La fermentation des lambics
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La fermentation des lambics
LE PETIT JOURNAL DU BRASSEUR La fermentation des lambics par MARC-H. VAN LAEIl (1) (Suile de lct p. 1434) IV. - Parmi les organismes étrangers à la fermentation alcoo:lique, il faut accorder une attention toute spéciale au Bacillus viscosus, Bruxellensis. Cet organisme, isolé en 1900 par Henri Van Laer, se retrouve avec régularité dans les bières bruxello_ses de fermentation spontanée, Il y produit assez souvent le {(filage)) ou la «double face)) suivant l'époque à laquelle la maladie se déclare. Chose remarquable, la plupart des brasseurs ne redoutent pas le premiel" de ces accidents et estiment même souvent quOune bière qui a subi le filage donnera une «gueuze)) supérieure. Nous aurons l'occas;on de dIscuter un peu plus loin le bien fondé de cette affirmation. Le Baeil/us viscosus bruxellensis est un bâtonnet trapu de 2 à 3 microns de long, à extrémités bien nettes, non arrondies. Il est entouré d'une capsule a/iong'ée souvent étranglée en Son milieu. L'ensemble présente alors l'aspect d'un Di'plococcus ou dé sarcines. Le B. v. b. consomme les sucres en donnant différents acides (lactique, acétique et butyrique). Il attaque aussi les matières azotées et c'est à leurs dépens qu'il produit les substances caractéristiques du filage et de la double face. Cette dernière maladie n'apparaît que si le développement du microbe s'effectue d'une façon très pl1écoce dans un moût encore incomplètement transformé patr les ferments alcooliques, et riche par conséquent en substances nutritives. C'est ce qui se produit lorsque la première fermentation du lambic se fait à trop haute température, le développement du microbe étant favorisé par létlchaleur. 1457 lement en fermentation et ne fait généralement qU~.se couvrir de moisissures. De même, si on expose, dans les caves, des plaques de Pétri de moût gélatiné, on n'y retrouve que des moisissures et quelques bactéries. Par contre le moût prélevé dans les fûts fermente normalement. De ces faits, et de l'habitude des brasseurs bruxellois d'aviner les fûts neufs (c.à-d. de les la:sser en contact quelque temps avec des lies de lambic), les êluteurs concluaient à l'ensemencement par les fûts. Il y a aussi un autre fait qui semble donner, à première vue, raison à cette hypothèse. C'est que les divers fûts d'un même brassin se comportent pendant la fermentation d'une manière extrêmement variable. Voici par exemple les atténuations d'un même moût que j'ai déterminées sur 3 fûts après 10 semaines: A. B. 78 ~{, G8 % C, 4:) /0 Le probième est cependant plus complexe. On peut aujourd'hui expliquer l'insuccès des expériences de H. Van Laer et L. Vanden Huile, par la difficulté que manifestent les organismes caractéristiques du lambic à pousser sur milieu solide, par les conditions de culture des tubes de moût liquide (30°), enfin par le fait que ces échantillons furent prélevés dans les caves et non au bac refroi&ssoir. Il y a d'ailleurs de bonnes ra·isons en faveur de l'hypothèse de l'ensemencement du moût au bac refroidissair. Les expériences faites en pratique par M. Vossen sont particulièrement instructives à cet égard. On peut les résumer de la manière suivante: 1) Un moût al été envoyé sur un bac refroidissoir profond (2 m..65), passé sans repos sur le réfrigérant et entonné ensuite dans des fûts dont on venait de soutirer le lambic fait. ** * Après 3 mois, la fermentation n'avait pas encore Plusieurs mois après, l'atLes. différents ferments dont nous v:enons ténuationcommencé. variait de 8 à 66 % suivant les fûts. de parler Se retrouvent avec r,égularité dans La bière obtenue n'était pas bonne et n'avait les b'ères bruxelloises. Comr:nent s'y introdui- pas le cachet du lambic. sent-ils? La question est encore incomplète2) Un alutre brassin a été pompé sur un bac ment .flucidée. de 95 cm. de profondeur; une partie du moût Dans leur travail de 1891. sur les Bières bruxelloises, H. Van La,er et L. Vanden HuIle fut refroidie dès que sa température eut atteint 60°. La fermentation ne se déclara qu' aattribl'aient aux tonneaux le rôle prépondérant près plusieurs mois et donna des bières de dans l'ensemencement des moûts. Ils avaient mi'luvais :?'oût. const3.té en effet que du moût stérile exposé Le rest~ du moût fut refroidi complètement dans les caves des brasser' es à lambic puis por~ sm le bac puis entonné dans des fûts poissés té à l'incubateur à 30° n'entre qu'exceptionnel~ ou non poissés; au bout de quinze jours tous (i) Annales de la Société de ZymoJogi€l pure et les tonneaux étaient en fermentation et le lambic obtenu fut satisfaisant. appliquée, nO !J. 1458 LE PETIT JOURNAL 3) Des échantillons de moût prélevés dans différentes brasseries, en cuve guilloire, dans des bouteilles soigneusement nettoyées sont tous entrés en fermenta.tion. Certes le fait de ne pas a,voir obtenu de bière convenable en entonnant du moût dans des tonnes renfermant encore des lies n'est pas concluant par lui-même. Beaucoup de brasseurs ont essaiyé déjà d'accélérer ainsi leur fermentation. Ils ont obtenu des résultats fort variables, ce qui n'est pas étonnant si on songe à la vanét,é d'organismes que l'on rencontre dans les lies. Même en opérant avec des levains purifiés on ne peut espérer arriver à réemployer constamment ces levains comme le fait la Brasserie haute ou basse. La fermentation du lambic es.!: produite par trop d'organismes et trop différents par leur propriétés. pour qu'on puisse retrouver dans un vieux lambic une proportion suH:sante des organismes caractéristiques des diverses fermentations qui se combinent POUl; contituer finalement le lambic. Les autres essais sont plus concluants et il y a d'autres raisons encore qui viennent les appuyer. La fabrication du lambic est géographiquement très délimitée au voisinage de Bruxelles. Des essais effectués en dehors de cette région n' oat pas donné de résultats ou des résultats très médiocres, les bières obtenues ne possédant pas le cachet caractéristique du lambic. Il Y8J là une question de répartition géographique d'une espèce de ferment alcoo1ique qui mériterôJitd'être étudiée. Ce qui est plus curieux encore, c'est que la bière de chaque brasserie a une «touche)) particulière et assez èonstante, qui n'est pas celle de sa voisine. Nous avons constaté d'ailleurs que les espèces de Brettanomyces isolées de diverses brasseries présentaient des différences notables. II est trop tôt cependant pour pouvoir affirmer qu'une variété se rencontre avec régularIté da.ns la même brasserie. Un aJUtreargument en fa,,-eur de l'action du bac refroidissoir c'est ia variation que présente la bière suivant la saison à laquelle elle a .5té brassée, suivant aussi les conditions climatériques du jour du brassage (direction du vent, etc.). On observe dans ces cas des différenCes bien nettes. -V oici par exemple les valeurs trouvées pour l'alcool et l'acidité, pour 2 tonnes brassées à des moments différents, et que l'on a suivies pendant toute la fermentation principale. DU BRASSEUR jours._ -17 38 60 !Ji} 109 Alcool grs p. litre Brassin Brassin 9 janvier -12mars 1.692 1.4!J5 2.7607.7.20 3.920 3.583 4.706 4.386 4.700 4.706 Acidité totale grs p.litre janvier mars 0.268 0.318 0.351 0.342 0.400 0.684 0.472 0.873 0.480 1.008 Il est évident que l'ensemencement de ces deux brassins a été différent. On pourrait en accuser les tonnes, dont la fermentation est variable comme nous l'avons vu. C'est cependant peu probable, chaque brassin ayant une caractéristique générale (comme la! tendance à l'acidité, p, ex.), qui ~e mani~este malgré les différences existant d'un fût à l'autre, et qui tendent d'ailleurs à se niveler avec l'âge. Il est beaucoup plus probable que les variations qui existent entre les différents tonneaux d'un même brassin sont attribuables moins aux ferments apportés par les fûts, qu'à ensemencement forcément très irrégulier qui se produit sur le bac et qui différera, suivant chacune des parti.es du bac et leur exposition, suivant aussi la durée du Géiour de la bière sur le bac et la température de coulage de chaque portion du moût. r FermentaHons symbiotiques expérimentales. - Quoi qu'il en soit, on comprend que, dans lesconditions actuelles, la fermentation du lambic est quelque chose d'essentiellement irr'égulier. Suivant r époque de l'a~mée, suile temps, chaque brassin évoluera à sa manière, chaque fût aura sa destinée originale. Aussi, si certa:nes bières se font vite (relativement) d'autres traînent ou durcissent. T out dépend de la,composition qualitative et quantitat~ve de la semence, de la constitution du moût et de la température. n s'établit en réalité entre les divers ferments une série de concurrences vitales pour la possession du milieu. Une espèce prend le pas sur les autres et arrête ou r2lentit leur déyeloppement. Mais du fa't de la fermentation, le m=l;euse modifie et avec lui les conditicns d'équilibre entre les espèce microbiennes. Il est évident que le résultat final de transformations aussi complexes est imprévisible. Le brarsseur est dés'lrmé devant un tel état de choses. Il attend patiemment - quel0uefois cinq ou six ans - que ses bières veu:llent bien se faire. Tout son art consiste dans les coupages à réaliser avant la mise en bouteille, de môJUièreà faire passer les bières peu réussies avec les bonnes et à réaliser un type moyen assez constant. Il n'en serait plus ainsi si l'on parvenait ~ reproduire avec des ferments judicieullemeut LE PETIT JOURNAL choisis, les transformations caractéristiques du laimbic. Le travail pourrait alors être dirigé et le résultat prévu à l'avance, comme pour les' autres fermentations. Il serait possible aussi de hâter notablement la maturation de la biè. Te. Une fermentation complexe comme celle du la:mbic ne peut être assurée avec une seule espèce de le.'ure pure. Si le BrettO'nomyces possède quelques unes des propriétés essentielles d'un ferment du lambic, forte atténuation, production importante d'acides fixes et volatils, les proportions entre ces deux trans~ormations est ne sont pas respectées. Le Bretlanomyces un produCteur d'acide trop énergique. L'examen des phénomènes da;ns les brasseries bruxelloises nous enseigne d'ailleurs que son action est combinée, à celle notamment du Saccharomyces species, du SO'1ccharomyces et même d'autres ferments qui Bruxellellsis <concourentau cachet final de la bière. Ce sont des symbioses de ce genre que nous nous sommes efforcés de r'eproduire expérimentalement. On sait que lorsqu'on met en présence deux races de levures, d'atténuations différentes, l'atténuation obtenue en fin de fermentation correspond à celle que donne en culture pure, la race la plus atténuante. On sait aussi qUe si rune des races donne une ferme"tètationplus lente que l'autre, c'est la première qui règle lai marche du travail. Ces deux faits se sont vérifiés pour les symbioses des levures du lambic et le BrettO'nomy,ces qui se développe lentement ralentit nettement ad ion de la levure qui lui est associée. Voici par exemple, les courbes de fermentations obtenues dans un essai: r TABLEAU "'"' "u)="'~Çqd:. u""- 0 x ..•... ~ t: 'w- ;::. Pl .~ ~~ ~~~ ~_~ ltl·(]J P..,~ œ ui? ~ 5 ~e ë~ ê ~en~~ ><-~ =: (5 a:; ,,....• gj ,,;:... ;::;t p. ." 4 !J 8 (2 t4 40 cQ ,~ ~ Ctt .:Q ~fi 0.350 10.660 21.440 2'2.420 22.810 2.5,040 0.090 0.120 0.200 0.310 0.380 20.700 ><~"O "' 0.360 8.370 18.440 22.160 22.710 25.t.l10 iii ëi !:: Û.380 9.400 20,220 22.360 22.780 2.5.3tîO (,J te .- 0.480 9.960 20.210 22.540 22.970 26.520 Mais ce qui était le plus intéressant à élucider c'était la production d'acide. Quelle sera cette production si les deux levures sont mises en présence dès le début. Sera-t-elle moindre que cene produite pa!Tle BrettO'nomyces seul? 1459' DU BRASSEUR Pourra-t-on la diminuer encore, si on n'enseIUenëï:~le BrettO'nomyces que lorsque la levure principale aura produit une partie de son travail? On a effectué dans ce but l'essai suivant; différents ballons d'un même moût ont été ensemencés, soit avec les levures S. Bruxellensï's et Brettanomyces pures, soit avec ces deux levures ensemble; dans ce dernier cas le BrettO'nomyces a ete , , ensem·ence . , 1°) au d'epart, en 2°) lorsque même temps que S. Bruxdlensis, ce dernier, ensemencé seul au départ, avait atténué déjà le moût à 30 %, 3°, lorsque le S. BruxeUensis avait atteint son atténuation limite. L'analyse des bières obtenues a donné les résultats suivants: Alcool Gay Lussac 4.vO Acidité totale . 2.6 (cc.N/10 p. 10 cc.) 5.01 6.8 4.8:; 3.6 5:00 3.6 ;).06 3.5 On voit que la vie en symbiose a réduit notablement la qlJ.antité d'acide produite par Par contre le moment de le BrettO'nomyces. l'ensemencement de ce dernier a peu d' importance, probablement parce que le développement du Sa;-:;ch. Bruxellen'sis est beaucoup plus rapide, et qu'il effectue à peu près seul les transformations pendant les premiers jours de h fermentation, même en cas d'ensemense· ment simultané. L'essail précédent avait été 'effectué à .lai température du laboratoire. Il est évident qu'en opérant à des températures plus élevées la marche des fermentations sera modifiée. le Brettanomyces travaillant plus rapidement à haute température. V o~ci les irésultats d'un :essai, efEeCtuéà, différentes températures, en ensemençant simultanément, au départ, des levures S. BraxeZlensis et Brettanomyces. Tempera'nrp du lahoratoire(150 env.) Acidité en cc.N/I0 pour 10 cc. 3.6 Alcool Gay-Lussac t1.00 250 8.7 4.t16 35 7.9 4.78 A haute température la production d'acide est plus imnrHtal!1te. et la teneur en alcool évidemment plus faible. Le développement du Brettàt!omyces est accélél"é par l'élévation de température et il prend en conséqnence une 1460 LE PETIT JOURNAL DU BRASSEUR part plus importante aux transformations qui Essais pratiques .. - Pour pouvoir appliquer s'opèrent pendant la fermentation pr:ncipale. ces résultats à la pratique industrielle, il imLa fermentation du lambic ne s'effectue pas portait avant tout de faire un choix judic:eux entièrement en fûts, en contact au moins res- parmi les dif:érentes espèces et variétés de treint avec l'oxygène. Elle se termine en bou- levures et ferments isolés des lambics. teilles, en anaérobiose complète. II était intéCe n'était pas la question la plus facile. ressant de reproduire expérimentalement ce Nous .aVOns déjà eu l'occasion d'insister travail pour vérifier s'il n'amène pas de mo- sur la multiplicité de variétés de ferments que difications dans les résultats obtenus jusqu'ici. que nous avons rencontrées. Si elles se rapOn a donc procédé à l'essai suivant: diHé- prochent assez paa: leurs caractères chimiques, rents ballons du même moût, ont été ense- elles diffèrent profondément les unes des aumencés par des levures principales pures tres par leur bouquet et le caractère de la (Saaz, divers Sa,cch. BruxeZ;ensis et Species), bière qu'eUes produisent. La dégustation de (deux échantillons témoins ont été fermentés bières fabriquées au laboratoire ne peut dondirectement par des levures secondaires pures, ner aucune indicaltion sérieuse à ce sujet. Il Brettan'Omyces. et Logos). Après 15 jours de faut donc faire des essais en brasserie, ce qui fermentation à l'incubateur, les bières fermen- eRt forcément très long sion veut procéder à tées par les levures principales ont été addi- des comparaisons avec le lambic naturel. Il tionnées de BreÜa)Tl'omyces. Un échantillon a faut tenir compte enfin de certains facteurs reçu en plus du VZ·scosus. Toutes les bières ont propres au procédé de fermentation rapide été placées en bouteilles stériles, fermées et employé, et dont le rôle n'apparaissait pas conservées A mois à la température du labora- dans l'ancienne méthode de travail, pour latoire. Seuls les ballons témoins (Brettanomyquelle des défauts momentanés de goût ont -ces et Logos) ont été simplement bouchés à tOUt le temps de s'éliminer au cours de la conl'ouate pour rester au contact de l'air. servation prolongée et des fermentations sucLes résultats d'ana,lyse sont donnés par le cessives qui se reproduisent chaque été. C'est tableau ci-dessous: ainsi que la quantité de levain, le mode de "cc.'">.:::: 0'"0U0E E00.20 ~'"N"66.4 L~ "0.63 ~>." Anaérobiose "Ou 2.02 >. Aérobiose lac0.00 cc. 0.19 3.1'1 Hî3 11.9ti 12.41 4.3ti 1.2.':\ 1.69 1.6D 1.39 67.76 62.7 0.03 0.20 2.10 0.02 10.26 0.04 O.OD 12,.41 10.3;S ...... 70.3 70.0 rÉ;::·~ ~ fixes Pl .~ 1.71 > E ~mlatils proUl<u% Gay-Lussac rejet de la levure, le houblonnage ont une im~ ~~ ~ ts acide de eproduits en acétique aci% cc. portance plus grande que d 'habitude et qu'on ne leur attribuait pas à première vue. Faute de tenir compte de ces différents facteurs, et d'utiliser des levures convenables, nos premiers ess-3.isne furent pas du tout sa-tisfaisants. En fait, ce n'est qUe sept ans a.près le début de ces recherches, que nous pûmes reproduire, par fermentation provoquée par des levains de laboratoire, une bière qui fut réellement du lambic, et qui soumise à la dégustation comparative, avec d'autres bières bruxelloises de diverses fabrications courantesne put en être différenciée par des connaisseurs averti:!. On peut constater de suite que la vie anaéDivers tonneaux fraîchement poissés ont été robie amod:fié profondément le travail du ensemencés, soit de Brettanomyces; pur, soit Brettanomyces. La, dégradation des dextrines a été beaucoup d'un mélange de Brettanomyces et d'une lede fermentation principale. Certains tonplus faible qu'en vie aérobie et la production vure neaux enfin ont été additionnés en outre de d'acides fixes et volatils presque complètement Bacillus viscosu's.. arrêtée. Par contre, en présence du Badllus Les moûts ont été fermentés dans les caves vicosus Bruxellensis, il semble se produire une de la brasserie, à côté et dans les mêmes conassociation qui facilite le travail, permet la consommation des dextrines, et relève évidem- ditions que le restant du brassin. On suivait ment la production d'acide. Il est incontesta- la fermentation par la détermination régulière ble que le ferment visqueux facilite la matu- des atténuations et des acidités. ration de la bière en bouteille. V oici quelques-uns des résultats" obtenus: bIl 00 00 ::: x<U:;:: ,l:i00 ::ê CIJ~(Il u:i 0ëj _lU 00 » LE PETIT - JOURNAL - 73,0 20.6 83 BI'atS. 30 41.2 72.3 30.7 3~ 78.;) 66.7 80.1:î 68.8 16.1 112 '73.1)~ viseosus Atténuations ItU Bruxellensis + Bretjours. jours 81,3 jour:s tanomyces 9 Acidités N/W pour 100 c.e. 1°) Bière naturelle 35 41 2°) Brettanomyces 32,5 62,;) 3°) S. Bruxellensis+ Brettanomyces 32,0 62,0 4°) S. Bruxdlensis + Brettanomyces+ vicosus 32,0 64,'0 HO 120 116 134 123 140 126 147 Dans cet essai la dose de ferment employé a été faible. Les fermentations suivent à peu près la même marche au début. Mais une fois que la bière naturelle a atteint 70 % d'atténuation, elle ne se modifie plus que très lentement; au contraire la bière ensemencée continue à progresser. Elle se clarifie plus rapidement ce qui perment sa mise en bouteille six mois après l'ensemencement. L'essali fut dégusté après deux mois de bouteille. La bière ensemencée était complètement faite, claire, bien qu'elle n'a,it pas été collée, très mousseuse, possédant la mousse épaisse et tenace caractéristique du bon lambic, d'un goût franc, et ayant un cachet et un parfum très fins. Le classement des bières donnait les résultats suivants par ordre de qualité. 1) S. Bruxellensis+ Brattanomyces.+ viscosus'. 2) S: Bruxellens.is+Brettanomyces. La bière naturelle était encore loin d'être faite. La bière faite avec le Brettar.omyces seul était, comme on le prévoyait, trop acide. Essai III. Aciclités c.e. N/fO pour 100 cc. 25 40 70 25 40 70 jours jours jours jours jours j. 60,0 70,8 72,7 43 69 76 1461 DU BRASSEUR continue à_fermenter. C'est certainement cette période de la maturation qui est principalement accélérée par l'ensemencement. On pourrait évidemment objecter à ces essais, qu'effectués à Bruxelles avec du moût refroidi à la manière habituelle, et par conséquent infectés par les organismes caractéristiques du lambic, rien ne prouve que les différences observées soit attribuables aux ferments employés. Nous avons donc effectué le même travail à Gand, avec dUt moût de lambic prélevé à Bruxelles, et stérilisé à Gand. Les résutats ont encore été plus concluants. Essai IV. 13 j. 1°) Bière naturelIe 6,0 20) S. Bruxellensis+ 18,0 Brettanomyces 3°) S. BruxellensiSi+ Brettanomyces + viscoS'Us Atténuations. 28 j. 43 j. 7,3 14,0 67,0 60 j. 68,5 69,5 7{},0 69,1) 61,0 Acidités 1°) 2°) 3°) 2,7 3,0 2,9 3,2 3,1 1),2 5,9 5,0 5,7 9,6 10,;) On voit que la bière naturelle reste com-plètement inactive pendant presque six semaInes. Elle subit à ce moment une infection et son atténuation monte. Mais elle ne possède aucun cachet qui puisse rappeler le lambic. Les autres bières sont au contraire complètement normales. C'est donc bien les ferments employés qu~ sont responsables des transformations caractéristiques. D'autres essais d'ailleurs ont été accomplis en plus grand dans une brasserie de province. Voici les résultats d'un d'entr'eux: départ 72 jours -103 )) légale belge Add. sur 100 œ.. 6.15 29 cc. N/tO 0.98 88 0.86 95 142 )) 0.64 99 DeWI. A ce moment la bière était faite et prête à la mise en bouteille. C'était un excellent lambic. 70,9 74,0 80 48 70 80 D'un autre côté, une brasserie bruxelloise Atténuations. travaille depuis près d'un an en ensemençant Essai III. 7 j. 30 j. 7i j. 168 j. tous ses brassins. Ses fermentations sont exo 08 71,0 71,4 la) Bière naturelle 2"} S. BruxelIensis + trêmement régulières, sa bière se fait plus raBrettanomyces 7,4 67 71,6 70,0 pidement (en 5 à 6 mois) se clarifie vite, a un Ces fermentations effectuées dans deux goût très franc et conserve un type uniforme brasseries différentes avec des quantités de le~ sans pI'ésenter ses variations infinies de tonvures plus importantes donnent un départ plus ne à tonne que l'on rencontrait autrefois. La régularité des résultats obtenus sur de l'apide des tonneaux ensemencés: On' constate encore une fois que la bière naturelle ne pro- multiples brassins, effectués tant à Bruxelles gresse que très lentemèntau delà de 70 % qu'en province permettent donc d'écarter abd'atténuatTon~ tandis que la bière ensemencée solument toute intervention d'un ensemence!o~ Bière naturelle 2°)S.Bruxellensis + Brettanomyces l 1462 LE PETIT JOURNAL DU BRASSEUR taine vitesse. La fabrication du lambic doit suivre son qours et ;ne s1era jamais 'rapide. Mais pouvoir diminuer la durée de fermentation d'un an et demi à deux ans constitue certainement un avantage sérieux. Il y a peu d'intérêt à vouloir trop accélérer la fermentation principale, en employant par exemple un excès de levure. D'abord parce qu'il faut dans ce cas dégorger la levure, comme en fermentation haute, sous peine d'altérer le cachet de la bière. Ensuite parce que la durée de la fermentation principale est déterminée avant tout, non pas tant par les transformations chimiques qui s'y produisent, que par le temps nécessaire à la clarification des biè. <es. Il est néceseaire,' nous l'avons vu, que le Bretlanomyces agisse au cours de cette fermentation principale. L'anaérobiose ne lui convient pas. Or cette levure produit dans la bière un trouble persistant, quï prend très mal la colle: Il faut le laisser se déposer naturellement Les différentes yariébés de Brettanomyces présentent heureusement à cet égard des différences appréèiables et on peut raccourcir <la fermentation principale en sélectionnant sa le~ u '" .!l 'ur '" .. vure avec soin. Il n'en reste pas moins que •- U c " u '" C u _ c c'est le temps nécessaire à cette clarifièation :::.0 ~ ~ u c qui détermine la duree du travail. Pour la mê. ë ';; 1lE u ~~ u~ Ine rêJÎson, il ne nous paraît pàs utile de fermenter dans des tonneaux de trop grande 1:0043 1.0040 1.0043 1.006 :LP;,iisité 1. 0577 capacité, dans lequel le dépôt est toujours plus 92.5 92.5 89.4 93.3 Attélluation 6.86 lent à se former. 6.1 6.4 7.26 Alcool Oay Lussac ·:5iicres réducteurs en La réalisation pratique de c~s fermentations 0.595 0.404 0.466 0.706 mallose % cc. 12.440 symbiotiquesprésente,croyon$-nous, un inté0.661 0.805 0.665 0:737 Matières azotées % cc. 5.960 rêt général. On a trop .sous~stimé le parti que )\.cldité fixe en acide 1.130 1.008 1..080 1.260 lactique % cc. 0..261 nous pôuvons tirer de semblables phénomènes_. Acidité volatile en acidé Il est certain que l'introduction des levures 0:312 0.364 0.288 0.216 . acétique % cc. pures, dans la pratique indüstrielle, nous en 3.2 3.2 3.2 3.2 ,.P..H. 5.24 a détourné. Pourtant on ne peut pas considérercette innovation comme le- couronnement *** d'un édifice désormais immuable. Au contraiDe l'expérience acquise jusqu'à présent par re. Cette méthode a rendu au brasseur des la pratique du procédé nous pouvons tirer quel- services signalés, en lui permettant de travailquesconclusions. ler d'un façon régulière, en diminuant les danLa fermentation du lambic par enseme~gers d'infection. Mais la;levure de race unique, :ment présente évidemment l'avantage d'éli. la levure à fins multiples, qui doit à elle seule miner toutes' les fermentations parasites, de accomplir tout le travail, manque en général mieux gouverner par conséquent le travail, de de caractère; son introduction a eu comme fournir des bières plus régulières et franches résultat de niveler le cachet de lai bière. Cela de goût. Elle permet aussi de fabriquer plus a peu d'importance pour la brasserie basse .rapidement. Il ressort pourtant des essais faits qui s'est industrialisée et pour laquelle Je hou': jùsqu'à ce jour, que ce bénéfice se manifeste blon joue le rôle principal d'aromate. Cela' en principalement au cours de la fermentation se- a davantage pour les bières hautes, et aussi condaire. pour toutes les boissons fermentées de luxe, .Il n'est pas possible, sous peine de modifier dont le bouquet constitue toute la ~aleur. Il ~e caractère de la bière, de dépasser une cer~ est certain que dans ce domair.e, la réalisation .ment naturel sur le bac refroidissoir. Ce sont obien les levains employés qui déterminent la fermentation et qui permeUent d'obtenir un ·.véritable lambic .. Que deviennent ces bières, au cours de leur conservation en boutèilles ? Les bières en.semencées simplement de S. Bruxellensis et de Brettanomyces, acquièrent très vite leur caractère définitif.· Elles sont n:èttement plus parfu~ mées et plus franches de goût que lès bières naturelles, .étant complètement dépourvues de .èe vague raient de moisissures qui est attribuable au Brettanomyces LambiCus, et que r on retrouve, nous l'avons vu; en plus ou moins notable quantité dans toutes les bières natu<reUes.Les bières additionnées de viscosus nOl:S .semblent à la dégustation encore supérieu. :res, mais elles moussent moins vite et traver-versent en bouteilles une courte phase de vis..,cosité, qui disparaît rapidement sans laisser de double face. Après 8 mois de bouteille, on a .analysé les bières provenant de l'essai 1 men· tionné précédemment: les résultats obtenus Jurent les suivants: tU '" :>, ~- <Ji~ <Ji LE PETIT JOURNAL des symbioses de races de ferments purs, la substitution de l'ensemencement de ces levures composées à l'ensemencement naturel, est susceptible de rendre encore à l'industrie d'inappréciables services. BIBLIOGRAPHIE:. H. HULLE et H. VAN LAER. ~ Acad. Rov. Sciences. Belg., 1891, vo,l. 4~, p. 1. " YAN LAER. ~ Ann. Inst. Pas,lenr, 1900, p. 82. H. KUFFERUH. L. VANDEN ~ Compte rendu tion Belge), 1920, p. 18ts. H. KUFFERATH et M. VAN LAER. Belg., 1921, p. 270. H. KUFFERATH. nO 6. M. M. ~ Chimie Gand, Gand, ~ 1924, p. 303. Bulletin Anciens 1923, p. 71. ~ (sec- Bwll. Soc. Chim. et Industrie, VAN LAER. ~ Petit Journal HELIN. ~ Bu:lle:tin A.nciens A. VOSSEN. soc. Biologie 192:), vol. 13, du Brasseur, 1926, Inst. pe'rmentœtions Inst. Fermentaitions .. Jurisprudence française Le fonds de commerce de marchand de bière en gros du brasseur Le numéro du 23 novembre 1928 du Petit Journal du Brasseur a publié les termes d'nn arrêt de la Ire Chambre de la Cour d'appel de Douai déboutant un brasseur de sa prétention de bénéficier de lai loi du 30 juin 1926 pour le renouvellement de son bail, au titre de locataire pri'ncipal (fun !local plus spécialement à usage de débit de boissons. A la' suite du texte de oet alrrêt, venait une critique de celui-ci, se réSUffiaintà ceci: si la Cour a mieux saisi et résumé le point de vue du brasseur, marchand de bière en gros, que celui-ci ne l'a exposé lui-même, elle a eu tort, pour le débouter, de dire que l'interprétation qu'elle donnait de la loi répondait aux vues explicites du iégislateur; - qu'il est impossible qu'il y ait deux fonds de commerce dist:ncts dans le même local, alors surtout que de tels fonds sont contradictoires et partant d'une assiette impossible dans ce même local; ~. en outre, que ce local fait partie intégrante du seul fonds ('le commerce du débitant. J'ai répondu à' cette argumentation, d'une part en démontrant qu'il existe réellement et norma~ement deux fonds de commerce superposés dans le même local, comme il y a aussi deux locations superposées, mais souvent inégales en importance, soit du chef de l'origine généralement antérieure du bail principal, soit du chef d'une plus longue durée de celui-ci, DU BRASSEUR 1463 situatÏo:ns consadrées [par une [ongue expérience, et d'autre part en précisant que le brasseur, s'il est industriel (tandis que le débitant est commerçant), étant marchand et brasseur, est marchand de bière en gros dans le local débitant ses bières, et à ce titre il a droit au renouvellement du bail, qui a créé un lien de dro:t direct entre lui et le propriétaire de l'immeuble, le seul lien de droit que celui-ci connaIsse. Mais voici les termes d'un jugement rendu par le Tribunal civil de Valenc:ennes, deux jours après l'arrêt de Douai. Dans la circonstance, le brasseur intéressé a soutenu un procès auquel il semblera à chacun qu'il avaIt d'abord renoncé, en abandonnant ses droits, puis il conduisit ce procès d'une manière si pitoyable que j'estime nécessaire, vu la critique qui Vél! suivre, de supprimer les noms de tous les intéressés. Pour l'intelligence du texte du jugement, le propriétaire sera M. Lebailleur, le brasseur marchand de bière en gros M. Marchand-Gros, et le sous-locataire débitant M. Détaillant. Tribun.al Civil de Valenciennes Audience du 19 o'ctobre 1928 Après, avfoir entendu à l'audience publique du 12 octobre les av,oués et! avocats des parties en leurs conclusions elt pLlidoiries respectives; Ouï le Ministère puhlic aussi en ses conclusions, et après avoir délibéré conformément à la loi : Attendu que, suivant bail en date du 9 juin 1912, M. Lebailleur, propriétaire d'un immeuble à usage d'estaminet et de ;salon de coiffure sis à D., a loué cet immeuble à Marchand-Gros brasseur au dit lieu. lequel par act.e du 10 février' 1913 a sous-loué cet immeuble à Détaillant, déhitant et coiffeur à D. Attendu que les baux du locataire principal et du sous-locataire étant expirés, Détaillant a adressé à Marchand-Gros une demande ·de renouvellement de bail que ce dernier a fait parvenir à Lebailleur; Attendu qu'en raison du désaccord des parties sur le prix du bail dont le renouvellement a été consenti par Lebailleur, désaccord constaté à l'audience du 7 Octobre 1927, il Y a lieu à désignatiÎon des arbitres prévus par l'art. 3 de la loi du 30 juin 192'; Attendu que LebailIeur a désigné son arbitre, le sieur X., architecte, à D. mais que Marchand-Gros et Détaillant ne se sont pas mis d'accord sur la désignajtion d~ l'au~re arbitre,! Détlaillant prétendant d'ailIeul's avoir seul le droit de désigner cet arbitre; Attendu que le Tribunal est appelé à tranchcr cette contestation en décidant à qui Marchand'-Gros ou Détaillant appartient le droit de désigner le oit arbitre, Lebailleur déclarant qu'en Ce qui le concerne, il s'en rapporte à la Justice sur la désigllatio!l à intiervenir; Attendu que : si en principe le droit au renouvellement du bail, et par conséquent à désignation de l'arbitre, en cas de contestation sur le prix du re6