politiques et pratiques de mobilité interne des cadres

Transcription

politiques et pratiques de mobilité interne des cadres
LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE
– POLITIQUES ET
PRATIQUES DE MOBILITÉ
INTERNE DES CADRES
DANS LES ENTREPRISES –
2013-46
N°
JUIN 2013
– Les perceptions de la mobilité
interne dans les entreprises
– Les leviers et les freins au
développement de la mobilité
interne
– Typologie d’entreprises et de
politiques RH
–LES ÉTUDES
DE L’EMPLOI CADRE
DE L’APEC–
Observatoire du marché de l’emploi cadre, l’Apec analyse et anticipe
les évolutions dans un programme annuel d’études et de veille :
grandes enquêtes annuelles (recrutements, salaires, métiers et mobilité
professionnelle des cadres, insertion professionnelle des jeunes diplômés…)
et études spécifiques sur des thématiques clés auprès des jeunes
de l’enseignement supérieur, des cadres et des entreprises.
Le département Études et Recherche de l’Apec et sa quarantaine
de collaborateurs animent cet observatoire.
Toutes les études de l’Apec sont disponibles gratuitement
sur le site www.cadres.apec.fr > rubrique Marché de l’emploi
© Apec, 2013
Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Association
Pour l’Emploi des Cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901,
et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre
collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.
L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les
partenaires sociaux (MEDEF, CFDT Cadres, CFE-CGC, FO-Cadres,
UGICA-CFTC, UGICT-CGT).
Toute reproduction totale ou partielle par quelque procédé
que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec,
est strictement interdite et constituerait une contrefaçon
(article L122-4 et L335-2 du code de la Propriété intellectuelle).
02 Contexte et objectifs
02
Principaux enseignements
04Méthodologie
1
– SOMMAIRE –
–
PERCEPTIONS ET CONCEPTIONS DES POLITIQUES
DE MOBILITÉ INTERNE DANS LES ENTREPRISES
–
06 07
10
11
La mobilité interne fait l’objet d’une représentation consensuelle
Les différents visages de la mobilité interne
Mobilité programmée à long terme vs mobilité pensée à court terme
Mobilité interne : vœu du cadre ou mobilité imposée ?
2
–
LA MOBILITÉ INTERNE CONCURRENCÉE PAR
LE RECRUTEMENT EXTERNE
–
14 L e recrutement externe : un recours lorsque les ressources internes ne
répondent pas aux exigences du poste
15Le recrutement externe peut être privilégié en dépit de profils adaptés en interne
3
–
LES RÉALITÉS DE LA MOBILITÉ INTERNE : LEVIERS
ET FREINS
–
18 18
21
22
La taille et la structure de l’entreprise
La culture d’entreprise
L’influence de la conjoncture
Le comportement des jeunes générations de cadres
4
–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
–
24 26 32
Présentation de la typologie
Les entreprises où la politique de mobilité interne est « réactive »
Les entreprises où la politique de mobilité interne est « stratégique »
5
–
LES OUTILS ASSOCIÉS À LA MOBILITÉ INTERNE
–
42 Bourses d’emploi, entretiens annuels : des outils relevant de « la norme »
mais des réalités contrastées
42
Des outils de gestion prévisionnelle des emplois
43
Des outils axés sur la communication
44
Les outils post-mobilité : encore peu diffusés
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
1
CONTEXTE, OBJECTIFS, MÉTHODOLOGIE ET ENSEIGNEMENTS
– CONTEXTE ET OBJECTIFS –
Dans le cadre de son observatoire de l’emploi cadre
et de son programme d’études, l’Apec étudie chaque
année la problématique de la mobilité interne en
interrogeant des cadres du secteur privé sur leur(s)
mobilité(s) professionnelle(s) et leurs intentions de
mobilité. Ainsi, selon l’étude Panorama des mobilités
professionnelles des cadres, environ un cadre sur cinq
effectue chaque année une mobilité interne.
Parmi les enseignements de cette étude, il faut rappeler que :
• Ces mobilités internes s’apparentent soit à un changement de poste, soit à un autre changement tel
qu’un changement de service ou de département, un
changement d’établissement ou encore une évolution
du contenu de poste « en grande partie ».
• Celles-ci peuvent être souhaitées et initiées par le
cadre ou au contraire décidées par l’entreprise : plus
d’un tiers des changements de poste effectués au
cours de l’année 2012 ont été imposés par l’entreprise.
• Elles sont plus ou moins bénéfiques pour le cadre
selon les circonstances du changement. Les cadres,
à l’initiative de leur mobilité, sont ainsi plus fréquemment concernés par une promotion hiérar-
chique, un élargissement du périmètre de leurs responsabilités ou encore par une augmentation de
leur rémunération.
Afin de mieux comprendre et détailler ces informations, le choix a été fait de s’intéresser à la vision des
entreprises.
Dans un contexte où les organisations et les métiers
évoluent, la mobilité interne est un enjeu important
pour les directions d’entreprise afin d’accompagner
le développement des compétences en adéquation
avec celui des activités.
Mais qu’en est-il réellement aujourd’hui dans les entreprises ?
L’objectif de cette étude est de réaliser un état des
lieux des politiques et pratiques de la mobilité interne
dans les entreprises et plus précisément sur :
• Les enjeux de la mobilité interne pour les entreprises ;
• Les différentes formes de mobilité existantes ;
• Les politiques de mobilité interne mises en place ;
• Les acteurs de la mobilité interne ;
• Les outils développés et utilisés par les entreprises. l
– PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS –
Les mobilités internes peuvent prendre différentes
formes. Elles sont verticales, lorsqu’il s’agit de changements impliquant une promotion interne, ou bien
horizontales si ces changements s’effectuent à un
même niveau hiérarchique. Les mobilités horizontales sont de plusieurs types : les mobilités vers un
métier proche (changement dans le contenu du
poste, ou changement d’environnement) et les mobilités vers un métier différent qui s’apparentent ainsi
à une reconversion professionnelle.
les entreprises peut être extrêmement variée d’une
entreprise à une autre.
Dans son acceptation la plus générale, le principe de
la mobilité interne, fait l’objet d’un discours plutôt
consensuel de la part des responsables des ressources
humaines (RRH) rencontrés. La mobilité est plébiscitée
par la grande majorité des entreprises car jugée a priori
bénéfique tant pour les cadres que pour les entreprises.
La mise en œuvre d’une politique de mobilité interne,
à plus ou moins long terme, dépend de plusieurs
facteurs et notamment de :
• La taille et la structure de l’entreprise : plus elle
est grande, plus les opportunités pour les cadres de
changer de poste sont nombreuses.
• La culture d’entreprise : elle peut être un moteur
ou un frein puisqu’elle a un impact sur les représentations qu’ont les différents acteurs concernés (RRH,
Toutefois, si l’intérêt de la mobilité interne est largement reconnu par les RRH, sa mise en œuvre dans
2
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
La posture adoptée par les entreprises diffère selon
qu’elles appréhendent la mobilité interne sur le court
ou le long terme. La mobilité interne peut, en effet, être
mise en place pour répondre à un besoin immédiat de
l’entreprise (création ou vacance de poste), ou elle peut
être anticipée afin de gérer au mieux les emplois et
construire des parcours professionnels en interne.
managers, cadres) de la mobilité interne. Pour qu’une
politique de mobilité puisse se développer, celle-ci doit
être portée par l’entreprise et intégrée par les différents
acteurs. La représentation a priori négative de la mobilité par l’un de ces acteurs peut être un obstacle majeur. Sans une culture de la transversalité, la mobilité
interne est un processus plus compliqué, voire impossible à mettre en œuvre pour certains RRH.
Ces différents éléments influent lors de l’arbitrage
entre mobilité interne et recrutement externe.
Lorsque les RRH cherchent à pourvoir un poste (en
dépit du consensus sur l’intérêt de la mobilité interne), il n’est pas rare de voir leur choix se porter finalement sur le recrutement externe. C’est le cas lorsque
les ressources internes ne permettent pas de répondre
aux exigences du poste ou quand l’entreprise préfère
opter pour un mode de recrutement qu’elle estime
moins pénalisant ou perturbant pour l’organisation.
Les représentations des RRH et la description des
motivations et des dispositifs de mobilité interne permettent de dessiner une typologie d’entreprises,
comprenant quatre profils différents. Les deux premiers profils d’entreprises présentent une politique de
mobilité dite « réactive » et gérée à court terme. Les
deux autres profils disposent d’une politique de mobilité « stratégique » programmée à long terme.
Les entreprises ayant une politique de mobilité
« réactive » (profils 1 et 2) ont plusieurs points
communs :
• La mobilité n’est pas un enjeu. Elle est mise en
place lorsqu’il y a un besoin immédiat.
• Le cadre doit être moteur de son évolution et de
son parcours au sein de l’entreprise.
Les entreprises du profil 1 (PME ou grandes entreprises
« familiales ») sont caractérisées par une culture défavorable à la mobilité : les transversalités entre métiers et
services semblent très compliquées à développer. La
mobilité doit être « un vœu du cadre », ce discours des
RRH permettant de justifier l’absence de démarche.
Les entreprises du profil 2 (entreprises jeunes, en
forte croissance) n’ont pas non plus de politique de
mobilité active, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a
pas de mobilité interne. Les RRH ne sont pas opposés
au principe de mobilité, mais considèrent que c’est
au cadre de prendre sa carrière « en main ». Les ressources humaines se positionnent alors comme des
prestataires de services dans l’entreprise.
Les entreprises ayant une politique de mobilité « stratégique » (profils 3 et 4) mettent en place des mobilités pour répondre à un besoin d’optimisation des
ressources :
• Ces mobilités ne répondent pas nécessairement à
un souhait du cadre.
• Les RRH ont un rôle de chef d’orchestre de la
mobilité et développent une gestion prévisionnelle
des emplois.
Pour les entreprises du profil 3 (entreprises qui
connaissent des évolutions technologiques), la mobilité interne est pensée pour fidéliser les cadres porteurs de savoirs et de savoir-faire spécifiques, assurer
la transmission de ces savoirs dans l’entreprise et
anticiper les emplois.
Pour les entreprises du profil 4 (grandes entreprises), la mobilité interne permet de s’adapter aux
problématiques de générations, aux changements
de stratégies de l’entreprise ou à d’éventuelles restructurations.
La distinction entre ces entreprises aux politiques
réactives ou proactives devient particulièrement objective et concrète lorsqu’on étudie les outils dont
elles disposent pour promouvoir et développer la
mobilité interne. Les entreprises « réactives » disposent de peu d’outils. La plupart se contentent de
diffuser les offres d’emploi en interne. En revanche,
les entreprises pour lesquelles la mobilité s’intègre au
modèle de croissance de l’entreprise, développent
généralement des outils de gestion de la mobilité
(exemple : les revues de personnels, les plans de succession…) ainsi que des outils de communication pour
inciter les cadres à changer de poste (exemple : forums sur les métiers de l’entreprise).
Au final, une politique de mobilité interne ne peut
se développer et s’inscrire dans une stratégie d’entreprise que lorsqu’elle est co-construite par les
trois acteurs.
Cela impose pour :
• Les RRH, d’être investis dans le développement et
la promotion de la mobilité interne de leur entreprise ;
• Les managers et les RRH, de collaborer ensemble
sur les projets de mobilité;
• Les cadres, d’être informés des bénéfices de la mobilité et des possibilités offertes par leurs entreprises. l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
3
CONTEXTE, OBJECTIFS, MÉTHODOLOGIE ET ENSEIGNEMENTS
– MÉTHODOLOGIE –
Cette étude est basée sur l’exploitation et l’analyse
d’une enquête qualitative auprès de responsables des
ressources humaines (ou du développement des ressources humaines) d’entreprises du secteur privé.
Les entreprises ont été sélectionnées de façon à assurer une diversité de représentations en termes de
tailles d’entreprise et de secteurs d’activité.
30 entretiens individuels ont été réalisés en face à
face et in situ. Le terrain d’enquête s’est déroulé entre
le 21 janvier 2013 et le 8 février 2013. L’animation de
ces entretiens et leur analyse ont été confiées à l’institut Sorgem. l
– Tableau 1 –
Structure de l’échantillon
Répartition du nombre d’interviews par taille d’entreprise
50 à 250 salariés
5
250 à 500 salariés
5
500 à 1 000 salariés
10
1 000 salariés et plus
10
Répartition du nombre d’interviews par secteur d’activité
Industrie
10
Services
15
Commerce
5
Répartition du nombre d’interviews par région
4
Île-de-France
15
Rhône-Alpes
5
Nord
5
Centre
5
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
–1–
– PERCEPTIONS
ET CONCEPTIONS
DES POLITIQUES
DE MOBILITÉ
INTERNE DANS
LES ENTREPRISES –
06 07
10
11
La mobilité interne fait l’objet d’une représentation consensuelle
Les différents visages de la mobilité interne
Mobilité programmée à long terme vs mobilité pensée à court terme
Mobilité interne : vœu du cadre ou mobilité imposée ?
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
5
–1–
PERCEPTIONS ET CONCEPTIONS DES POLITIQUES DE MOBILITÉ INTERNE
– L A MOBILITÉ INTERNE FAIT L’OBJET D’UNE
REPRÉSENTATION CONSENSUELLE –
La mobilité interne est une cause entendue par la grande majorité des Responsables des
ressources humaines (RRH) interviewés. Le discours tenu est celui d’une mobilité interne
décrite comme un dispositif « gagnant/gagnant », à la fois pour le cadre et pour l’entreprise.
Les RRH estiment que la mobilité interne est un facteur de motivation pour les cadres, et
qu’elle favorise leur employabilité et leur « bien-être ».
La mobilité interne est également considérée comme une source de bénéfices pour l’entreprise :
fidélisation des cadres, adaptation à l’entreprise, transversalité et valorisation de l’image de
l’entreprise sont les principaux arguments avancés.
–
LA MOTIVATION FAVORISE LA
FIDÉLISATION DES CADRES
–
Selon les RRH, la mobilité interne permet aux entreprises de garder leurs cadres motivés et de les fidéliser
car elle offre de nombreux avantages aux cadres
concernés. Elle leur permet d’accroître leurs compétences, de varier le contenu de leurs missions, ce qui
engendre davantage d’implication dans le travail et
de satisfaction grâce à l’élargissement de leurs possibilités de carrière.
« C’est vraiment important la mobilité interne pour
l’entreprise. On a des salariés plus impliqués, qui se
donnent plus à l’entreprise » (Directeur des ressources
humaines, 370 salariés, services, Île-de-France)
« C’est vraiment plus simple et plus rapide. La personne connaît l’entreprise, les façons de faire, la
culture d’entreprise. L’adaptation se fait mieux et plus
rapidement, c’est évident. » (Responsable du recrutement restauration et tourisme, 260 salariés, commerce, Île-de-France)
« Le poste ne reste pas vacant longtemps. En plus, cela
permet de connaître le candidat. On connaît ses compétences, ses axes de progrès. On peut établir un plan
d’actions en magasin très vite. Il connaît les façons de
travailler de la société et on le maintient à flot en termes
de motivation. » (Responsable du recrutement et gestion
du personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
« La mobilité est nécessaire, les collaborateurs ont
besoin de changement. C’est important pour que le
travail ne soit pas remis en cause. C’est important
d’avoir des perspectives différentes, de continuer à
apprendre. » (RRH, 230 salariés, distribution, Île-deFrance)
Ce dispositif interne permet à l’entreprise de créer des
synergies entre ses différents services, de développer
la transversalité et de détecter les salariés à potentiel.
–
LA CONNAISSANCE DE L’ENTREPRISE
FACILITE L’ADAPTATION
–
« Ça donne l’image positive d’une entreprise qui offre
des parcours professionnels. Ça peut donner envie à
des jeunes diplômés ou autres de venir chez nous. »
(Responsable du développement RH, 1 300 salariés,
industrie, Île-de-France)
Recruter un cadre en interne permet à l’entreprise de
choisir un collaborateur dont elle connaît déjà les compétences, ce qui représente un moindre risque que d’opter pour le recrutement d’un cadre en externe. En outre,
le collaborateur a déjà intégré la culture d’entreprise au
6
cours de son poste précédent, ce qui permet une adaptation plus rapide sur le poste nouvellement intégré.
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
Enfin, la mobilité est considérée par certains RRH
comme un élément d’image valorisant pour l’entreprise à destination de futures recrues.
Ces différents éléments sont évoqués spontanément par
les RRH lors de leurs premiers commentaires sur la mobilité interne. Toutefois, derrière ce discours commun la
mobilité interne recouvre des réalités multiples. l
– LES DIFFÉRENTS VISAGES DE LA MOBILITÉ INTERNE –
–
LA MOBILITÉ ASCENDANTE OU VERTICALE
–
Ce type de mobilité s’entend pour les changements de
postes assimilés à une promotion hiérarchique. Il s’agit
de la manière la plus traditionnelle et la plus souvent
attendue par les cadres pour évoluer au sein d’une
organisation : grimper les échelons afin de bénéficier
d’un accroissement des responsabilités, d’une reconnaissance de sa hiérarchie et d’une augmentation salariale.
« Changer de poste chez nous, c’est évoluer de manière
hiérarchique. À partir du moment où quelqu’un met
les pieds dans la société, le but c’est d’évoluer… Je vais
l’aider à atteindre cet objectif. » (Responsable recrutement, 800 salariés, industrie, Nord)
« La mobilité interne, c’est synonyme de promotion. »
(Chargé de gestion RH, 60 salariés, services, Centre)
Ce type de mobilité est jugé, par nature, relativement
limité. En effet, la mobilité ascendante est conditionnée aux possibilités de l’organigramme de l’entreprise. Elle sera donc d’autant plus rare pour les cadres
salariés de petites et moyennes structures et/ou pour
les cadres déjà haut placés dans l’entreprise.
compte tenu d’un fossé trop grand entre deux niveaux de postes et de l’absence de postes intermédiaires. Cela peut être le cas notamment pour des
profils opérationnels qui toucheront « à un moment
donné » aux limites de leurs possibilités d’évolution : soit en raison de leur faible qualification de
départ, soit en raison de l’écart « critique » entre
leur fonction/échelon et celui directement supérieur qui suppose une tout autre formation ou expérience professionnelle.
« Chez nous, beaucoup de cadres ont évolué en interne, ont débuté en bas de l’échelle, se sont formés
sur le tas. Ils sont bien dans leur poste actuel mais
parfois trop justes pour passer au poste au-dessus,
soit parce qu’ils n’ont pas les diplômes ou les
connaissances théoriques nécessaires, soit parce que
leur formation ne colle plus aux exigences du marché. Il nous manque des étapes, des postes intermédiaires à offrir. Parfois, c’est comme si on devait
passer du rez-de-chaussée au deuxième étage sans
passer par le premier, ce n’est pas possible. » (Directeur des ressources humaines, 4 000 salariés, services, Île-de-France)
–
LA MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE « Pour nos cadres, les opportunités d’évolution sont –
limitées. Elles sont liées aux départs à la retraite. »
(Directeur des ressources humaines, 1 300 salariés,
services, Île-de-France)
« Une fois qu’on est directeur de magasin, c’est dur
d’évoluer chez nous. L’an dernier, on a eu un seul poste
(de directeur régional) auquel les directeurs de magasin pouvaient postuler. » (Responsable du recrutement et gestion du personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
Dans une moindre mesure, la structure des différents niveaux de postes au sein de l’entreprise peut
également constituer un obstacle à la mobilité
ascendante. Des RRH évoquent des « seuils/paliers » critiques dans une carrière où l’expérience
seule ne suffit plus pour évoluer verticalement,
On distingue ici la mobilité géographique nationale
et la mobilité internationale.
La mobilité géographique nationale peut être la
condition à une mobilité ascendante (dans le secteur
commercial ou bancaire par exemple) ou accompagner une mobilité horizontale. Ce type de mobilité
semble difficile à promouvoir dans les entreprises.
Les RRH font part de leurs difficultés à initier des
mobilités géographiques et ce, malgré des plans
d’aide à la mobilité géographique présents dans de
nombreuses entreprises.
« La mobilité géographique, c’est compliqué. Ce
n’est pourtant pas faute de communiquer sur le
sujet. Ça a toujours été un frein. Nous, on est clair,
on dit à nos cadres « nous pouvons vous faire proAPEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
7
–1–
PERCEPTIONS ET CONCEPTIONS DES POLITIQUES DE MOBILITÉ INTERNE
gresser mais à condition d’être mobile géographiquement ». Nous avons des choses pour aider à la
mobilité géographique : on peut prendre en charge
le déménagement ; on propose une aide à la recherche de logement ; on peut également faire un
effort salarial. On aimerait faire encore plus de
mobilités internes, mais la mobilité géographique,
c’est un vrai blocage. » (Responsable du recrutement et gestion du personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
D’après les RRH, les cadres (mêmes les plus jeunes)
sont relativement sédentaires et sélectifs dans leur
choix de destination. Ils revendiquent un équilibre vie
professionnelle/vie privée, qui passe par une stabilité
familiale et donc géographique.
« Les jeunes cadres ne sont pas trop mobiles géographiquement. Ils le revendiquent. Les femmes travaillent, il
y a des problèmes de garde d’enfants dans les couples
divorcés. Les gens ont envie d’équilibrer vie personnelle
et professionnelle. Ils ont souvent envie de changer de
poste, mais ils n’acceptent pas d’incidences personnelles
trop fortes. » (Responsable du développement RH,
1 300 salariés, industrie, Île-de-France)
Ceux qui acceptent le principe de mobilité géographique ne le font que pour certaines régions, en fonction du bénéfice qu’elles représentent en termes de
qualité de vie et pas seulement en contrepartie d’une
augmentation de salaire.
« On a du mal à faire bouger les gens. Nos offres pour
des directeurs de magasin dans le Nord de la France
restent souvent sans réponse en interne. On est obligé
de passer par un recrutement externe. » (Responsable
du recrutement et gestion du personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
À noter que plusieurs RRH ont évoqué des exemples
de mobilités géographiques réussies, de la région
parisienne à la province, chez des cadres en seconde
partie de carrière qui anticipent un retour en région
ou des cadres séniors qui recherchent une meilleure
qualité de vie.
« Les expériences de mobilité réussies, ce sont souvent
des cadres d’une quarantaine d’années. On a un mouvement de Paris vers certaines régions, pour aller chercher un confort de vie. » (Directeur des ressources
humaines, 1 300 salariés, services, Île-de-France)
8
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
La mobilité géographique internationale est plus
facile à promouvoir auprès des cadres car elle bénéficie d’une image plus valorisante. Elle est souvent
vécue comme une opportunité à saisir dans un parcours professionnel, même si elle ne s’accompagne
pas forcément d’une mobilité ascendante.
Pour l’entreprise, envoyer un cadre à l’étranger au
sein d’une filiale lui permet de développer la culture
de l’entreprise à l’étranger, de conserver plus de
contrôle sur cette structure et de miser sur ces cadres
qui vont accroître leurs compétences lors de cette
mobilité.
« La finalité de la mobilité internationale, c’est d’utiliser des besoins internes et les optimiser. Quand on a
créé une filiale au Japon, on a préféré envoyer
quelqu’un qui avait la culture française, qui connaissait le marché français et qui parlait français, plutôt
que recruter quelqu’un au niveau local. On a déjà fait
ça, recruter quelqu’un au niveau local, et on a été
confronté à des problèmes de compréhension au niveau culturel. La distance fait que manager quelqu’un
qui a encore un lien avec la France, c’est beaucoup
plus facile à contrôler. On s’est souvent senti dépossédé de la structure managée par quelqu’un qui avait
été embauché sur place. » (RRH, 230 salariés, distribution, Île-de-France)
Toutefois ce type de mobilité est, de fait, restreint
à certains groupes ou entreprises internationaux
et concerne principalement deux types de collaborateurs :
• Des cadres détenteurs de savoir-faire particuliers. L’enjeu pour l’entreprise est d’irriguer, de transférer et d’harmoniser ces savoirs (ou savoir-faire) essentiels au développement de l’entreprise :
« On envoie des cadres qui ont un savoir-faire très
spécifique, qu’on ne pourra pas trouver ailleurs, sur
place. » (RRH, 1 500 salariés, industrie, RhôneAlpes)
• Des cadres de la génération Y auprès desquels la
mobilité internationale est un levier de recrutement
et de fidélisation.
« Pour nous, ça devient un enjeu : j’ai pu capter des
bonnes candidatures parce que j’ai pu leur promettre
une mobilité internationale dans le groupe au bout
de trois ans. » (Chargée de recrutement, 590 salariés,
services, Île-de-France)
« Nous avons des cadres techniciens qui bougent à
l’international. Ce sont les plus jeunes, qui considèrent
que c’est un tremplin pour eux. Ils partent techniciens
à l’étranger en espérant récupérer un poste de manager,
parce qu’ils sont montés en compétences. C’est un investissement pour nous et pour eux. Encore faut-il qu’il y
ait un poste à pourvoir quand ils reviennent. » (RRH,
1 500 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
Mais la mobilité internationale est parfois compliquée à gérer pour les RRH. Certains ont fait part des
difficultés associées au retour des collaborateurs en
poste à l’étranger, notamment quant à la nature des
postes à leur proposer. Par conséquent, tous les
groupes ne la pratiquent pas, préférant recruter des
collaborateurs locaux.
« Le retour des détachés est parfois compliqué. On est
en période difficile, nous n’avons pas toujours des
postes à leur proposer. Sur 2013, j’ai en tête quatre
retours. Je ne sais pas trop ce que je vais leur proposer.
Il va falloir que je les repositionne, on leur a garanti
un poste à leur retour […] Quand on a des mobilités
internationales, ils ont dans le pays d’accueil un niveau de vie supérieur à celui qu’ils avaient en France,
ça crée des exigences, du coup quand ils rentrent en
France, ça peut être un peu compliqué. » (RRH, 1 500
salariés, industrie, Rhône-Alpes)
–
LA MOBILITÉ HORIZONTALE
OU TRANSVERSALE
–
Pour les RRH, l’enjeu de la mobilité interne se situe
au niveau de la mobilité horizontale (également appelée mobilité transversale ou mobilité fonctionnelle).
On entend par mobilité horizontale les mobilités effectuées à niveau hiérarchique identique. On distingue les mobilités vers un métier proche (changement dans le contenu du poste, ou changement
d’environnement), les mobilités vers un métier différent qui s’apparentent donc à une reconversion professionnelle.
C’est une forme de mobilité jugée plus complexe à
mettre en œuvre que la mobilité ascendante. Elle
nécessite en effet un travail préalable d’identification
de passerelles possibles, de compétences communes
à plusieurs métiers de l’entreprise, la constitution de
plans de formation si nécessaire.
Elle apparaît comme un objectif à atteindre pour de
nombreux RRH, car toutes les entreprises peuvent
potentiellement initier des mobilités transversales.
Néanmoins, tous les RRH ne parviennent pas à les
mettre en œuvre.
« J’aimerais qu’on fasse plus de mobilités transversales. Ce n’est pas évident, mais on va mettre un atelier de travail en place cette année pour réfléchir sur
cette question. » (Directeur des ressources humaines,
4 000 salariés, services, Île-de-France)
La mobilité horizontale est jugée favorable
au cadre
La mobilité horizontale est perçue par les RRH
comme étant une opportunité permettant aux
cadres de « se confronter à autre chose », d’élargir
leurs compétences, éviter l’ennui et la démotivation, etc. Elle est aussi devenue un modèle de développement de carrière à long terme. Elle peut être
présentée par les RRH comme une étape intermédiaire permettant par la suite une évolution verticale au sein de l’entreprise.
« Quand nous n’avons pas d’opportunités, ni de postes
à pourvoir, pour faire patienter nos cadres, nous allons
travailler sur leur parcours de compétences. On les
amène à se projeter sur le long terme, pour élargir les
opportunités à court terme. Cela permet de construire
les parcours de nos collaborateurs et les faire réfléchir
à des postes auxquels ils n’auraient pas pensé. » (Responsable du développement RH, 1 300 salariés, industrie, Île-de-France)
« Parfois, accepter la mobilité horizontale manifeste
la volonté de s’inscrire dans un parcours d’évolution.
Par exemple, quelqu’un qui est responsable de production et qui veut devenir directeur de production va
devoir passer par un poste de responsable logistique
ou technique avant. Donc, accepter une mobilité horizontale peut être un moyen, à termes, d’arriver à ses
fins et d’obtenir le poste visé. » (Responsable du recrutement, 600 salariés, commerce, Centre)
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
9
–1–
PERCEPTIONS ET CONCEPTIONS DES POLITIQUES DE MOBILITÉ INTERNE
Un type de mobilité qui comporte des
bénéfices pour l’entreprise
Du point de vue des RRH, la mobilité horizontale
présente une multitude d’intérêts pour l’entreprise.
De façon globale, elle permet de mieux positionner
les ressources internes de l’entreprise et de
conserver les « bons éléments ». Elle contribue à la
circulation des savoirs et savoir-faire au sein de
l’entreprise. En outre, plusieurs RRH ont insisté sur
le fait qu’elle n’est pas forcément associée à une
réévaluation salariale…
« Quand on propose une mobilité horizontale, cela ne
s’accompagne quasiment jamais d’une augmentation
de salaire. On est obligé d’avertir clairement les collaborateurs sur ce point, ce qui est souvent mal vécu. »
(RRH, 84 salariés, services, Nord)
… même si certaines entreprises concèdent une augmentation pour rémunérer la « prise de risque » du
collaborateur.
« Pour récompenser ce changement, on alloue une
augmentation de salaire (d’environ 2 à 3 %) à nos
collaborateurs qui sont dans un processus de mobilité
horizontale. » (Responsable avantages et rémunération, 860 salariés, industrie, Centre)
Elle permet aussi de proposer et/ou d’envisager des
postes en décalage avec les souhaits initiaux.
« Parfois, on leur propose des postes qui ne correspondent pas à leurs souhaits à 100 %… on essaie de
les pousser en leur montrant qu’ils rajoutent une corde
à leur arc. » (RRH, 1 600 salariés, services, Île-deFrance) l
– M OBILITÉ PROGRAMMÉE À LONG TERME VS MOBILITÉ
PENSÉE À COURT TERME –
–
DANS LES FAITS, LA MOBILITÉ INTERNE
SEMBLE MAJORITAIREMENT PENSÉE ET
TRAITÉE SUR LE COURT TERME
–
La majorité des RRH rencontrés expliquent traiter la
question de la mobilité interne « pour répondre à un
besoin immédiat » : en cas de vacance de poste, de
création de poste, de « pression », voire d’ultimatum
de la part d’un cadre.
« Je le déplore, mais c’est vrai qu’on gère plus le quotidien que l’optimisation des parcours de cadres au
sein du groupe. » (Directeur des ressources humaines,
370 salariés, services, Île-de-France)
Quant aux cadres, ils semblent également être dans
une posture « à court terme ». D’après les RRH, leurs
souhaits de mobilité traduisent davantage un ennui
dans leur poste actuel qu’une envie d’évoluer, une
réflexion sur un projet professionnel construit.
10
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
« Ils viennent nous voir pour nous dire qu’ils ont fait
le tour de leur poste, qu’ils commencent à s’ennuyer,
qu’ils aimeraient faire autre chose mais ils ne
savent pas toujours quoi. » (Chargée de recrutement et de communication, 1 000 salariés, commerce, Nord)
–
UNE POLITIQUE DE MOBILITÉ
INTERNE PENSÉE SUR LE LONG TERME
EST UN IDÉAL À ATTEINDRE
–
Certaines entreprises souhaitent sortir de la gestion
« au coup par coup du personnel » au profit d’une
mobilité pensée à long terme, permettant d’anticiper
les besoins en identifiant les compétences et potentiels de chacun. Cette conception s’inscrit dans la
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). (cf. encadré)
La plupart des RRH évoquent la gestion anticipée de
la mobilité interne plutôt comme un objectif…
« Mettre en évidence les compétences transversales me
semble indispensable si on veut bouger au niveau de
la mobilité. C’est donc un gros challenge qui nous attend, pour identifier ces passerelles métiers au sein de
l’entreprise, pas visibles aujourd’hui. » (Responsable
recrutement, 610 salariés, services, Île-de-France)
… mais regrettent de ne pas avoir les moyens de la
mettre en place.
« Nous n’avons pas la capacité d’avoir une projection à
long terme des évolutions de carrière. Mon DRH veut que
je m’y attelle, mais nous avons des contraintes de temps.
Nous sommes deux au recrutement et nous gérons plus
de 700 recrutements CDI et CDD compris. On essaie de
faire du mieux qu’on peut mais… » (Responsable recrutement, 610 salariés, services, Île-de-France) l
–
LA GPEC
–
Il s’agit d’un outil destiné à anticiper les évolutions des emplois et des
compétences nécessaires à chaque métier et, de manière plus individuelle,
à détecter les évolutions de carrière possibles des salariés.
La GPEC est inscrite dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Cette loi impose une obligation triennale de négocier (pour les entreprises et les groupes de 300 salariés et plus et les groupes de dimension
communautaires de plus de mille salariés en Europe). Ces négociations
portent notamment sur :
«La mise en place d’un dispositif de Gestion Prévisionnelle des Emplois et
des Compétences (GPEC) ainsi que sur les mesures d’accompagnement
associées en particulier en matière de formation, validation des acquis et
de l’expérience (VAE) et de bilan de compétences, ainsi que sur les accompagnements de la mobilité professionnelle et géographique des salariés ».
Cette loi ne contraint toutefois pas les entreprises à ce que ces négociations débouchent sur la signature d’un accord.
– M OBILITÉ INTERNE : VŒU DU CADRE OU MOBILITÉ
IMPOSÉE ? –
Le discours des RRH tend à valoriser la mobilité interne
et à montrer qu’elle est bénéfique et souhaitée par la
majorité des cadres. La mobilité imposée est donc spontanément peu évoquée. Pour autant, toutes les mobilités
ne sont pas la concrétisation d’un vœu d’évolution exprimé par le cadre. Selon l’étude Apec Panorama des
mobilités professionnelles des cadres, le changement de
poste est imposé par l’entreprise dans plus du tiers des
mobilités internes enregistrées chaque année.
L’existence de ces mobilités subies s’explique, en
grande partie, par des changements d’organisation.
« Nos stratégies sont à court terme, car la grande consommation fonctionne par mode. On est obligé d’adapter
notre stratégie et notre organisation en fonction. Ce qui
était vrai la saison dernière ne le sera pas cette saison.
Cela peut mener à des changements de postes plus ou
moins proposés par nous. Mais, généralement, c’est bien
vécu. Nos collaborateurs sont habitués à travailler comme
ça. » (RRH, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
La mobilité peut être considérée comme subie par les
cadres dans un contexte de restructuration, de fu-
sion ou encore de disparition de certains métiers
les obligeant à évoluer en interne s’ils souhaitent y
conserver un poste. La mobilité interne peut être,
dans certains cas, un moyen pour les entreprises d’éviter, ou au moins de diminuer, le nombre de licenciements. Il peut s’agir alors de véritables reconversions
professionnelles (donc de mobilités horizontales et/
ou géographiques et non de mobilités ascendantes).
Ces mobilités peuvent être perçues comme des mobilités par défaut.
« Avec la mise en place de notre nouvelle organisation,
beaucoup de cadres ont été touchés. Tout a été redéfini donc beaucoup ont changé de métier. Lors d’une
réunion, ils avaient les fiches de poste avec trois choix
possibles. Petit à petit, on a pu réaffecter tout le
monde. » (RRH, 620 salariés, services, Île-de-France)
« Parfois, en redéploiement d’activité, on est obligé de
faire de la mobilité obligatoire, imposée. Des personnes, ont changé d’équipe, de logiciel vendu. Leur
quotidien a changé, c’est sûr. » (Responsable développement ressources humaines, 2 000 personnes, services, Rhône-Alpes) l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
11
–1–
12
PERCEPTIONS ET CONCEPTIONS DES POLITIQUES DE MOBILITÉ INTERNE
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
–2–
– LA MOBILITÉ
INTERNE
CONCURRENCÉE
PAR LE
RECRUTEMENT
EXTERNE –
14 L e recrutement externe : un recours lorsque les ressources internes ne
répondent pas aux exigences du poste
15Le recrutement externe peut être privilégié en dépit de profils adaptés en
interne
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
13
–2–
LA MOBILITÉ INTERNE CONCURRENCÉE PAR LE RECRUTEMENT EXTERNE
– L E RECRUTEMENT EXTERNE : UN RECOURS LORSQUE
LES RESSOURCES INTERNES NE RÉPONDENT PAS AUX
EXIGENCES DU POSTE –
En cas de poste vacant, la quasi-totalité des RRH rencontrés assurent, dans un premier temps, privilégier
la mobilité interne à un recrutement externe. Nombreuses sont les entreprises qui diffusent l’offre en
interne pendant une dizaine de jours avant de la
publier en externe. Toutefois, dans de nombreux cas,
le recrutement externe va être privilégié.
Dans certains cas, les RRH ont recours au recrutement
externe car la problématique à laquelle ils sont confrontés ne peut pas être résolue par le biais de la mobilité
interne. Personne n’est apte à pourvoir le poste vacant.
« Nous savions que nous n’avions pas de bons candidats en interne. Quelqu’un s’est proposé, mais il n’avait
pas assez de maturité. Le poste était à pourvoir immédiatement donc on a recruté en externe sans hésiter. »
(Responsable du recrutement, 260 salariés, services,
Île-de-France)
L’absence de compétences et de savoirs très spécialisés dans l’entreprise, ou la volonté de les renforcer,
peut nécessiter le recours au recrutement externe.
« On avait besoin d’un directeur scientifique et d’un
directeur médical. Personne n’avait les compétences
en interne, même avec de la formation, pour postuler
à ces postes. On a recruté en externe. Ça a permis de
faire rentrer des compétences supplémentaires. » (Responsable du développement des ressources humaines, 1 300 salariés, Industrie, Île-de-France)
« On va externaliser le recrutement et confier à des
prestataires des profils de postes compliqués sur des
marchés en pénurie, par exemple avec une technicité
très spécifique. On sait que le marché est très restreint,
très peu de sociétés ont la même expertise que nous.
Cela concerne tous les postes très techniques et confirmés. » (Chargé de recrutement, 590 salariés, services,
Île-de-France)
Les entreprises peuvent aussi décider de choisir leurs
profils de « Top manager » en externe.
14
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
« Parfois, il faut aller chercher à l’extérieur les postes
à grandes responsabilités, qui nécessitent pas mal
d’expériences, comme directeur de site par exemple. »
(Directeur des ressources humaines, 4 000 salariés,
services, Île-de-France)
« L’apport de sang neuf » est jugé favorable au renouvellement et au dynamisme de l’entreprise. Les
RRH évoquent fréquemment le besoin de faire évoluer les façons de faire et de penser au sein de l’entreprise. Certains peuvent aller jusqu’à recruter des collaborateurs venant de secteurs différents.
« Parfois, ça fait du bien d’avoir un œil neuf, quelqu’un
qui apporte de nouveaux outils. Sur tous les métiers
ça peut être utile. » (Responsable du recrutement, 600
salariés, commerce, Centre)
« Le recrutement externe, c’est vital pour l’évolution de
l’entreprise. C’est important de voir des choses qui ont
été faites à l’extérieur. On ne peut pas vivre en vase
clos. » (Responsable recrutement, 610 salariés, services, Île-de-France)
« L’intérêt des recrutements externes, c’est l’enrichissement des équipes. C’est toujours bon de ne pas être
dans la consanguinité, car au bout d’un moment, on
s’endort. » (Responsable développement ressources
humaines, 2 000 salariés, services, Rhône-Alpes)
Dans certains secteurs, le développement du portefeuille clients est un argument en faveur du recrutement externe. Les entreprises peuvent faire le choix
de collaborateurs expérimentés issus de la concurrence, notamment pour les postes de commerciaux.
« Sur les métiers de commerciaux, on fait venir des
gens de chez nos concurrents. L’objectif est d’acheter
des portefeuilles de clients. » (Responsable du développement ressources humaines, 1 300 salariés, industrie, Île-de-France) l
– L E RECRUTEMENT EXTERNE PEUT ÊTRE PRIVILÉGIÉ
EN DÉPIT DE PROFILS ADAPTÉS EN INTERNE –
Dans certains cas, alors même que la mobilité interne
est possible, le recrutement externe peut être privilégié, car il s’avère moins déstabilisant pour l’organisation de l’entreprise. La mobilité d’un collaborateur
ne doit pas fragiliser les équipes ou bien un projet en
cours. En effet, une mobilité interne peut, dans certains cas, être source de conflit avec le N + 1 de départ ou d’arrivée (mécontentement de l’un, méfiance
possible de l’autre). En outre, elle nécessite de gérer
deux changements : le recrutement sur le poste vacant et le remplacement du cadre recruté en interne.
« Même si le candidat interne est très bien, ça m’est
déjà arrivé de refuser une mobilité car ça mettait vraiment en péril son équipe à ce moment-là. C’était mon
choix mais son manager m’en a remercié. Notre boulot
est de faire en sorte que les transferts se passent bien
et là ça n’aurait pas été le cas. » (RRH, 1 500 salariés,
industrie, Rhône-Alpes)
Enfin, le recrutement externe est parfois jugé
plus « sûr ». Il permet de sélectionner plus facilement
le profil recherché comprativement à l’interne.
Si on a besoin d’un cadre opérationnel rapidement,
on va préférer une personne à l’externe parfois car elle
sera opérationnelle. […] Dans ces cas-là, on cherche
quelqu’un qui va correspondre pile poil à l’emploi.
C’est le principal intérêt de recruter en externe. On
peut trouver des gens qui sont exactement dans le
profil recherché. » (Responsable du recrutement, 750
salariés, services, Île-de-France)
Au final, la mobilité interne suscite un discours positif de la part des ressources humaines des entreprises,
mais se heurte à des contingences fortes. l
«Recruter en externe, c’est plus confortable, ça veut
dire le remplacer à son poste, et c’est tout.» (Responsable du recrutement, 750 salariés, services, Île-deFrance)
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
15
–2–
16
LA MOBILITÉ INTERNE CONCURRENCÉE PAR LE RECRUTEMENT EXTERNE
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
– LES RÉALITÉS
DE LA MOBILITÉ
INTERNE :
LEVIERS ET FREINS –
–3–
18 18
21
22
La taille et la structure de l’entreprise
La culture d’entreprise
L’influence de la conjoncture
Le comportement des jeunes générations de cadres
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
17
–3–
LES RÉALITES DE LA MOBILITÉ INTERNE : LEVIERS ET FREINS
– LA TAILLE ET LA STRUCTURE DE L’ENTREPRISE –
La taille de l’entreprise est déterminante. Plus l’entreprise est grande, plus les opportunités de mobilité
interne sont nombreuses. À l’inverse, les entreprises
de petites tailles offrent moins de possibilités de
changement de poste en interne.
« On aimerait que le personnel puisse bouger. Notre
typologie des métiers est assez resserrée. On a un réseau de 200 personnes, à l’intérieur, on a que 4 métiers, ça limite les évolutions. » (Directeur des ressources humaines, 370 salariés, services, Île-de-France)
À noter, la grande taille de l’entreprise incite à une
gestion de la pyramide des âges. Les RRH sont amenés à développer des mobilités transversales pour
assurer le renouvellement de l’entreprise.
La structure de l’entreprise peut être un levier dans
certains cas : l’appartenance à un groupe d’entreprises, le nombre d’établissements sont des éléments
favorables à la mobilité.
Elle peut également constituer un frein. En effet,
l’existence, au sein d’un même groupe, de plusieurs
entités aux conventions collectives différentes limite
les mobilités inter-entités, les cadres appartenant aux
entités ayant les conventions collectives les plus avantageuses ne voulant pas quitter leur structure.
« Les 12 sociétés qui composent notre pôle Commerce
ne pratiquent pas les mêmes salaires. C’est vrai qu’il
faudrait une cohérence de salaires au niveau du domaine, entre les sociétés. Ça aiderait à la mobilité,
mais ce n’est pas encore le cas et c’est difficile à mettre
en place. » (Responsable développement, 2 800 salariés, commerce, Nord)
« Le niveau de rémunération différent entre chaque
entité est vraiment un frein. La mobilité inter-entité est
très compliquée à mettre en place, en partie par l’absence d’harmonisation des niveaux de rémunération :
chez nous ils sont bien payés et ont une voiture de
fonction. Ils n’ont pas envie de perdre ces avantages.
[…] Les caisses régionales c’est difficile de s’entendre
avec eux. Nos collaborateurs qui veulent repartir en
région doivent accepter de baisser leurs salaires. »
(RRH, 1 600, services, Île-de-France) l
– LA CULTURE D’ENTREPRISE –
–
LA CULTURE D’ENTREPRISE PEUT ÊTRE
prises les plus outillées sont celles où le RRH est
UN MOTEUR POUR LA MOBILITÉ INTERNE convaincu personnellement de l’intérêt d’une poli–
tique de mobilité interne.
Développer une politique de mobilité interne est plus
aisé lorsque la transversalité fait partie de la
culture d’entreprise. La politique de mobilité interne
doit être valorisée, expliquée, facilitée.
« Les cadres sont conscients qu’il y a des passerelles entre
les métiers, on communique sur cet aspect. On annonce
que des gens changent de services, ça se sait, ça peut
faire boule de neige. On les accompagne par des formations techniques ou autres. Du coup, l’envie de faire autre
chose est devenue une constante chez nos collaborateurs. » (RRH, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
18
du RRHDESlui-même
joue
un rôle. Les
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUESLa
DE culture
MOBILITÉ INTERNE
CADRES DANS
LES ENTREPRISES
entre-
« Je suis convaincue à 100 % de l’intérêt de la mobilité
interne, à la fois pour l’entreprise et pour les collaborateurs, en priorité parce que je l’ai vécu. Même si cela
peut être dur au niveau personnel, ça ne peut être que
bénéfique. J’y vois beaucoup plus d’intérêts qu’à un recrutement externe. C’est raisonner à très court terme
que de préférer la mobilité externe. » (Responsable du
recrutement, 30 000 salariés, services, Île-de-France)
De plus, l’impératif de recruter et de conserver les
cadres à forte valeur ajoutée incite à utiliser la mobilité interne comme un atout de « séduction ».
–
LA CULTURE D’ENTREPRISE PEUT ÊTRE,
AU CONTRAIRE, UN FREIN
–
La représentation a priori négative de la mobilité
interne (présente chez un ou plusieurs acteurs de
l’entreprise) peut constituer un obstacle majeur à son
développement.
Les managers des entités de départ peuvent se montrer réfractaires à voir partir de bons éléments de leur
équipe.
« Ça arrive que certains N + 1 bloquent une mobilité,
car ils ne veulent pas voir partir un membre de leur
équipe. Ça peut bloquer une mutation. On essaie,
dans ces cas-là, de discuter à plusieurs mais nous
n’avons pas toujours le dernier mot. » (Chargé de développement ressources humaines, 600 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
De même, les managers des entités d’arrivée
peuvent s’interroger sur les compétences et les motivations réelles du postulant interne.
« Il y a toujours un doute dans la tête des managers.
Ils se demandent ce que vaut vraiment la personne,
pour quelles raisons elle veut quitter son équipe actuelle, pourquoi son N + 1 la laisse partir si facilement. » (Responsable du recrutement, 260 salariés,
commerce, Île-de-France)
Les cadres, eux-mêmes, ne semblent pas toujours très
ouverts à l’idée d’évolution, encore moins à l’idée de
changer de métier durant leur carrière.
« Certains ne veulent pas bouger, ils sont au même
poste depuis 15 ans et ils y sont bien. Ils n’ont pas de
problème avec ça, au contraire, ça les rassure. » (Responsable du recrutement et gestion du personnel,
5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
considérée comme pouvant être chronophage à
mettre en place, risquée et potentiellement source de
tensions entre salariés.
De même, les représentations étanches entre métiers constituent un des principaux freins à lever. On
peut les retrouver chez :
• Les cadres, qui d’après les RRH, ont une vision très
cloisonnée des métiers : ils ne connaissent ni l’étendue des métiers accessibles en interne, ni les compétences requises pour y prétendre, voire ont des images
faussées des autres domaines d’activité. Cette méconnaissance n’incite pas à se projeter dans une démarche de mobilité.
« Ils ne connaissent pas les autres métiers, les autres
entités. C’est à nous de vendre les postes. Ils ont une
image négative d’un certain nombre de postes. On les
engage à aller vers la banque de détail. Il y a une
mauvaise image du métier : la pression commerciale.
On essaie mais on se heurte à des résistances fortes. »
(RRH, 1 600 salariés, services, Île-de-France)
« Ils ne sont pas tous forcément conscients des passerelles qu’il peut y avoir. On a tellement grandi, il y a
de plus en plus de métiers au sein de la structure, ils
ne les connaissent pas tous. Ils ne sont pas informés
de tous les métiers. Ça évolue vite et c’est difficile à
suivre. » (Responsable administration du personnel,
100, services, Rhône-Alpes)
• Certains RRH, pour qui les mobilités transversales
semblent inenvisageables.
« Un technicien qui devient commercial, ça n’a rien à
voir, non … on a jamais fait… » (Responsable agence,
200 salariés, commerce, Centre)
–
LES PROGRAMMES DÉDIÉS AUX HAUTS
« Certains collaborateurs vivent comme un échec le POTENTIELS fait qu’on les incite à refaire leur CV, à réfléchir à –
d’éventuels changements de poste, sans évolution
hiérarchique. Ils n’ont pas envie de se remettre en
question ou cela peut leur faire peur. » (Responsable de la mobilité, 40 000 salariés, services, Îlede-France)
De façon plus minoritaire, certains RRH expriment
eux-mêmes des réserves quant à la mobilité interne,
Dans plusieurs entreprises, la politique de mobilité
interne menée est différenciée selon le profil des
cadres. Certains ont une probabilité plus forte d’effectuer des mobilités internes car identifiés comme
étant «à potentiel». Pour ces derniers, plusieurs RRH
tendent vers une mobilité prévisionnelle, programmée sur le long terme. Ils mettent en place des proAPEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
19
–3–
LES RÉALITES DE LA MOBILITÉ INTERNE : LEVIERS ET FREINS
grammes répartis en deux étapes, d’une part, la
détection des potentiels en amont, et d’autre part,
la gestion de ces potentiels.
Aux yeux des RRH, de tels programmes comportent
deux intérêts stratégiques :
• détecter et former plus spécifiquement les futurs
cadres dirigeants de l’entreprise,
• conserver au sein de l’entreprise des cadres à haut
potentiel susceptibles d’être sollicités par la concurrence.
« Il s’agit de collaborateurs sur lesquels le groupe a
intérêt à investir. La mobilité pour eux est une démarche volontaire mais aussi plus organisée par nous,
la fonction RH, pour qu’à termes, ils puissent prendre
plus de responsabilités. » (Responsable de la mobilité,
40 000 salariés, services, Île-de-France)
D’après les RRH, la pertinence d’un tel programme
est d’autant plus forte lorsque la démarche est objective, les potentiels sont détectés sur la base d’un certain nombre de paramètres standardisés (performances, compétences, etc.), mais aussi lorsque la
détection des potentiels est opérée en concertation
entre le service RH et les managers.
20
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
« Les potentiels sont évalués par les N + 1, l’évaluation
validée par les N + 2… On a des outils informatiques
qui centralisent l’info. On fait une réunion : RH local,
RH zone et responsables, N + 1, N + 2, pour évaluer
la personne. » (Responsable gestion des ressources
humaines, 60 salariés, services, Centre)
« Les noms remontés par les managers sont étudiés
par les RH, leur potentiel est étudié par le service de
recrutement… il y a un travail collaboratif avec les
managers. » (Responsable du recrutement, 610 salariés, services, Île-de-France)
Cette démarche s’appuie aussi sur le souhait du cadre.
« On a un programme qui s’appelle « O potentiel ». Les
cadres sont enregistrés dans des catégories selon leur
envie de bouger ou non. Le talent identifié nous dit
« je veux évoluer vers un poste de direction ». Cela crée
un levier de mobilité. » (Directeur de formation et
développement ressources humaines, 3 000 salariés,
services, Île-de-France) l
– L’INFLUENCE DE LA CONJONCTURE –
La crise économique semble constituer un facteur
encourageant à la mobilité interne, notamment
dans les secteurs d’activité les plus fortement touchés. Les RRH perçoivent l’influence du contexte économique à deux niveaux :
• D’autre part, certains RRH perçoivent chez leurs
cadres un changement de mentalité dû au contexte
économique. Ils décrivent des cadres plus à même de
se remettre en mouvement, à penser leur employabilité à long terme.
• D’une part, les recrutements externes limités, voire
bloqués depuis la crise, favorisent mécaniquement la
mobilité interne.
« Nous avons des collaborateurs qui ne sont pas inquiets. Ils se disent que dans un grand groupe, ils ne
craignent rien. Mais la crise financière les a rendus
plus réceptifs à la mobilité interne, les gens se sont
mis en mouvement. Même avec une crise financière,
la solution pour préserver son emploi peut être à l’intérieur de l’entreprise. » (Responsable de la mobilité,
40 000 salariés, services, Île-de-France)
« On subit la crise aussi. On connaît des hauts et des
bas. Depuis novembre, on a enclenché une phase de
chômage partiel. On ne travaille pas deux jours par
mois et actuellement, le recrutement externe est bloqué, on se débrouille en interne. » (RRH, 1 500 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
« Aujourd’hui, il y a peu de créations de poste. On
pratique surtout des remplacements de poste via la
mobilité interne. C’est vraiment la priorité depuis deux
ans. Après, selon le profil, si on ne trouve pas en interne, on peut ouvrir à l’extérieur, mais… on évite. »
(Responsable développement, 2 700, commerce,
Nord)
« En 2012, il y a eu 1 500 postes de cadres à pourvoir,
quasiment tous en interne, à part les métiers de la
vente. Mais depuis 18 mois, les recrutements externes
sont bloqués. Il a fallu qu’on trouve les ressources en
interne. Des collaborateurs se retrouvent avec des
opportunités géniales. Ils ont des cartes à jouer. » (Responsable mobilité, 40 000 salariés, services, Île-deFrance)
D’autres RRH (dans des secteurs moins affectés
par la crise économique) ne perçoivent pas d’influence du contexte économique sur la mobilité
interne.
« On est touché par la crise mais nos résultats sont
bons. Ce n’est pas parce qu’il est plus difficile de trouver un job ailleurs qu’on a plus de mobilités internes. »
(Responsable du recrutement, 30 000 salariés, services, Île-de-France)
« On est sur le marché du luxe, qui est un marché sélectif, nous n’avons pas été touchés par la crise. Et je ne
vois pas de changement dans notre politique de mobilité ni dans les attitudes de nos collaborateurs. » (Responsable du recrutement, 600 salariés, commerce,
Centre) l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
21
– 3 –
LES RÉALITÉS DE LA MOBILITÉ INTERNE : LEVIERS ET FREINS
– L E COMPORTEMENT DES JEUNES GÉNÉRATIONS
DE CADRES –
22
Un autre élément peut favoriser la mobilité interne :
la pression des jeunes (en particulier la génération
Y) pour lesquels la mobilité interne est désormais
un présupposé.
Plusieurs RRH évoquent le faible attachement des
jeunes cadres à leur entreprise. Ils disent être face à
une génération « volatile » qui ne se projette pas à
long terme dans l’entreprise, qui estime qu’une carrière professionnelle est faite de plusieurs expériences
et qui est impatiente d’évoluer. Par conséquent, accéder à leur demande rapide de mobilité en interne
apparaît, pour de nombreux RRH, comme la seule
solution pour les retenir.
« Ils demandent très tôt des mobilités internationales.
Au bout de deux ans, ils commencent à tourner en
rond. Dès l’entretien d’embauche, ils demandent les
possibilités, opportunités qui s’ouvrent à eux… s’ils
pourront partir à l’étranger. Nous savons, si nous voulons les retenir, que nous n’avons pas intérêt à les
bloquer trop longtemps à un même poste. » (RRH,
1 500, industrie, Rhône-Alpes)
« La génération Y est différente des précédentes.
Avant, les cadres étaient ancrés dans le long terme
pour rester 10 ans ici. Aujourd’hui, ils ne se posent pas
la question comme cela. À la question ‘dans 5 ans
vous vous voyez faire quoi ?’, ils ne répondent plus. Ils
zappent. Ils n’hésitent pas à partir si les mobilités internes ne se font pas rapidement. » (Responsable du
recrutement, 30 000 salariés, services, Île-de-France)
« Il y a encore trois ans, on pouvait les recruter et les
fidéliser avec des mobilités internationales, même
transversales, mais aujourd’hui, à la moindre insatisfaction, ils s’en vont. On essaie de leur dire, « ne demandez pas un changement dès la deuxième année »,
mais ils ne nous entendent pas… » (Chargé de recrutement, 590 salariés, services, Île-de-France) l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
Mais certains RRH, plus pessimistes, avouent que
cela ne suffit plus toujours à les retenir, notamment
les cadres « à haute valeur ajoutée », qui sont souvent chassés.
– TYPOLOGIE
D’ENTREPRISES
ET DE
POLITIQUES RH –
–4–
24 26 32
Présentation de la typologie
Les entreprises où la politique de mobilité interne est « réactive »
Les entreprises où la politique de mobilité interne est « stratégique »
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
23
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
– PRÉSENTATION DE LA TYPOLOGIE –
Les représentations des RRH et la description des motivations et des dispositifs de mobilité
interne permettent de bâtir une typologie d’entreprises. En effet, deux critères apparaissent
discriminants dans la compréhension des systèmes de valeurs des entreprises rencontrées face à
la mobilité interne :
• Le caractère plus ou moins formalisé de la politique de mobilité interne.
• La sémantique employée par les RRH sur les bénéfices de la mobilité.
– Figure 1 –
Typologie d’entreprises selon la politique de mobilité interne menée
La typologie met en exergue deux lignes de
fractures :
Mobilité stratégique
Bien-être
Discours sur la mobilité
Profil 1
Anticipation de la mobilité
Profil 4
Profil 3
Efficacité
Profil 2
Ces critères permettent de distinguer quatre types
d’entreprises (figure 1, tableau 1).
Mobilité réactive
Source : Apec
24
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
• Une première :
– Les entreprises pour lesquelles la mobilité interne
est stratégique et s’intègre au modèle de croissance
économique de l’entreprise,
– Les entreprises où la mobilité interne se « vit » de
façon réactive comme paramètre d’ajustement.
• Une seconde :
– La finalité de la mobilité interne s’exprime sous
l’angle du « bien-être » des cadres,
– La finalité de la mobilité interne s’exprime davantage en termes d’efficacité pour l’entreprise.
– Tableau 1 –
Caractéristiques des quatre profils d’entreprises
Mobilité réactive
Mobilité stratégique
• Le développement de la mobilité interne n’est pas un enjeu.
• La mobilité répond à un vœu : l’entreprise réagit à une demande du
cadre, à une situation de vacance de poste.
Profil 1
• La mobilité interne s’inscrit dans un projet de transformation porté
par l’entreprise. Elle est intégrée comme un outil de croissance de
l’entreprise.
• L’entreprise agit pour l’individu en mettant en œuvre une politique de
mobilité interne, notamment horizontale.
• La mobilité répond à un besoin d’efficacité.
Profil 2
• Des PME ou grandes entreprises
où le « patron historique » est
encore présent.
• Une représentation hermétique
des métiers en interne.
• Des représentations négatives
de la mobilité interne.
•Des entreprises jeunes, en
période de forte croissance.
•Une valorisation de la méritocratie.
La mobilité doit répondre à
une logique de « bien-être » du
salarié.
La mobilité interne n’est pas un
sujet. Le volontarisme des cadres
prime.
Profil 3
Profil 4
• Des entreprises où la population cadre est détentrice d’un
savoir/ savoir-faire à forte valeur
ajoutée.
• Des secteurs qui connaissent
des évolutions technologiques
• Des grandes entreprises avec de
nombreux cadres.
• Des entreprises qui héritent
d’une culture « service public » ou
avec des plans de carrière.
Finalité de la mobilité interne
La mobilité doit permettre de
conserver les savoirs et compétences clés.
La mobilité interne est mise
en place pour s’adapter aux
mutations sociétales et assurer
l’employabilité des salariés.
La fonction Ressources Humaines (RH)
• REGULATION ET ARBITRAGE.
• Les RRH se situent souvent « au
centre des tensions ».
• FLUIDIFICATION
• Prestataire de services et de
conseils au sein de l’entreprise.
• CHEF D’ORCHESTRE DE LA MOBILITE.
• Accompagnement et construction de parcours.
• Des équipes RH souvent conséquentes.
• Parfois des postes RH dédiés à la mobilité.
Source : Apec
RRH = Responsable ressources humaines
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
25
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
– L ES ENTREPRISES OÙ LA POLITIQUE DE MOBILITÉ
INTERNE EST « RÉACTIVE » –
Les entreprises appartenant à cette catégorie disposent de certaines caractéristiques communes :
• Le développement de la mobilité interne n’est pas
une priorité pour ces entreprises, mais représente plutôt une variable d’ajustement.
• La politique de mobilité interne n’est pas volontariste mais dans la réaction ou la régulation. « C’est
quand cela est nécessaire, quand c’est possible,
quand il y a un besoin ou une demande » (au contraire
de certaines entreprises qui vont anticiper, programmer la mobilité interne). La faible importance accordée à la mobilité interne implique que les cadres
soient moteurs de leur évolution professionnelle. Le
registre convoqué est celui du « vœu ».
–
PROFIL 1 : LA MOBILITÉ INTERNE
RÉPOND À UNE LOGIQUE DE BIEN-ÊTRE
DU SALARIÉ
–
• Le vœu du salarié à l’origine de la
mobilité interne.
• Une mobilité essentiellement
ascendante.
• Une vision hermétique des métiers.
« Nous sommes une entreprise familiale, avec un actionnariat familial, de tradition patrimoniale. Les
membres de la famille actionnaires occupent des
postes clefs : Direction générale, Direction des services
généraux. » (Responsable recrutement, 900 salariés,
industrie, Nord)
Il peut s’agir aussi d’entreprises ou de groupes (toutes
tailles et secteurs confondus) où une culture de métiers en « silo » prévaut et où la connaissance et l’intérêt pour les différents métiers proposés au sein de
l’entreprise restent très limités.
« Chez nous, les gens ont des œillères. Ils restent dans
leurs habitudes, leur secteur et ne s’intéressent pas
forcément à ce qui se fait dans les autres branches. »
(Chargé de développement ressources humaines, 600
salariés, industrie, Rhône-Alpes)
Les transversalités semblent impossibles aux yeux des
collaborateurs, voire de certains RRH.
« C’est très difficile, pour quelqu’un qui travaille dans
la restauration collective, de passer à la restauration
de services haut de gamme. » (Directeur des ressources humaines, 4 000 salariés, services, Île-deFrance)
Les représentations de la mobilité interne
Les entreprises concernées
26
Ce sont plutôt des PME ou grandes entreprises « familiales », où le patron historique ou des membres de
sa famille sont toujours présents à des postes de direction et influent sur les décisions. Les équipes RH y
sont souvent de taille réduite. La surcharge des missions et des responsabilités peuvent les conduire à
instaurer une gestion simple de mobilité interne.
Ces entreprises portent un discours sur la mobilité où
il est question de « vœu » et de « bien-être », pour
amender l’absence de démarche ou de programmation. La mobilité interne vise l’épanouissement et le
bien-être du salarié. Dans cette logique de discours,
elle répond toujours et d’abord à une demande du
cadre. De ce fait, la mobilité « subie » est niée par
l’entreprise. Ce discours permet de justifier l’absence
de politique incitative.
« Nous sommes un groupe familial, avec des valeurs
qui sont fortes, détenu par la famille fondatrice à
75 %. On va dire qu’il y a une forme de paternalisme
chez nous. » (Responsable des études et du juridique,
500 salariés, services, Île-de-France)
« On laisse vraiment le choix à toutes les personnes. Il
faut que ce soit volontaire de leur part. On ne propose
jamais de poste à quelqu’un qui n’en a pas fait la demande. » (Responsable du recrutement et gestion du
personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
La mobilité interne est souvent, voire uniquement,
restreinte à la mobilité ascendante. Ce type de
mobilité est valorisé car considéré comme la seule
vraie évolution de carrière. En effet, les RRH rapportent que, pour les cadres et l’entreprise, il s’agit
avant tout de « grimper les échelons ».
« Changer de poste chez nous, c’est évoluer de manière
hiérarchique. » (Responsable agence, 200 salariés,
commerce, Centre)
La mobilité horizontale est peu pratiquée car elle se
heurte à une représentation hermétique des compétences associées à chaque métier…
« Chacun pense que ce qu’il fait est très différent des
autres. Un éditeur qui bosse sur des livres scolaires du
secondaire pense que ça n’a rien à voir avec le métier
de celui qui fait les livres scolaires pour le primaire. Ils
ont l’impression qu’ils font deux métiers différents. »
(Directeur des ressources humaines, 600 salariés, services, Île-de-France)
…et à des a priori négatifs qui traversent la culture
d’entreprise, notamment de la part des N + 1.
« Il y a toujours une méfiance : pourquoi son manager
est favorable à sa mobilité ? Y a-t-il un souci, ou pas ?
On ne sait pas. Pourquoi cette personne-là veut partir
de son poste ? On se pose toujours cette question. Il y
a une présomption “négative” pour les mobilités internes. » (Responsable du recrutement, 260 salariés,
commerce, Île-de-France)
« Les patrons d’entités sont toujours méfiants à l’égard
des personnes venant des sociétés concurrentes, qui
appartiennent pourtant au même groupe. Sous l’angle
de ce que l’on fait, “nous c’est bien, ce qui vient d’ailleurs ce n’est pas bien”. » (Directeur des ressources
humaines, 500 salariés, services, Île-de-France)
En conséquence, certains RRH voient dans la mobilité
interne (notamment fonctionnelle) une prise de
risque qu’ils ne sont pas prêts à assumer.
« Ça nous est arrivé de prendre des risques, de proposer des postes différents, pour que les cadres montrent
une autre facette de leurs compétences. C’est risqué,
la personne peut être en situation d’échec. » (Responsable ressources humaines, 560, Industrie, Île-deFrance)
Finalement la mobilité interne est assez limitée. La
seule option de la mobilité interne ascendante restreint les opportunités (d’autant plus quand les
structures sont réduites et/ou que le nombre de
métiers proposés en interne est faible). Les RRH admettent ne pas avoir de poste à proposer à leurs
cadres à potentiel et/ou exprimant un souhait de
mobilité.
« Parfois, on est face à des impasses. Par exemple, la
RH d’une de nos entités a 33 ans. Je ne sais pas ce
qu’elle va faire dans un an ou deux ; il n’y a pas une
multitude de postes. Je sais qu’elle va vouloir progresser mais je ne vois pas ce que je vais pouvoir lui proposer. » (Directeur des ressources humaines, 4 000
salariés, services, Île-de-France)
Pour remédier à cette pénurie d’opportunités, beaucoup mettent en place des stratégies de compensation pour maintenir la motivation des cadres. Par
exemple, ils les inscrivent dans des projets transversaux ou réévaluent leur salaire.
« Quand on ne peut pas répondre au souhait de mobilité, on met en place des astuces classiques connues
de tous les RH. On offre une formation. On les inscrit
dans un projet collectif. On propose des révisions de
salaires ; ça les calme un temps. » (Responsable du
développement RH, 1 300 salariés, industrie, Île-deFrance)
Mais, cela ne suffit pas toujours pour temporiser les
souhaits de mobilité des cadres (notamment ceux de
la génération Y) et les RRH doivent se résigner à voir
partir de bons éléments.
« C’est important que les cadres aient des perspectives
d’évolution, pour rester motivés, mais aujourd’hui,
dans notre entreprise, nous n’avons pas de postes à
leur proposer. Un cadre doit pouvoir se remettre en
question et doit être capable d’aller voir ailleurs si son
entreprise n’est pas capable de répondre à son projet.
Quand on est sur un poste, on peut tourner en rond,
je le conçois, mais nous ne pouvons pas toujours donner la possibilité d’évoluer. On a perdu quelques personnes très bien, mais on ne pouvait pas les retenir ;
on ne pouvait pas augmenter le périmètre du poste.
Aurions-nous dû augmenter seulement leurs salaires ?
Ce n’est que repousser le problème à l’année suivante. » (Responsable du recrutement, 260 salariés,
commerce, Île-de-France)
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
27
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
Les processus de mobilité
En cas de vacance/création de poste, les RRH ont
recours aux outils « classiques » tels que la bourse
d’emploi, l’utilisation des entretiens annuels d’évaluation, les entretiens préliminaires entre RRH et le
cadre, suivis d’un ou plusieurs entretiens avec le N+ 1
d’arrivée. Si ces outils sont présents, les RRH interrogés rapportent qu’ils sont actuellement peu, voire mal
utilisés, et que le processus est souvent peu formel.
Celui-ci semble aussi bien moins encadré, dirigé et
renseigné que pour un recrutement externe.
« Quand un poste se libère, ça se sait très vite, les
personnes intéressées téléphonent directement aux
RH, à moi. Je ne leur demande pas de faire une lettre
de motivation, ni de CV. Je transmets les infos aux
personnes concernées, à leurs futurs managers, en
donnant mon avis. » (Responsable du recrutement et
gestion du personnel, 5 000 salariés, commerce, Îlede-France)
Le processus de mobilité est aussi concurrencé par le
« marché off », notamment via la cooptation. Beaucoup de postes disponibles en interne dans ces entreprises sont pourvus en dehors de l’action des ressources humaines.
« La mobilité se fait aussi parce que les gens se
connaissent au sein de l’entreprise. Quand vous ne
connaissez pas, vous n’y allez pas. Parfois, chez nous,
des anciennes équipes se reforment. Des managers
essaient de faire venir dans leurs structures leurs anciens collaborateurs. » (Directeur des ressources humaines, 4 000 salariés, services, Île-de-France)
« Il y a aussi des offres cachées, pourvues avant même
d’être affichées, car c’est un métier de réseau. » (Directeur des ressources humaines, 600 salariés, services,
Île-de-France)
28
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
La place et le rôle des RRH dans le
processus de mobilité
Les RRH sont là pour assister, faciliter (en régulant les
tensions et résistances des N + 1) la mise en place effective de la mobilité. Ils se présentent, eux-mêmes, comme
des maillons de la chaîne, au service des managers.
« Dans le processus de décision, je ne suis qu’un maillon. C’est une décision qui se prend conjointement
avec le responsable du futur poste à pourvoir et le
responsable de celui qui postule au poste. » (Responsable du recrutement, 260 salariés, services, Île-deFrance)
Les RRH gèrent essentiellement la mise en œuvre de
la mobilité. Ils sont très présents au début du processus (diffusion de l’offre, de l’information auprès des
cadres intéressés et présélection des candidats) et en
fin du processus pour concrétiser la mobilité.
Entre-temps, ils décrivent essentiellement une fonction de régulateur des tensions. En effet, ils doivent
faire face à des résistances/blocages de la part de
certains N + 1 et trouver des solutions/compromis
pour y répondre, ce qui n’est pas toujours possible. Ils
se sentent au cœur de tensions entre les entités de
départ et celles d’arrivée du cadre.
– Tableau 2 –
Profil 1 : Rôle des différents acteurs lors de chaque étape du processus de mobilité interne
Recherche
de candidats
potentiels
RRH
Cadre
N+1 de départ
• Diffusion de l’offre
• Information des cadres sur
le poste à pourvoir
• Recueil et sélection de candidatures via des entretiens
préliminaires
• Le cadre peut se renseigner sur le poste auprès
des ressources humaines
• Il est invité par le RRH à
prévenir son N+1
Un accord nécessaire pour
valider la candidature
interne
N+1 d’arrivée
En parallèle au processus officiel, des relations informelles peuvent
se développer entre ces trois protagonistes
Entretien
Le plus souvent le cadre rencontre son N+1 d’arrivée sans la présence
du RRH
Décision
Les RRH n’ont qu’un avis
consultatif, voire sont exclus
du processus de décision
Mise en œuvre
Les RRH doivent faciliter la
mise en place effective de la
mobilité.
Fonction de régulation et
apaisement des tensions.
Résolution de blocages
éventuels
La décision revient au N+1
d’arrivée
• De possibles résistances
quant au départ du cadre
• Des exigences fortes sur
son remplaçant
Source : Apec
RRH = Responsable ressources humaines
–
PROFIL 2 : LA MOBILITÉ INTERNE N’EST
PAS UN SUJET
–
• Pas de politique de mobilité active (mais
cela ne veut pas dire que la mobilité
interne n’existe pas dans ces entreprises).
• Des cadres qui doivent prendre en main
leur mobilité
• Les RRH positionnés comme des
prestataires de services.
Les entreprises concernées
Ces entreprises sont plutôt des petites structures
jeunes (des PME de 100 à 200 collaborateurs) et/
ou en période de forte croissance.
« On conforte notre pérennité tous les ans, avec un
résultat net positif depuis 2001. Le nombre de nos
clients a doublé depuis nos débuts. » (Responsable du
recrutement, 95 salariés, commerce, Centre)
Le secteur des services est largement représenté, notamment les domaines des télécoms, l’informatique
et les nouvelles technologies, la finance, etc. Ces entreprises connaissent parfois un fort taux de turnover.
Aussi, certains RRH rencontrés font mention de l’absence de culture d’entreprise et de valeurs fortes,
auxquelles les salariés peuvent se référer.
« On n’a pas encore vraiment réussi à construire une
véritable culture d’entreprise, dans la mesure où nous
avons grandi énormément et très vite. On n’a pas vraiment de culture interne. » (Responsable du recrutement, 95 salariés, commerce, Centre)
Les représentations de la mobilité interne
Dans ce type d’entreprises, la mobilité interne n’est
pas un thème en soi. Les RRH rencontrés n’ont pas
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
29
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
de discours sur les bienfaits ou la nécessité de la
mobilité interne. Ils reconnaissent volontiers que cela
ne constitue pas leur priorité ni celle de l’entreprise.
« Le développement de la mobilité interne n’est pas
une priorité. Nous n’avons pas de politique de mobilité interne en tant que telle. » (Responsable du
pôle solution et recrutement, 180 salariés, services,
Nord)
Par conséquent, ils n’incitent pas à la mobilité et sont
dans une posture de « laisser faire » où « chacun fait
ce qu’il veut et c’est très bien ainsi ». Toutefois, les RRH
ne font pas état de résistance au principe de mobilité
interne de membres de leur équipe.
« Je n’ai pas franchement d’avis sur les intérêts ou
non de la mobilité interne en tant qu’employeur. Je
ne juge pas nos collaborateurs. Il y a des gens, c’est
leur personnalité, ils se satisfont de rester au même
poste pendant 10 ans et d’autres, au bout d’1 an
s’ennuient déjà. Mais dans une entreprise, il faut de
tout. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas ambitieux
que l’on n’est pas bon. Il y a ici des gens qui sont
commerciaux depuis 15 ans, ils ont 60 ans. Pour
autant, ils ne sont pas mal vus. » (Responsable du
recrutement, 95 salariés, commerce, Centre)
Dans ces entreprises, l’initiative et l’ambition personnelles sont valorisées : ce sont les cadres eux-mêmes
qui doivent prendre en main leur mobilité interne.
« Ici c’est la culture anglo-saxonne, méritocratique.
Ceux qui veulent progresser, changer de métier y arrivent. » (Responsable du recrutement Immobilier,
750 salariés, services, Île-de-France)
« On laisse les salariés être acteurs de leur mobilité. »
(Responsable du recrutement et gestion du personnel, 5 000 salariés, commerce, Île-de-France)
Au sein de ce profil d’entreprises, l’absence de politique active en matière de mobilité n’est pas forcément synonyme d’absence de mobilité interne
comme cela peut être le cas dans les entreprises du
Profil 1. Le grand nombre de cadres au sein de l’entreprise, le caractère parfois multisites, un fort taux
de turnover, des métiers de services aux compétences requises proches les unes des autres permettent des opportunités de mobilité interne. Dans
cette logique, c’est à l’individu de montrer son inté30
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
rêt et de promouvoir sa démarche. Ainsi, tous les
types de mobilité (ascendante, transversale, géographique) peuvent être envisagés en fonction des
ambitions du cadre.
Le processus de mobilité
Le processus semble relativement simple, le maître
mot des RH est l’absence de règle. Il peut y avoir des
opportunités à saisir, mais elles ne se réfèrent à aucune politique établie, ni plan d’anticipation. Le processus est enclenché en cas de vacance ou de création de postes.
« C’est aléatoire, c’est en fonction des opportunités,
c’est lié à des départs. Il n’y a pas de politique spéciale
en ce qui concerne la mobilité interne. On a une gestion des mobilités au cas par cas et opportuniste. »
(Responsable du recrutement, 750 salariés, services,
Île-de-France)
« Il n’y a pas de règle, la mobilité interne, ce n’est pas
au bout de 3 ou 5 ans. On a des gens qui sont passés
à des fonctions managériales très jeunes. C’est en
fonction du potentiel de chacun, de ce qu’il a envie de
faire. » (Responsable du recrutement, 750 salariés,
services, Île-de-France)
Pour autant, on retrouve les outils classiquement utilisés lors des processus de mobilité interne, tels que
la diffusion de l’offre par messagerie électronique et
la bourse d’emplois ainsi que la lecture et la diffusion
de l’entretien annuel d’évaluation aux N + 1 d’accueil. Le cadre qui souhaite changer de poste est invité alors à manifester son souhait auprès des RRH.
La place et le rôle des RH dans le processus
de mobilité
Les RRH jouent un rôle d’accompagnement et de
fluidification de la procédure. Ils se positionnent
comme des prestataires de services et de conseils
au sein de leur entreprise.
« J’interviens surtout auprès des managers en tant que
conseiller dès qu’ils ont un besoin. Je regarde si on a
des ressources en interne ou pas mais, au final, c’est
le manager qui étudie, à partir des solutions qu’on
propose, ce qui lui conviendrait le mieux. » (Responsable du pôle solution et recrutement, 180 salariés,
services, Nord)
Les RRH proposent, les managers disposent !
« C’est le manager qui décide. Souvent, je ne rencontre même pas les candidats internes, tout se
passe entre le manager et son futur collaborateur. »
(Responsable du pôle solution et recrutement, 180
salariés, services, Nord)
Les RRH interviennent surtout en amont et en aval
des étapes décisionnaires.
« On intervient en amont de l’entretien avec le futur N + 1. Ensuite, on n’est plus dans la boucle.
Après l’entretien, il y une décision collégiale des
managers, pour savoir si la personne peut partir
de son poste et prendre un autre poste. Le service
RH n’intervient pas à ce stade. Pas pour l’instant.
Mais on ne vise pas particulièrement à changer les
choses. Jusqu’à présent ça s’est bien passé. » (Responsable du recrutement, 95 salariés, commerce,
Centre)
Au final, la place des RRH est relativement proche
de celle évoquée par les RRH des entreprises du
Profil 1, avec toutefois des différences de perception et de vécu. l
– Tableau 3 –
Profil 2 : Rôle des différents acteurs lors de chaque étape du processus de mobilité interne
RRH
Cadre
Recherche
de candidats
potentiels
• Diffusion de l’offre
• Information des cadres sur
le poste à pourvoir
• Recueil et sélection
de candidatures via des
entretiens préliminaires
• Le cadre peut se renseigner sur le poste auprès
des ressources humaines
• Il peut contacter directement son futur N+1
Entretien
Les RRH délèguent facilement
les entretiens aux managers
N+1 de départ
Pas de résistance sur le principe de la
mobilité interne
Le cadre rencontre le N + 1 d’arrivée sans la présence du RRH
Décision
Les RRH conseillent les
managers mais peuvent
être exclus du processus de
décision
Il peut être associé à la
prise de décision
Mise en œuvre
Les RRH doivent faciliter la
mise en place effective de la
mobilité
• De possibles résistances
quant au départ du cadre
• Des exigences fortes sur
son remplaçant
RRH = Responsable ressources humaines
N+1 d’arrivée
La décision revient au N+1
d’arrivée
Source : Apec
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
31
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
– L ES ENTREPRISES OÙ LA POLITIQUE DE MOBILITÉ
INTERNE EST « STRATÉGIQUE » –
Ces entreprises ont intégré la mobilité interne de
manière plus volontariste. Pour elles, la mobilité est
un outil de croissance de l’entreprise. Elle représente
une réponse au besoin d’optimisation des ressources en vue d’accroître l’efficacité et la pérennité de l’entreprise et ne se limite pas uniquement
au vœu du salarié. Par conséquent, les RRH, dans ce
type d’entreprises, hésitent moins à évoquer des situations de mobilités imposées.
« La mobilité doit répondre avant toute chose à des
besoins de l’entreprise. Évidemment, si ça colle aux
motivations des collaborateurs, c’est mieux. » (Responsable développement Ressources Humaines, 2 000
salariés, services, Rhône-Alpes)
La mobilité peut même être formulée sous l’angle
d’un objectif chiffré à atteindre.
« On a atteint notre objectif de 6 % l’an dernier. On
est sur des objectifs plus ambitieux cette année. C’est
un réflexe que tout le monde en interne n’a pas toujours mais c’est notre cheval de bataille. » (Responsable développement Ressources Humaines, 2 000
salariés, services, Rhône-Alpes)
Cette vision de la mobilité interne a des répercussions
sur la place et le rôle des RRH au sein de l’entreprise
mais aussi sur le processus lui-même et les outils utilisés.
Des RH « chef d’orchestre » de la mobilité
interne
Ces entreprises disposent de moyens humains permettant
de répondre aux objectifs de mobilité interne. Les équipes
de ressources humaines sont souvent importantes en
nombre et peuvent avoir, dans les grandes structures, des
postes dédiés uniquement à la mobilité interne.
été créé il y a 18 mois. Il y a une politique volontariste
de la part de la Direction de faire évoluer les choses
en matière de mobilité interne. » (Responsable mobilité, 40 000 salariés, services, Île-de-France)
La mobilité interne étant pensée comme un outil de
gestion important pour ces entreprises, elle est initiée, anticipée et programmée par les RRH. Ces derniers revendiquent une posture « proactive ». Leur
objectif est d’avoir « les bonnes personnes au bon
moment aux bons endroits ».
Les RRH n’hésitent pas à proposer eux-mêmes des
postes.
« Nous savons identifier les bonnes personnes en interne quand un poste se libère. Alors bien sûr, ça nous
arrive de les solliciter directement. La plupart du
temps, les collaborateurs répondent favorablement, ils
sont flattés et on est là pour accompagner le transfert. » (RRH, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
Les RRH peuvent, si besoin, initier et imposer des
transferts de poste.
« En 2012, tous nos cadres ont eu un changement de
métier car nous avons tout redéfini et réorganisé. Trois
possibilités étaient données à chacun. Ensuite, il y a
eu des comités de pilotage de carrière pour débriefer
avec les responsables de secteurs et les RH sur chaque
cas. Et c’est comme ça que, petit à petit, on a réaffecté
tout le monde. » (Responsable du recrutement Immobilier, 750 salariés, services, Île-de-France)
« Nous avons connu dernièrement un plan de restructuration avec une obligation, pour ceux qui sont restés, de se repositionner. » (Responsable du recrutement Chimie, 30 000 salariés, services, Île-de-France)
La volonté de construire une relation de
confiance avec les N + 1 pour faciliter la
« Mon travail, c’est de promouvoir la mobilité interne, mobilité notamment entre entités, d’identifier les métiers en
commun au sein des différentes entités du groupe.
Notre groupe est le regroupement de plusieurs filiales
autonomes. Donc, a priori, la mobilité interne n’est pas
évidente. Mon rôle est de la développer. Mon poste a
32
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
Contrairement aux entreprises à la mobilité « réactive », où les RRH expriment être au centre de tensions contradictoires et devoir désamorcer les conflits
entre managers, les RRH des entreprises à la mobilité
« stratégique » semblent avoir réussi à installer une
relation apaisée et de confiance avec les managers.
« L’organisation a confiance dans le département recrutement, donc ça simplifie les réactions au moment de
la parution d’une annonce. » (Responsable du développement RH, 1 300 salariés, industrie, Île-de-France)
Les RRH se présentent comme des partenaires des
N + 1. Certains parlent même d’un travail collaboratif avec les différents managers impliqués. Cette relation de confiance se construit en informant rapidement les différents managers des projets de mobilité
pour les membres de leurs équipes, en veillant à ne
jamais déséquilibrer une équipe dans un moment
critique, en trouvant un remplaçant de qualité.
« On a une vraie collaboration avec nos managers. On les
accompagne sur nos prises de décision, on suscite leur
curiosité : « j’ai pensé à untel pour remplacer, qu’est-ce que
tu en penses ? ». Notre rôle est de ne pas créer de conflit
entre deux départements. Les mobilités internes, ça n’arrange pas toujours les managers, mais ils ne freinent pas.
On prend vraiment en compte leur vision des choses et
leurs avis dans nos process. » (Responsable Ressources
Humaines, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
– Tableau 4 –
Profil 3 et 4 : Rôle des différents acteurs lors de chaque étape du processus de mobilité interne
RRH
Cadre
Gestion
prévisionnelle
• Anticipation des besoins liés
à l’évolution des métiers, des
technologies, attentes du marché
ou des départs
• Identification des potentiels
Accompagnement
• Travail sur les compétences
transversales
• Diffusion d’informations pour
familiariser les cadres à l’idée de
mobilité
• Aide à la construction d’un
projet professionnel
Recherche de candidats potentiels
• Sollicitation directe des cadres
• Diffusion de l’offre
• Recueil et sélection de
candidatures via des entretiens
préliminaires
• Le cadre peut se renseigner
sur les postes à pourvoir
auprès des RRH
• Il doit informer son N+1 de
sa démarche
Entretien
Les RRH peuvent être présent
lors de l’entretien avec le N + 1
de la structure d’accueil
Un processus très formalisé
qui est aussi exigeant que
pour des candidats externes
Décision
Une décision qui revient au
RRH, en concertation avec les
managers
Mise en œuvre
• Les RRH doivent faciliter la
mise en place effective de la
mobilité
• Mise en place d’outils pour
sécuriser le transfert
RRH = Responsable ressources humaines
N+1 de départ
N+1 d’arrivée
Des managers qui peuvent être impliqués,
sollicités durant cette étape
Pas de résistance sur le principe de
mobilité interne. Les RRH préviennent
les managers des projets concernant
leur équipe
Les managers sont consultés.
Leur avis est pris en compte
par les RRH.
Source : Apec
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
33
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
« Je ne vais pas enlever l’expert du dossier dont le manager aura besoin pour le business en cours. Je suis un
business partner. Je ne vais pas déstabiliser ! Par contre
quand je vois une offre qui pourrait correspondre parfaitement à la personne et au développement du
groupe, je vais la mettre en avant. Ça marche quand il
y a une proximité avec le N + 1 et le RH. Le cadre muté
ne se retrouve pas seul avec ses questions et se sent
épaulé. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut vite réagir si on
sent des soucis. » (Responsable du recrutement Chimie,
30 000 salariés, services, Île-de-France)
–
PROFIL 3 : LA MOBILITÉ INTERNE
PERMET DE CONSERVER LES SAVOIRS ET
COMPÉTENCES CLÉS
–
• L’efficacité de l’entreprise, enjeu de la
politique de mobilité interne.
• La mobilité au cœur de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences,
pour fidéliser et transmettre.
Les entreprises concernées
Ces entreprises appartiennent pour l’essentiel à l’Industrie : aéronautique, automobile, équipement
chirurgical…
« Notre métier est le génie civil. On est donc très spécialisé, avec trois métiers principaux au travers de cinq
marques : la géotechnique, la structure (béton armé)
et le nucléaire. » (Chargée de recrutement, 590 salariés, services, Île-de-France)
« Notre activité est la fabrication des machines pour
produire les cartes bancaires et identitaires. C’est un
marché de pointe, très spécifique en perpétuel renouvellement. Nous devons en permanence rester à la
pointe de la technologie. » (Chargé de gestion des
ressources humaines, 60 salariés, services, Centre)
La politique de mobilité interne est mise en place
pour une population détentrice d’un savoir/savoirfaire à forte valeur ajoutée.
34
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
« Nous avons 60 % de cadres dans notre groupe. 90 %
sont des ingénieurs et 10 % des fonctions supports,
contrôleurs de gestion, chargés de communication,
RH, informatique. » (Chargée de recrutement, 590
salariés, services, Île-de-France)
Les représentations de la mobilité interne
La finalité de la mobilité interne s’exprime sous
l’angle de l’efficacité. Pour ces entreprises, l’enjeu
de la mobilité interne est de conserver et de consolider leur place sur le marché concurrentiel. Pour ce
faire, elles doivent continuer à être productrices de
savoirs spécifiques mais aussi pouvoir anticiper et
s’adapter aux évolutions du marché.
« Nous travaillons dans un secteur qui évolue vite. Il
faut s’adapter. Il ne faut pas qu’on soit en rupture de
compétences. » (Chargée de recrutement, 590 salariés, services, Île-de-France)
Par conséquent, dans un tel contexte, la mobilité
interne est organisée pour conser ver les
cadres porteurs de savoirs techniques/spécifiques et assurer la transmission des savoirs au
sein de l’entreprise.
« Il faut qu’on garde les personnes clés… la mobilité
interne est un moyen de les garder. […] La mobilité
interne nous permet de garder les personnes qu’on
considère comme des bons éléments. Un Responsable Service Solutions va connaître des produits
passés, actuels, avoir une bonne connaissance de
milieu … c’est important pour nous de pouvoir les
garder. » (Chargé de gestion des ressources humaines, 60 salariés, services, Centre)
Dans ces univers hautement concurrentiels, il apparaît fondamental de lutter contre la « fuite des
cerveaux ». Cet enjeu est d’autant plus important
lorsqu’il s’agit de profils recherchés, sollicités et
exigeants.
« On sait qu’ils vont être très vite chassés. Si on ne sait
pas leur proposer quelque chose en interne, ils vont
partir. » (Chargé de recrutement, 560 salariés, services, Île-de-France)
Cette prise de risque pour l’entreprise s’accompagne
d’un processus sécurisé, voire d’un accompagnement
personnalisé pour le minimiser.
« Du coup, ça nous incite à prendre des risques, faire
des paris sur certains cadres. Par exemple, des cadres
non-encadrants qui sont devenus encadrants/manageurs. On a accompagné, avec une formation. » (RRH,
1 500 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
Les processus de mobilité
Dans un tel contexte, la mobilité interne s’organise
autour de deux axes :
• L’un (à court terme) vise à « retenir » les cadres « à
forte valeur ajoutée ». L’enjeu pour les RRH est de
réussir à combler les attentes d’une population demandeuse de mobilités, pour espérer les retenir au
sein de l’entreprise.
Les RRH identifient les cadres manifestant un désir
de mobilité, d’évolution, et vont être à leur écoute et/
ou à les accompagner dans l’élaboration d’un projet
professionnel.
« Nous avons un programme, appelé “Retention
Program”, qui est destiné à retenir des cadres identifiés comme des personnes clés : on va voir avec
elles quels sont leurs souhaits, on va travailler sur
ce qu’elles aimeraient faire. On identifie 2-3 personnes par an en France pour ce programme. Il
s’agit principalement de cadres qui ont des fonctions d’encadrement, mais avec à la base de fortes
compétences techniques, car c’est un domaine
d’activité très spécifique. On cherche des managers
avec des connaissances techniques. » (Chargé de
gestion des ressources humaines, 60 salariés, services, Centre)
• L’autre axe (à plus long terme) vise à anticiper la
gestion du personnel et à assurer la pérennité des
savoirs vitaux pour l’entreprise. Les objectifs sont pluriels :
– Anticiper et prévoir les successions de postes en
assurant un transfert de compétences/de savoirs intergénérationnels.
– Faire en sorte que les savoirs stratégiques soient
partagés au sein de l’entreprise.
– Repérer les transformations qui toucheront certains postes liées à l’évolution des métiers, des technologies, des attentes « marché » ou bien à des départs.
Ces objectifs nécessitent une gestion anticipée de
la mobilité et la mobilisation d’outils (par exemple,
les revues de personnel/comités carrière/« success-
ful planning ») susceptibles d’identifier les compétences et perspectives d’évolution des cadres et
d’imaginer des scénarios de successions/remplacements possibles.
« Ce qui est intéressant, c’est de faire de l’anticipation
de mobilités. C’est de la gestion prévisionnelle de
l’emploi. On identifie les compétences clés de chacun,
la manière dont on voit évoluer les personnes. On
anticipe l’organisation de notre groupe. » (RRH, 1 500
salariés, Industrie, Rhône-Alpes)
–
PROFIL 4 : LA MOBILITÉ INTERNE
PERMET DE S’ADAPTER AUX MUTATIONS
SOCIÉTALES TOUT EN MAINTENANT
L’EMPLOYABILITÉ DES SALARIÉS
–
• La prise en compte des aspirations des
cadres vis-à-vis de la mobilité.
• Une gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences, pour maintenir
l’employabilité des cadres.
Les entreprises concernées
Ce sont plutôt de grandes entreprises avec de nombreux cadres dans leurs effectifs.
« Nous sommes 40 000 salariés et nous comptons
environ 20 000 cadres. » (Responsable de la mobilité,
40 000 salariés, services, Île-de-France)
Certaines de ces entreprises héritent d’une culture
« plan de carrière ». Elles peuvent avoir connu des
restructurations qui les ont amenées à une refonte
profonde des valeurs et des habitudes.
« Certains collaborateurs ont encore une vision
ancienne, ne travaillent pas à leur carrière, à leur
employabilité. Dans l’environnement banque, ce
n’est pas familier. Faire le point avec son GRH est
quelque chose d’intimidant, encore peu habituel. »
(Responsable mobilité, 40 000 salariés, services,
Île-de-France)
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
35
–4–
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
Les représentations de la mobilité interne
Dans ces entreprises, la mobilité interne (en particulier transversale) est priorisée. Ce modèle doit permettre à l’entreprise d’absorber les mutations sociétales et économiques dont ces grandes entreprises
sont souvent le reflet.
Elles souhaitent ainsi prendre en compte de nouvelles
demandes des cadres notamment les demandes de
mobilité de la génération Y. Elles font face aux revendications montantes d’épanouissement et de bien-être
dans le travail en écho à un investissement du travail
comme espace de réalisation personnelle. Dans cette
idée, la mobilité ascendante, mais également la mobilité transversale, sont valorisées. Cette dernière peut
être mise en œuvre pour répondre à une demande de
renouvellement d’intérêt, d’expérience et permet de
« faire patienter » les plus demandeurs.
« Beaucoup de collaborateurs sont frustrés car ils
veulent des postes de management mais il y a peu de
places. On gère cette frustration en leur proposant
autre chose : des activités différentes pour compléter
leur profil, proposer des postes intermédiaires pour
évoluer. » (RRH, 1 600 salariés, services, Île-de-France)
L’autre enjeu auquel sont confrontées ces entreprises
est le vieillissement de la pyramide des âges de
l’entreprise. Les RRH doivent faire face à l’allongement de la durée de vie au travail, ils ont pour mission
d’assurer la motivation, l’employabilité (interne ou
externe) des salariés plus âgés, amenés à rester plus
longtemps dans l’entreprise.
« C’est le maintien de l’employabilité. C’est notre responsabilité d’obliger le salarié à se mettre à jour, à
apprendre à faire un CV. » (Responsable mobilité,
40 000 salariés, services, Île-de-France)
Enfin, une politique active de mobilité interne peut être
mise en place afin d’absorber une refonte ou une restructuration économique en cours ou prévisible. Les
RRH créent les conditions de reconversion interne.
« Pour nous, ce qui compte c’est d’être prêt à gérer les
changements de structures qui peuvent arriver vite. »
(RRH, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
« Pour nous, il est indispensable de pouvoir orienter
efficacement les ressources en fonction de la straté36
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
gie de l’entreprise. » (Responsable développement
Ressources Humaines, 2 000 salariés, services,
Rhône-Alpes)
Dans cette logique, le discours porté par les RRH n’est
pas celui d’un projet de « bien-être » des salariés (il ne
l’exclut pas mais ce n’est pas la finalité). L’objectif
affiché est davantage d’initier un mouvement vers
plus de polyvalence et de compétences transversales des salariés et d’assurer leur employabilité au
sein et en dehors de l’entreprise. En ce sens, le travail
des RH se concentre sur la mobilité transversale.
« On fait surtout de la mobilité transversale. Avec les
jeunes c’est important, ça permet qu’ils touchent à
tout, nous voyons où ils sont les meilleurs. Pour les
plus anciens, qui sont à leur poste depuis plus de
10 ans, notre idée c’est de les remettre en mouvement. » (Responsable avantages et rémunération,
860 salariés, industrie, Centre)
Cette logique et ce discours justifient la mobilité imposée. À cet égard, les RRH reconnaissent l’existence
de mobilités subies même s’il est vrai qu’ils commencent toujours par parler des opportunités offertes
par les changements de stratégies, de réorganisation
des équipes.
« Parfois en redéploiement d’activités, on est obligé de
faire de la mobilité obligatoire, imposée. Des personnes qui ont changé d’équipe, de logiciel vendu.
Leur quotidien a changé, c’est sûr. » (Responsable
développement Ressources Humaines, 2 000 salariés,
services, Rhône-Alpes)
La mobilité interne s’organise autour de deux axes
prioritaires :
• Un travail de back-office et de planification
Le travail des RRH commence par la mise en place
d’actions préalables indispensables pour pouvoir être
réactifs, telles que :
– L’identification des passerelles métiers,
– L’identification des compétences et potentiels des
cadres,
– L’anticipation des besoins de l’entreprise.
• Un travail de pédagogie auprès des cadres Les RRH rencontrés déclarent s’atteler à un vrai travail sur les mentalités, pour atteindre un double objectif : rendre acceptable, voire attractive, l’idée de
mobilité transversale et « remettre les cadres en mou-
vement », les rendre plus autonomes et les inciter à
prendre en main eux-mêmes leur mobilité. Les résistances semblent d’autant plus fortes dans les grandes
structures héritières d’une culture « plan de carrière »
où l’évolution de la carrière était pensée pour eux de
façon quasi automatique.
« Il y a plus de mobilités si les RH les pilotent. Mais
nous, on veut que le collaborateur soit responsable de
son projet professionnel. Il faut à tout prix maintenir
sa capacité à rebondir. Il vaut mieux un collaborateur
qui a choisi d’être là, qu’un collaborateur qui a peur
d’aller ailleurs. » (Responsable mobilité, 40 000 salariés, services, Île-de-France)
« On veut des salariés acteurs de leur mobilité. Quand
il répond à une annonce interne, le candidat devrait
s’activer, discuter avec des gens, avec notamment celui
qui tenait le job avant. » (Responsable avantages et
rémunération, 860 salariés, industrie, Centre)
La méconnaissance des différents métiers au sein
d’une même entreprise est un autre frein, qui empêche les cadres de se projeter dans d’éventuels
postes à pourvoir. Les RRH tentent de remédier à ce
problème par trois types d’actions complémentaires :
• Informer : le principal travail consiste à rendre lisible l’organisation de l’entreprise, les différentes
passerelles métiers.
« On communique beaucoup sur la mobilité. On a des
plaquettes, sur intranet pour chacun de nos métiers
avec les compétences nécessaires. On fait des séances
de communication importantes avec les managers.
On essaie de rendre lisible l’organisation de l’entreprise
et ça aide les collaborateurs à savoir ce qu’ils peuvent
faire pour évoluer au sein de l’entreprise. » (Responsable développement Ressources Humaines, 2 000
salariés, services, Rhône-Alpes)
• Initier une prise de conscience, une démarche
volontariste de la part des cadres, en les invitant à
découvrir de façon conviviale les différents métiers de
l’entreprise, via des rencontres avec des collaborateurs d’autres secteurs.
« On organise des forums métiers et mobilité. L’objectif est d’aller à la rencontre du métier de l’autre. Ce
sont des rencontres entre collègues. Sur les 130 personnes présentes l’an dernier, 10 % ont bougé. Demain, on renouvelle l’expérience sous forme de
« chat », pour réunir les collaborateurs de toute la
France. Ce sont des modèles de communication qui
rentrent dans nos habitudes de travail. » (Responsable développement Ressources Humaines, 2 000
salariés, services, Rhône-Alpes)
• Accompagner, de façon rassurante et conviviale,
les cadres dans leurs démarches. Des initiatives innovantes ont été créées par certaines entreprises, par
exemple sous forme de forums et/ou d’ateliers, permettant de faire le point sur le CV, d’être coaché en
vue d’un entretien d’embauche au sein d’une nouvelle entité, de recevoir des conseils de la part de
RRH.
Cette prise en charge pédagogique, guidant la mobilité interne, est justifiée par un décalage culturel interne fort et une dramatisation importante de l’enjeu
de la mobilité interne pour l’entreprise. l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
37
–4–
38
TYPOLOGIE D’ENTREPRISES ET DE POLITIQUES RH
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
– LES OUTILS
ASSOCIÉS À
LA MOBILITÉ
INTERNE –
–5–
42 Bourses d’emploi, entretiens annuels : des outils relevant de « la norme »
mais des réalités contrastées
42
Des outils de gestion prévisionnelle des emplois
43
Des outils axés sur la communication
44
Les outils post-mobilité : encore peu diffusés
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
39
–5–
LES OUTILS ASSOCIÉS À LA MOBILITÉ INTERNE
– B OURSES D’EMPLOI, ENTRETIENS ANNUELS :
DES OUTILS RELEVANT DE « LA NORME » MAIS DES
RÉALITÉS TRÈS CONTRASTÉES –
Deux outils sont présents, a minima, dans toutes les entreprises rencontrées :
les entretiens annuels d’évaluation et les bourses d’emploi.
Les bourses d’emploi
Toutes les entreprises disposent d’un outil leur permettant de communiquer en interne sur les postes
disponibles. Cette communication peut prendre
plusieurs formes allant du simple envoi des offres
par mail (dans les petites structures) au dispositif
sur l’Intranet de l’entreprise avec une bourse à
l’emploi. Mais, si l’ensemble des entreprises communiquent, au moins en partie, sur les opportunités de mobilité interne, on constate néanmoins de
fortes disparités dans les utilisations qui sont
faites de ces outils.
Pour tous les RRH, la bourse à l’emploi est un outil
clé dans le processus de mobilité puisqu’il permet une
diffusion immédiate de l’information à tous. Il repose
sur « la libre volonté des cadres », favorisant une attitude proactive de ces derniers et, de ce fait, un repérage des cadres vraiment motivés à effectuer une
mobilité. Enfin, c’est un outil d’image communiquant
sur les opportunités dans l’entreprise.
Mais l’efficacité d’une bourse à l’emploi dépend beaucoup de l’animation faite par les RH. Dans certaines
entreprises où la mobilité est « réactive », le site est
simplement utilisé comme une plateforme de diffusion d’offres. Or, si les cadres ne pensent pas à le
consulter, l’information ne sera pas véhiculée.
Les bourses d’emploi sont investies dans une plus
grande mesure par les grandes entreprises et les entreprises où la mobilité est stratégique. Afin de développer cet outil, ces entreprises mettent en place un
système de sollicitation du cadre : des messages
« push », alertes… la multiplication des supports peut
contribuer à une meilleure connaissance des possibilités de mobilité interne.
« Un push met en exergue six postes toutes les trois
ou quatre semaines sur la messagerie de chacun. C’est
40
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
une façon de valoriser quelques opportunités. C’est
associé à un message, on s’adresse directement aux
candidats potentiels. » (Responsable développement
RH, 2 000 salariés, services, Rhône-Alpes)
« Il faut prendre en compte que tout le monde ne regarde pas tous les jours Intranet… nous envoyons des
mails. » (Responsable du recrutement, 30 000 salariés, services, Île-de-France)
« On poste sur l’Intranet, mais aussi dans les locaux,
à côté de la machine à café, à la cantine… » (Responsable avantages et rémunération, 860 salariés, industrie, Centre)
La plupart des entreprises s’engagent à traiter l’ensemble des demandes, à recevoir tous les candidats
présélectionnés et à assurer un traitement aussi professionnel que lors de recrutements externes…
« Les candidatures internes sont traitées comme les
candidatures externes, avec le même professionnalisme. » (Responsable du développement RH, 1 300
salariés, industrie, Île-de-France)
Les entretiens annuels d’évaluation
Tous les RRH rencontrés déclarent mettre en place
des entretiens annuels d’évaluation (EAE). Ces derniers se concluent généralement sur une question
donnant l’occasion au cadre d’exprimer son souhait
de mobilité. Leur utilisation est particulièrement
formalisée dans les entreprises où la mobilité est
« stratégique ». Les RRH soulignent leur importance
primordiale dans le développement de la mobilité
interne : les EAE permettent de faire exprimer le
souhait de mobilité et de faire remonter l’information sur les profils « mobiles » au-delà de la seule
sphère du N + 1.
« Tous les ans il y a des évaluations. C’est très précieux
pour nous car les potentiels sont identifiés par les
managers. L’EAE reste un moment précis pour faire le
bilan et avoir une visibilité sur les souhaits de mobilité, à court et à moyen terme. » (Responsable du recrutement, 750 salariés, services, Île-de-France)
« L’évaluation annuelle est une occasion de parler des
souhaits de mobilité, dans le cas où nous ne sommes
pas venus vers les collaborateurs, à l’issue d’un comité
de carrières, ou eux vers nous, via la bourse d’emploi. »
(Responsable du recrutement, 610 salariés, services,
Île-de-France)
L’EAE peut permettre, en outre, de recenser les besoins et les souhaits en formation, en vue d’une
mobilité interne. Il permet également de se renseigner sur le candidat potentiel au travers d’une évolution dans le temps. En effet, il s’agit d’un rendez-vous
régulier, qui peut servir pour évaluer le profil, mieux
considérer son éligibilité et dès lors minimiser les
risques associés à la mobilité interne.
« Pour la mobilité interne, on s’appuie sur des éléments
d’expérience. Parfois, on fait des paris, avec les changements de métiers, mais on a des éléments objectifs
qui limitent la prise de risque comme les EAE. » (Responsable développement ressources humaines,
2 000 salariés, services, Rhône-Alpes)
Mais, cet outil, dont la mobilité interne n’est pas
l’objectif premier, n’est pas toujours utilisé de manière
efficiente. Tout d’abord, dans de nombreuses entreprises (plutôt les moyennes), l’EAE n’est pas construit
comme un rendez-vous fort.
« Le point faible des EAE ? La pratique : c’est plutôt
tous les deux ans que tous les ans… » (Chargée de
recrutement, 590 salariés, Services, Île-de-France)
Les évaluateurs ne sont pas tous formés pour évaluer
la capacité des cadres à évoluer d’un poste à un autre,
et la réticence des N + 1 à voir partir les membres de
leur équipe peut aussi les conduire à ne pas s’étendre
sur les perspectives de mobilités internes.
« Ça serait bien si les N + 1 osaient être honnêtes à
propos des possibilités d’évolution… cela engendre des
frustrations quand ils ne disent pas aux collaborateurs les choses honnêtement. » (Responsable du recrutement, 600 salariés, commerce, Centre)
Enfin, l’information, même si elle est informatisée,
n’est pas toujours centralisée (ou tout simplement
exploitée) dans le process de mobilité interne, souvent par manque de temps. l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
41
–5–
LES OUTILS ASSOCIÉS À LA MOBILITÉ INTERNE
– DES OUTILS DE GESTION PRÉVISIONNELLE DES EMPLOIS –
Les entreprises les plus volontaristes en matière de mobilité interne ont développé
différents outils pour favoriser la mobilité interne.
Les référentiels emplois/compétences
Le recensement des compétences et leur corrélation
à des parcours/métiers sont toujours exprimés
comme des chantiers extrêmement lourds, complexes. Les RRH sont à la recherche de dispositifs qui
les aideraient à constituer les fiches métiers, à identifier et formaliser les passerelles métiers. Cette attente est d’autant plus forte pour des entreprises où
les métiers évoluent très rapidement, des entreprises
en expansion, où le nombre de métiers croît rapidement ou bien encore des entreprises avec des représentations très hermétiques des métiers.
« En effet, mettre en évidence les compétences transversales, cela me semble indispensable si on veut bouger au niveau de la mobilité : pour pouvoir mettre en
face des différents métiers ce qu’on a comme compétences ; pour monter les formations ; pour créer ces
fameuses passerelles, pas visibles aujourd’hui et notamment au siège. » (Responsable du recrutement,
610 salariés, services, Rhône-Alpes)
Les fiches métiers sont reconnues comme un outil
fondamental de mobilité interne (surtout par les
RRH des entreprises disposant d’une grande diversité de métiers ou bien celles où il existe une étanchéité importante entre les entités). Elles constituent une source d’information indispensable sur
les métiers. Toute la difficulté est de les créer et de
les actualiser. Ces fiches mentionnent parfois le
descriptif des compétences attachées à chaque
métier, ce qui permet ensuite d’établir des passerelles entre différents postes.
« On travaille par BU spécialisés par secteur. C’est
assez étanche. On travaille pour offrir plus de visibilité aux différentes filières, compétences, pour
que nos collaborateurs prennent conscience des
mobilités possibles. » (Responsable développement
ressources humaines, 2 000 salariés, services,
Rhône-Alpes)
42
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
L’intérêt perçu est multiple. Les fiches métiers sont perçues par les RRH comme un outil de projection pour le
cadre et un outil de réflexion pour l’entreprise qui incite
à penser et rendre très concrètes les possibilités de
passerelles et les compétences transversales.
« Ça rend visible l’organisation de l’entreprise et ça
aide les collaborateurs à savoir ce qu’ils peuvent faire
pour évoluer au sein de l’entreprise. » (Responsable
développement ressources humaines, 2 000 salariés,
services, Rhône-Alpes)
« On indique en bas de la fiche de poste les évolutions
envisageables… un ingénieur étude sait que le poste
de chef de travaux, peut lui être destiné à moyen ou
long terme. » (Chargée de recrutement, 590 salariés,
services, Île-de-France)
Les outils permettant une gestion
prospective de la mobilité
Divers outils ont été mis au point par certaines
entreprises adeptes d’une politique de mobilité
interne « stratégique », afin d’anticiper les changements à moyen et long terme liés notamment
l’évolution des métiers/des technologies, un changement d’organisation interne et ce, afin de mettre
en place une réflexion sur des transferts de compétences envisageables.
• L’observatoire des métiers
Parmi les outils créés par les entreprises, l’observatoire des métiers a été cité plusieurs fois lors des entretiens. Cet outil, axé sur l’anticipation des besoins,
permet d’identifier et de décrire les emplois d’une
entreprise, d’en donner une vision panoramique et
prospective et de repérer ainsi les postes touchés par
d’éventuels changements.
« L’observatoire des métiers est un outil projectif,
pour anticiper la “criticité” des postes. Dans trois
ans, un poste va devenir critique, car il va y avoir des
départs à la retraite, des évolutions techniques, des
changements dans la stratégie de l’entreprise. Il faut
penser à faire évoluer les bonnes personnes. L’objectif
est de faire cette commission deux fois par an »
(Chargé de développement RH, 600 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
évoluer les personnes…. On anticipe l’organisation de
notre groupe. D’abord on identifie qui pourrait être le
successeur. Ensuite, on organise le transfert de compétences. » (Responsable RH, 1 500 salariés, industrie,
Rhône-Alpes)
Il s’agit d’une simulation des remplacements, la
création de scénarios de remplacement possibles.
• La revue de personnel ou le succesfull planning
Dans une perspective de gestion (voire de préservation) des « talents », la revue de personnel apparaît
pour certains RRH interrogés comme un outil de dialogue sur le plan de carrière pour chaque cadre.
« Derrière la revue de personnel, ce qui est intéressant
c’est de faire de l’anticipation des mobilités, on identifie des “potentialités à prendre le poste de…”, c’est
une gestion prévisionnelle de l’emploi. On identifie les
compétences clés de chacun, la manière dont on voit
« On fait du “Successful planning” : qui est capable
de remplacer untel aujourd’hui, demain, dans deux
ans. » (RRH, 4 000 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
Cet outil, encore trop peu utilisé selon les RRH
interrogés, est l’un des plus aboutis en termes
d’anticipation de la mobilité. Il nécessite en effet
une véritable évaluation des performances et des
compétences, et s’accompagne de la mise en place
de plans d’accompagnement pour rendre possible
ces mobilités potentielles. l
– DES OUTILS AXÉS SUR LA COMMUNICATION –
Les forums métiers : des espaces
d’information, de découverte et d’échanges
Pensés sur le modèle des salons d’information, ces forums sont un lieu d’échange entre collègues, permettant de rendre compte des possibilités de passerelles
au regard de l’expérience des autres collaborateurs.
« Les métiers du groupe sont présentés par des opérationnels, sous forme de stands. » (Responsable de la
Mobilité, 40 000 salariés, services, Île-de-France)
Des outils incitant les cadres à une posture
de « co-acteur » de leur mobilité
Parmi les entreprises proactives sur la mobilité interne, certaines ont développé des outils ad hoc afin
de placer le cadre dans une situation de construction
de son parcours professionnel, le but étant de créer
une véritable culture interne de la mobilité.
Les RRH interrogés soulignent que ces outils s’inscrivent dans une démarche globale de responsabilité
sociale de l’entreprise : maintenir l’employabilité des
cadres. Ils favorisent la responsabilisation du cadre et
la normalisation de la mobilité interne, tout en participant, in fine, à l’adhésion des collaborateurs au
projet « sociétal » de l’entreprise. Les ateliers mobilité en sont un exemple.
« Les mini-ateliers RH : le principe, vingt minutes
d’entretiens avec un RH. Pour faire le point sur le CV,
pour préparer un entretien de mobilité. Ça dédramatise un peu le contact avec son GRH. Ce spot a fait un
tabac. […] C’est gratuit, c’est sur le temps de travail.
Cela permet de faire comprendre aux cadres que la
mobilité est un investissement, que ce n’est pas un
dû. » (Responsable de la mobilité, 40 000 salariés,
services, Île-de-France) l
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
43
–5–
LES OUTILS ASSOCIÉS À LA MOBILITÉ INTERNE
– LES OUTILS « POSTMOBILITÉ » : ENCORE PEU DIFFUSÉS –
Dans une minorité d’entreprises, toujours les plus
actives sous l’angle de la gestion de la mobilité, certains RRH interrogés soulignent l’importance des
dispositifs mis en place pour assurer un suivi des
mobilités en interne. Ces outils leur semblent fondamentaux pour sécuriser le passage d’un poste à
l’autre et minimiser les risques associés à la mobilité
interne. « Il y a une période de sollicitation qui permet au
service antérieur de solliciter la personne pendant un
certain temps, si besoin. » (Responsable gestion des
ressources humaines, 60 salariés, services, Centre)
La période de probation, un possible retour
en arrière
Les entretiens de fin de période d’essai, un
outil d’accompagnement de la mobilité
Cette période est aussi appelée « période d’essai en
interne » ou « parcours de découverte ». Ce dispositif
permet d’évaluer l’adéquation du profil du cadre avec
le poste à pourvoir tout en gardant la possibilité d’un
retour en arrière au poste antérieur ou à un poste
équivalent.
Peu d’entreprises pratiquent ces dispositifs. Pourtant
ces bilans post-mobilité sont un outil d’évaluation
riche d’enseignements. Ils permettent, si nécessaire,
des réajustements pour faciliter la prise de poste,
identifier des besoins de formations.
« Il y a toujours une période probatoire de 3 à 6 mois,
pour être sûr que la personne se plaît dans le poste.
On prévoit que si ça se passe mal, la personne peut
reprendre son poste ou revenir à un poste équivalent. »
(Chargé de développement RH, 600 salariés, industrie, Rhône-Alpes)
« S’il y a des difficultés pendant la période d’essai,
soit on met un plan d’accompagnement pour combler les lacunes, soit le retour au poste d’avant est
possible, si on considère que le poste ne lui convient
pas. » (Responsable du recrutement, 600 salariés,
commerce, Centre)
Des variations de ce dispositif ont pu être observées
dans certaines entreprises :
• Une intégration graduelle au sein du nouveau
service : le collaborateur prend ses fonctions à mitemps, ce qui permet d‘honorer ses engagements au
poste précédent et/ou de disposer d’un temps
d’apprentissage,
• « Une période de sollicitation » 44
APEC – POLITIQUES ET PRATIQUES DE MOBILITÉ INTERNE DES CADRES DANS LES ENTREPRISES
Toutefois, selon les RRH interrogés, les difficultés de
gestion des « situations d’échec » rendent ce type de
dispositif compliqué à développer.
« Je reçois chaque personne après deux mois, pour
valider l’intégration. Pour sécuriser les transferts. C’est
vraiment l’accompagnement managérial qui compte :
recevoir les personnes, les écouter. C’est un outil apprécié par les gens qui ont fait une mobilité. Ils apprécient le sentiment d’être suivis, d’être accompagnés.
C’est souvent stressant les mobilités pour les gens. »
(Responsable Ressources Humaines, 1 500 salariés,
industrie, Rhône-Alpes)
« Quand il y a un changement de métier, on laisse le
cadre pendant 15 jours voire un mois avec ses nouveaux collaborateurs. Puis on lui demande un rapport
d’étonnement : ce qu’il a découvert et son recul aussi
sur ce poste. » (Responsable Recrutement, 800 salariés, industrie, Centre) l
2013-46
N°
JUIN 2013
–POLITIQUES ET PRATIQUES
DE MOBILITE INTERNE
DES CADRES
DANS LES ENTREPRISES –
ISBN ISBN 978-2-7336-0695-7
Cette étude a été réalisée par le département
Études et recherche.
Pilotage de l’étude : Nathalie Bertrand
www.apec.fr
Analyse et rédaction : Clémence Balmette
Direction de l’étude : Raymond Pronier
Directeur de département : Pierre Lamblin
ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES
51 BOULEVARD BRUNE – 75689 PARIS CEDEX 14
CENTRE DE RELATIONS CLIENTS
0810 805 805*
DU LUNDI AU VENDREDI DE 9H À 19H
*prix d’un appel local
EDOBSA0166-ETU-07.13
Quels sont les enjeux de la mobilité interne pour les
entreprises ? Quel état des lieux peut-on faire des politiques
et de la gestion de la mobilité interne des cadres ?
La mobilité interne est un outil de gestion des ressources
humaines dont l’intérêt pour les entreprises et pour les cadres
est plébiscité par les responsables des ressources humaines
interrogés.
Toutefois, sa mise en œuvre peut prendre différentes formes
selon les entreprises : elle est « réactive » quand elle répond
à un besoin de recrutement (création ou vacance de poste) ;
elle est « pro-active » quand elle se traduit par un processus
élaboré sur le long terme destiné à créer des parcours
professionnels et à anticiper les changements touchant
les métiers et l’organisation de l’entreprise. Cette conception
de la mobilité interne demeure, pour beaucoup d’entreprises,
un objectif à atteindre.