FICHE DE TRAVAIL : résumer, c`est s`appliquer à choisir le mot juste

Transcription

FICHE DE TRAVAIL : résumer, c`est s`appliquer à choisir le mot juste
FICHE DE TRAVAIL : résumer, c’est s’appliquer à choisir le mot juste.
Tout est faux désormais dans le foot, dans la joie qui se veut délirante du marqueur après le
but, dans ces obscènes empilements de joueurs qui se forment alors, dans ces convulsions de
l’avant-centre prétendument fauché dans la surface de réparation ; dans le ciel salué à genoux,
ou cette terre que le dirigeant vainqueur embrasse mystiquement. De sorte que ce que l’on
attend désormais d’un arbitre n’est plus de sanctionner des fautes mais de faire la part entre ce
qui est sincère et ce qui est simulé. Il n’est plus le juge d’application de la règle, c’est un
psychologue de plein air, ou encore un habile diplomate qui négocie avec la foule hurlante
l’équilibre politique des penalties.
Voilà pourquoi nous ne nous amusons plu au football, dépassé par ses enjeux, paralysé par la
peur. Marquer des buts n’est même plus l’objectif essentiel ; dans la plupart des matches,
c’est un accident exceptionnel, qui vient troubler l’ordonnancement er la finalité même de l a
partie : la nullité ! Mais il ya plus grave ; il y a la place croissante prise par le foot dans notre
univers politique : naguère langage universel, aujourd’hui espéranto 1 de notre déchéance ! A
qui, débarqué d’une autre planète, voudrait goûter en une seule soirée à toutes nos névroses
d’aujourd’hui, on ne saurait conseiller plus rapide initiation qu’un match de football. Il y
trouverait réunies la plupart des maladies sociales dont nous souffrons : la violence, la triche,
le fric et l’ennui.
Le général Pinochet est un précurseur méconnu. Transformer les stades en camps de
concentration, voire d’extermination, était apparu d’abord comme une provocation sinistre,
une dérision paradoxale. Erreur : cela n’était qu’une anticipation, Pinochet, comme son voisin
argentin Videla, avait compris la vraie nature du football. La tuerie du Heysel2 n’est pas un
accident isolé, la suite l’a montré. Le football britannique s’efforce, week-end après weekend, de rééditer un exploit aussi mémorable. Le football, c’est la guerre en champ clos.
D’énormes forces de police sont là pour encadrer des combattants bottés, casqués, vêtus
d’uniformes, brandissant des matraques, voire des explosifs. Pour mieux se préparer à
l’affrontement, ils ont absorbé, comme jadis les poilus montant à l’assaut, d’énormes
quantités de vinasse et de bière qui font régner en permanence sur les stades du monde cette
inimitable odeur de vomissure et de déjections. J’ai à peine besoin d’ajouter que la plupart des
footballeurs professionnels sont devenus des mercenaires sans âme t sans honneur, qui le soir
du Heysel ne craignirent pas de slalomer entre les cadavres et les blessés pour remplir leur
contrat, tandis que les télévisions, qui avaient payé pour cela, s’empressèrent de retransmettre
ces macabres ébats. Au moment où j’écris ces lignes, le championnat d’Europeen est à
environ 800 personnes interpellées. C’est ce que Jacques Georges, président de l’UEFA3,
appelle une « Europe propre ».
Alors vivre sans football ? L’idée d’une année sans football, comme celle d’une journée
hebdomadaire sans télévision, devrait être examinée. A moins qu’à l’instar des Mayas du
Mexique précolombien nous décidions de sacrifier les membres de l’équipe victorieuse. Cela
aurait au moins l’avantage de nous délivrer de la race obsédante des vainqueurs.
Jacques Julliard, « Tout est faux dans le foot », Le Nouvel Observateur, 1988
1
(1) Espéranto : langue internationale conventionnelle, caractérisée par un vocabulaire et une
grammaire réduite, créée en 1987 par le Polonais Zamenhof.
(2) Heysel : stade de Bruxelles où des affrontements très violents, provoqués par des
supporters anglais, ont causés la mort de nombreux spectateurs.
(3) UEFA : union européenne de football association
QUESTIONS :
1 – Vocabulaire
expliquez le sens de :
a) « mercenaires sans âmes et sans honneur »
b) « les jeux sacrés de la balle »
2 – Résumé
Vous résumerez ce texte en 140 mots (plus ou moins 10%)
2
CORRIGE : résumé « tout est faux dans le foot »
QUESTIONS
Vocabulaire :
a) Les mercenaires sont des soldats sans scrupules à la solde d’un gouvernement
étranger. Les footballeurs eux aussi sont achetés ou vendus par les clubs et jouent
souvent contre leurs anciens partenaires sans difficultés apparente.
b) Les anciens Mexicains organisaient des jeux en l’honneur de leurs dieux (les jeux
sacrés). Les vainqueurs qui, par leur force et leur courage, leur avaient plu, étaient
sacrifiés dans une offrande religieuse pour qu’ils puissent rejoindre et honorer les
divinités.
Résumé :
Le football, aujourd’hui, n’est plus que simulacre et feinte : de l’enthousiasme
ostentatoire du vainqueur à la douleur dramatisée du joueur blessé, tout n’est que
cabotinage et mensonge. Et malheur à l’arbitre qui ne ménage pas les susceptibilités
opposées.
Bien plus, ce sport est devenu le miroir des tares de notre société. Football, en effet,
rime désormais avec scandale. Dans nos stades, dont Pinochet et Videla avaient
intuitivement saisi la véritable destination, des troupes armées et casquées doivent
régulièrement contenir et séparer les hordes des supporters ivres d’alcool et de violence
… tandis que s’exhibent devant les caméras avides de nos télévisions des joueursvedettes aux salaires indécents.
Alors supprimons le football pendant un an ou bien immolons l’équipe gagnante …
mais délivrons-nous de cette folie de la victoire.
140 mots.
Commentaires :
Pour réussir ce résumé, vous deviez respecter la tonalité ironique et polémique du texte,
avoir compris les références à Pinochet (dictateur chilien ) et Videla (général et chef de la
junte militaire en Argentine dans les années 1970) qui avaient regroupé la plupart de leurs
opposants politiques dans des stades de football avant de les faire disparaître.
Le parallèle entre des crimes politiques et la tuerie accidentelle du stade du Heysel permet à
l’auteur de nous peindre toute la violence guerrière liée au football. Aussi, deviez-vous être
attentif à respecter le champ lexical de la guerre, de la violence et éviter tout vocale neutre.
Il vous fallait, en outre, réussir à montrer tous les abus (triche, fric, mensonge), en souligner
l’indécence. Et ainsi justifier la conclusion du texte.
La justesse lexicale et la qualité expressive étaient donc primordiales.
3