vida del che : une bande dessinée des temps tourmentés

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vida del che : une bande dessinée des temps tourmentés
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tourmentés
vida del che : une bande dessinée des temps
tourmentés
par Philippe Videlier
[juin 2013]
En vérité, il s’agit d’une histoire en abyme, à l’image de l’Amérique Latine. La Vida del Che parut en
Argentine, d’où était originaire Ernesto Guevara, l’année suivant sa mort : dessins de Breccia père et
fils, scénario d’Héctor Germán Oesterheld. Pour aller au fond des choses, cependant, il semble plus
juste d’avancer que le scénario a été écrit pour moitié par les militaires, pour moitié par les
guérilleros des montagnes et des forêts.
disparition et résurrection
Commençons par la fin. Au mois de janvier 2002 sortit des presses de Turin, en Piémont, l’album
Donde esta Oesterheld ? – la bande dessinée argentine disparue, dont la couverture, un dessin de
Félix Saborido [1], présentait la foule silencieuse et inquiète des personnages créés par Oesterheld :
Ernie Pike (à qui il ressemblait comme deux gouttes d’eau), le Sergent Kirk, Maha l’Indien, Caleb Lee,
le Docteur Morgue, Sherlock Time, Ezra Winston (qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à
Breccia père), et tant d’autres rassemblés sous la banderole : ¿Donde esta Oesterheld ? – Où est
Oesterheld ?
L’album s’ouvrait sur un récit de huit planches du dessinateur Juan Zanotto, lui-même formé par
Alberto Breccia et Hugo Pratt à l’École Panaméricaine d’Art fondée à Buenos Aires dans les années
cinquante. Sa contribution, « Un fumeto per Héctor » (Une BD pour Héctor), faisait surgir des limbes le
fantôme d’Héctor Germán Oesterheld. « Mon histoire se passe en Argentine, disait le fantôme.
L’Argentine d’il y a longtemps. » Le spectre évoquait l’Argentine de Perón, des militaires, et ses
revues de bandes dessinées, Misterix, Frontera, Hora Cero. À un moment, planche cinq, un homme
venait sonner chez lui. « Bonjour, monsieur Breccia, vous cherchez Papa ?
– Oui Beatriz. » La jeune fille s’effaçait devant le visiteur, et le fantôme, alors de chair et d’os,
l’accueillait : « Salut Alberto ! Qu’est-ce qui me vaut ta visite ? Un problème de scénario ?
– Non, cette fois je veux te parler d’une affaire délicate. » Au mur du studio d’Oesterheld, à côté du
Sergent Kirk, figurait un portrait du Che, la fameuse photographie avec le béret étoilé. « Le poster de
Guevara, poursuivait Breccia, il n’est pas sain d’avoir ça chez soi par les temps qui courent.
– Ce sont mes filles qui l’ont accroché. Mais comment peux-tu dire ça, après que nous ayons réalisé
ensemble La Vie du Che en bandes dessinées ?
– Oui, mais les militaires ont fait disparaître tous les exemplaires, et moi, par sécurité, j’ai détruit les
planches.
– Mais qu’as-tu fait ?!!!, protestait Oesterheld, le scénariste.
– Crois-moi, c’est mieux ainsi, reprenait le dessinateur. Mais j’ai enterré dans le jardin un exemplaire
du volume publié. » Tandis qu’à l’extérieur de la maison un flic de la Secrète, patibulaire en paletot,
lunettes noires, cheveux en brosse, allumait une cigarette, une bulle sortait de la fenêtre, la voix
d’Alberto Breccia s’adressant à Héctor Oesterheld : « J’ai été menacé, tu sais. Et on entend
d’étranges rumeurs alentour. Tu devrais faire attention à tes filles, elles se mettent trop en avant. » Au
bas de la planche sept, trois costauds en Ford Flacon, blousons, cheveux en brosse, lunettes noires,
s’arrêtaient dans une rue à la hauteur du scénariste Oesterheld [2]. Et on ne l’a jamais revu. Disparu,
tu as disparu…
« Je viens de pays, de lieux où la mort est quotidienne, où l’environnement n’est pas
particulièrement joyeux, où la vie ressemble à un jeu de hasard », disait Alberto Breccia, lorsque, âgé
mais enfin reconnu, il voyageait en Europe [3].
La belle exposition rétrospective consacrée à Alberto Breccia, un an avant sa mort, par le Musée
Ianchelvici de La Louvière, petite ville de Wallonie au passé industriel, n’évoquait curieusement pas
la Vida del Che, l’album maudit écrit par un disparu. De cette absence incongrue naquit le projet
mis en œuvre par l’éditeur Fréon dans sa revue expérimentale Frigobox [4]. L’album Vida del Che
allait connaître deux éditions en langue française, dérivées d’une édition espagnole de 1987 : la
première parut à Bruxelles en 2001, suite à la prépublication dans Frigobox, la seconde à Paris, chez
Delcourt, en 2009.
Une édition italienne fut publiée à Turin en 1995, et une deuxième chez Rizzoli à l’automne 2007, soustitrée « un roman graphique révolutionnaire » et agrémentée d’un aphorisme de Cioran qui sonne
étrangement quand on sait que l’écrivain franco-roumain fit ses premières classes dans la Garde de
Fer d’avant-guerre. L’édition allemande date de 2008. On ajoutera une édition croate, la même
année, une brésilienne à Sao Paulo qui porte en sous titre « les derniers jours d’un héros ». Mais cette «
résurrection » n’aurait pas été totale si le retour de la démocratie en Argentine n’avait pas permis
des rééditions successives là où l’œuvre fut créée : Imaginador d’abord (1997), puis une édition
populaire de petit format sur papier journal par le quotidien Clarín en 2007, enfin une édition « revue
et corrigée » en 2008, aux bons soins de Doedytores et à un prix élevé.
L’œuvre oubliée d’auteurs longtemps mésestimés
La Vida del Che se lit sur deux plans alternatifs entremêlés : les derniers six mois du héros, condensés
sous le crayon d’Enrique Breccia, coupés de séquences biographiques longitudinales dessinées par
son père Alberto. Un plan horizontal, unité de temps et de lieu – la Bolivie de 1967 ; un plan vertical,
l’errance du Che de la jeunesse à la maturité – Argentine, Guatemala, Cuba, Congo, 1928-1966.
Enrique a eu l’occasion de souligner que la Vie du Che était son premier album. Il avait vingt-trois
ans. L’esthétique sobre et déchirée dont il fait preuve s’avère proprement extraordinaire par ce
qu’elle engendre de sentiments mélancoliques. On retrouve cette orientation graphique dans les
courts récits qu’il conçut entre 1972 et 1976, rassemblés dans l’album italien La Guerra della pampa
e altre storie (Editiemme, Milan, 1980). Paradoxalement, son dessin est alors plus original, plus dense,
plus personnel que dans des créations postérieures mais mieux connues, tel Alvar Mayor, publié à
Buenos-Aires en 1980, sur un scénario assez faible de Carlos Trillo, et offert aux lecteurs français par
Pilote (album Dargaud 1983). Quant au dessin d’Alberto Breccia pour la vie de Che Guevara, il est à
son sommet, d’une qualité égale et parfaitement identifiable. Alberto Breccia a été introduit
subrepticement en France par les éditions Imperia, éditions lyonnaises de petits formats du genre
guerre ou western, dont les récits ne sont jamais signés ni crédités. Mais quiconque lit aujourd’hui
certains numéros de X-13, agent secret, repère immédiatement le trait inimitable du dessinateur
argentin – manifeste dans l’expression des visages (par exemple l’épisode « Jeux dangereux », X-13
No.30 et 31, janvier et févier 1962, ou l’épisode « L’Escadre fantôme », X-13 No.49 et 50, novembre
1962). La reconnaissance n’est venue que bien après.
On doit à la revue Phénix, de Claude Moliterni, d’avoir fait connaître les Breccia, père et fils, à un
public averti. Le numéro d’avril 1973 accompagne le premier épisode de Mort Cinder d’une
présentation lapidaire mais fort élogieuse de son auteur : « Alberto Breccia est né à Montevido. Il
passe une grande partie de sa jeunesse en Uruguay puis il part pour l’Argentine où il se fixe
définitivement. Aujourd’hui, il a cinquante-trois ans. Il est considéré en Amérique du Sud comme l’un
des grands maîtres de la bande dessinée. Il a enseigné à l’Escuela Panamericana de Arte et aussi à
l’Institut IDA de Buenos-Aires. Alberto Breccia est l’auteur des meilleures histoires en bandes
dessinées. Sa collaboration la plus intéressante est celle avec Héctor Oesterheld, l’un des scénaristes
les plus valables d’Argentine. » La notice, assez approximative (puisque la famille Breccia était partie
d’Uruguay lorsqu’Alberto avait deux ans), signale cependant que le dessinateur a exposé à la
Graham Gallery de New York et au Musée d’Art de São Paulo, plaçant par là son œuvre dans de
hautes sphères artistiques éloignées de l’univers banal des petits Mickeys. Pareille considération était
assez rare à l’époque pour être soulignée.
Lorsque Phénix présente au public français Breccia et Oesterheld, la Vie du Che est parue depuis
cinq ans déjà. Et malgré la remarquable popularité du révolutionnaire argentin à un moment où
fleurissent toutes sortes de mouvements lycéens et étudiants arrimés à la contre-culture, il n’est nulle
part question de cette œuvre, ni alors, ni dans les années suivantes. L’Encyclopédie des bandes
dessinées d’Albin Michel (1978) consacre d’ailleurs seulement trois lignes à Alberto Breccia et trois
autres à Oesterheld contre deux colonnes pleines et illustrées à Robert Crumb considéré comme un
must : « Dès la fin des années 30, Breccia, d’origine uruguayenne a commencé à produire des séries
d’aventures. Un scénariste comme Héctor Oesterheld jouera également un grand rôle dans cette
évolution. » Le scénariste était si peu considéré à l’étranger qu’il n’est pas même crédité de ses
œuvres dans les premières éditions françaises du Sergent Kirk (Sagédition, 1975-1977) [5] et d’Ernie
Pike (Glénat, 1979). Il faut attendre la belle Histoire mondiale de la bande dessinée coordonnée par
Claude Moliterni chez Pierre Horay (1980) pour que, à l’entrée « Argentine », sous la plume du
fondateur de l’École Panaméricaine d’Art de Buenos-Aires, Enrique Lipsicz, soit enfin mentionnée la
Vie du Che : « En 1968, l’éditeur Jorge Álvarez a publié Vida del Che, une biographie de Che
Guevara sur un scénario de Oesterheld et des dessins de Alberto Breccia et de son fils Enrique. Le
Servicio de Informaciones del Ejército du gouvernement militaire fait saisir cette bande. » Depuis près
d’une décennie, l’album était introuvable.
la légende et ses vérités
En ouverture de la première version française, les Belges de Fréon expliquaient : « Les livres, comme
les hommes, ont une histoire, et celle de Che est à la hauteur du mythe qui s’est créé autour de cet
album. » L’édition Delcourt, postérieure de huit ans encore, expose en quatrième de couverture sa
version des choses : « 1968, la première biographie en bande dessinée du Révolutionnaire Che
Guevara paraît en Argentine. 60 000 exemplaires sont écoulés en quelques semaines. 1973, la junte
militaire prend le pouvoir, le livre est interdit. Le dessinateur Alberto Breccia et son fils Enrique sont
menacés ainsi que le scénariste Héctor Oesterheld. Les planches originales sont brûlées, quelques
exemplaires de la bande dessinée sont enterrés sous un arbre. » Tout, ici, est sujet à caution, les
dates, le tirage, le contexte, les événements. La légende vient pourtant d’une interview d’Alberto
Breccia accordée aux éditeurs belges, interview qui eut lieu, note-t-on, le 12 mars 1992 à l’hôtel
Métropole de Bruxelles, et a été intitulée « Autodafé ». Les soixante mille exemplaires de l’année 1968
vendus en quelques semaines, le livre interdit, les planches brûlées, cela se trouve dans l’entretien
réalisé par Jan Baetens (mais pas l’histoire des exemplaires enterrés au pied d’un arbre). Breccia
ajoute même que le jour de la sortie de l’album, les murs de Buenos-Aires se sont couverts d’affiches
l’annonçant. « À l’époque, rappelait-il justement, la jeunesse était très politisée, à la différence des
jeunes apathiques d’aujourd’hui, broyés et gâchés par la bêtise des médias modernes qui préfèrent
l’argent à l’information [6]. » C’est aussi Alberto Breccia qui avance la date de 1973 comme début
d’une répression rendant « la possession et la lecture » du livre extrêmement périlleuse : « Les gens
avaient tellement peur qu’ils se sont empressés de brûler eux-mêmes les exemplaires qu’ils avaient
achetés. » Une chose est sûre, cependant : la terreur régna sur l’Argentine des années durant.
Alors que l’Europe vivait ses Trente Glorieuses, l’Argentine, pays cultivé, connut une succession de
tragédies liées à la doctrine de violence d’État, dite de « sécurité nationale », appliquée avec
méthode sur la partie sud du continent, avec la bénédiction des services nord-américains. Des
régimes que l’opposition appelait les « dictatures gorilles » s’installèrent dans une atmosphère
chaotique. En Argentine, le bref gouvernement civil du président Arturo Illia fut renversé en 1966 par
le coup d’État du général Onganía, auquel succéda en 1970 par un putsch le général Levingston,
lequel fut destitué en 1971 par le général Lanusse, qui céda la place courant 1973, après un court
intermède civil, au vieux général Perón, rappelé de son exil dans l’Espagne de Franco. Lorsqu’il
mourut bientôt, le général Perón fut remplacé par un duo : sa troisième épouse Isabel, un ersatz
d’Evita Perón (épouse du temps de sa splendeur), et son âme damnée José López Rega, surnommé
« Le Sorcier », ancien policier, ministre du Bien-Être Social et chef occulte des escadrons de la mort,
la funeste Triple A – Alliance Anticommuniste Argentine. Isabel s’effaça en mars 1976 devant une
junte militaire composée d’un trio d’assassins majeurs, auxquels succédèrent d’autres assassins
galonnés. Jusqu’à la chute de la dictature en 1983, suite à la déroute de l’Armée argentine aux
Malouines, les militaires menèrent une guerre d’extermination contre la population récalcitrante et
firent disparaître entre vingt et trente mille personnes de toutes conditions, dont Héctor Germán
Oesterheld, scénariste de bandes dessinées.
Bref, toute l’histoire de l’album Vida del Che, du début à la fin, se déroule sous le signe des régimes
militaires, depuis Onganía jusqu’au trio mortel de l’ultime junte tortionnaire. Mais en même temps
qu’une répression de plus en plus féroce s’abattait sur le pays, des mouvements de résistance se
développaient dans les universités et les faubourgs industriels. À cette période se rattachent des
événements marquants : le Cordobazo, en mai 1969 (un mouvement social rassemblant étudiants et
ouvriers, qui n’était pas sans rappeler Mai 68 − grèves, barricades −, dont l’épicentre se trouvait dans
la ville de Córdoba) ; le massacre de Trelew en août 1972 (assassinat de sang-froid, par les militaires,
de guérilleros évadés d’un pénitencier de Patagonie) ; le massacre d’Ezeiza en juin 1973 (meurtre
prémédité de manifestants de gauche par des tueurs d’extrême-droite lors du retour de Juan Perón
à l’aéroport de Buenos Aires). Et puis il y eut le flot des disparitions. La société ne vécut pas dans sa
totalité les événements de la même façon, la pression ne s’exerçait pas sur tous de manière
identique, mais tous ont été touchés. Le sociologue Daniel Feirstein, du Centre d’Études des
Génocides de l’Université de Buenos Aires, explique : « La terreur nous a tous traversés et a produit
des effets en chacun de nous. »
Dans l’interview de l’hôtel Métropole pour Frigobox, Alberto Breccia exprimait sa propre perception
à quinze-vingt ans de distance. Son fils Enrique, interrogé en 2008, quarante ans après la parution de
la Vida del Che, trente-cinq ans après le début des disparitions, s’inscrit en faux. « Il est exact, dit-il,
que le livre a été saisi peu après sa sortie, mais par Jorge Álvarez [l’éditeur], nous avons su qu’il s’était
bien vendu et avait eu un bon retentissement général. Mais personne ne nous a poursuivis ni serrés.
Aucun militaire n’a déboulé chez mon père ou chez moi. Et cette histoire que mon père aurait
enterré un exemplaire dans son jardin, je n’en ai jamais entendu parler. Un peu de bon sens : à quoi
bon enterrer un exemplaire unique dans le jardin ? Les originaux ont été détruits, mais pas les
exemplaires qui se sont vendus et servent à imprimer les rééditions successives de la bande dessinée.
Par ailleurs, nos vies n’ont jamais été menacées, à part la crainte de mourir de faim du fait de la
misère que nous gagnions par notre travail [7]. » Enrique Breccia n’évoquait là que les éléments
factuels relatifs à la parution de la Vida del Che. Car pour ce qui était de la situation d’ensemble, à
la question : « Qu’a impliqué la présence du gouvernement militaire sur vos créations et votre vie
quotidienne ? », posée par d’autres intervieweurs, il répondait : « Dans les premières années, de 1976
à 1979, ma vie personnelle s’est vue beaucoup affectée par les circonstances qu’imposaient mon
militantisme politique et la dynamique propre de la réalité en ces jours [8]. »
Un parallèle peut être établi avec l’expérience du journaliste Hugo Gambini, auteur de la première
biographie du Che parue à Buenos Aires. Dans la préface à une réédition, Gambini relate l’itinéraire
heurté de son livre : la suggestion d’un éditeur après la mort du Che, trois mois de recherches, quatre
d’écriture, soixante jours de fabrication, une parution en juin 1968, premier tirage épuisé rapidement,
bonnes critiques dans la presse, deuxième tirage épuisé, best-seller à Buenos Aires… « jusqu’à ce que
le découvrent les agents sagaces de la Division des Investigations Policières Antidémocratiques
(DIPA) ». « Ces braves types », disait ironiquement l’auteur, écumèrent les librairies du centre ville pour
rafler les volumes disponibles du troisième tirage. « Il restait bien peu d’exemplaires et un quatrième
tirage était en route quand la lecture de ce livre et d’autres fut déclarée pernicieuse pour la santé
intellectuelle du peuple [9]. » Suivirent cinq ans de silence. La quatrième édition sortit des presses en
juillet 1973, pendant l’éphémère moment d’ouverture entre la dictature du général Lanusse et le
retour du vieux Perón assisté d’Isabel et de López Rega. À nouveau, les éditeurs de la biographie El
Che Guevara de Gambini furent l’objet de menaces répétées, cette fois par « les bons gars de la
Triple A, plus démocratiques encore que ceux de la DIPA ». L’aventure s’arrêta là, pour une
vingtaine d’années. La même chose se produisit pour la Vida del Che en bandes dessinées.
Ainsi allait l’Argentine. Dictature, en espagnol, se dit dictadura, ce qui permet un jeu de mot sur dura
– dure : dicta-dura, dicta-blanda – dicta-dure et dicta-molle, pour signifier des différences d’intensité
dans la répression. La dictature d’Onganía (1966-1970) paraît rétrospectivement molle par rapport à
la terreur massive des années 1976-1983. La mort du Che en Bolivie, à l’automne 1967, suscita un
émoi planétaire et, par conséquent, donna lieu à un grand nombre de reportages dans la presse du
monde entier, y compris en Argentine. L’hebdomadaire Siete Dias, magazine de grande diffusion
analogue à Paris Match, mettait le Che en couverture de son numéro du 17 octobre (une semaine
après la mort du guérillero) : la célèbre photo au béret étoilé. La bibliographie de l’ouvrage El Che
Guevara de Gambini fait référence aux multiples articles publiés alors dans la presse argentine. Vida
del Che en bandes dessinées ne paraissait donc pas dans un désert informatif mais, au contraire,
s’insérait parfaitement dans l’esprit et l’air du temps, quelles que soient les vicissitudes.
Il existe une longue interview de Héctor Oesterheld, réalisée le 5 mars 1975 par Carlos Trillo et
Guillermo Saccomanno (tous deux scénaristes), dans laquelle l’auteur de Vida del Che livre son
parcours, ses souvenirs et son point de vue [10]. L’album, dit-il « était prévu pour sortir en octobre, en
période scolaire. Mais il est paru en janvier, en plein été [austral], quand il n’y a plus d’étudiants à
Buenos Aires. Malgré tout, en mars il était quasiment épuisé. Peu de temps après, la maison d’édition
fut fermée : les éditions Jorge Álvarez. Pas spécifiquement à cause de Che, mais parce qu’ils
publiaient trop de livres de gauche et, donc, tout un tas furent saisis. » En 1968, à Buenos Aires, Jorge
Álvarez publiait un Sartre par lui-même, Mafalda de Quino et Che Guevara, vie et mort d’un ami, de
Ricardo Rojo, qui se vendit à cent mille exemplaires (traduit en français aux éditions de Seuil en mai
68). Mêlé à une foisonnante production contestataire, l’album de Breccia-Oesterheld pouvait donc
voir le jour en Argentine, du temps du régime militaire d’Onganía.
la mémoire et ses impossibilités
Par contre, en dépit des affirmations des uns et des autres, il est certain que Vida del Che n’a pu
paraître en janvier 1968. La chose est matériellement impossible. Les séquences boliviennes,
dessinées par Enrique Breccia, s’appuient en effet sur le Journal de Bolivie de Che Guevara qui ne
fut publié à Cuba, en première mondiale et au terme de péripéties rocambolesques trop longues à
raconter, qu’à l’été 1968. Le jour de la mort du Che – 9 octobre 1967 – dans le village perdu de La
Higuera, un agent de la CIA amené par hélicoptère, photographia les carnets de Che Guevara sur
lesquels le guérilléro tenait au jour le jour la chronique de son équipée. L’original top-secret resta aux
mains des généraux boliviens, qui songèrent un moment à le vendre aux enchères. Time-Life et
l’agence Magnum étaient sur les rangs. Une reporter délurée de Paris Match, ancien mannequin
chez Chanel, se porta (faussement) acquéreur à hauteur de 400 000 dollars afin d’obtenir des
informations. Elle a relaté cette aventure dans le magazine radical américain Ramparts, de San
Francisco, en mars 1968. Le Journal du Che demeura de longs mois enfermé dans un coffre. Une
copie microfilmée parvint entre les mains des Cubains via le Chili par l’entremise d’un transfuge, rien
moins que le ministre de l’Intérieur de la junte bolivienne, qui décida un jour de fiche le camp avec
le trésor et de passer (provisoirement) à l’ennemi. Après authentification, le Journal de Bolivie de
Che Guevara sortit des presses de La Havane le 26 juin 1968 à 250 000 exemplaires et fut distribué
gratuitement. Il fut ensuite publié par des maisons amies d’Europe et des États-Unis, par François
Maspero à Paris (achevé d’imprimer le 2 juillet 1968), par Gianfranco Feltrinelli à Milan (juillet
également), par le magazine Ramparts de San Francisco (numéro du 27 juillet 1968). Une édition
pour l’Amérique Latine vit le jour au Chili, pays encore démocratique, dans le No.59 de la revue
d’extrême-gauche Punto Final, datée de la première quinzaine de juillet. « Dans le cas de PF, cette
exclusivité s’étend non seulement au Chili mais aussi aux pays du Cône Sud », claironnaient
fièrement les éditeurs.
Cela signifie qu’en aucun cas la Vida del Che n’a pu être mise en chantier avant le milieu de l’été
1968. Et encore fallait-il que les auteurs se soient procuré sans délai le Journal de Bolivie, l’aient lu, en
aient tiré leurs idées, considérant que le scénariste doit décider du contenu et de la forme, que les
dessinateurs doivent fignoler soixante-dix planches complexes, à quoi il faut ajouter le lettrage et le
processus d’impression dans les conditions techniques de l’époque. Ainsi se voit mise à mal la
légende, colportée de réédition en réédition, d’un album réalisé en riposte immédiate à l’assassinat
de Che Guevara, dans les semaines suivant l’événement.
Mais la légende garde un aspect séduisant, comme si elle conférait à l’album un surcroît de
romantisme, et c’est pourquoi sans doute, jamais elle n’a été mise en question. La quatrième de
couverture de l’album brésilien de 2008 reprend sans barguigner la chronologie fictive de sa
production initiale : « Publié en Argentine en 1968, à peine trois mois après la mort de Guevara et en
pleine dictature militaire, il est considéré comme l’une des œuvres qui a le plus contribué à
consolider l’image du Che comme héros latino-américain ». Les quelques informations sur la
conception de l’œuvre picorées ici et là, vingt ans après, au moment de sa résurrection n’ont pas
été vérifiées ni réévaluées. Peut-être est-ce aussi parce que, dans le domaine de l’Art, l’histoire
semble une donnée secondaire. Ainsi le sérieux quotidien de Buenos Aires Página/12 fait-il de la
légende une qualité additionnelle de l’album, un quasi-argument promotionnel : « À peine trois mois.
Ce fut le temps écoulé entre l’annonce de la mort du Che et la parution de la Vida del Che, une
bande dessinée que les circonstances curieuses entourant son existence ont transformée en un des
chapitres les plus ignorés des mythes du genre [11]. » Enrique Breccia assure avoir conservé
longtemps quelques pages du scénario d’Oesterheld et que celui-ci était réduit à sa plus simple
expression : la seule indication des dialogues. Une fois encore, cela est improbable car l’œuvre est
incroyablement précise dans son rapport à la réalité historique.
La création de Vida del Che a demandé une ample documentation : le Journal de Bolivie et les
témoignages concernant la mort du Che pour la partie dévolue au fils Breccia, un faisceau
d’éléments factuels composites pour les séquences réalisées par Alberto Breccia. L’asthme du petit
Guevara, l’éveil à la politique dans la fréquentation de réfugiés républicains espagnols, la première
fiancée Chichina Ferreyra, les lectures, Neruda, Stefan Szweig, le tour des provinces argentines sur un
vélo doté d’un petit moteur de marque Micrón, la randonnée en moto à travers l’Amérique du Sud,
Machu Picchu la ville morte des Incas, la descente de l’Amazone sur un radeau baptisé ManboTango, le deuxième voyage à travers l’Amérique, Bolivie, Guatemala, etc. Tout ou presque de la vie
d’Ernesto Guevara est là, concentré. Une planche sur le coup d’État pro-Américain du Guatemala,
une planche sur la rencontre au Mexique avec l’exilé Fidel Castro… Très peu d’approximations,
quelques rares erreurs. Vida del Che n’est pas une œuvre de fiction mais le traitement graphique
exceptionnel d’une vie d’exception. Héctor Oesterheld s’est appuyé sur les sources disponibles à
l’époque. La réplique « C’est au Guatemala que ça se passe » du chapitre « Le Che » est tirée du
livre de Ricardo Rojo, tout juste publié chez le même éditeur ; le voyage discret d’août 1961 en
Argentine et le face à face Guevara-Frondizi (président du moment) « de doctor à doctor » est
relaté exactement dans ces termes par Hugo Gambini ; la lettre à ses enfants, au départ de Cuba,
est reproduite en fac-simile ; la phrase prêtée au Che lors de sa capture : « Ne tirez pas. Je suis Che
Guevara, je vaux plus vivant que mort » se trouve, elle aussi, dans la biographie de Gambini. Le plus
surprenant, peut-être, est la case évoquant la tentative malheureuse de guérilla au Congo ex-Belge,
puisque lors de la publication tardive du Journal du Che au Congo, en 1995, l’opération était
présentée par l’écrivain mexicain Paco Ignacio Taibo II comme « le secret le plus jalousement gardé
de la révolution cubaine » [12]. Le scénario d’Oesterheld se déploie donc au plus près du réel, dans
un effort remarquable d’exactitude. L’accumulation des faits pourrait sombrer dans une pesanteur
didactique (comme c’est le cas du Che de Spain Rodriguez [13]) si le discours historique n’était
sublimé par la dualité des plans entrecroisés, Alberto Breccia/Enrique Breccia, récit longitudinal avec
usage abondant de l’ellipse /récit horizontal lent, 39 ans d’une vie/8 jours d’une agonie, qui
construisent l’œuvre.
la mort rôde en amérique latine
25 avril 1967. L’album s’ouvre à la mi-temps du Journal du Che par la mort du guérillero Rolando,
nom de guerre d’Eliseo Reyes, âgé de 27 ans, compagnon du Che dans la guérilla cubaine dès
l’adolescence. « Nous avons perdu le meilleur homme de la guérilla, et naturellement un de ses
piliers, mon camarade depuis le temps où, presqu’enfant, il avait été messager de la colonne 4 »
(page 166 de l’édition cubaine du Journal de Bolivie – planche 5 de l’édition argentine de Vida del
Che). À la sixième planche, Alberto Breccia ouvre son travail par une case blanche. « Ernestito » –
diminutif du prénom utilisé pour les enfants. La venue au monde en 1928. Dans la version dite «
définitive », la case blanche initiale est remplacée par une photocopie de l’acte de naissance
d’Ernesto Guevara. Triste choix. Breccia a avoué un jour avoir laissé la case blanche parce qu’il
n’avait pas reçu le document à temps, « et tout le monde a cru voir là un trait de génie de ma part
». C’était le cas.
Tout l’album fonctionne par l’ellipse. Oesterheld choisit six jours du Journal, épars et signifiants,
jusqu’au 7 octobre, dernière page des carnets de Guevara : « Nous sommes sortis, les 17 [guérilleros]
sous une très petite lune et la marche a été très pénible et on a laissé beaucoup de traces… » Une
lune en croissant, des ombres en mouvement. Les séquences d’Enrique Breccia peuvent être
rapprochées, par la lenteur, la tonalité, du film magnifique de Richard Dindo, dit par la voix
mélancolique de Jean-Louis Trintignant [14]. Sans doute est-ce là un effet, presque mécanique,
induit par la grande puissance littéraire et émotionnelle du Journal de Bolivie lui-même. Mais la
sensation naît aussi du destin tragique, à valeur universelle, de l’Amérique latine. Au dernier chapitre
de Vida del Che, dans le village de La Higuera, les soldats boliviens et l’interrogatoire par l’agent de
la CIA peuvent renvoyer à la case des soldats à tête de mort de l’album d’Alberto Breccia
Perramus. L’ultime planche, un visage en gros plan du Che mort, les yeux ouverts, est dessinée
d’après les photographies christiques qui firent le tour des magazines du monde entier. « Le sang du
Che est déjà une goutte dans ce fleuve de tant de sang versé contre la faim et les chaînes… »
Il semble qu’avant la mise en fabrication, une discussion ait eu lieu entre l’éditeur et les auteurs sur
l’opportunité de signer l’œuvre, le contexte politique tendu de l’Argentine portant à une certaine
prudence. L’œuvre parut signée. La préface à l’édition italienne Rizzoli de Che prétend que, dans la
suite des événements, l’éditeur de Buenos Aires fut tué. Fort heureusement, il n’en fut rien. Jorge
Álvarez s’exila à Madrid pour 35 ans et échappa ainsi au sort cruel qui lui était promis.
Un jour de septembre de l’année 1976, des militaires se présentèrent au domicile d’Héctor
Oesterheld, où ne demeurait plus que son épouse. « Nous venons pour le Juif », dirent-ils. Ils ne le
trouvèrent pas sur-le-champ. Héctor Germán Oesterheld, scénariste de bandes dessinées né à
Buenos Aires de parents immigrés, père allemand et mère basque, fut enlevé par des inconnus le 27
avril 1977. Il avait quatre filles. Beatriz Marta, âgée de 21ans, a disparu le 19 juin 1976. Diana Irene,
âgée de 23 ans et enceinte de six mois, a disparu le 7 août 1976, avec son mari Raúl Araldi. Son
premier enfant, Fernando, âgé de un an, fut également séquestré par les militaires, abandonné « NN
» (sans identité), puis restitué à ses grands-parents paternels. Marina, âgée de 20 ans et enceinte de
huit mois, a disparu le 27 novembre 1977 avec son mari Alberto Oscar Seindus. On croit qu’avant
d’être mises à mort, Marina et Diana auraient accouché chacune, dans les camps de détention
clandestins, de bébés dont le sort est inconnu. La quatrième des filles de Héctor Germán Oesterheld,
Estela Inès, 25 ans, a été assassinée avec son mari Raúl Mortola le 14 décembre 1977 ; leur fils de trois
ans, séquestré par les militaires, fut amené dans la cellule d’Héctor Oesterheld afin de faire pression
sur lui. Avant de le tuer, dit-on, les militaires lui montrèrent des photographies de ses filles mortes.
Longtemps ces faits demeurèrent dans l’ombre, bien que l’Argentine ait attiré l’attention des
journalistes et commentateurs de tous les pays car s’y jouait alors la coupe du monde de football. «
Lorsque vous applaudirez le Onze de France, les acclamations couvriront les bruits des personnes
qu’on torture… » (communiqué d’Amnesty International). Après des années, un rescapé raconta
avoir partagé la cellule de Héctor Oesterheld : « Son état était terrible. Nous sommes restés
longtemps ensemble. Ils nous enchaînaient épaule contre épaule. Nous étions pratiquement nus. Il
n’avait qu’un pantalon et moi un caleçon. Nous avions la tête couverte par une cagoule.
Oesterheld, comme moi, comme tous les autres, avons été torturés sauvagement. Mais lui avait
comme tourment supplémentaire le sort de trois de ses filles, également victimes de séquestration.
La dernière était recherchée, comme son mari. C’est probablement cette traque qui a motivé la
capture d’Héctor. (…) L’un des moments les plus terribles a été lorsqu’ils ont amené le petit-fils
d’Oesterheld, âgé de trois ans, après la capture et l’assassinat de sa quatrième fille. (…) Un des
souvenirs les plus inoubliables que je garde d’Héctor est la nuit de Noël de 1977. Les gardiens nous
avaient permis d’enlever nos cagoules pour fumer une cigarette. Ils nous ont aussi permis de parler
entre nous pendant cinq minutes. Alors, Héctor a dit qu’étant le plus âgé des prisonniers, il voulait
saluer un par un tous ceux qui étaient là. Je n’oublierai jamais cette ultime poignée de mains »
(Témoignage de Eduardo Arias, psychologue, séquestré par les militaires, rescapé) [15]. La date
exacte de la mort d’Héctor Germán Oesterheld demeure inconnue.
Les rumeurs concernant son décès couraient en Europe sans qu’aucun fait ne vienne le confirmer.
En 1979, le critique espagnol Antonio Martín déclina la proposition d’un éditeur de préfacer l’album
Mort Cinder en raison des incertitudes sur le sort du scénariste [16]. À la fin de l’été 1980 parut dans
Spirou (eh oui !) un article évoquant le sort du scénariste, pourtant inconnu de ses lecteurs : « Qu’est
devenu Oesterheld ? » – « Oesterheld est un peu le Jean-Michel Charlier d’Amérique latine »,
avançait l’aimable hebdomadaire de façon un peu osée [17]. À quoi tiennent les choses ? Ce petit
article fut à l’origine d’une campagne de la section belge d’Amnesty International pour mobiliser les
dessinateurs. Il en sortit l’album Pétition à la recherche d’Oesterheld et de tant d’autres et de beaux
témoignages de solidarité adressés à l’épouse du disparu : « Fidèle hommage » (F. Craenhals) ; «
Con l’amicizia di… » (Dino Attanasio) ; « Bon courage ! Avec ma cordiale sympathie » (Mitacq) ; «
Avec toutes mes amitiés » (Bob de Moor)… L’album se fermait sur une lettre du père de Tintin au
général chef de la Junte militaire : « Étant moi-même auteur de bandes dessinées et donc confrère
de Monsieur Oesterheld, permettez-moi d’en appeler à votre haute autorité afin qu’une enquête
soit ouverte et que Monsieur Oesterheld puisse être rendu à sa famille. » Signé Hergé.
Une plaque, apposée à Buenos Aires, honore aujourd’hui la mémoire d’Héctor Germán Oesterheld.
Quelques-uns de ses tortionnaires ont été jugés. Vida del Che est devenue un classique de la bande
dessinée.
Philippe Videlier (CNRS)
Notes
[1] Dessin parfois attribué, de façon erronée, à Hugo Pratt.
[2] Donde esta Oesterheld ? Il fumetto argentino desaparecido, Lo Scarabeo, Torino, 2002.
[3] Propos d’Alberto Breccia recueillis à Angoulême par Thierry Groensteen en 1990, Le
Collectionneur de Bandes Dessinées, No.75, septembre 1994, p. 31.
[4] À partir du No.6, février 1996.
[5] Idem pour les albums du Sergent Kirk édités par les Humanoïdes Associés en 1984-1985
[6] « Autodafé (entretien) », interview par Jan Baetens, Frigobox No.6, février 1996, et Che, Fréon,
2001, p. 78.
[7] « Los Cuadros del Che », Radar-Pagina/12, Buenos Aires, 20 juillet 2008.
[8] Interview par Germán Rodríguez et Yamil Casquero, Abiertamente Rock No.8, janvier 2010.
[9] Hugo Gambini, El Che Guevara, Stockcero, Buenos Aires, 2002, pp. 16-18.
[10] Oesterheld en primera persona, La Bañadera del Comic, Buenos Aires, 2005, p. 26.
[11] « Los Cuadros del Che », Radar-Pagina/12, Buenos Aires, 20 juillet 2008.
[12] El año que estuvimos en niguna parte – El Che Guevara en el Congo, Editions Txalaparta,
Tafalla, 1995, p. 10.
[13] Che – a graphic biography, Verso Londres-New York, 2008, version française Le Che, une
icône révolutionnaire, éditions Hors Collection, 2009, dernière œuvre de Spain Rodriguez
(1940-2012), militant de l’Underground californien et créateur de Trashman, agent de la VIe
Internationale.
[14] Ernesto Che Guevara – Journal de Bolivie, un film de Richard Dindo, 1997.
[15] Oesterheld en primera persona, op. cit., p. 114
[16] Antonio Martín, “Maestros universal del comic” – A. Breccia – H. Oesterheld, Rambla, juin
1984.
[17] Spirou No.2212, 4 septembre 1980.

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