Du papier cigarette…en "art plastique raffiné"
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Du papier cigarette…en "art plastique raffiné"
Article en Arabe: ""ﻓﻦ ﺗﺸﻜﯿﻠﻲ ﻓﺎﺧﺮ...ورق اﻟﺴﺠﺎﺋﺮ Du papier cigarette…en "art plastique raffiné" Par Claude Saba Liane Rabbath est un jeune talent artistique dont les tableaux ont figuré au dernier Salon d'Automne du musée Sursock. Les œuvres suspendues à la galerie Ghandour sont faites à partir d'un matériau plastique très original: le papier à rouler les cigarettes (dit aussi papier de Damas). Qui est donc cette jeune artiste dont nous découvrons les œuvres pour la première fois? Liane est luxembourgeoise d'origine. Elle fait en Suisse la rencontre de son futur époux, l'entrepreneur libanais Georges Rabbath, tous deux alors étudiants à l'université. Le couple rentre au Liban après leur union en 1991. Comment s'est elle ainsi dirigée vers la peinture? Liane se découvre un goût pour l'art plastique à la suite d'une visite à l'atelier du peintre Paul Guiragossian. C'est la fille de ce dernier qui lui propose de suivre des cours de peinture auprès de ses deux frères: Emmanuel et Jean Paul. Ainsi, Liane fréquente leur atelier trois ans durant (entre 1996 et 1999), période pendant laquelle elle apprend la technique de la peinture à l'huile et se découvre une passion nouvelle pour l'art. Son désir sincère d'approfondir sa connaissance de nouvelles techniques la pousse à explorer l'atelier de la peintre "Tanbak". Cette dernière lui apprend à maitriser les techniques de l'acrylique, de l'encre de Chine, ainsi que l'art subtil et sensuel du collage. A l'Université Saint Joseph, Liane fréquente l'atelier de l'artiste Gabi Maamari, grâce auquel elle apprend à maitriser l'art du dessin au crayon graphite. Elle profite de l'expérience acquise dans plusieurs ateliers d'artistes pour se forger sa propre identité artistique. Son choix s'oriente vers un matériau simple: le papier de Damas. A partir de mots comme "papier de Damas", "papier Ghazi" et "papier Ar-Rachid", elle se met à élaborer, petit à petit, son propre langage artistique. Ainsi, elle se procure de grandes quantités de ce papier, avant de se lancer dans la confection de rouleaux tout artistiques. Des arabesques hautes en couleurs, formées d'inscriptions en calligraphie arabe et de motifs orientaux, ornent ses tableaux, suivant un accord à la fois géométrique et symétrique. Des rectangles horizontaux, qui font face à d'autres verticaux, sont collés sur un fond en bois et ensuite protégés par une plaque en plexiglas, ajoutant encore une 3ème dimension à cette œuvre en emballages de cigarettes. Ses œuvres ne se limitent pas à des agencements purement géométriques, mais prennent également dans d'autres tableaux des airs plus spontanés, tels des abstractions de rouleaux dispersés sur fonds de bois… Depuis deux ans, Liane se retire dans son atelier afin de se dédier à ses travaux en papier et concevoir œuvre après œuvre. Le comité du musée Sursock, qui choisit ses œuvres pour l’exposition, lui décerna un Certificat de Qualification Professionnelle. Ses travaux désormais suspendus en permanence à l’"Espace CD", elle s'apprête à présenter sa première exposition individuelle. Liane remue en nous le souvenir de ce papier tabac jadis utilisé par nos grands-pères… On peut en effet toujours lire sur le verso de ce papier cette garantie en forme d’exhortation: "Encouragez vos produits nationaux! Ô toi vrai arabe, libre et noble, c'est à toi que nous présentons cet excellent papier de Damas qui surpasse les autres marques de part sa qualité et sa pureté. Exempt de toute défectuosité, ce papier à la marque de la couronne diamantée est le fruit de cinq longues années d'efforts. C'est le meilleur papier à tabac, il réduit les méfaits du tabac, et vous débarrasse des autres marques. Nous le baptisons ‘Papier de Damas’". En déroulant l’un de ces papiers, on peut aussi y lire "Ghazi, depuis 1898"; sur d’autres: "Ar-Rachid". Ces noms arabes témoignent d'un savoir-faire ancré dans la tradition, celui des Rabbath, que Liane ressuscite sous forme de matériau de base dans ses collages. Son mari reprend d'ailleurs aujourd'hui cette industrie nationale, industrie qui fut suspendue pendant la guerre… Une chose est sûre : avec tout ce dont fait montre Liane Rabbath de culture, de talent et d’ambition, elle saura vite prendre la place qui lui est due sur la scène artistique contemporaine.