Sous le soleil Romanès
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Sous le soleil Romanès
Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr Sous le soleil Romane?s Date : 5 janvier 2016 1/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr Installé depuis le mois de juin dans le XVIème arrondissement de Paris, le Cirque Romanès se produit tous les week-end dans La lune tsigane brille plus que le soleil, son nouveau spectacle. A cette occasion, nous avons rencontré Délia et Alexandre Romanès, les directeurs du cirque, pour qu’ils nous parlent de leur quotidien, de leur vie, de leur passion pour le spectacle vivant. Pour écouter l’article… En arrivant à proximité du square Parodi, seul le toit rouge du chapiteau nous indique la présence d’un cirque. Des caches vues dissimulent les caravanes peintes en vert de la troupe. Un saxophoniste qui passe avec son instrument s’arrête et oriente le visiteur à travers le camp. Alexandre, le patriarche 2/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr L’entretien commence avec Alexandre Romanès dans la caravane destinée à la préparation et à la prise des repas. En ce matin de décembre, le chauffage d’appoint tourne à plein régime et tous viennent chacun leur tour pour engloutir un gobelet de café brulant. Alexandre a une voix posée, sa poignée de main est franche, il est calme, semble serein. On vient le consulter régulièrement pour lui demander son aval : « Faut-il remplir le groupe électrogène ? » « Est-ce que je dois aller chercher du gasoil ? » « Est-ce que je prends le Citroën ? » Ca fait 20 ans qu’il est à la tête du cirque Romanès, des hivers rudes, il en a connu ! Son nom, Alexandre se l’est approprié : « Romanès, c’est un nom de guerre, mais je le trouvais joli et je ne voulais pas garder mon nom qui est associé à la famille qui a un grand cirque », déclare-t-il sans jamais le prononcer. Selon lui, « le cirque ne fait pas partie de la culture tsigane. Les tsiganes, quand ils s’installaient quelque part, un des moyens de gagner de l’argent, c’était de faire des petits spectacles de danse et de musique sur les places des villages. Puis sont arrivés les montreurs d’ours. » Avant de devenir « le cirque le plus poétique », le cirque Romanès est parti d’un projet partagé avec un de ses amis, le poète Jean Genet. « Notre idée de départ, c’était de se sauver et de 3/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr réussir à manger ! A l’époque, lors du premier spectacle, il n’y avait que trois musiciens. Délia chantait. On avait un clown qui faisait du jonglage, un numéro de trapèze avec un chat, et moi je mettais ma tête dans la gueule… d’une chèvre ! » Aujourd’hui, le spectacle a bien changé, la famille s’est agrandie et il peut y avoir jusqu’à 30 personnes qui se succèdent au son de six musiciens. « Enfin parfois, s’il y a un mariage quelque part, ils s’en vont tous ! Et on se retrouve à huit… explique-t-il un peu agacé. C’est comme ça, ça fait partie de l’esprit tsigane, la liberté. » Le cirque Romanès, c’est 20 salariés mais c’est surtout un couple, celui qu’Alexandre forme avec Délia, son épouse. Délia, l’enthousiaste La longue robe colorée de Délia remplace le pantalon gris d’Alexandre à la table de la cuisine communautaire de la troupe. Le style est différent : de la fougue, des grands sourires que ses dents en or illuminent, des éclats de voix qui résonnent et des mégots de cigarettes qui s’empilent dans le cendrier. Une constante, les gobelets en plastique qu’un café épais noircit se succèdent. 4/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr Délia a quitté la Roumanie à l’âge de 15 ans pour fuir le régime de Ceausescu. « Il y avait une haine très forte à notre égard. J’ai vendu mes bijoux, et je suis partie seule avec des passeurs, raconte-t-elle. J’ai traversé le Danube à la nage puis j’ai rejoins Lausanne, puis la Belgique en passant par l’Allemagne pour arriver en France. » Délia est alors accueillie par des Tsiganes qui font la manche. Délia, quant à elle, préfère chanter sur les Champs Elysées. « Je vivais dans un énorme bidonville à Nanterre, il y avait environ 3000 caravanes. Un jour, alors que j’avais un jerrican à la main pour aller chercher de l’eau, Alexandre s’est arrêté avec sa voiture et c’est comme ça que le cirque est né : avec des bouts de ficelles mais une âme. » Selon elle, les Tsiganes sont le peuple le plus pacifique parce qu’ils n’ont jamais participé aux guerres. « Ce qui fait peur aux Français, c’est notre esprit de liberté, notre mobilité. Ils nous envient ! » Pour Délia, la culture tsigane, c’est la joie, l’amour et le partage, des valeurs qui résistent à tous les siècles : « Nous sommes des guérisseurs d’âme et Dieu est très présent dans nos vies. Les notions de famille et de solidarité jalonnent nos vies. » 5/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr 6/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr Le nouveau défi de Délia se nomme Tchiriclif, l’oiseau en langue tsigane. « Depuis près de deux ans, je porte ce projet qui me tient à cœur ; avec ce Centre International Artistique Tsigane et Gitan, je veux créer un pont entre les cultures gitane et Tsigane, et toutes les autres. C’est un projet unique au monde, » déclare Délia avec fierté. (Voir notre article http://www.depechestsiganes.fr/tchiriclif-premier-centre-artistique-tsigane-en-france-accueilleles-kesaj-tchave-en-mars-a-paris/ ) « Pour le seul mois de décembre on a reçu Amador Rojas, un des plus grands danseurs flamenco du monde et Philippe Calvario, le metteur en scène de Shakespeare in the wood. » Dégradations, vols et menaces Si tout semble tourner autour de la fête, de la joie et du vivre ensemble, Délia et Alexandre restent sur leurs gardes. « C’est le 7ème ou le 8ème emplacement parisien que l’on occupe depuis les débuts du cirque Romanès, mais on n’a jamais vu ça », lance soudainement Alexandre. En effet, depuis la fin août, le camp est la cible de deux associations du quartier qui multiplient les recours en justice pour les déloger et de « bandes de loubards » qui souhaitent les voir partir quitte à passer par la violence : « Ils nous ont arraché notre branchement électrique, détruit notre borne internet et cassé plusieurs fenêtres de caravanes… » Mais les Romanès se refusent pour le moment à porter plainte : « Ce n’est pas dans notre culture, ajoute Alexandre, on traite le moins possible avec les Porale » (mot à la double signification : police et diable, ndlr). « En plus des dégradations, on nous a volé des instruments de musique et les robes des danseuses pour le spectacle, explique Délia qui ajoute avec beaucoup de fierté et un sourire quelque peu revanchard : Mes filles, qui ne sont pas couturières, sont parvenues à confectionner de nouvelles robes pour le spectacle suivant. Elles étaient encore plus belles que celles qu’ils nous avaient dérobées ! » Jean-Baptiste Verwaerde Une pétition est actuellement en ligne pour soutenir le cirque Romanès : https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/121015/plusde-12-000-signataires-pour-soutenir-le-cirque-tzigane-romanes La Lune tsigane brille plus fort que le soleil 7/8 Dépêches tsiganes Informations et documents : Gens du voyage, R(r)oms, Habitants de résidences mobiles ou éphémères http://www.depechestsiganes.fr Un spectacle émouvant, au rythme haletant, où la quête absolue de performance laisse place à la douceur et à la poésie. Square Parodi (Métro Porte Maillot). Horaires et réservations : http://www.cirqueromanes.com/ ou au 01 40 09 24 20/06 99 19 49 59 8/8 Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)