Mélanie Klein, pédagogue
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Mélanie Klein, pédagogue
ACTUALITÉSOCIALE | SUISSE No 2 8 _ S E P T E M B R E – O C T O B R E 2 0 1 0 Mélanie Klein, pédagogue Texte: Jean Grin, travailleur social, Lausanne Il peut sembler paradoxal, à première vue, de parler d’une dimension pédagogique de la pratique clinique de Mélanie Klein, alors qu’une telle conception semble mieux se rattacher aux travaux d’Anna Freud – dont le manière de faire a par ailleurs souvent été traité d’«orthopédique». Les quelques lignes qui vont suivre vont s’attacher, succinctement, à démontrer qu’une préoccupation pédagogique n’est pas étrangère à la démarche de Mélanie Klein, à travers une conception de prophylaxie de la névrose chez l’enfant. Repères biographiques Née Reizes le 30 mars 1882 à Vienne, celle qui allait devenir Mélanie Klein fit tôt – et à répétition – l’expérience du deuil, ce qui tendrait à expliquer une symptomatologie dépressive souvent relevée par ses biographes. Elle était la quatrième de sa fratrie, et sa venue au monde semble ne pas avoir été planifiée. Effectivement, son père avait déjà cinquante ans. Elle n’a que cinq ans au moment de la mort de sa sœur Sidonie – qui lui avait appris à lire et à écrire – et en avril 1900, son père, décrit comme sénile, meurt peu après les fiançailles officielles de sa fille avec l’ingénieur Arthur Klein. Deux ans plus tard, c’est son frère Emanuel qui décède d’une crise cardiaque dans un hôtel à Gênes; se sachant atteint dans sa santé, il avait décidé de consacrer ses dernières années à la littérature et aux voyages, mais le choc fut rude pour Mélanie, car elle idolâtrait son frère. En 1903, en plein deuil, elle épousa Arthur Klein, ce qui l’oblige à renoncer à son projet d’entreprendre des études de médecine, chose qu’elle regrettera toute sa vie, et suit dès lors son mari au gré de ses affectations professionnelles dans de nombreuses petites villes de province, où elle se morfond. De cette union naquirent Melitta en 1904 (qui deviendra psychanalyste comme sa mère), Hans en 1907 (qui se tuera à 27 ans dans un accident de montagne) et Erich en 1914. Elle effectue plusieurs séjours en sanatorium avant de découvrir un petit ouvrage de vulgarisation de Sigmund Freud et, Compte rendu d’un colloque de Pro Senectute Suisse profitant d’habiter momentanément Budapest, elle entreprend une première «tranche» d’analyse avec Sandor Ferenczi vers 1917–1919. Elue membre titulaire de la Société hongroise de psychanalyse à l’instigation de Ferenczi, elle divorce en 1920 (ou 1922 suivant les sources), puis part à Berlin et entreprend une seconde «tranche» avec Karl Abraham, jusqu’au décès de ce dernier, en décembre 1925. Ses travaux sur la psychanalyse des enfants rencontrent une certaine hostilité, ainsi accepte-t-elle avec enthousiasme l’invitation d’Ernest Jones, en 1926, à donner une série de conférences à Londres, où elle s’établit définitivement. C’est à partir de là qu’elle crée son propre courant de pensée. Comme Freud, elle décède d’un cancer, diagnostiqué sur le tard, à l’automne 1960. Une approche originale Les psychanalystes d’enfants de l’époque admettaient unanimement le besoin d’adapter le cadre de la cure classique à cette jeune clientèle. L’originalité de Mélanie Klein réside dans la radicalité de ce virage. La technique kleinienne s’appuie fondamentalement sur l’interprétation du jeu de l’enfant – qui remplace l’association libre de l’adulte –, l’interprétation des angoisses et du complexe d’Œdipe, ainsi qu’un souci d’exactitude des éclaircissements y relatifs apportés en cours d’analyse. | Pour aller plus loin: Dominique Arnoux: Mélanie Klein, Presses Universitaires de France, collection «Psychanalystes d’aujourd’hui», Paris, 1997, 127 pages. Paul Bercherie: Mélanie Klein, L’Harmattan, collection «Examen des fondements de la psychanalyse», Paris, 2004, 71 pages. Gérard Bleandonu: L’école de Mélanie Klein, Le Centurion, collection «Paidos», Paris, 1985, 363 pages. James Gammill [Dir.]: Mélanie Klein aujourd’hui (Hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance), Lyon, Césura-Lyon Edition, collection «Psychanalyse», 151 pages, 1985 Phyllis Grosskurth: Mélanie Klein, son monde et son œuvre, Paris, Presses Universitaires de France, collection «Histoire de la psychanalyse», 676 pages, (1986), 1990. Robert D. Hinshelwood: Dictionnaire de la pensée kleinienne, Presses Universitaires de France, 580 pages, (1989), 2000. Robert D. Hinshelwood: Le génie clinique de Mélanie Klein, Payot, collection «Désir», 392 pages, (1994), Paris, 2001. Monique Lauret & Jean-Philippe Raynaud: Mélanie Klein (Une pensée vivante), Presses Universitaires de France, 157 pages, Paris, 2008. Jean-Michel Petot: Mélanie Klein (le moi et le bon objet), Dunod, collection «Psychismes», 303 pages, Paris, 1982. Jean-Michel Petot: Mélanie Klein (Premières découvertes et premier système), Dunod, collection «Psychismes», 375 pages, Paris, 1979. Janet Sayers: Les mères de la psychanalyse (Helene Deutsch, Karen Horney, Anna Freud, Mélanie Klein), Presses Universitaires de France, collection «Histoire de la psychanalyse», 312 pages, (1991), Paris, 1995. Hanna Segal: Introduction à l’œuvre de Mélanie Klein, Presses Universitaires de France, Collection «Bibliothèque de psychanalyse», VII + 165 pages, (1964), Paris, 1997. Hanna Segal: Mélanie Klein: développement d’une pensée, Presses Universitaires de France, collection «Bibliothèque de psychanalyse», 173 pages, (1979), Paris, 2000. Vient de paraître: Sabine Parmentier: Comprendre Mélanie Klein, Armand Colin, collection «Lire et comprendre», 228 pages, Paris, 2009. 9