Saint-Laurent du Maroni… Expérience - Magny-les

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Saint-Laurent du Maroni… Expérience - Magny-les
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être sage-femme. Cela me paraissait le métier
idéal pour être au contact des gens, tout en étant active et avec la possibilité de faire des missions
humanitaires dans des pays divers et variés.
Actuellement en dernière année (5ème) à l’école de sagefemme de l’UVSQ, j’ai eu la possibilité de faire un mois de
stage hors de France. Cela me semblait être l’occasion
rêvée de pouvoir avoir un premier aperçu de ce qu’est le
travail en dehors de la métropole, dans des conditions
parfois plus difficiles. J’ai donc monté un projet en Guyane,
à Saint Laurent du Maroni, espérant ainsi découvrir une
autre facette de mon métier. Je n’ai pas été déçue, bien au
contraire, vivant une expérience humaine et
professionnelle très riche !
Saint-Laurent du Maroni…
… est la 2ème ville de Guyane après Cayenne, le chef-lieu de ce département d’OutreMer.
Ville située sur le Maroni, fleuve frontière avec le Suriname, SLM est marquée par
une grande diversité ethnique et culturelle. La ville, de 40 000 habitants, est composée de Noirs
Marrons, descendants des esclaves africains s’étant enfuis du Suriname, parmi lesquels on retrouve
les tribus Bushinengué, Boni ou encore Saramaca. La Guyane est également marquée par la présence
de population Hmong, dans 2 grands villages. Ils sont originaires du Laos et ont fui leur pays dans les
années 1975. On retrouve également des antillais, des amérindiens, des métropolitains mais aussi
des chinois ou des personnes provenant d’Amérique Latine (Brésil, Equateur).
Du fait de cette population très cosmopolite, malgré mon visage « blanc
à la métro », j’ai été très bien accueillie et je n’ai jamais ressentie de
réticence. Juste parfois de l’étonnement, car je ne parlais pas la même
langue, ou je ne connaissais rien de leurs habitudes et coutumes
(traditions, nourriture, géographie locale…).
Eh oui ! A Saint-Laurent, il y a facilement plus de 6 langues parlées… Le
français, mais aussi le créole, le taki taki (la langue du fleuve), l’anglais, le
portugais, le chinois, différents dialectes pour la population Hmong.
Malgré tout, il était souvent nécessaire de rajouter le langage des mains
pour réussir à se comprendre !
Expérience professionnelle acquise…
Le Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais Franck Jolly est le 2ème grand hôpital après celui de
Cayenne. Certains bâtiments datent de l’époque coloniale, ce qui lui donne un charme exotique !
La maternité est équipée pour ses 2400 accouchements par an, comme n’importe quelle salle de
naissance de métropole. En termes d’activité, cela se rapproche de celle de la maternité d’Orsay.
Par contre, j’ai découvert une gestion de la douleur tout à fait différente de celle que l’on peut
observer en métropole. Je vais laisser les chiffres parler d’eux-mêmes : le taux de péridurale est aux
alentours de 85% en métropole alors qu’il est de 8% à Saint-Laurent-du-Maroni… Cela m’a paru
principalement lié à la culture et au manque d’informations sur ce geste médical. Les patientes sont
par contre très entourées par les femmes de la famille (mère, sœurs, tantes…)
J’ai pu découvrir les rites traditionnels Noirs-Marrons consistants à se couvrir d’un mélange de
plantes dont la recette est secrète, et qui est particulièrement efficace pour provoquer
l’accouchement !
Une jeune femme Hmong dont je me suis occupée m’a également racontée leur coutume : après la
naissance, les femmes ne doivent manger que du poulet, assaisonné avec différentes herbes, et ce
pendant un mois complet ! Elle me disait que dans les premiers jours c’était particulièrement difficile
mais que lorsqu’elles avaient le droit de remanger des fruits et des légumes, l’envie leur en était un
peu passée !
Cette expérience a été vraiment très riche sur le plan professionnel mais également humain et je suis
vraiment contente d’avoir pu la vivre.
Je vais maintenant terminer mes études et obtenir mon diplôme en juillet 2015. Je ne sais pas encore
quel sera mon plan de carrière, mais je souhaite pouvoir acquérir de l’expérience en milieu
hospitalier. Les grandes ONG demandent en moyenne 2 ans d’expérience professionnelle avant de
pouvoir partir en mission humanitaire. A plus long terme, je pense m’installer en cabinet libéral.
Le passé bagnard…
A Saint-Laurent-du-Maroni…
La ville a aussi un passé historique très important par son bagne, appelé Camp de la Transportation.
Même si j’ai fait des études scientifiques, heureusement que l’Histoire était là pour me changer des
maths et de la physique ! Elle me permettait d’explorer le passé et de
découvrir des époques révolues, pourtant pas si lointaines…
Pour moi, presque tout sur le bagne était à découvrir !
J’ai eu la chance de pouvoir visiter le Camp de la Transportation avec un
guide passionné par son histoire, et donc passionnant ! Il nous a permis, par
des anecdotes, de découvrir ce qu’était vraiment la vie dans l’enfer du
bagne.
Les bagnards, dont les premiers arrivent en Guyane après la Révolution Française, en 1793, seront
près de 70 000 à être déportés, jusqu’à la suppression officielle du bagne en 1938.
Après 3 mois de voyage en bateau, très souvent chaotique, les forçats arrivaient à Saint-Laurent-duMaroni.
De là, en fonction de leurs métiers (charpentier, maçon,
peintre et même médecin …) et de leurs aptitudes
physiques, ils étaient répartis dans la trentaine de bagnes
guyanais. La chance pouvait alors jouer en leur faveur ou
non…
Travail des bagnards
Appel du soir
1
Les malchanceux pouvaient se retrouver à construire les principales routes guyanaises et donc à
abattre des arbres dans des conditions humides, entourés par l’environnement dangereux de la
forêt…
Pour les chanceux, leurs travaux consistaient au nettoyage de la ville, à son entretien
ou encore au service domestique des habitants les plus riches…
Mais comme nous l’a bien dit le guide, la vraie vie du bagnard n’était pas pendant la
journée de corvées, mais la nuit… L’ordre qui y régnait, n’est alors plus celui des
gardiens, mais celui des bagnards et il s’agissait de réussir à voir le petit matin…
Mais qu’en était-il des femmes bagnards ? Le guide nous a fait repenser les choses
dans leur contexte… Le bagne a eu son apogée au cours du 19ème siècle. A cette
époque-là, il y avait peu de femmes criminelles. Lorsque c’était cependant le cas,
elles étaient envoyées en Guyane, mais pour être mariées aux bagnards et avoir Les bagnards étaient allongés
côte à côte avec un pied attaché à
des enfants, afin de peupler la colonie guyanaise.
la barre
Aux Iles du Salut
Ces trois îles (Royale, St Joseph et du Diable) sont situées à environ 1 heure de bateau de Kourou et
j’ai pu y passer une journée.
Anciennement appelées Iles du Triangle de par leur configuration, elles furent
renommées à la fin du 18ème siècle. Une expédition de colons français était en
effet partie dans les années 1760 afin de peupler la Guyane, mais ceux-ci ont
été décimés par la fièvre jaune ou le paludisme. Les survivants s’étaient
réfugiés sur ces Iles, à l’époque encore dépourvues de végétations et de
moustiques. Ils les renommèrent donc les Iles du Salut.
Vestige Ile St Joseph
Les principaux bâtiments du bagne sont situés sur l’Île Royale, la principale. De
nombreux dégâts ont été faits sur les vestiges, mais il est toujours possible de voir « la piscine des
bagnards ». Il s’agit d’un bassin en pierre dans lequel l’eau s’infiltrait et où les bagnards se lavaient.
En effet, il existe des courants marins très forts entre ces îles qui les empêchaient de pouvoir le faire
en sécurité. De plus, les îles étant très petites, les corps des bagnards étaient jetés en mer, attirant
une grande quantité de requins. Pour ces raisons, il était très difficile voire quasi impossible de
s’enfuir des Îles !
Sur l’île St Joseph, on retrouve les vestiges des bâtiments où
les cellules n’avaient pas de toit, seulement protégées par
des barreaux de fer, n’abritant pas les forçats de la pluie. On
y voit également le cimetière des gardiens. Mais c’est là
aussi où l’on trouve la plus belle plage de Guyane, avec une
eau bleue qui fait rêver !
L’île du Diable, inaccessible au public, abritait les déportés
politiques ou les espions, c’est-à-dire les prisonniers de
« grande importance ». Le capitaine Dreyfus y fut déporté
après avoir été accusé à tort d’avoir fourni des documents
secrets aux allemands. Il était le seul prisonnier sur l’île mais avait des gardiens et vivait dans une
petite case. Les gardiens étaient armés et avaient l’autorisation de tirer sur quiconque s’approcherait
de l’île sans autorisation. Le capitaine y passa 4 années.
Cabane habitée par Dreyfus sur l'Ile du Diable
Je remercie le Service Patrimoine, CIAP de Saint-Laurent-du-Maroni pour sa
collaboration et Mr Heuret pour les photos d’époque tirées de sa collection
personnelle.
Quant à l’histoire d’Henri Charrière, dit « Papillon », elle fascine encore… A-t-il
vraiment réussi à s’évader du bagne ? Et par deux fois qui plus est ? Tout le monde
n’est pas d’accord… Pour certains, il a fini ses jours en Espagne, pour d’autres à
Madagascar… Pour d’autres encore, il s’est approprié des exploits qui ne sont pas à
lui. Le mystère de Papillon perdure…
Signature du Papillon...
On pourrait croire ce passé très lointain, mais le dernier bagnard vivant en Guyane
est décédé seulement en 2005…
Le centre spatial guyanais
Le passé guyanais c’était le bagne, le présent c’est l’espace !
Le Centre Spatial Guyanais(CSG) est une base de lancement de fusées/lanceurs
français et européens mise en service en 1968. La base est conjointement
gérée par le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), Arianespace et l’ESA
(Agence Spatiale Européenne).
Sur une superficie de 650 km2, il est possible de visiter les sites de lancement
des fusées Soyouz (Russie), Vega (Italie) mais surtout d’Ariane 5.
J’ai eu la chance de pouvoir assister au lancement du vol numéro 220 d’Ariane
5, le 16 octobre.
J’ai été très impressionnée par cette sensation que le ciel craque et se
déchire au passage de la fusée ! Malgré un ciel un peu couvert suite à
une belle averse, il était magnifique de suivre cette boule de feu
grimper dans le ciel. Il est également possible de voir la fusée se
séparer de ses EAP (Etages d’Accélérateur à Poudre) c’est-à-dire de
ses 2 propulseurs lui permettant de décoller.
Le site est vraiment bien fait ! Grâce à des écrans géants, on suit le
décompte, l’intérieur des locaux où sont gérées les différentes
manœuvres, mais aussi la salle Jupiter, salle de contrôle à Kourou.
Après le lancement, il est possible de visualiser les différentes
séparations de la fusée afin de libérer les satellites.
Climat, faune et flore…
La Guyane est parfois surnommée « l’enfer vert » mais je suis tombée en
pleine saison sèche, et les Guyanais m’ont dit que c’était vraiment le mois le
plus chaud depuis longtemps !
La Guyane bénéficie d’un climat équatorial humide, avec un taux moyen
d’humidité entre 80 et 90%.
A mon arrivée, le pilote d’avion nous a accueilli en nous disant « C’est
dimanche, vous n’avez pas de chance, il n’y a pas la passerelle ! » Nous
sommes donc descendus à même le tarmac… Je dois avouer que j’ai eu
l’impression d’un mur de chaleur ! Quand on quitte la métropole avec les
températures douces du mois de septembre, le choc est certain à l’arrivée !
Malgré la saison sèche, j’ai quand même pu découvrir les averses
équatoriales, avec ses litres d’eau qui tombent d’un coup ! C’est
impressionnant mais cela ne rafraîchit pas du tout !
A la fin de mon séjour, j’ai pu passer une journée dans les Marais de
Kaw, avec un professeur de biologie amoureux du site et qui les fait
visiter lors de ses week-end ou des vacances. Il est possible d’y voir une
faune et une flore encore assez protégée et variée : oiseaux, hérons,
caïmans, piranhas, cabiai…
Les couchers de soleil y sont absolument magnifiques !!
Dans l’obscurité, il est très impressionnant de voir les yeux des caïmans briller de couleur rouge !
Par ailleurs, j’ai pu voir de près des Colibris, seuls oiseaux capables de voler à reculons,
des singes, mais aussi des paresseux, quels animaux étonnants !
Ma grande crainte ne s’est pas réalisée, je n’ai pas vu de Matoutou, mygale pouvant faire
jusque 15 cm d’envergure !
Suite à ce mois guyanais, je rentre riche d’une expérience dépaysante et remplie de belles
rencontres !

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