Les villes chinoises à l`assaut du ciel

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Les villes chinoises à l`assaut du ciel
LES ACTEURS
DE L’IMMOBILIER
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Les villes chinoises
à l’assaut du ciel
Quand sa construction sera achevée, en 2015, elle culminera
à 632 mètres et deviendra la tour la plus haute d’Asie: située
dans la capitale économique du pays, la Shanghaï Tower symbolise
cette Chine dynamique et audacieuse qui n’en finit pas de rattraper
le temps perdu sous le communisme et qui multiplie les constructions
spectaculaires, comme pour proclamer sa rage de développement
et sa confiance dans le futur.
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Les dix gratte-ciel les plus hauts du monde
1. Burj Khalifa,
823 mètres.
Construit en 2010,
à Dubaï
2. Shanghaï Tower,
632 mètres.
Achevé en 2015,
en Chine.
3. Abraj al Bait,
601 mètres.
Construit en 2012,
à La Mecque.
C’
4. One World Trade
Center, 541 mètres.
Construit en 2013,
à New York.
est elle qui mène la
course: samedi 3 août
au matin, devant les
caméras de télévision, la structure principale de l’édifice a été
achevée. D’ici deux ans, la Shanghaï Tower, qui abritera un centre
commercial et un hôtel de luxe,
deviendra la tour la plus élevée
de Chine et de toute l’Asie. Une
silhouette élégante et massive, impressionnante et harmonieuse, qui
culminera à la hauteur fort respectable de 632 mètres et reléguera un
autre édifice tout proche, le World
Financial Center, qui ne monte
qu’à 492 mètres, au rang de gentil
petit gratte-ciel d’un autre temps.
La Chine, depuis la fin du communisme, n’en finit plus d’étonner. Même si sa croissance a un
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5. Willis Tower,
527 mètres.
Construit en 1973,
à Chicago.
peu ralenti, passant d’un taux à
deux chiffres à un taux de 5,5%
environ, elle continue de progresser avec une espèce d’ardeur inébranlable et de foi dans le futur
qui défie les pronostics. Comme
si après avoir passé par la nuit
noire du communisme, elle n’en
finissait pas de proclamer, comme
l’avait dit il y a un quart de siècle
le père dominicain Brückberger:
«Le capitalisme, mais c’est la vie!»
C’est dans le ciel, aujourd’hui,
que s’inscrit cette fureur de vivre:
les villes chinoises veulent toutes
avoir leurs gratte-ciel géants.
D’où ce chiffre impressionnant:
la Chine construit à elle seule
plus de la moitié des tours dans
le monde! Et loin de s’atténuer,
la rivalité entre les villes ne cesse
6. Taipei 101,
509 mètres.
Construit en 2004,
à Taïwan.
7. World Financial
Center, 492 mètres.
Construit en 2008,
à Shanghaï.
de s’exacerber… et d’inspirer de
nouveaux projets!
Si la Shanghaï Tower mène le bal
et est d’ores et déjà assurée de
décrocher, dans deux ans, le titre
officieux mais très recherché de
plus haut gratte-ciel d’Asie, il n’est
pas sûr toutefois qu’elle puisse en
profiter très longtemps. Avec ses
632 mètres de haut, elle reste en
effet sous la menace d’une autre
tour, celle que l’assureur Ping An
est en train d’édifier à Shenzhen,
dans le sud du pays, et qui devrait
atteindre 660 mètres. La volonté
de puissance, le goût du défi et de
la nouveauté!
A Nanjing, la tour Zifeng, achevée en 2009, s’élève à 450 mètres.
Dans la ville de Tianjin, on assiste
même à une lutte fratricide entre
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8. Commerce Center,
484 mètres.
Construit en 2010,
à Hong Kong.
9. John Hancock
Center, 457 mètres.
Construit en 1969,
à Chicago.
le Centre financier, inauguré il y a
deux ans, qui atteint 336 mètres,
et la Goldin Finance 117, qui
devrait culminer à près de 600
mètres, 597 mètres exactement,
d’ici 2015.
Une effervescence qui suscite
aussi, naturellement, les mises en
garde et les critiques. Car une espèce de loi non écrite, à la limite
de la légende urbaine, assure que
l’achèvement d’un gratte-ciel correspond toujours au déclenchement d’une crise économique.
Il est vrai que l’exemple de Burj
Khalifa, la tour la plus haute du
monde avec ses 823 mètres, incite
à la prudence: sa construction à
Dubaï, en 2010, a coïncidé avec
une sérieuse crise de croissance
de l’émirat, surmontée depuis.
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2 0 1 3 10. Tours Petronas,
452 mètres.
Construits en 1998,
à Kuala Lumpur.
Economiste à l’Institut Mises à
Auburn, aux Etats-Unis, Mark
Thornton assurait ainsi, dans une
récente interview au «Monde»,
que tout cela allait mal finir. «La
construction des gratte-ciel est
un événement précurseur et le
signe des troubles économiques
d’une région, disait-il. Les gratteciel sont juste un symptôme de
politiques économiques extravagantes de la part d’un gouvernement».
Dans cette Chine dont l’économie
s’est un peu libérée du contrôle
totalitaire du Parti et de l’Etat,
l’émergence des tours n’illustret-elle pas plutôt, au contraire, le
goût et la vigueur retrouvée de la
liberté? n
François Valle
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