contrats étaient des contrats à options pouvant entraîner une requalification de CDD en CDI, l’objet et la durée du contrat « n’étant pas déterminables ». Aujourd’hui, la plupart des maisons de disques ont opté pour des contrats « fermes ». Il arrive cependant que les contrats ne soient pas véritablement « fermes » et que les producteurs prévoient la possibilité de rompre en cas d’échec d’un album précédent. C’est le système des options, utilisé par les maisons de disques, qui permet de fixer sur papier un mécanisme d’indemnisation qui devra toutefois faire ses preuves devant la justice. La rupture d’un CDD ne pouvant être légale qu’en cas de faute grave du salarié, accord mutuel des parties ou cas de force majeure. Or comment calculer des indemnités sur des ventes supposées d’albums qui ne sont pas sortis ? 2. Les artistes n’ont plus le temps d’émerger Le raccourcissement du cycle de vie du CD a des conséquences directes sur l’investissement initial puisqu’il relève l’intensité capitalistique de leur mise en marché. En effet, les producteurs n’ont plus le temps d’attendre qu’un artiste soit rentable. Ils privilégient les projets rapportant à court terme. Cette tendance nuit à la créativité, à la diversité culturelle et au lancement de nouveaux artistes dont la rentabilité est à plus long terme. Elle implique également une concentration des entreprises et des catalogues. C’est ainsi, que l’on a vu se développer récemment des émissions de Télé-réalité, du type : « Star Académie », « A la recherche de la nouvelle star ».., bases médiatiques pour la sorties d’albums pour le moins très marketing. B. Les réseaux P2P peuvent-ils offrir de nouvelles opportunités de créativité ? 1. Le P2P un nouveau moyen de promotion des artistes ? Jusqu’à présent c’étaient les maisons de disques qui distribuaient et promouvaient les artistes, au prix d' une commission. Les sites P2P brisent le monopole d’exploitation des 49 artistes par les maisons de disques et court-circuite la chaîne. Les réseaux peer-to-peer pourraient-il devenir les maisons de disques de demain ? Un partenariat a été établi entre Sharman Networks et Cornerblank pour intégrer dans Kazaa un système de promotion des artistes. Moyennant le paiement d' une somme modique, les artistes peuvent désormais figurer en tête des résultats retournés par Kazaa pendant 90 jours. Morpheus va plus loin. StreamCast vient d' annoncer le lancement prochain de son service CintoA, une technologie qui permettrait à ceux qui le souhaitent de diffuser leur musique en toute sécurité, sans risque de piratage. L' artiste décide du nombre de fois qu' un utilisateur peut écouter son morceau. Par exemple, s' il décide d' autoriser deux écoutes, à la troisième l' utilisateur se verra demandé de débloquer le fichier en l' achetant. Le fait de débloquer le morceau lui permettra également de le transférer sur un lecteur MP3 portable ou même de le graver sur un CD-R. Rien de très innovant jusque là, mais CintoA apporte surtout une évolution marketing essentielle. Lorsqu' un artiste décide de souscrire à ce service, il gagne 70% des recettes générées par le déblocage des fichiers. En outre, il bénéficie d' une place de choix sur le site musical de Morpheus, Musiccity.com, pour se faire connaître. Côté tarifs, il en coûtera 125$ pour diffuser une chanson, ou 495$ pour un album complet. Rien n' a filtré pour l' instant sur le prix de déblocage, mais il est fort probable qu' il soit également choisi par l' artiste, qui bénéficierait alors d' un contrôle total sur ses ventes et sa politique de promotion. Ce système pose une réelle interrogation sur l' avenir des maisons de disques dans leur forme actuelle. 70% des revenus sont une part absolument considérable en comparaison des parts reversées aujourd' hui aux artistes. En allant plus loin, la forme même d' album pourrait bien devenir obsolète dans un système où l' utilisateur a la possibilité d' acheter individuellement chaque chanson. Les grands réseaux P2P qui attirent un public nombreux pourraient donc remplacer demain les maisons de disques que nous connaissons aujourd' hui. 50 TROISIEME PARTIE : LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES POUR SORTIR DE LA CRISE 51 L’enjeu actuel est le suivant : accepter les évolutions technologiques, prendre en compte les nouvelles pratiques de consommation et de diffusion du savoir, de la culture et de l’information, tout en assurant le financement et la défense des créateurs. Pour cela, trois pistes doivent être explorées : - Installer un marché légal de la musique en ligne, - Etablir un nouveau contrat social entre les consommateurs et les détenteurs de droits, - Trouver de nouveaux moyens de rémunération. I. Installer le marché légal de la musique en ligne Actuellement le marché de la musique en ligne n’est qu’à ses prémisses puisque seulement 1% des fichiers musicaux téléchargés via les systèmes P2P sont légaux33. A. Proposer une offre concurrentielle Les sites P2P ont su répondre aux attentes des consommateurs, pas seulement en offrant de la musique gratuite, mais en proposant des sites de téléchargement faciles d’accès, flexibles et surtout possédant un catalogue très large ; les plates-formes légales elles ont pris du retard. Pour que le marché légal de la musique en ligne rencontre le succès escompté, il faut rétablir la rivalité entre les biens et libérer les sites légaux de leurs contraintes. 33 « légaux » : lorsque les artistes propriétaires ont accepter d’être diffusés largement au public. 52 1. Rétablir la rivalité entre les biens La rivalité est une condition fondamentale à l’exploitation économique de la création et de la distribution des œuvres musicales. C’est sur cette base que pourront être légitimées les plates-formes légales. Celles-ci doivent développer une offre proposant des services supérieurs aux réseaux P2P. Pour le président de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), Jay Bermann, cela est du domaine du possible puisque « le succès américain du site d’Apple i-Tunes est la preuve que si un service musical est bien fait, le public comprend qu’il faut rémunérer les artistes et les créateurs et qu’il faut payer pour télécharger de la musique. ». Dans le cas d’i-Tunes, il semble toutefois plus censé de dire que lorsque la qualité est au rendez-vous, le consommateur est prêt à payer pour pouvoir accéder au service. Les plates-formes légales ont pleins d’atouts potentiels qu’elles doivent exploiter pour rétablir la rivalité entre les biens et augmenter le degré de substituabilité entre les plates-formes légales et les réseaux « sauvages ». Elles peuvent notamment se différencier des logiciels P2P en agissant à plusieurs niveaux : Offrir aux consommateurs une sécurité juridique : les consommateurs de P2P sont victimes d’un certain nombre de nuisances : publicité, Spam, risque de virus, incertitudes sur la qualité des fichiers et, plus récemment, propagation de fausses versions des logiciels P2P. C’est actuellement le cas d' eDonkey qui vient de mettre en garde ses utilisateurs contre une fausse version de son site diffusée par un site allemand, détournant les bannières publicitaires à leur profit. En outre, depuis juillet 2004, le consommateur risque des poursuites judiciaires. En effet, au terme de l’article 335-4 du code de la Propriété intellectuelle, le piratage sauvage peut conduire jusqu’à 300 000 € d’amende et trois ans d’emprisonnement34. Proposer des fichiers musicaux de qualité : les réseaux P2P offrent des multitudes de versions d’un même titre, mais l’utilisateur ne sait jamais exactement le contenu du fichier téléchargé. Il peut s’agir parfois de fichiers d’erreur, de titres arrangés par un particulier… 34 Cf. annexes, campagne du SNEP. 53 Etendre les services associés : il est essentiel de pouvoir offrir aux consommateurs un contenu à forte valeur ajoutée. En effet, les amateurs de musique demandent que les offres de téléchargement soient autre chose qu' un paiement au titre. Ils attendent de pouvoir écouter gratuitement avant d' acheter, ils veulent des éléments d' information sur les artistes, réserver des places de concerts… Le cumul des « désutilités » liées aux logiciels P2P pourrait susciter, à terme, un consentement à payer des consommateurs pour un service sécurisé, fiable et légal. De nombreux internautes sont déjà prêts à télécharger sur les sites payant pour avoir un gage de qualité35. Toutefois, le déplacement de la demande vers une offre de téléchargement légal n’aura lieu que si celle-ce lui confère une utilité supérieure aux réseaux P2P. Pour cela, les plates-formes doivent réduire les nombreuses contraintes attachées à l’utilisation de leur site. 2. Proposer des plates-formes de téléchargements faciles d’accès et d’utilisation Actuellement, les difficultés rencontrées par le consommateur lorsqu’il souhaite télécharger sur un site légal sont nombreuses. Pour satisfaire les attentes des clients, les sites doivent agir sur différents points : Homogénéiser l’offre L’accès à l’offre légale varie beaucoup d’une plate-forme à une autre. Les prix sont très hétérogènes allant de 0.77 € à 1.19 € par titre, les formules d’abonnement sont diverses et complexes36, et certains sites ne proposent pas de formule mais simplement un achat au titre. Difficile pour le consommateur de s’y retrouver ! De plus, cela pose des problèmes en ce qui concerne le téléchargement sur baladeur numérique puisque le nombre de transferts dépend des sites mais également des titres… 35 36 Cf. annexes, Interviews d’internautes adeptes du P2P. Cf. première partie : « Les limites de l’offre de téléchargement ». 54 Simplifier les formules d’abonnement Aujourd’hui, « les formules d’abonnement sont aussi complexes qu’une thèse de mathématiques sur les nombres premiers »37. Signalons par exemple, les limites du service d’ecompil où il est impossible d’acheter à l’album, mais où l’on peut quand même acheter tous les titres en plusieurs clics. Résoudre les problèmes d’interopérabilité des plates-formes A trop vouloir se protéger des pirates, les majors ont rendu l’utilisation des fichiers musicaux incompréhensibles alors qu’elles avaient à leur disposition le MP3, format de compression lisible par tous les ordinateurs et quasiment sur tous les baladeurs numériques. Mais les maisons de disques ont rejeté ce format car il permet de copier sans limite les fichiers. Elles ont donc privilégié les formats verrouillés et protégés contre le clonage proposés par Apple, Microsoft ou Sony, handicapant ainsi le jeune marché payant. Les formats sont protégés grâce aux technologies dites DRM (Digital Right Management). Ces précautions ne semblent pas très efficaces puisqu’en moins de trois minutes, il serait possible de convertir les CD-Audio gravés en MP3. En effet, selon un test réalisé par le magasine Micro Hebdo en juillet 2004, les CD, qui à l’origine sont du WMA protégé et du AAC protégé, peuvent être retransformés en WMA non protégé avec l’aide de Windows Media Player ! Puis, de là, en MP3, avec des logiciels d’encodage de base. Le tout sans déperdition de qualité. Etendre les catalogues et rendre pertinents les moteurs de recherche Il est étonnant de constater que Kazaa dispose d’un catalogue de plus de 900 millions de fichiers qui sont gratuits, copiables, écoutables et échangeables à souhait alors que les platesformes légales ne disposent en moyenne que de 300 000 titres. Les réseaux P2P accueillent ainsi la plus grosse discothèque du monde, et notamment des titres que l’on ne trouve plus dans les bacs. En outre, comment se fait-il que les albums des Beatles ne soient toujours pas disponibles sur les sites officiels de téléchargement alors que l’on peut les trouver dans tous les 37 Citation du nouvel Obs, juillet 2004. 55 sites « sauvages ». De même, sur Virgin Mega quand vous recherchez Serge Gainsbourg ou Georges Brassens, on vous répond : « artiste inconnu ». Excepté le retard pris par les majors, la mise en place de sites de téléchargements payant a été freinée par : - Les lourdeurs du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur qui obligent les maisons de disque à renégocier un par un les contrats des artistes afin de pouvoir incorporer une autorisation de distribution sur Internet. En effet, avant 1990, pratiquement aucun contrat d’artiste ne comportait de clause relative à la vente en ligne. Les artistes profitent de ce moment de renégociation pour revoir à la hausse leur rémunération. Cette situation entraîne des retards considérables dans le développement de la vente en ligne légale et favorise les téléchargements « sauvages ». - La réticence de certains artistes qui n’acceptent pas ce nouveau mode de distribution et font obstacle en refusant de renégocier leurs contrats et de céder leurs droits sur le net. Par exemple, il est surprenant que le lancement de Virgin Mega se fasse sans Francis Cabrel, qui est pourtant l’une des plus grosses ventes françaises. De même certains artistes comme Madonna ou le groupe Linkin Park refusent de vendre leurs albums titre par titre. 3. Proposer des prix attractifs Face à la gratuité, les plates-formes légales doivent séduire les consommateurs en leur proposant des prix attractifs. En effet, il n’est pas intéressant pour un internaute de télécharger un album à 15 €, alors que le support en magasin est disponible à 17 €. Si les majors sont fortement accusés dans le prix élevé de la musique, il ne faut pas oublier la part écrasante de la taxe sur la valeur ajoutée imposée par l’état. En effet, il est aberrant de constater qu’après les majors, l’Etat est le plus gros bénéficiaire sur la vente d’un titre. 56 Ainsi, pour un titre vendu 1 € sur Internet, la distribution est la suivante 38 : - 19.6 % de TVA - Les sites ayant passé un accord avec la SACEM ( iTunes Music store, par exemple) lui verse 8% dans le cadre du droit d’auteur. Cet accord a été signé pour deux ans et pourrait à terme passer à 12%. La SACEM reverse à son tour environ 85% de ce qu’elle touche à ses sociétaires, et garde le reste pour son fonctionnement. L’auteur touche donc en moyenne 6 centimes. Le reste de l’argent est partagé à : - 40% pour le site, soit 29.6 centimes, - 60% pour les maisons de disques, soit 44.4 centimes. Celle-ci redistribue alors à l’interprète en fonction des accords passés et spécifiques à chaque interprète. NB : cette répartition donne juste un ordre d’idées puisque le partage fluctue entre les sites et les maisons de disques. Toutefois, il faut noter que sous l' impulsion d' iTunes, le marché de la musique sur Internet a été tiré vers le bas par des titres proposés à 0,99 €. Mais à ce prix, les plates-formes sont obligées de vendre à perte certains morceaux. Ce principe institué aux Etats-Unis dès le lancement d' iTunes Music Store par Apple, au printemps 2003, s' impose petit à petit comme une règle commerciale pour l' ensemble des vendeurs de musique en ligne. S' il n' est pas pratiqué par tous les marchands, ce tarif est pourtant devenu dans l' esprit des internautes le prix étalon de la musique sur Internet. Actuellement, l’équilibre entre intérêts particuliers et intérêt général obtenu par les dispositifs juridiques actuels est rompu. Une adaptation des droits de propriétés intellectuelles tant au niveau national, communautaire qu’international s’impose. 38 Informations issues du magasine Micro Hebdo de juillet 2004, « Le test des sites de vente de musique en ligne ». 57 B. Adapter les droits de propriété intellectuelle 1. Combler le vide juridique national en harmonisant le droit communautaire Le droit communautaire a été institué, entre autre, afin d’atténuer les effets de contradiction entre le caractère transfrontalier de l’exploitation d’une œuvre et la dimension nationale des lois la protégeant. Celui-ci prend tout son sens avec le déploiement de nouveaux moyens de distribution et de circulation des œuvres via Internet. La France est actuellement en train de rattraper son retard concernant la transposition des directives européennes. Ainsi, en l' espace de huit mois, plusieurs textes de loi, dont la LEN39 et le "paquet télécoms", ont modifié en profondeur le paysage législatif des NTIC40 en France. Toutefois, ce n’est que le début de grandes mutations car d' autres textes majeurs sont encore à suivre. Les premières avancées La première moitié de l' année a été particulièrement riche en transformations concernant le cadre juridique applicable aux secteurs des télécoms et de l' Internet. Après une longue période de gestation, marquée par des reports de séance, des affrontements de lobbies et des dépôts d' amendements, les principales lois NTIC, avec en tête la LEN et le "paquet télécoms", ont finalement été votées par le Parlement en rafale. Ces différentes lois transposent en droit national la plupart des directives européennes liées aux NTIC et sur lesquelles la France avait pris du retard. Les directives du "paquet télécoms" ont ainsi été transposées avec plus d' un an de décalage. Un moindre mal puisque pour d' autres directives européennes, le retard accumulé s' est monté jusqu' à six années. C' est le cas de la nouvelle loi "informatique et libertés" adoptée début août, qui transpose notamment une directive de 1995 sur le traitement des données à caractère personnel. 39 40 LEN : loi pour la confiance dans l’économie numérique adoptée le 21 juin 2004. NTIC : nouvelles technologies de l’information et de la communication. 58 A ce jour, trois lois fondent le nouveau corpus législatif des NTIC : La réforme de la loi Informatique et libertés Adoptée le 6 août 2004, la nouvelle loi informatique et libertés transpose la directive du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l' égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. La principale disposition concernant notre secteur de recherche est l’autorisation pour les sociétés d’auteur et les organismes professionnels de constituer des fichiers de fraudeurs et de pirates des droits d' auteur et droits voisins pour lutter contre le piratage de la musique et des films. Ces fichiers devront être autorisés par la CNIL41. La loi Communications électroniques- Service de communication audiovisuelle Adoptée le 7 juillet 2004, elle transpose trois directives : les directives "paquet télécoms" du 7 mars 2002, la directive du 12 juillet 2002 "vie privée et communications électroniques" et la directive du 16 septembre 2002 sur la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques. Ses grands principes sont : - L’harmonisation des cadres législatifs au niveau européen. - La concurrence effective sur les marchés liés aux "paquets télécoms" (assouplissement ou suppression des obligations pesant sur les opérateurs de communications électroniques). - La coordination des structures d' arbitrage au niveau européen. La prochaine échéance est la publication des décrets d' application. Le ministère de l' Industrie a lancé le 6 septembre une consultation publique sur l' ensemble de ces décrets. Neuf sont en projet, dont celui sur le contrôle des tarifs du service universel, celui prévoyant les obligations susceptibles d’être imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché, celui fixant le cadre juridique des annuaires, ou encore celui relatif aux redevances et droits de passage sur le domaine public. La consultation s’achève le 22 septembre prochain. 41 CNIL : Commission nationale de l’informatique et des libertés. 59 La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) La LEN fut adoptée le 21 juin 2004. Elle concerne la transposition des directives du 12 juillet 2002, "vie privée et communications électroniques", du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l' information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur et de la directive du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Ses axes majeurs visent à : - Renforcer la confiance dans le commerce électronique et la lutte contre les publicités indésirables : la publicité doit rendre clairement identifiable la société pour le compte de laquelle elle est réalisée, principe d' une présomption de responsabilité du cyber-marchand, consentement préalable impératif du consommateur pour la prospection par voie électronique... - Conforter la liberté de la communication publique en ligne : les hébergeurs et les fournisseurs d' accès doivent renforcer le contrôle sur les contenus... Les transpositions à venir Ces premières briques législatives concernant les NTIC devraient être renforcées par de nouveaux textes. Est ainsi attendu le projet de loi se rapportant au droit d' auteur et droits voisins dans la société de l' information. Un sujet hautement sensible dans le cadre du marché de la musique en ligne, qui devrait prochainement passer en première lecture à l' Assemblée nationale. Le projet de loi droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information vise la transposition de la directive du 22 mai 2001 sur l' harmonisation de certains aspects du droit d' auteur et des droits voisins dans la société de l' information. Les grands principes de ce texte sont les suivantes : - Adapter le régime de la propriété littéraire et artistique aux nouveaux usages liés aux technologies de l’information et de la communication, 60 - Renforcer la protection des auteurs et des créateurs contre les risques accrus de contrefaçon par la voie numérique, - Introduire en droit français deux nouvelles exceptions au droit d' auteur : d’une part, en faveur des handicapés et, d’autre part, pour les copies techniques temporaires liées notamment aux transmissions sur Internet, - Assimiler le contournement des dispositifs techniques de protection et d' identification des oeuvres à de la contrefaçon, - Renforcer le contrôle du ministère de la culture et de la communication sur les sociétés de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. Toutefois, si l’harmonisation du droit communautaire est une grande avancée, elle n’est pas suffisante face à un marché mondial. 2. Définir un cadre international des droits d’auteur et droits voisins Internet a vocation de permettre les échanges les plus nombreux et les plus libres possibles à travers le monde. Dans la toile, les frontières n’existent pas : la mise à disposition et l’accès à l’information sont possibles de n’importe quel pays. Ainsi, dans un contexte technologique en constante et rapide évolution, il apparaît difficile de raisonner en terme de territorialité et de s’en tenir aux seules règles juridiques nationales. Il convient donc d’établir un code de bonne conduite, une législation supranationale qui serait applicable à l’échelle mondiale. Le respect de ces nouvelles règles pourraient être assuré par une autorité morale supranationale qui pourrait être, comme le conseille le CES42, l’Unesco : « Le Conseil économique et social estime que l’Unesco est l’institution internationale la plus appropriée pour élaborer et adopter une « charte universelle des droits d’auteur » […]. Ce document aurait pour objet principal de situer l’œuvre, et donc son auteur, au centre du processus de production artistique et culturelle. ». Le CES ajoute une dimension 42 CES : Conseil économique et social. 61 sociale et culturelle à l’institution d’un tel organe de contrôle : « C’est aussi un moyen d’éviter que le déséquilibre entre les créateurs des pays du Sud et les producteurs généralement situés dans les pays du Nord ne s’aggrave. Il s’agirait pour notre pays de faire reconnaître la spécificité de la culture, élément constitutif du patrimoine de l’humanité, de réaffirmer ainsi son opposition à l’entrée de la création culturelle et artistique dans le champ des compétences de l’Organisation mondiale du commerce. […] Il appartiendrait ainsi à l’Unesco […] de garantir la pérennité de la création culturelle de l’humanité.». Pour favoriser l’accès à la culture et en même temps assurer la pérennité et la diversité des créations et des productions futures, l’enjeu n’est pas purement juridique ou commerciale, il est aussi éthique et politique. C’est pourquoi, l’établissement d’un nouveau contrat social entres les consommateurs et les détenteurs de droits est fondamental. II. Etablir un nouveau contrat social entre les consommateurs et les détenteurs de droits Il existe actuellement une véritable fracture sociale entre les majors et les consommateurs. Ces derniers ne supportent plus la position dominante des maisons de disques qui dictent leur loi en vendant les CD à des prix exorbitants et qui imposent leurs artistes par la monopolisation des médias et des coûts marketing énormes. Les amateurs de musique sont lacés des gagnants de la Télé-réalité qui monopolise le paysage musical au détriment de jeunes artistes. Les maisons de disque pour sortir de l’impasse doivent donc rapidement reconquérir la confiance des consommateurs et cesser de les menacer. La répression ne fait que creuser l’écart déjà présent. 62 A. Légitimer le rôle des maisons de disques auprès des consommateurs 1. Un nécessaire retour au métier de la musique Le rapprochement entre l’artiste et son public Si la musique s' achète moins dans les magasins, elle se consomme plus que jamais en spectacles. Que ce soit via la télé mais aussi en concerts "live". Cette tendance est mise en exergue par le bilan du CNV43, dont les recettes liées au nombre de tickets vendus ont progressées de 27% en un an. En 2003, un peu plus de 13.2 millions d’euros aurait été collectés, contre 10.3 millions en 2002 et 9.3 millions en 2001. Même si les bons chiffres de 2003 sont liés à la tournée des stades de Johnny Hallyday, cela n’explique pas tout car les chiffres de 2004 confirment cette tendance. Quelques exemples d’artistes : Bénabar tourne à guichets fermés depuis un an, M enchaîne les plus grandes salles de France depuis Novembre…. Ainsi, depuis janvier le nombre d' entrées en salles est de 133.57 millions, soit une hausse de 21.7% par rapport à la même période de 2003. Le CNC indique que sur les douze derniers mois, la fréquentation est estimée à 197.98 millions d' entrées. Une hausse de près de 14% comparée à l' année précédente, qu' il faut sans doute attribuer aux succès des formules de paiement à la carte, mais aussi au développement des multiplexes. Les chiffres du CNV sont confirmés par la croissance des perceptions de la Sacem sur le spectacle avec musique vivante ou enregistrée (cf. tableau ci-dessous). Année Somme perçue en millions d’euros Part relative aux concerts 2002 105.58 21.73 2001 102.27 20.38 2000 95.46 17.27 1999 89.92 12.91 1998 88.38 17.05 43 CNV (Centre national de la chanson, des variétés et du jazz) : organisme collectant une taxe correspondant à 3.5% de la recette brute sur la vente des billets de concert. 63 Les consommateurs sont avides de rencontrer leurs artistes en chaire et en os et de pouvoir avoir une relation privilégiée avec eux. C' est donc peut-être un grand retour aux sources qui attend l' industrie de la musique et du divertissement. Le recentrage de l’activité autour de l’œuvre L’exemple des indépendants L’exemple des indépendants confirme le souhait des consommateurs à un retour à la créativité et non aux produits marketing. En effet, si la crise du disque touche les majors, les labels Indépendants eux ne semblent ne pas trop souffrir du marasme ambiant. Le piratage obéirait donc à la loi des grands nombres : ses principales victimes sont les grosses machines et les tubes qui se retrouvent à la tête des classements des ventes. Les artistes plus « pointus » réfugiés chez les labels indépendants qui, grâce à une politique de niche, réussissent à garder leurs fans. En témoignent les bons résultats du label belge Pias, qui produit notamment Miossec et Franz Ferdinand, et dont le chiffre d’affaires a augmenté de 20% en 2003. De même, le petit label produisant Jean Ferrat et Isabelle Aubret, ne subit pas la crise comme le dit son patron, Gérard Meys : « Ce sont des artistes hors mode. Donc on n’est pas vraiment touché par le piratage. En plus, j’ai des frais de fonctionnement très légers, je m’occupe de tout, l’organisation de concerts, l’édition…. A 30 000 exemplaires, je rentabilise un album ». Notons pour information, que les majors ont des points morts entre 100 000 et 150 000 exemplaires. Réduire le poids du marketing Condamnés à fabriquer des tubes, les majors arrêtent de signer de nouveaux artistes et rompent les contrats des talents reconnus mais pas assez rentables. Patrick Zelnik 44 explique la crise du CD par le poids écrasant des dépenses en marketing des majors, au détriment du culturel. Pour lui la dérive aurait débuté à la fin des années 1990 lorsque le marketing a commencé à supplanter la création (cette vision du secteur est partagée par de nombreux 44 Patrick Zelnik a fondé en 1998 Naïve, principale maison de disques indépendante en France, après avoir dirigé la branche française du groupe Virgin. 64 directeurs artistiques de l’époque45 ) : « les méthodes industrielles ont triomphé : les dépenses de marketing ont doublé. Elles dépassent aujourd’hui les investissements en production, ce qui dans une entreprise culturelle est une aberration. La publicité a pris un rôle prépondérant dans la promotion des artistes. […] Les managers ont mis en danger leur avenir car ils ont dévalorisé le CD aux yeux du public. […] C’est cette dérive, plus que l’Internet, qui a ouvert les vannes du piratage. C’est l’industrie du disque elle-même qui a tué notre désir de CD. » Les majors ont « fait du disque une industrie, délaissant l’aspect culturel au profit du produit marketing (…). Les indépendants sont ceux qui (…) n’ont pas les moyens d’investir des sommes considérables dans le marketing et doivent compenser en favorisant la création. » 2. Les premières avancées : le concept d’incubateur Après avoir essoré leurs portefeuilles d' artistes pour ne garder que les plus rentables ou les mieux établis d' entre eux, les majors du disque sont en train d' inventer un nouveau moyen de rester malgré tout en prise avec les viviers de nouveaux talents : l' incubation. Le terme n' est pas nouveau et rappelle un concept en vogue à l' époque de la bulle Internet, qui consistait à financer l' amorçage d' une multitude de start-up avec l' espoir que l' une ou l' autre d' entre elles finirait pas permettre aux investisseurs de réaliser une bonne opération, malgré les forts taux d' échec enregistrés. Les majors du disque sont donc en train de se convertir à cette philosophie financière héritée de l' ère du tout Internet. Ainsi Warner Music a annoncé la création aux EtatsUnis de deux incubateurs: l' un dans le domaine du hip-hop, l' autre dans celui du rock. Selon les termes de Lyor Cohen, PDG de Warner Music North America, ils vont permettre à la maison de disques américaine «d' adopter une approche innovante dans les relations avec les labels et les artistes indépendants, en les assistant dans le développement de leur talent artistique et exécutif et en leur offrant toute une variété de services, de ressources et de conseils auxquels les jeunes labels ou artistes n' ont pas accès. […] Notre mission est de développer les exécutifs et les artistes indépendants de demain, avec pour objectif ultime d' identifier les nouveaux artistes qui ont le potentiel de devenir des superstars au sein de nos propres labels». Universal Music développerait la même logique via son label Fontana. Un excellent moyen d' externaliser la prise de risque, en somme, qui a toutes les chances de faire école au sein des « Big Four ». 45 Interviews de directeurs artistiques réalisées lors de l’émission : « Requiem pour l’industrie du disque » , Arte, juillet 2004. 65 B. Responsabiliser plutôt que réprimer les consommateurs Les échanges évoluent en permanence, dans un contexte d’absence de régulation économique et juridique. Cette situation entraîne un appel à la répression, qui créer pour les utilisateurs une insécurité juridique et une culpabilisation. 1. La répression creuse l’écart entre les consommateurs et les maisons de disques La campagne anti-piratage46 du SNEP (Syndicat national de l' édition phonographique), lancée en été 2004, a utilisé des images pour les moins insultantes à l’encontre des internautes P2P, qui sont dans la majeure partie des cas, leur propre consommateurs : « Nous faisons un doigt d' honneur aux pirates qui téléchargent illégalement de la musique en ligne", tels sont les mots de Gilles Bressand, président du Snep. « Puisque le pirate fait un bras d' honneur à l' industrie musicale, le Snep lui fait un doigt d' honneur ». "La musique gratuite a un prix", le clic présumé gratuit cache la fraude et son coût n' est pas négociable : 300.000 euros d' amende et trois ans d' emprisonnement. Cette attitude du SNEP à l’encontre de ses propres clients ne risque ni d’améliorer la situation, ni d’inciter les consommateurs à se diriger vers les platesformes légales. Même si pour Gilles Bressand47, président du SNEP, « une campagne plus douce ou consensuelle serait passée totalement inaperçue ». […] c’est pourquoi « nous préférions légaliser le débat plutôt que de le moraliser, dès lors nous avions peu d’alternance sur l’axe de campagne ». La campagne n’a pas été bien perçue auprès du public, puisque des campagnes de dérision, réalisées par des internautes, ont circulé peu de temps après sur le net. En outre, elle ne fit pas l’unanimité au sein même des majors, puisque selon les propos de Gilles Bressand « certains ayant choisi de comprendre les arguments des pirates avant ceux des ayants-droits ». Les majors devraient s’orienter vers d’autres solutions et privilégier la sensibilisation du public plutôt que la répression vulgaire. Cette campagne est d’autant plus déplacée et mal 46 47 cf. « Campagne du Snep » en Annexes. Propos issus de l’entretien de Gilles Bressand avec le magasine Musique Info Hebdo, 9 juillet 2004. 66 perçue lorsque l’on sait que, dans un contexte de récession, 5 millions d’euros furent engloutis pour sa réalisation et 1.1 millions d’euros pour sa diffusion dans la presse et les médias ! 2. Sensibiliser le public en l’informant sur la chaîne des droits Les producteurs essaient d’agir sur ce point avec la création d’un site Internet www.promusicfrance.com. En ligne depuis janvier 2004 pour dire "stop au tout gratuit et vive le développement de service de musique en ligne équitable", il s' adresse à « tous ceux qui aiment tellement la musique qu' ils la téléchargent gratuitement sur les réseaux peer-to-peer sans se rendre compte du mal qu' ils font aux créateurs qu' ils aiment, et à tous les acteurs de la filière musicale. » On peut noter une fois de plus le ton moralisateur des majors qui ne sert manifestement à améliorer leur image auprès du public. Il est du rôle des pouvoirs publics d’entamer une telle campagne même si en règle générale la sensibilisation est toujours un acte délicat et d’une portée relativement réduite. Toutefois, elle peut permettre de déplacer la consommation des ménages, des réseaux P2P vers les offres légales. Les actions engagées devront avoir une vocation pédagogique et informative et surtout, elles devront expliquer aux consommateurs que la "musique gratuite" peut être une menace pour la diversité culturelle et la création. Une première action a été menée dans cette voie, le 15 juillet 2004, avec la signature de la part des majors, le l’Etat48 et des fournisseurs d’accès à Internet d’une charte « antipiratage »49. 48 L’Etat étant représenté par trois ministres : M. Nicolas Sarkozy, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, M. Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication et M. Patrick Devedjian, Ministre délégué à l’industrie. 49 Cf. Annexes : « charte anti-piratage ». 67 III. D’autres pistes envisageables A. Etendre le domaine d’application de la copie privée Face au vide juridique actuel, l’enjeu principal réside dans la qualification de l’acte de téléchargement de fichiers : - S’agit-il d’un acte de consommation unitaire ? Dans ce cas, on est tenté de l’assimiler à la vente de disques et de mettre en place un système de rémunération basé sur le droit exclusif. - S’agit-il au contraire d’un acte de copie privée à partir de l’écoute d’un flux ? Dans ce cas, le système de rémunération doit être recherché du côté du régime de copie privée. 1. L’instauration d’une licence légale Les fournisseurs d’accès à Internet sont les opérateurs de ce nouveau médium où circulent les biens culturels. Selon les statistiques publiées le 20 juillet dernier par l' Autorité de Régulation des Télécoms (ART), le nombre d' abonnés à Internet en France s' élève à 10,9 millions au 31 mars 2004, soit un taux de pénétration de 18,3 %. En terme de revenus, ces abonnements Internet représentent un chiffre d' affaires global de 594 millions d' euros au premier trimestre, soit plus de deux milliards d' euros en tendance annuelle. Il semble donc normal qu’une partie des flux financiers alimentés par les contenus culturels revienne à la création. Pour mettre en place ce système de licence légale, plusieurs organismes proposent de requalifier en copie privée les téléchargements d’œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage. Il s’agit notamment des sociétés de gestion collective des droits des artistes interprètes (l’Adami et la Speddidam), de nombreux juristes et, d’instances institutionnelles comme le montre le rapport du CES sur le droit d’auteur. 68 L’instauration de la licence légale, remettrait ainsi en cause le droit exclusif. Les titulaires du droit auraient, dans cette hypothèse, accès à des rémunérations en acceptant de ne plus se préoccuper de l’usage que l’on veut faire de leurs œuvres. Si cette solution est loin d’être salvatrice, elle a le grand mérite de ne pas renier les avancées technologiques induites par les réseaux P2P, phénomène qui s’avère désormais irréversible. Elle permet également de réduire à minima le préjudice subi par les ayants-droits par un système de compensation financière. Ainsi, la copie privée pourrait être quantifiée, sachant que, à l’instar du risque zéro qui n’existe pas, il est illusoire de chercher à éradiquer l’usage abusif de l’œuvre. Dans tous les cas, l’instauration d’une licence légale, ne signifie aucunement automaticité de la mise à disposition de l’œuvre. 2. La taxation des nouveaux supports Outre l’instauration d’une licence légale, la redevance pour copie privée sur les supports numériques, instituée par la décision de la commission Brun-Buisson 50 du 4 janvier 2001, pourrait être étendue à d’autres supports. Actuellement, la taxation des supports est due sur la vente de CDRW data (1,25 centimes d’euro) et de disquettes informatiques trois pouces et demi (1,5 centimes d’euro). La commission pour la copie privée numérique pourrait déterminer les autres supports numériques donnant lieu au versement de cette rémunération. Il pourrait s’agir de tous les supports de mémoire, en particulier les disques durs d’ordinateurs et les disques durs de supports amovibles (décodeurs, baladeurs numériques) car la distinction entre disque dur fixe et disque dur amovible est dépassée par l’évolution technique. L’étendue de cette taxe pourrait également permettre de favoriser la diversité culturelle sachant que les sociétés civiles chargées de son recouvrement doivent consacrer au moins 25 % de ce montant à la création et la diffusion de spectacles vivants. 50 Cf. Annexes. 69 B. Intégrer les NTIC et diversifier les sources de revenus 1. La taxation des sonneries de portables Le marché des sonneries de téléphones mobiles est en train d’exploser. Inexistant il y a encore trois ans, il représente en 2004 quelques 4 milliards d’euros dans le monde, dont la moitié en provenance de la Corée et du Japon, pionniers dans ce domaine. En France, il pèse près de 200 millions d’euros, soit désormais bien plus que la vente des singles. Cet engouement se manifeste principalement auprès des jeunes et des adolescents. Comme le dit Nicolas d’Hueppe, responsable du secteur chez Lagardère Plurimedia, fournisseur de ces objets de désirs : « Aujourd’hui, c’est dis-moi quelle est ta sonnerie et je te dirai qui tu es ». Les accros du mobile n’hésite pas à changer de sonnerie toutes les semaines pour être au top. Pour cela, ils n’hésitent pas à payer 2 à 3 € pour obtenir un extrait de quinze secondes de leur tube favori, somme prélevée directement sur la facture du mobile. Selon des spécialistes, ce marché n’est qu’à ses prémisses. Les sonneries proposées aujourd’hui ne créent que très imparfaitement la mélodie, mais bientôt, on aura une qualité hifi. Pour le moment, les grands gagnants de l’explosion de ce marché sont les opérateurs mobiles qui prélèvent une taxe de passage de 30 à 40% du prix de la sonnerie et les fournisseurs de sonneries. Concernant les majors, seule Universal est présente sur ce marché. Consciente de la forte croissance dans ce secteur, Universal Music France n’a d’ailleurs pas hésité à s’allier en août 2004 avec Bouygues pour donner naissance à Universal Mobile. Cet opérateur virtuel proposera à ses abonnés de télécharger les sonneries des dernières chansons sorties par le major, même parfois avant. Les clients51 auront le choix entre trois forfaits de 16.90 à 39. 90 €. L’entreprise devrait rencontrer son public, comme ce fut le cas il y a plus de deux ans lorsque Universal avait lancé un service similaire sur le réseau SFR. Toutefois, il faudrait que l’ensemble des acteurs profite des retombées économiques de ces nouvelles opportunités. Ce qui est loin d’être le cas actuellement puisque pour l’instant, 51 La cible étant les 10-25 ans. 70 seulement 10% environ du prix de la sonnerie sont reversés à la Sacem, laissant ainsi pour compte les artistes interprètes. C’est d’ailleurs pour lutter contre cette injustice que le CES propose d’assimiler le téléchargement d’extraits d’œuvres à de la copie privée. Le téléphone pourrait-il devenir l’avenir de la musique ? Pour certains acteurs52, le portable est l’avenir de la musique. C’est ainsi qu’un label indépendant allemand, Gofresh, s’est lancé en mai 2003 dans la musique pour téléphonie mobile. Celui-ci a signé une vingtaine d’artistes pour créer de la musique spécifiquement pour ce support. C’est par ce label, qu’un groupe allemand, Super-Smart, a ainsi lancé en juin 2004, le premier « album » composé exclusivement pour téléphone mobile53. Neufs titres, dont la durée oscille entre dix secondes et une minute et demie, ont été produits exclusivement pour portables et ce pour la somme de 1.99 €. Ce marché est actuellement certes très marginal, mais il pourrait attirer de nombreux acteurs de l’industrie du disque et de la téléphonie et pourquoi pas permettre le lancement de nouveaux artistes. 2. La mise en place de réseaux P2P sécurisés La troisième génération de P2P est en train de naître. Il est encore difficile de dresser son portrait mais néanmoins, de nombreux paramètres laissent à penser que les conditions technologiques et économiques sont remplies pour qu’un service de distribution légale voit le jour. La diffusion des accès haut débit est un succès et les particuliers sont de moins en moins réticents à acheter en ligne, notamment grâce à des solutions de paiement efficaces. On pourrait donc imaginer la création d’un service de partage de fichiers en mode P2P payant et sécurisé. Avec la souscription à un abonnement mensuel, l’internaute pourrait avoir 52 53 Cf. Annexes, entretien n°2. Sources : « Quand la musique sonne », Marie Lechner, 18 juin 2004. 71 accès, via un identifiant et un mot de passe, à une interface d’échange. Par son intermédiaire, il rechercherait les titres qu’il souhaite posséder en communiquant avec les autres membres de la communauté par chat ou forum. Une zone de son disque dur serait dédiée à l’accueil des fichiers téléchargés. Cette zone serait sécurisée, et il ne pourrait y accéder que par le logiciel d’échange. Les premières réflexions sur le sujet 1-Click propose aux diffuseurs multimédias de créer un canal de distribution propriétaire sur réseaux P2P. Associée au système de gestion de droits de Microsoft, cette solution constitue un réseau d' échange alternatif aux réseaux pirates. Le peer-to-peer fait peur à l' industrie du disque, pourtant, c' est peut être des réseaux P2P que viendra leur salut. La start-up 1-Click Media y travaille en tout cas activement. Celle-ci propose une solution de P2P permettant à des diffuseurs de proposer des contenus sur un réseau d' échange propriétaire. Principal avantage, celle-ci permet de diviser les coûts de bandes passantes liés à la diffusion du service entre les utilisateurs. A cette solution s' ajoute le système de DRM (digital right management) de Microsoft, proposé par la société ipercast, partenaire de 1-Click, qui assure aussi l' hébergement. Les diffuseurs, qui fixent eux-mêmes les droits de reproduction et de diffusion des oeuvres, disposent alors d' un véritable canal de distribution fermé par lequel ils peuvent proposer une offre légale sur P2P. Jusqu' à présent, les clients de 1-Click se sont essentiellement servis de sa solution comme un moyen de promotion pour certaines oeuvres. C' est le cas notamment de 20th Century Fox France qui propose des bandes annonces par ce biais, mais aussi du site M6.fr. Pour l' instant, chacun d' entre eux propose des formats courts afin de permettre une diffusion plus rapide des vidéos. Ce qui ne les dispense pas tout de même de les compresser en haute définition afin de garantir une valeur ajoutée face aux réseaux pirates. Leur solution est multi-sourcing, c' est-à-dire qu' elle permet de télécharger depuis huit PC différents. Leur objectif est de proposer une meilleure qualité de service que les réseaux 72 « sauvages » et d' aider à la création d' une économie sur les réseaux P2P. Pourtant, à ce jour, seul Gamekult fait une utilisation commerciale de cette technologie. Sous condition d' un abonnement à un service premium de 3 € par mois, le site propose notamment en VOD54 un catalogue de plusieurs milliers de vidéo de présentation de jeux. Cette version pourrait être reprise pour les œuvres musicales. 1-Click travaille déjà à la mise en place d' un service de téléchargement de « play-list » de titres musicaux à durée de vie limitée, l' internaute ayant la possibilité de les conserver une fois achetés. 54 VOD : video on demand. 73 CONCLUSION En sous-estimant les potentialités de distribution offertes par Internet, les majors ont pris du retard dans la mise en place d’une offre légale de fichiers musicaux. Les conséquences directes sont de deux ordres : - D’une part, l’instauration d’une concurrence déloyale de la part des réseaux P2P, favoriser par des lacunes juridiques ; - D’autre part, l’ouverture du marché à de nouveaux acteurs, les industries des contenants, qui ont pris de nombreuses longueurs d’avance sur les milieux de la création intellectuelle en suivant le rythme effréné des innovations technologiques. Cette situation conduit à une restructuration du secteur et à un repositionnement des majors sur leur cœur d’activité. Toutefois, la récession actuelle n’est en aucun cas la fin de la créativité et des artistes. Il semble d’avantage qu’il s’agisse d’une période de transition, de régulation et d’adaptation du marché aux nouveaux moyens de distribution et de circulation des œuvres culturelles. Les expériences du passé nous confortent dans l’idée de la pérennité de l’activité artistique. En effet, des mutations importantes ont déjà marqué le secteur, entre autres lors de l’apparition des cassettes audio et vidéo et avec l’explosion des moyens de diffusion lors de la création des radios et télévisions privées. Il fallu trouver des mécanismes adaptés de compensation. C’est ainsi que fut adjoint au principe de l’exclusivité des droits, l’exception de la copie privée et le système de la licence légale. Ces deux exceptions avaient alors apporté des modifications dans la chaîne des valeurs en incluant le système du paiement forfaitaire de la création. La complexité dans la détermination de solutions réside dans le fait que le secteur musical ne doit pas être coupé de son environnement culturel et dissocié des secteurs de l’activité artistique. En effet, la musique n’est pas isolée puisque le cinéma est également fortement touché par le piratage. Les solutions devront donc être globales et prendre en compte l’ensemble des ayants-droits des différentes filières. 74 ANNEXES 75 SOMMAIRE Entretiens : Entretien n°1 : Isabelle Pratlong, responsable marketing à M6 Interactions (label de musique du groupe M6). Entretien n°2 : Fréderic Sibert, responsable licences à Plurimédia (filiale du groupe Lagardere Active Broadband). Entretien n°3 : internautes adeptes des réseaux P2P souhaitant rester anonymes. Textes et documents juridiques Schéma relatif aux droits voisins du droit d’auteur Lois relatives aux NTIC Texte de la décision de la Commission Brun-Buisson sur la redevance pour copie privée sur les supports numériques (4 janvier 2001) Charte « Ani-piratage » du 15 juillet 2004 Les dates importantes des droits des artistes-interprètes Campagne du SNEP Affiches Bibliographie 76 Entretien N° 1 Isabelle Pratlong : responsable marketing à M6 Interactions (label de musique du groupe M6). Quels sont les effets du piratage au sein du pôle musique de M6 ? La situation est catastrophique. On a enregistré pour l’année 2003 une perte de 30% du chiffre d’affaires sur les ventes d’albums et de singles. Ce chiffre risque de s’aggraver puisque M6 joue beaucoup sur la vente de singles, format le plus touché par le piratage. Pensez-vous que la situation va s’aggraver ? Avez-vous déjà des éventuels remèdes contre le piratage ? La situation s’aggrave de jour en jour. Ce qui se traduit par une réduction des effectifs dans la mesure où l’on ne recrute plus autant de candidats qu’auparavant. Je pense que désormais l’argent que les consommateurs destinaient à l’achat de CD passe dans un abonnement à la DSL et au haut débit. Concernant les solutions de M6, ces informations restent confidentielles. Universal est actuellement en train de baisser ces prix, offrant le CD au prix unitaire de 9.9 euros. Pensez-vous que ce soit une solution possible ? Non, je ne pense pas que cela soit un motif d’achat pour le consommateur. Vous savez, quand vous avez sur le marché le choix entre deux produits identiques dont l’un est payant et l’autre gratuit, le choix portera toujours sur le gratuit. Qu’est-ce qui fait marché le pôle M6 interactions de redresser les ventes ? Actuellement seul une quinzaine d’artistes permette de faire des profits. Ces artistes sont dans les meilleures ventes. A coté de cela, les artistes moins connus ou moins médiatisés deviennent de moins en moins rentables. Il n’y a pas de catégories intermédiaires permettant de rétablir l’équilibre. 77 Que pensez-vous de l’utilisation de la télévision comme vecteur de communication pour le disque ? La télévision est un vecteur très efficace concernant la vente de CD lié à la production d’émissions spécialisées. En effet, des émissions comme « à la recherche de la nouvelle star » sont des moyens de promotion et de marketing très fort. Toutefois on s’adresse à un public bien particulier puisqu’il s’agit majoritairement de jeunes, d’adolescents. 78 Entretien N° 2 Fréderic Sibert : responsable licences à Plurimédia (filiale du groupe Lagardere Active Broadband). Que pensez-vous de la crise de l’industrie du disque ? Les maisons de disques ne sont pas, à mon avis, réactives concernant les opportunités qu’offre le marché. Elles restent centrées sur la baisse des ventes de disques alors qu’elles pourraient utiliser de nouveaux débouchés. A quels débouchés pensez-vous ? Le CD est en produit un fin de cycle de vie contrairement à tout ce qui est téléphonie mobile. Les utilisateurs aiment possédés les nouveautés musicales sur leur portable. Cette demande est croissante et je pense qu’un nouveau marché de création peut se développer pour répondre à cette demande. Des artistes pourront réaliser des compositions adapter au temps de sonnerie du téléphones c'est-à-dire réalisés des morceaux musicaux très courts d’environ une minute. 79 Entretien N° 3 Internautes, entre 20 et 30 ans, adeptes des réseaux P2P. Quelle est votre moyenne de téléchargement par semaine et sur quels sites ? Nous téléchargeons une quantité de titres équivalente à deux à trois albums par semaine et ce sur les sites : E-mule et Overnet. Pourquoi utilisez-vous les logiciels P2P ? Outre la gratuité, les réseaux P2P donnent accès à une discothèque mondiale où l’on peut tout trouver : des versions originales mais également des duos inédits, des versions jamais diffusées et pour une même chanson des multitudes d’interprétations et de versions. De plus, une fois la requête lancée, la réponse arrive en 15 secondes. Le téléchargement est lui aussi très rapide : en moyenne 30 secondes par titre, avec le haut débit bien sur ! De plus, les sites P2P permettent de découvrir des artistes que nous n’aurions jamais pu découvrir auparavant. Quels sont les inconvénients majeurs de ces réseaux ? Le principal inconvénient du P2P, c’est lorsque l’unique possédant du fichier souhaité se déconnecte, le téléchargement s’arrête. Est-ce un moteur d’achat pour les supports physiques comme le CD ou le DVD ? La découverte d’un artiste me pousserait éventuellement à acheter son prochain album, mais surtout j’aurais envie d’aller le voir en chair et en os à l’occasion d’un concert, d’un festival… Avez-vous déjà consulté les offres de téléchargement payantes ? Honnêtement, Non. 80 Pensez-vous mettre en danger l’industrie du disque et les artistes ? No, car notre consommation de CD n’a pas changé. Le P2P nous permet un accès magnifique à la culture ! Pour avoir accès à la musique préfériez-vous que l’on baisse le prix du CD ou que l’on augmente votre abonnement à Internet ? Sans hésitation, une augmentation de la facture d’abonnement. Internet permet une souplesse dans le choix de la musique puisque l’on peut sélectionner titre par titre les chansons préférées. Le CD reste un support figé et non personnalisé. Vous avez entendu, suite à la campagne du SNEP, que des poursuites judiciaires seraient bientôt entamées. Cela pourrait-il être un frein à votre utilisation de logiciels P2P ? Il est certain que nous ne restons pas indifférents à la répression et qu’elle nous fait peur. Toutefois, tant qu’il n’y aura pas eu d’exemples concrets, la menace ne sera pas assez forte pour nous faire cesser l’utilisation des réseaux P2P. 81 Droits Voisins du droit d’Auteur DROIT EXLUSIF Fixation = Reproduction Droit d’autoriser ou d’interdire Exploitation DROIT A REMUNERATION = Licence légale Rémunération équitable : - Diffusion radio, télévision… - Sonorisation des lieux publics Rémunération pour copie privée : - Sonore - Audiovisuelle Sociétés de collectes et de répartition SPRE Producteurs : 50 % Adami : 25 % Spedidam : 25 % Sorecops Copie France Auteurs : 50 % Auteurs : 33.3 % Producteurs : 25 % Producteurs : 33.3 % Adami : 12.5 % Adami : 26.7 % Spedidam : 12.5 % Spedidam 82 : 6.7 % Lois relatives aux NTIC # $ ! " % % % % % ! "#$ % & ' &" " " ( + ! . &' )* , - /* *) / " " - " ! Lois en instance Les lois NTIC en instance ( " % ( ) % % 1 0 6 " & 2 + 3 4 ' 5 Législation européenne en préparation relative aux NTIC * ) ( ' # 7 ** / 6 % < 2 0 + 8 2 : 9 ) 7 " " , 2 7 2 " "2 9 ( 6 = % & ( ( < 7 % % / *) / 7 & ; - 7 ; % 6 . ; 0 % > 0 8 2 0 2 < * < * )* 6 < 2 2 , , " 9 2 * & ; 2 ; 83 Texte de la décision de la Commission Brun-Buisson sur la redevance pour copie privée sur les supports numériques (4 janvier 2001) Décision n°1 du 4 janvier 2001 de la commission prévue à l' article L.311-5 du code de la propriété intellectuelle relative à la rémunération pour copie privée La commission, Vu le code de la propriété intellectuelle, et notamment ses articles L. 311-l et suivants et R.311-I et suivants ; Vu l' arrêté du 23 septembre 1986 fixant la liste des personnes morales ou organismes mentionnés au 3° de l' article 37 de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 (art. L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle) ; Vu l' arrêté du 13 mars 2000 modifié fixant la composition de la commission ; Vu l' avis du Conseil d' Etat en date du 10 octobre 2000 ; Vu la décision du 30 juin 1986 de la commission prévue à l' article 34 de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 (art. L.311-8 du code de la propriété intellectuelle) publiée au Journal officiel du 23 août 1986 ; Vu ses délibérations en date du 21 décembre 2000 et du 4 janvier 2001 ; Considérant qu' elle est chargée par la loi de déterminer, pour tous les types de supports utilisables, les taux et les modalités de versement de la rémunération pour copie privée des oeuvres fixées sur phonogrammes et vidéogrammes, constate qu' elle dispose d' une information suffisante concernant une majeure partie des supports numériques utilisables à cette fin, et qu' elle se trouve ainsi en mesure de fixer les rémunérations correspondantes, par application des règles fixées aux articles 2 à 4, récapitulées dans le tableau annexé à la présente décision ; Considérant qu' elle n' a pu réunir l' ensemble des éléments d' information nécessaires ou suffisants, à la date du 21 décembre 2000, en ce qui concerne les supports d' enregistrement intégrés dans des matériels électroniques grand public. A l' exception des matériels comprenant un support d' enregistrement intégré dédié à l' enregistrement sonore, dits " baladeurs ", a pris une délibération à l' unanimité pour décider de renvoyer sur ce point sa décision avant la fin du mois de mars 2001 ; Considérant qu' elle ne peut qu' écarter de sa décision, .sous réserve de leur réexamen ultérieur, les types de supports pour lesquels elle a relevé l' absence de pratique ou l' insignifiance des perspectives de copie privée, entend en revanche mener sans délai les études ou analyses complémentaires concernant les types de supports d' enregistrement, notamment informatiques, pour lesquels elle n' a pas jugé son information encore suffisante, en vue de prendre les décisions correspondantes sans discontinuité et dans le délai mentionné à l' alinéa précédent ou à une date la plus proche possible de son expiration ; Considérant les changements qui affectent la situation des activités professionnelles concernées, d' une part, la variété croissante des supports éligibles, liée aux développements technologiques et industriels, d' autre part, et enfin l' évolution des usages de consommation et des pratiques de copie privée, elle prévoit la nécessité de procéder au réexamen périodique et, le cas échéant, à la révision de ses décisions, mais entend fixer d' ores et déjà. Notamment aux fins de sa présente décision n°1, les règles et paramètres de calcul retenus pour la détermination de la rémunération pour copie privée pour chaque type de support mentionné. Décide : Art. 1er - Sont éligibles à la rémunération due au titre des articles L. 311-1 et suivants susvisés tous les supports d' enregistrement numériques utilisables pour la reproduction à usage privé des oeuvres fixées sur les phonogrammes et les vidéogrammes quels que soient leur format et leur présentation, leurs caractères amovible ou intégré à tous types de matériels commercialisés, inscriptible une fois ou réinscriptible plusieurs fois. Dédié à la copie d' œuvres ou à un usage hybride c' est à dire à des copies de sons, d' images et de toutes autres données. Art. 2. - La rémunération versée par le fabricant, l' importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires au sens du 3° du I de l' article 256 bis du code général des impôts, de supports d' enregistrement numériques utilisables pour la copie privée des phonogrammes est fixée à 3 F par heure, soit 0,05 F par minute. 84 La rémunération versée par le fabricant, l' importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l' article 256 bis du code général des impôts, de supports d' enregistrement numériques utilisables pour la copie privée des vidéogrammes est fixée à 8,25 F par heure, .soit 0.1375 F par minute. Les rémunérations mentionnées aux deux alinéas précédents sont réévaluées au 1er juillet de chaque année sur décision de la commission pour tenir compte de l' évolution économique au cours de l' année précédente. La première révision sera applicable au 1er juillet 2002 Art. 3. - Les rémunérations horaires mentionnées à l' article 2 font l' objet, pour chaque type de supports, d' une pondération de 0 à 100% selon le taux de copiage retenu par la commission à partir des informations portées à sa connaissance sur les pratiques de copie privée, le cas échéant pondéré entre les domaines sonore et audiovisuel. Art. 4. - La durée d' enregistrement prévue à l' article L. 311-4 et permettant de déterminer le montant de la rémunération par type de supports est fixée, pour chacun de ceux-ci, par application à la durée nominale fixée d' un coefficient de majoration correspondant aux pratiques de compression reconnues, apprécié par la commission à partir des informations portées à sa connaissance. Art. 5. - Par application des règles fixées aux articles 2, 3 et 4, le montant de rémunération unitaire par type de supports est fixé conformément au tableau annexé à la présente décision. Pour les supports d' enregistrement du type de ceux mentionnés au 2 et au 3 du tableau annexé à la présente décision dont les caractéristiques techniques et les pratiques d' utilisation ne diffèrent de celles des supports mentionnés audit tableau que par la durée ou la capacité nominales d' enregistrement la rémunération est égale au produit de la rémunération fixée pour le support figurant audit tableau par la durée ou capacité d' enregistrement nominales du .support considéré, divisé par la durée ou la capacité nominales d' enregistrement du support figurant audit tableau. Art. 6. - La rémunération versée par le fabricant. l' importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, du sens du 3° du I de l' article 256 bis du code général des impôts, de support d' enregistrement analogiques utilisables pour la copie privée des phonogrammes est portée à 1,87 F par heure, soit 0,03117 F par minute. La rémunération versée par le fabricant, l' importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires au sens du 3° du I de l' article 256 bis du code général des impôts, de supports d' enregistrement analogiques utilisables pour la copie privée des vidéogrammes est portée à 2,81 F par heure, soit 0,0468 F par minute. Les rémunérations mentionnées aux alinéas précédents demeurent soumises aux articles 3 à 6 de la décision du 30 juin 1986, précisés, pour ce qui concerne l' article 5 de cette dernière décision, par l' arrêté du 23 septembre 1986 susvisé. Elles sont réévaluées au 1er juillet de chaque année sur décision de la commission pour tenir compte de l' évolution économique au cours de l' année précédente. La première révision sera applicable au 1er juillet 2002. Art. 7. - En application des dispositions de l' article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il ne sera pas procédé au paiement des rémunérations dues, dès lors que les supports d' enregistrement sortis des stocks ou dédouanés auront été livrés aux personnes mentionnées aux a et b de l' article 5 de la décision du 30 juin 1986 susvisée. Ainsi qu' aux personnes morales ou organismes dont la liste a été fixée par l' arrêté du 23 septembre 1986 susvisé. Art. 8. - Les modalités de versement des rémunérations arrêtées par la présente décision sont celles prévues par les dispositions de l' article 6 de la décision du 30 juin 1986 susvisée. Art. 9. - La présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française, entrera en vigueur quinze jours après sa publication. 85 Fait à Paris, le 4 janvier 2001. Le président, F. BRUN Buisson ANNEXE TABLEAU DE LA RÉMUNÉRATION DUE PAR TYPE DE SUPPORTS 1. Supports d' enregistrement analogique (rémunération horaire [I]): Cassette ardus : 1,87 F, soit 0,031 17 F par minute Cassette vidéo : 2,81 F, soit 0,046 8 F par minute. 2. Supports d' enregistrement numérique (rémunération par support) :1?@: 4 1 ; + +B+ A 4 *$ /7 $ 4 $ A )7 $C + A )7 *C +B+ " A +? :, /7 $ +B+ +BD 1 ; !' >@ 5 * 7) C$7 $C )7 ) 5 5 4 * 5 4C 1 5 47 $. 5 4 *) 5 4 /)1 5 3. Supports d' enregistrement numérique intégrés aux matériels (rémunération par support) Baladeurs enregistreurs en format MP 3 : 2,20 F pour 32 Mo. (I) Actualisation du taux retenu par la décision du 30 juin 1986 (Journal officiel du 23 août 1986). 86 Charte d’engagements pour le développement de l’offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique Reconnaissant l’intérêt du développement de l’économie numérique et de l’Internet haut débit pour la diffusion de la création artistique et pour les consommateurs, Reconnaissant les nécessaires mutations des industries culturelles face aux changements technologiques qu’entraîne Internet et conscients que des réponses appropriées doivent être mises en place rapidement, Souhaitant lutter contre les échanges illicites d’enregistrements et d’œuvres protégés sur les réseaux, lesquels génèrent un préjudice majeur pour les ayants droit, par des mesures de sensibilisation, de prévention, de dissuasion, et de répression à l’égard des utilisateurs de réseaux, les signataires de la présente charte s’engagent, dans le cadre d’un programme d’actions concomitantes qui représente une étape dans le développement de l’offre légale de musique en ligne et la lutte contre la piraterie, qui prend effet immédiatement, à : 1. Pour les fournisseurs d’offres d’accès grand public à l’Internet fixe : 1.1. Organiser une campagne de communication auprès de leurs abonnés pour les informer du caractère illicite des échanges non autorisés de fichiers protégés par la propriété littéraire et artistique ainsi que des risques encourus ; 1.2. Avertir également leurs nouveaux abonnés des dangers et de l’illégalité du piratage ; 1.3. Ne plus initier de campagnes publicitaires vantant le téléchargement illégal ou encourageant les échanges de fichiers musicaux protégés ; en cas d’invocation, à des fins publicitaires, de la possibilité de télécharger légalement des fichiers dont ils ne sont pas les fournisseurs, apposer de manière visible une mention indiquant que la piraterie nuit à la création artistique, conformément à l’article 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique ; 1.4. Dans le respect des prescriptions de la loi et de la CNIL, un processus automatisé est mis en œuvre en coopération avec les ayants droit permettant d’adresser, à la demande de ces derniers, dans les délais les plus courts possibles et dans des conditions de volume compatibles avec les contraintes techniques et financières des fournisseurs d’accès à Internet, un message personnalisé à tout abonné offrant ou téléchargeant illégalement des fichiers protégés ; d’ici la fin de l’année 2004, généraliser l’insertion de cet engagement dans leurs conditions contractuelles ; 1.5. Poursuivre les efforts entrepris pour lutter contre la violation des droits de propriété littéraire et artistique dans les clauses de résiliation ou de suspension de l’abonnement figurant dans leurs conditions contractuelles avec les abonnés ; 1.6. Mettre en œuvre immédiatement les décisions judiciaires prises en application de la loi, y compris en référé ou sur requête, notamment en matière de procédures en identification et/ou en résiliation ou suspension d’abonnement ; 1.7. Ne référencer que les offres de musique en ligne légales sur leurs portails. Sur notification des ayants droit ou s’ils en ont connaissance, et avec la sécurité juridique requise, faire leurs meilleurs efforts pour supprimer sur les portails dont ils sont éditeurs ou pour les contenus édités par des tiers référencés sur leur portail dans le cadre de contrats commerciaux les liens hypertextes et les 87 référencements vers des sites violant les droits de propriété intellectuelle des ayants droit. Les moteurs de recherche ne sont pas concernés par cette clause. 2. Pour les ayants droit signataires de la charte : 2.1. Engager avant la fin de l’année 2004 des actions civiles et pénales ciblées à l’encontre de pirates et donner à ces actions la visibilité nécessaire pour atteindre l’objectif de sensibilisation voulu par les signataires de la présente charte ; 2.2. Pour accroître rapidement l’offre licite de musique en ligne au consommateur, développer la mise à disposition, dans des conditions, notamment financières, transparentes et non discriminatoires, sous réserve du secret des affaires et dans le cadre du droit de la concurrence, de l’intégralité des contenus numérisés et disponibles à l’ensemble des plates-formes, notamment celles qui seraient créées par les fournisseurs d’accès à Internet ; en ce qui concerne la SACEM, accorder aux exploitants de service en ligne, dans les conditions du code de la propriété intellectuelle et de manière non discriminatoire et transparente, l’autorisation d’exploiter son répertoire. 3. Pour les producteurs et pour les plates-formes de distribution en ligne représentés par les signataires de la charte : 3.1. Participer, pour chaque producteur en fonction de ses possibilités et dans le cadre d’une offre la plus diversifiée possible, à l’augmentation du catalogue de titres musicaux disponibles en ligne, étant précisé que l’objectif à atteindre par toutes les parties concernées est de faire passer le nombre de titres, soit directement, soit indirectement, de 300 000 à 600 000 avant la fin de l’année 2004 ; 3.2. Dans le respect du droit de la concurrence, proposer pour ces offres une tarification claire et compétitive dans le domaine de la musique payante, qui tienne compte des spécificités du secteur ; 3.3. Lors des campagnes publicitaires pour promouvoir des artistes, mentionner de manière visible, si c’est le cas, la disponibilité sur les sites légaux de musique en ligne des contenus dont il est fait la promotion ; 3.4. Pour les plates-formes, communiquer de manière significative, en ligne et hors ligne, pour promouvoir l’offre légale de téléchargement ; 3.5. Engager des négociations, dès septembre, pour aboutir avant la fin de l’année 2004 à des partenariats commerciaux dynamiques entre les producteurs, les plates-formes et les fournisseurs d’accès à Internet visant à : - accroître les efforts publicitaires sur Internet ; - développer des offres promotionnelles en ligne ; - développer les promotions croisées entre les supports physiques et les offres en ligne ; - accélérer la numérisation pour faciliter l’accès des plates-formes aux catalogues. 4. Ensemble, avec les pouvoirs publics : 4.1. Etudier la mise en place d’instruments de mesures de la contrefaçon et de la mise à disposition des catalogues en ligne (diversité, pertinence…) ; 4.2. Sous l’égide de deux experts désignés par les pouvoirs publics, étudier avant le 1er octobre 2004 les solutions proposées par les industriels de la musique (étude transmise par le SNEP) en matière de filtrage, à la demande des internautes, dans le domaine du peer-to-peer. Si les experts l’estiment nécessaire et possible sur les plans techniques, notamment en termes de qualité de service, et 88 économiques, et sous leur supervision, expérimenter, via un ou plusieurs fournisseurs d’accès, dans les délais recommandés par les experts, certaines de ces solutions. Un bilan de l’expérimentation est établi de manière à proposer, si c’est possible sur les plans techniques et économiques, dans des conditions réellement incitatives, le bénéfice d’un de ces systèmes aux abonnés qui le souhaitent. Les conditions de l’expérimentation et de sa prise en charge financière, ainsi que de l’éventuel déploiement, seront précisées dans des conventions particulières. Pendant la durée de l’étude et de l’éventuelle expérimentation, les industriels de la musique s’abstiennent de solliciter des mesures de filtrage dans toute action contentieuse ; 4.3. Organiser des campagnes de sensibilisation des jeunes, notamment par la projection de films dans les classes mettant en avant les méfaits de la piraterie et par des rencontres avec des producteurs, des créateurs et des artistes ; 4.4. Faire de la lutte contre la piraterie sur Internet une priorité de l’action politique, policière et judiciaire ; en particulier, étudier les possibilités de renforcer les moyens des ayants droit pour agir contre la piraterie en ligne ; 4.5. Poursuivre l’action menée à Bruxelles pour la baisse de la TVA sur le disque, préparer une action en vue de la baisse de la TVA sur les services de distribution en ligne d’enregistrements et œuvres protégés et étudier la question de la TVA sur les tarifs d’accès à l’Internet ; 4.6. Poursuivre la mission de concertation confiée à Messieurs Philippe Chantepie et Jean Berbinau ; 4.7. Etudier, avec les plates-formes de distribution de musique en ligne, les modalités de la distribution de leur service à destination des abonnés des fournisseurs d’accès, en particulier en matière de facturation et de paiement, dans des conditions satisfaisantes pour toutes les parties ; 4.8. En maintenant un environnement sécurisé pour les contenus, prendre les mesures nécessaires afin de développer la compatibilité entre, d’une part, les formats d’encodage et de téléchargement de musique, d’autre part, les logiciels et équipements de lecture des fichiers musicaux, dans le cadre d’une collaboration entre l’ensemble des partenaires, plates-formes de distribution de musique en ligne, éditeurs de logiciels et fabricants d’équipement de lecture ; 4.9. Etudier et promouvoir des actions de prévention et de sensibilisation en direction des entreprises et des administrations en matière de lutte contre la piraterie. Dans le cadre de la concertation précitée, les signataires de la présente charte se réunissent au moins tous les deux mois au sein d’un comité de suivi pour dresser le bilan de cette coopération. Au vu des résultats de ces premiers engagements, ils pourront envisager d’y apporter les corrections, évolutions ou compléments nécessaires de nature à assurer le plein respect de la propriété littéraire et artistique, la juste rémunération des ayants droit et le développement de services de musique en ligne légaux, y compris toutes démarches législatives et réglementaires à cet effet. Ils s’efforcent de communiquer de manière concertée sur la question de la piraterie sur Internet, fournisseurs d’accès à Internet et ayants droit s’abstenant de se mettre publiquement et réciproquement en cause sur ce sujet. Les pouvoirs publics veillent à la bonne application de la charte, y compris en termes de délais, et invitent les autres acteurs concernés à rejoindre la présente démarche. Fait à Paris, le 28 juillet 2004, en un seul exemplaire 89 Principaux signataires : M. Nicolas Sarkozy, Ministre d’Etat, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie M. Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication M. Patrick Devedjian, Ministre délégué à l’industrie M. Gilles Bressand, Président du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) M. Stéphan Bourdoiseau, Président de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) M. Pascal Nègre, Président de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) M. Charles Talar, Vice-Président de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) M. Bernard Miyet, Président du directoire de la SACEM M. Dominique Pankratoff, Président de l’Union nationale des auteurs et compositeurs (UNAC) M. Dominique Pankratoff, pour M. Maurice Cury, Président du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC) M. Jean-Noël Reinhardt, Président du Syndicat des détaillants spécialisés du disque (SDSD) Mme Marie-Christine Levet, Présidente de l’Association des fournisseurs d’accès et de services internet (AFA) et PDG de ClubInternet M. Olivier Sichel, Président de Wanadoo M. Hervé Simonin, Directeur général de Tiscali France M. Bertrand Mabille, Directeur de la stratégie, de la réglementation et des relations extérieures de SFR-Cegetel M. Michael Boukobza, Directeur général de Free Carlo d' Asaro Biondo, Président d' AOL France 90 Les dates importantes des droits des artistes-interprètes 1955 : devant la diffusion croissante des œuvres, le syndicat national des acteurs (SNA, aujourd’hui SFA), crée l’Adami dont la vocation est d’être au service des artistes-interprètes et de défendre leurs droits. 26 octobre 1961 : convention de Rome qui reconnaît pour la première fois le droit des artistesinterprètes, ratifiée en 1987 par la France. 3 juillet 1985 : le parlement français vote une loi qui reconnaît aux artistes-interprètes des droits " voisins " du droit d’auteur. 19 novembre 1992 : directive européenne relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. 27 septembre 1993 : directive européenne relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble. 20 décembre 1996 : traité OMPI sur la protection des artistes-interprètes et des producteurs de phonogramme (WPPT). 22 mai 2001 : directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. 91 CAMPAGNE DU SNEP ETE 2004 92 BIBLIOGRAPHIE Etudes sur le sujet : Tarik Krim, « le peer-to-peer : un autre modèle économique pour la musique », Juillet 2004. Cerna (centre d’économie industrielle), Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, « Distribution de contenus sur Internet », Mars 2004. Cerna (centre d’économie industrielle), Olivier Bomsel avec la collaboration de Jérémie Charbonnel, Gilles Le Blanc, Abakar Zakaria, « Enjeux économiques de la distributions des contenus », Janvier 2004. Fing (fondation Internet nouvelle génération), Daniel Kaplan, « Musique, numérique, propriété et échange : 8 millions de délinquants ? », novembre 2003. Le Forum des droits sur l’Internet, Corinne Muller, « Musique sur Internet », septembre 2003. Beaumarchais 2010, « Cinq ans pour sauver les droits d’auteur ». Idate, Laurent Michaud, « P2P : Enjeux et perspectives », 2003. Thierry Penard, « L’économie des FAI et des opérateurs de télécommunications », Mars 2004. Autres documents : Rapport d’activité 2003 du CNV Snep, MIDEM 2004, Janvier 2004 Rapport de l’IFPI sur la musique en ligne, novembre 2003. Presse généraliste Le Figaro économie Le Monde Libération La Tribune Le Nouvel Obs 93 Presse spécialisée Musique Info Hebdo La lettre du disque Internet www.ratatum.com www.ifpi.com www.Neteconomi.com www.01net.com www.reuters.com www.foruminternet.com Télévision Documentaire : « Requiem pour l’industrie du disque», juillet 2004, Arte 94