La suppression du certificat prénuptial nécessite de rechercher les

Transcription

La suppression du certificat prénuptial nécessite de rechercher les
Exercer_83:Exercer_83
29/07/08
8:48
Page 117
Soins
Prévention
La suppression du certificat
prénuptial nécessite de rechercher
les opportunités d’informer
les jeunes adultes sur la préparation
d’une grossesse
Isabelle Aubin-Auger, Pascale Santana, Michel Nougairède
exercer 2008;83:117-9.
Mots-clés
Prévention
Consultation
avant grossesse
UFR Paris 7 - Denis Diderot
[email protected]
Résumé. Le certificat prénuptial a été abrogé par l’article 8 de la loi n° 2007-1787 du
20 décembre 2007 relative à la simplification du droit. Cette consultation était l’occasion
de parler de prévention avec des adultes, jeunes ou moins jeunes, qui n’auraient pas
consulté sans ce motif. Elle permettait d’aborder un certain nombre de mesures préventives avec les couples en âge de procréer. Sa suppression nécessite de rechercher les opportunités d’informer les jeunes adultes sur la préparation d’une grossesse.
Le certificat prénuptial a été
abrogé dans le cadre de la
suppression de lois obsolètes
Le certificat prénuptial fut élaboré sous
le régime de Vichy. Dans les années
1940, la santé des « procréateurs » était
du domaine de la santé publique. La
syphilis, la tuberculose, l’alcoolisme
étaient considérés comme des fléaux, et
un enfant handicapé comme une
marque de honte dans une famille1.
Ces préoccupations anténatales ont
abouti à la création de l’examen
prénuptial inscrit dans la loi du
16 décembre 1942, complété par la
création d’un certificat prénuptial en
avril 1946, puis réactualisé en 1978 et
1992. Ce certificat ne pouvait être
délivré qu’au vu des résultats d’analyses
et d’examens dont la liste était fixée par
voie règlementaire2.
Les examens obligatoires pour la femme
de moins de 50 ans comportaient : les
sérologies de la rubéole et de la toxoplasmose « en l’absence de documents
écrits permettant de considérer l’immunité comme acquise », et le groupe
Volume 19
N° 83
sanguin « complété par une recherche
d ’anticorps irréguliers si le groupe
sanguin ouvre une possibilité d’immunisation et dans les cas où il existe un
risque d’allo-immunité par suite d’une
transfusion antérieure ». Une sérologie
VIH devait être obligatoirement
proposée aux futurs conjoints, mais ne
pouvait leur être prescrite sans leur
consentement.
L’abrogation du certificat prénuptial a
eu lieu le 9 octobre 2007. Cette décision s’est basée sur des arguments
démographiques et économiques. En
effet, en 2007, le nombre de naissances
hors mariage a dépassé pour la
première fois les 50 % (50,6 % des
naissances vivantes, contre 11,4 % en
1980), et d’après l’Institut national
d’études démographiques (INED), 90
% des couples qui se marient ont déjà
cohabité. D’un point de vue économique, il a été estimé que « les informations sur la grossesse sont devenues
plus facilement accessibles », et une
économie de 14 millions d’euros est
attendue à la suite de la suppression de
ce certificat3.
Ce certificat ne semblait plus remplir ses
fonctions initiales de prévention. Il
s’agissait pourtant d’une des seules
consultations où le médecin pouvait
parler de prévention et apporter des
informations aux couples en âge de
procréer.
La suppression du certificat
prénuptial renforce la
nécessité d’une consultation
avant la première grossesse
En cas d’arrêt envisagé de la contraception, ou d’un désir exprimé de grossesse, la HAS recommande qu’une
information spécifique soit donnée3.
Les couples souhaitant avoir un enfant,
devraient bénéficier d’informations sur
l’immunisation contre certaines maladies infectieuses, la consommation
d’alcool, de tabac, de drogues, l’automédication, la supplémentation en
acide folique, l’évaluation des risques
pour les infections sexuellement transmissibles (IST) et des conseils pour les
éviter.
exer cer la r evue française de médecine générale
117
Exercer_83:Exercer_83
29/07/08
8:48
Page 118
Soins
Prévention
Maladie
Vérifier
Conséquence pratique
Précautions
Rubéole
Sérologie
Si sérologie négative :
vaccination
Vérifier absence de grossesse
+ couverture contraceptive
2 mois après le vaccin
Varicelle
Antécédent de varicelle
Si doute ou absence :
faire une sérologie
Si sérologie négative :
vaccination = 2 doses
espacées de 2 mois
Vérifier absence de grossesse
+ couverture contraceptive
3 mois après chaque injection
Sérologie
Si sérologie négative :
conseils d’hygiène
pendant la grossesse
Carnet de vaccination
Proposer rappel
à 27 ans associé
au DT-Polio
Toxoplasmose
Coqueluche
Attendre 2 ans après
le dernier DT-Polio effectué
Tableau 1. Maladies infectieuses et prévention si désir de grossesse
Peu de femmes ou de couples consultent
directement pour ce motif. Ces messages
doivent être délivrés à l’occasion d’autres
consultations : renouvellement de contraception, certificat de non-contre-indication aux sports, etc.
L’immunisation contre la rubéole,
la toxoplasmose et la varicelle
Elle devrait être renseignée dans le
dossier médical d’une patiente en âge
de procréer. Une sérologie doit être
réalisée pour la rubéole et la toxoplasmose :
• en cas d’absence d’immunisation contre
la rubéole, le vaccin doit être fait sous
couverture d’une contraception efficace
pendant au moins 2 mois ;
• en cas de sérologie négative pour la
toxoplasmose, des conseils de prévention alimentaire et d’hygiène lors d’une
grossesse seront délivrés, ainsi que
l’intérêt de vérifier cette sérologie dès
le début d’une grossesse, puis tous les
mois.
Pour la varicelle, le dernier calendrier
vaccinal4 recommande de s’enquérir
d’un antécédent de varicelle chez la
femme en âge de procréer. En cas de
doute, ou d’absence d’antécédent connu,
une sérologie doit être proposée. Il est
souhaitable de bien noter la survenue de
cette maladie dans les carnets de santé et
Tabac
Proposer sevrage
Antécédents personnels et familiaux
Consultation génétique
Vaccination
Rappel coqueluche associé au DT-Polio
Dépistage des IST
Sérologies
Tableau 2. Interventions utiles pour le futur père
Intervention
Future mère
Futur père
Acide folique
G
Recherche des antécédents
G
Immunisation rubéole, toxoplasmose, varicelle
G
Vaccin coqueluche
G
G
Dépistage des IST
G
G
Sevrage tabagique
G
G
Pas d’alcool pendant la grossesse pour la mère
G
Tableau 3. Résumé des interventions à réaliser si désir de grossesse
118
exer cer la r evue française de médecine générale
G
les dossiers médicaux. La vaccination est
recommandée pour les femmes non
immunisées, également sous couverture
d’une contraception pendant au moins
3 mois (Varilrix® ou Varivax®).
La vaccination contre la coqueluche est
recommandée pour les adultes jeunes en
âge de procréer, en raison d’une recrudescence de cette pathologie avec risque
de transmission aux nourrissons de
l’entourage lors des premiers mois de vie
du nourrisson, avant que sa vaccination
ne lui procure une protection. Le vaccin
contre la coqueluche n’existe pas seul
mais associé au DT-Polio (Repevax® ou
Boostrixtetra®).
Rechercher les IST
Leur diagnostic précoce permet de
prévenir des complications sévères
(grossesse extra-utérine, stérilité tubaire,
transmission materno-fœtale, etc.). En
fonction du contexte et des risques pris,
les sérologies syphilitiques, VDRLTPHA, hépatite B et VIH doivent être
proposées.
La recherche de Chlamydia trachomatis
par polymérisation en chaîne (PCR) sur
premier jet urinaire est également
recommandée de façon systématique
pour les populations consultant dans les
centres de planification et d’éducation
familiale (CPEF), les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), les
dispensaires antivénériens (DAV) et les
centres d’interruption volontaire de
grossesse (CIVG). Tous les dépistages
systématiques faits dans ces lieux de
consultation ont montré des prévalences
Volume 19
N° 83
Exercer_83:Exercer_83
29/07/08
8:48
Page 119
Soins
Prévention
d’infections urogénitales à Chlamydia
trachomatis supérieures à 3 %, quels que
soient les facteurs de risque5. Comme
dans d’autres pays, ce dépistage pourrait
être élargi aux femmes de moins de
25 ans, avec incitation au traitement du
ou des partenaires afin de diminuer le
taux de complications chez :
• les sujets ayant eu plus d’un partenaire
sexuel dans l’année précédant le dépistage, quel que soit l’âge ;
• les hommes de moins de 30 ans et les
femmes de moins de 25 ans, afin de
diminuer le portage de Chlamydia
trachomatis dans ces populations.
Tabac, alcool et autres addictions
Le désir de conception est une circonstance pouvant motiver et conduire des
actions d’aide à l’arrêt du tabac. Le
tabac retentit sur la fertilité aussi bien
masculine que féminine. La toxicité de
l’alcool pour le fœtus est clairement
établie. La consommation régulière de
cannabis est responsable de retards de
croissance et de troubles du comportement chez le nouveau-né. Sa consommation est fortement déconseillée
pendant la grossesse.
Les antécédents personnels
et familiaux
Conclusion
Ils doivent être recherchés chez les deux
futurs parents. Un antécédent de
maladie génétique peut conduire à une
consultation prénatale spécialisée.
Certaines pathologies maternelles
peuvent nécessiter une modification du
traitement en cours. Par exemple pour
certains antihypertenseurs (inhibiteurs
de l’enzyme de conversion ou antagonistes de l’angiotensine 2), ou les antivitamines K, en raison d’un possible
risque tératogène ou toxique pour le
fœtus. En cas de doute, le recours au
CRAT est précieux (Centre de référence sur les agents tératogènes :
http://www.lecrat.org/).
La suppression du certificat prénuptial a
été votée fin 2007. Cette consultation
permettait de faire le point sur la santé
de futurs parents. Les actions de prévention qu’elle comportait : sérologie
rubéole, toxoplasmose, dépistage des
IST doivent être maintenues et complétées en fonction des données récentes
sur l’immunisation des jeunes adultes
contre la coqueluche, la varicelle et la
prévention par acide folique en cas de
désir de grossesse.
La prescription d’acide folique
La prescription d’acide folique à 0,4 mg/j
dans le mois précédant la conception et
pendant le premier trimestre de la grossesse permet de réduire le risque de nonfermeture du tube neural3 (recommandation de grade A). En cas d’antécédent
d’anomalie du tube neural, la posologie
sera de 4 mg/j pour les grossesses ultérieures.
Références
1. Carol A. Histoire de l’eugénisme en France.
Les médecins et la procréation XIXe-XXe
siècle. Paris : Seuil, 1995.
2. Art. 63 du Code civil, 2e alinéa et Art. L.153
du Code de la santé publique.
3. Blanc E. « Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l’administration générale de la
République sur la proposition de loi relative à
la simplification du droit ». Assemblée
Nationale, 3 octobre 2007.
4. Haute Autorité de Santé. Comment mieux
informer
les
femmes
enceintes
?
Recommandation professionnelle. Avril 2005.
5. Calendrier vaccinal 2007. Avis du Haut conseil
de la santé publique. BEH 2007; 31/32.
6. Georges S, Goulet V, Laurent E et al. Enquête
sur les lieux de consultation et les caractéristiques des personnes prélevées pour la
recherche de Chlamydia trachomatis, en 2001.
BEH 2004;40/41:198-9.
Volume 19
N° 83
exer cer la r evue française de médecine générale
119