Le fonds de la colonie pénitentiaire agricole et

Transcription

Le fonds de la colonie pénitentiaire agricole et
La protection de l’enfance. Écrits protégés, écrits ignorés
Le fonds de la colonie pénitentiaire
agricole et industrielle d’Aniane (1885-1993) :
bilan d’une collecte aux archives
départementales de l’Hérault
et vision d’ensemble
Ghislaine Bouchet
Conservatrice en chef du patrimoine,
Archives départementales de l’Hérault, direction des archives modernes et contemporaines
Marie-Catherine Ruscica
Attachée de conservation du patrimoine,
Chef du service Justice, éducation, police
Notre propos est de vous donner aujourd’hui un aperçu des archives de la colonie
pénitentiaire d’Aniane conservées aux archives départementales de l’Hérault.
Nous allons le faire en quatre étapes : les circonstances de la collecte du fonds, qui
eut lieu successivement en 1996 et en 2005 ; un bref rappel historique de la colonie ;
les différents types de documents et dossiers conservés dans le fonds d’Aniane, en
partant indifféremment du fonds de la préfecture et de celui de l’établissement ; enfin,
l’évocation, d’une manière relativement succincte, car il n’est pas possible d’entrer dans
le détail, des sources que l’on peut également trouver aux archives départementales de
l’Hérault en complément de celles d’Aniane ; nous ajouterons que notre exposé se limite
volontairement à la description des sources conservées localement.
L’ISES 1 d’Aniane est bien connu dans le département. L’établissement, autrefois appelé
« colonie pénitentiaire agricole et industrielle d’Aniane », a longtemps supporté une
triste réputation, qui remonte au temps où on l’appelait aussi le « bagne d’enfants ». Une
écrivaine de la région, Marie Rouanet, en fait la description, un peu romancée, avec
plusieurs autres, dans son ouvrage Les enfants du bagne. Il est vrai que la population
de la petite ville d’Aniane conserve un vif souvenir de ces années où l’établissement
recevait ces jeunes placés sous l’autorité de l’Éducation surveillée.
La collecte
La collecte des archives de l’ISES s’est faite en deux temps. Une première opération a
eu lieu en 1996, peu après la fermeture de l’institut, lorsque nous avons été contactés
par la DDPJJ 2. Les archives de l’établissement d’Aniane – appelé successivement colonie
pénitentiaire agricole et industrielle d’Aniane, puis, en 1957, internat professionnel
d’éducation spécialisée (IPES) 3 et, en 1975, institut spécialisé d’éducation surveillée
(ISES) – ne pouvaient être ramenées sans avoir été préalablement triées sur place. Les
archives se trouvaient à l’étage, dans l’ancien logement de fonction du directeur, réparties
dans trois pièces différentes. Dans un premier temps, ont été récupérés les documents
1. Institut spécialisé d’éducation surveillée.
2. Direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse.
3. Également appelé institution publique d’éducation surveillée.
46
_Cnahes04.indd 46
27/09/2010 12:57:53
Les sources de la protection de l’enfance, de la collecte à la conservation
antérieurs à 1940, classés en sous-série 2 Y, ainsi que les dossiers des élèves de 1953 à
1993, date de la fermeture. Au cours de cette période, le reste des archives fut en partie
trié et reconnu.
En mai 2004, la DDPJJ nous contactait à nouveau pour nous informer de la mise en
vente des bâtiments de l’institut, inoccupés depuis sa fermeture. Elle nous signalait le
besoin d’une intervention rapide sur l’ISES, où se trouvait une partie des archives de
l’établissement non versées en 1996, mais également ses propres archives à récupérer,
les locaux ayant, en effet, abrité, de sa création en 1975 jusqu’en 1988, le service départemental de l’éducation surveillée. Depuis 1996, date de la première intervention des
archives départementales, il restait des documents, en souffrance, il faut le dire. Mais
ils étaient relativement à l’abri car les bâtiments, bien que désaffectés, avaient toujours
été surveillés et fermés à clef.
Le premier tour des lieux nous permit de prendre la mesure du travail à réaliser. C’était
à la fois du vrac et un début de classement. Heureusement, les documents n’avaient
subi ni vandalisme ni destruction intempestive. Il restait encore beaucoup d’archives
en tas par terre. Cela dit, au bout de quatre à cinq demi-journées de tri sur place, les
versements étaient prêts. Les éliminations n’avaient porté que sur des pièces comptables,
des doublons et des pièces jugées sans intérêt. Ce dernier travail, ainsi que le conditionnement final, s’effectua avec le soutien des services de la DDPJJ, qui mit plusieurs
personnes à notre disposition pendant 3 ou 4 jours.
En février 2005, trois versements entrèrent finalement aux archives départementales :
un de la DRPJJ 4, concernant les dossiers des associations habilitées, un de la DDPJJ,
émanant des services de liberté surveillée de Montpellier et de Béziers, et le dernier,
de l’ISES d’Aniane lui-même 5. L’ensemble des archives couvrait une période comprise
entre 1925 et 1993.
De la colonie pénitentiaire à l’institut spécialisé
d’éducation surveillée (ISES)
Avant d’aborder la question du fonds, rappelons ce qu’était la colonie « agricole et
industrielle » d’Aniane.
Aniane est une petite ville située à 30 km au nord-ouest de Montpellier, qui compte
aujourd’hui 1 800 habitants, et se trouve au milieu des vignes. Aniane est connue pour son
monastère de bénédictins, édifié à la fin du viiie siècle par saint Benoît (dit « d’Aniane »). Le
monastère d’origine n’existe plus, et l’abbaye fut reconstruite au cours des xvie-xviiie siècles.
Après la Révolution, l’abbaye devint une filature de coton, qui fit faillite en 1843. L’État,
qui recherchait des bâtiments pour les besoins de l’administration pénitentiaire, loua,
dans un premier temps, puis se porta acquéreur d’Aniane en 1854. Aniane devint une
maison centrale en 1845. Celle-ci fonctionna jusqu’en 1885, date à laquelle l’administration
pénitentiaire jugea bon de la reconvertir en colonie pénitentiaire pour mineurs. En effet,
il fallait trouver des places pour les jeunes de la colonie privée agricole de Montlobre
(sur la commune de Vailhauquès), qui venait de fermer. Les bâtiments de l’ancienne
maison centrale allaient accueillir une nouvelle colonie pénitentiaire, publique, cette fois.
4. Direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse.
5. Il s’agit des versements 1801 W et 1802 W du 2 février 2005 et 1803 W du 9 février 2005.
47
_Cnahes04.indd 47
27/09/2010 12:57:53
La protection de l’enfance. Écrits protégés, écrits ignorés
La colonie pénitentiaire d’Aniane 6 revêt donc un statut public dès 1886. Elle est inaugurée à un moment où l’administration pénitentiaire essayait de résoudre une difficulté
provenant de l’application de l’article 3 de la loi du 5 août 1850. Le système d’éducation
par les travaux agricoles ne convenait pas aux jeunes délinquants qui arrivaient pour la
plupart de centres urbains et industriels. Il était constaté qu’à leur libération, ces jeunes,
formés à d’autres métiers que ceux que proposaient les villes, ne trouvaient pas de travail.
Les probabilités de retomber dans la délinquance étaient alors accrues. L’administration,
soucieuse de la réinsertion des jeunes à leur sortie de la colonie agricole, avait déjà
élargi la possibilité de faire travailler les mineurs dans les « principales industries qui se
rattachent à l’agriculture », comme le précisait l’article 3 de la loi de 1850 7. Mais avec la
création d’Aniane, colonie industrielle, elle faisait un pas en avant de plus.
Aniane devait recevoir, rappelons-le, différentes catégories de pupilles :
– des mineurs de moins de 18 ans 8 de sexe masculin acquittés en vertu de l’article 66
du Code pénal, c’est-à-dire comme « ayant agi sans discernement », et non remis à leurs
familles ;
– des mineurs condamnés à une peine d’emprisonnement comprise entre 6 mois et 2 ans 9 ;
– des pupilles de l’Assistance publique jugés difficiles et confiés à l’établissement par
application des articles 1 et 2 de la loi de 1904.
En 1912, le système de la liberté surveillée était inauguré, qui constituait une avancée
dans la réforme de la législation pénale des enfants. Il devenait impossible d’envoyer
les enfants de moins de 13 ans en maison de correction.
Dans ce contexte, le régime de la colonie pénitentiaire était dur, et Aniane connut des
tentatives d’évasions, des révoltes, des agressions contre les surveillants et plusieurs
mutineries entre 1895 et 1940 10, comme celle, par exemple, de Noël 1898-janvier 1899,
qui fut lourdement sanctionnée. Les causes invoquées ? Le nombre insuffisant de gardiens
par rapport au nombre de détenus (Aniane abritait à ce moment-là 350 colons), la trop
grande promiscuité, le manque d’hygiène, la mauvaise gestion du directeur… Mais au-delà
de la polémique, c’est le système de l’enfermement lui-même qui était remis en cause,
et le scandale des « bagnes pour enfants » ne tardera pas à éclater. D’autres incidents
graves éclatèrent encore en 1936, en 1937, en 1939, en 1940. À la Libération, la protection
judiciaire de l’enfance fut réorganisée par l’ordonnance du 2 février 1945 qui proclama
la prééminence de l’éducatif sur le répressif. Ainsi furent mis en place des ateliers de
rééducation par le travail manuel et qui permettaient l’apprentissage d’un métier.
De 1945 date aussi l’Éducation surveillée 11, et Aniane, qui était un établissement pénitentiaire, devint une « institution d’éducation surveillée ». L’établissement prenait toujours
en charge les condamnés et les délinquants difficiles. Mais on note une amélioration
6. La colonie pénitentiaire n’est pas à confondre avec la colonie correctionnelle dans laquelle on conduit les
enfants condamnés à plus de deux ans de prison.
7. Loi du 5 août 1850, art. 3 : « les jeunes détenus acquittés en vertu de l’article 66 du Code pénal comme
ayant agi sans discernement, mais non remis à leurs parents, sont conduits dans une colonie pénitentiaire, ils
y sont élevés en commun sous une discipline sévère, et appliqués aux travaux de l’agriculture, ainsi qu’aux
principales industries qui s’y rattachent. Il est pourvu à leur instruction élémentaire ».
8. La minorité pénale est fixée à 16 ans par le Code pénal, puis à 18 ans en 1906. Les mineurs, avant la loi
de 1850, étaient placés dans des « maisons de correction », c’est-à-dire des maisons centrales pour adultes dans
lesquels un quartier était réservé aux enfants. La loi du 22 juillet 1912 fait un pas de plus en avant en réformant
la législation pénale des enfants : les enfants de moins de 13 ans ne peuvent plus être envoyés en maison de
correction : le tribunal a le choix de rendre l’enfant à sa famille et dans ce cas, d’user de la liberté surveillée, de
le placer chez un particulier, dans une des institutions charitables reconnues d’utilité publique, de le remettre
à l’Assistance publique ou encore de le placer dans un internat approprié.
9. Art. 4 : « les colonies pénitentiaires reçoivent également de jeunes détenus condamnés à un emprisonnement
de plus de six mois et qui n’excède pas 2 ans ».
10. 1 Y 347-348, 353.
11. Ordonnance du 1er septembre 1945 qui crée la direction de l’Éducation surveillée.
48
_Cnahes04.indd 48
27/09/2010 12:57:53
Les sources de la protection de l’enfance, de la collecte à la conservation
générale des conditions de vie ; en 1957, l’établissement changea de nom et devint un
« internat professionnel d’éducation spécialisée » ; c’est à ce moment-là aussi que les
quartiers cellulaires furent démolis.
Un an plus tard est instituée l’Assistance éducative : à la notion d’internat collectif,
fermé, se substituent les notions de travail en milieu ouvert et d’individualisation du
mineur délinquant. En 1974 apparut le service d’éducation surveillée dans le département de l’Hérault et le directeur de l’IPES d’Aniane devint directeur départemental de
l’éducation surveillée, doubles fonctions qu’il cumulera jusqu’en 1979 12.
On peut considérer qu’en 1975 l’institution a revêtu sa forme définitive 13 en tant qu’établissement à la fois d’éducation et de prévention. L’établissement assurait des prises en
charge diversifiées : internes, externes, demi-pensionnaires, internes-externés, pensionnaires-externes, et jeunes travailleurs.
Aniane s’ouvrit sur l’extérieur et se modernisa : en 1967, on créa une piscine, un
gymnase, en 1976 on refit les classes, le restaurant, les cuisines, en 1980, on installa
un court de tennis, et surtout on transforma les anciennes « chambrettes », au nombre
de 120, en 60 chambres avec salle de jeux et salle de télévision. L’institut dispensait
un enseignement théorique dans les classes et un enseignement professionnel dans
les ateliers (mécanique, soudure, menuiserie, peinture, plomberie, électricité) auxquels
s’ajoutaient diverses activités de plein air, pédagogiques et sportives. En 1993, à la suite
des redéploiements prévus par le ministère de la Justice, le nombre de mineurs hébergés
restant trop modeste (23 jeunes), il est décidé de fermer l’ISES d’Aniane.
Le fonds
Les archives dont nous disposons actuellement sur l’établissement d’Aniane proviennent
de deux origines distinctes :
– du fonds de la préfecture, classé en sous-série 1 Y pour la période précédant 1940 ;
– du fonds de l’établissement lui-même, classé en sous-série 2 Y avant 1940 et en W
pour les versements contemporains 14.
Ces fonds se complètent naturellement. L’ensemble représente une cinquantaine de
mètres, avec une large prédominance du fonds contemporain.
Parmi ces documents, on citera en premier lieu les registres d’écrou pour la période
1889-1941. Ils s’intitulent « registres d’entrée et de libération » à partir de 1901. C’est
une source homogène, non lacunaire et de premier ordre pour connaître une partie
de l’histoire et du devenir du pupille : c’est la fiche signalétique de son séjour. Sur le
registre d’écrou, on inscrit l’enfant à son arrivée, avec ce qui concerne son passé judiciaire et ce qui motive sa présence : la date du jugement, le délit (on y trouve le vol,
le vagabondage, les coups et blessures, l’incendie volontaire, l’abus de confiance…) ;
le signalement physique (couleur d’yeux, de cheveux, forme du nez, du visage), les
mentions de cicatrices, de tatouages ou de mutilation figurent également, précises, car
importantes pour identifier l’enfant en cas d’évasion. Viennent ensuite les renseignements donnés par l’établissement sur le déroulement du séjour du pupille à Aniane :
le travail de l’enfant ; sa conduite morale et religieuse ; la profession à laquelle il a été
formé pendant son apprentissage : bonnetier, charron, menuisier, tailleur, ferblantier… ;
12. Molina (Thérèse), Étude d’une organisation : l’institution spéciale d’éducation surveillée d’Aniane, la
situation de conflit typique et rituelle, maîtrise de sociologie, université de Montpellier, faculté des lettres et
sciences humaines, UER de sociologie et d’ethnologie, 1982, 177 p. ; annexes.
13. Suite au décret du 1er février 1975 relatif à la protection des jeunes majeurs.
14. Il s’agit des versements 1683 W du 29 mai 1996, 1803 W du 9 février 2005.
49
_Cnahes04.indd 49
27/09/2010 12:57:53
La protection de l’enfance. Écrits protégés, écrits ignorés
la qualité de ses relations avec sa famille (voit-il sa famille ? lui écrit-il ?)… La fiche
signalétique se termine, au bas de la page, sur la même et unique mention : « [l’enfant]
est-il sorti de l’établissement suffisamment corrigé et peut-on espérer qu’il se conduira
honnêtement au dehors ? ». En réponse, il est le plus souvent écrit : « on l’espère ». Les
évènements importants concernant l’enfant, comme les tentatives d’évasion, le transfert
vers un autre établissement, l’hospitalisation ou le décès y sont également consignés,
ainsi que la date de sa libération.
Les registres d’entrée et de libération postérieurs à 1941 et qui s’achèvent en 1992 sont
encore à la DDPJJ 15. Ils sont, pour les années plus récentes, de moins en moins détaillés :
les informations se réduisent à l’état civil du jeune et à son signalement.
Nous n’avons récupéré aucun dossier individuel antérieur à 1953 en provenance de
l’établissement. En revanche, de la préfecture nous sont parvenues des correspondances
relatives à l’internement, aux transferts, aux évasions, aux libérations des jeunes détenus, classées par ordre alphabétique 16. Pour la période plus récente, on a les dossiers
individuels des élèves entrés entre 1953 et 1992 17. Ces dossiers contiennent tout le suivi
administratif, médical et scolaire : pièces venant du tribunal pour enfants, fiches de
signalement anthropométriques – qui se rapprochent de celles que l’on trouve dans le
registre d’écrou –, rapports d’observation de l’éducateur sur le comportement, bulletins
et livret scolaires, correspondances reçues de la famille, permissions de sorties. On a
également, dans le versement de 2005, des dossiers à caractère uniquement scolaire (19681982), et notamment des inscriptions au centre de téléenseignement et aux examens 18.
Signalons aussi, en ce qui concerne l’admission, la collection des registres des entretiens
avec le directeur, qui vont de 1943 à 1992 19 : remplis à l’arrivée par le directeur, semblet-il, par les éducateurs par la suite, ils apportent une grande richesse d’informations sur
le mineur : son passé judiciaire et son vécu familial (relaté avec beaucoup de détails),
son degré d’instruction, le jugement porté sur son caractère, sa constitution physique
et son état de santé, le métier qu’il souhaite apprendre, son désir ou non de suivre un
culte religieux. Moins formels que les registres d’écrou et faisant suite à un échange
direct, les registres de premiers entretiens sont le reflet de la première impression que
donne le mineur.
Pour faire suite aux rapports existant entre le directeur d’Aniane et les élèves, après
leur sortie cette fois, signalons aussi la correspondance échangée avec les anciens élèves,
qui va de 1957 à 1964 et est classée par ordre alphabétique des correspondants 20. Elle
nous livre, au fil des lettres, pour certains de leurs auteurs, un attachement profond à
l’établissement, au personnel et à ce qu’Aniane a permis dans l’œuvre de réinsertion.
Complétons aussi avec les registres d’entrées et sorties des élèves (1940-1979), de contrôles
nominatifs annuels (1975-1983), des états d’incarcération de 1959 à 1988.
En ce qui concerne la vie de l’établissement, on a quelques règlements intérieurs, peu
nombreux (1945, 1967), une collection complète de notes et circulaires du ministère de
la Justice de 1949 à 1993, que nous avons conservée, car en bon état et reliée, et des
notes de service (1961-1993).
15. Une mise à jour de cette information donnée lors de la communication du 10 janvier 2007 s’impose : le
versement de ces registres a été effectué le 17 janvier 2007 (1881 W 1-22).
16. 1 Y 314-323.
17. 1683 W 1-344, versement DDPJJ du 29 mai 1996.
18. 1803 W 156-157, 205.
19. 1803 W 146-154.
20. 1803 W 208-209.
50
_Cnahes04.indd 50
27/09/2010 12:57:54
Les sources de la protection de l’enfance, de la collecte à la conservation
Plus intéressant, signalons des rapports d’inspection, malheureusement peu nombreux
(un pour 1892 et un pour 1936) : ils donnent des données statistiques sur les effectifs,
les motifs de l’entrée, le niveau d’instruction des pupilles à leur arrivée, et décrivent le
déroulement d’une intégration du pupille à son arrivée ; celui de 1936 21, notamment,
délivre des recommandations à l’instituteur, qui doit être « doux et paternel, il doit oublier
et faire oublier le passé de ses élèves ».
Pour la partie financière, on a les budgets de l’établissement de 1958 à 1983, la comptabilité de 1941 à 1991, les comptes des pupilles et des élèves de 1929 à 1962, avec des
livrets de pécule 22.
Le personnel est aussi bien représenté ; on a, dans le fonds de la préfecture, des dossiers
dits « individuels » de 1885 à 1940 ; c’est en fait la correspondance traditionnelle entre le
ministère de la Justice, le préfet de l’Hérault et le directeur de la colonie qui signale les
affectations de surveillants, ou d’instituteurs, des demandes de mutations, des rapports
sur la manière de servir des personnels.
Pour la partie « bâtiments », on est mieux renseigné pour la période antérieure à 1940
que dans les dossiers récents : acquisitions de terrains faites par l’État à partir de 1888,
avec un intéressant plan des bâtiments et des ateliers en 1903 23. Aménagements à l’infirmerie en 1899, aux dortoirs, installation de douches… On est malgré tout un peu déçu
de ne pas trouver davantage d’informations sur le fonctionnement des ateliers : l’État
avait passé contrat avec les entrepreneurs qui sous-traitaient leurs fabrications. On a
quand même la correspondance avec les maîtres d’apprentissage, qui nous donne la date
de création des différents ateliers : 1888, atelier de bonneterie, fabrique d’espadrilles,
cordonnerie, atelier de sabots et de galoches ; ces ateliers du début, jugés peu formateurs, sont remplacés en 1893 par d’autres, plus aptes à donner un métier : ferblanterie,
chaudronnerie, tôlerie, zinguerie et plomberie, construction mécanique, menuiserieébénisterie, maçonnerie 24. Pour les années plus récentes, quelques dossiers évoquent la
reconversion de certains ateliers, comme l’installation d’un four de boulangerie-pâtisserie
ou, en 1962-1963, la transformation de l’atelier de chaudronnerie en atelier de réparation
de carrosserie automobile 25.
Aniane est, rappelons-le, une colonie industrielle ; elle a toutefois conservé un service
agricole. Quelques pupilles travaillaient sur la grande propriété agricole et viticole où
ils se formaient au métier de jardinier, d’horticulteur, participaient aux vendanges.
Les questions de discipline, d’évasions, d’agressions, de mutineries sont abondamment
documentées dans le fonds de la préfecture (rapports du directeur, rapports du préfet
au ministre de l’Intérieur, signalements d’évasions, rapports de gendarmerie, articles
de presse) 26.
Avec l’évolution d’Aniane, en matière de suivi social et pédagogique, on trouve des fiches
d’observation de l’éducateur, auxquelles s’ajoutent les rapports où la part pédagogique
s’accroît : organisations d’examens (CAP, BEP, BEPC et baccalauréat), dossiers d’élèves
inscrits dans des stages d’insertion professionnelle et de qualification (1983-1986).
21.
22.
23.
24.
25.
26.
Rapport d’ensemble sur les différents services de l’établissement au cours de l’année 1936, ADH, 1 Y 328.
1803 W 87-99.
1 Y 311-313.
1 Y 329.
1803 W 145.
1 Y 347.
51
_Cnahes04.indd 51
27/09/2010 12:57:54
La protection de l’enfance. Écrits protégés, écrits ignorés
Autour d’Aniane
Pour conclure cette présentation, évoquons brièvement l’existence d’autres fonds
locaux utiles à une recherche dans le domaine de l’éducation surveillée, tout d’abord
concernant la période antérieure à 1940 :
– le fonds de la préfecture concernant la colonie des Matelles, colonie agricole disparue
en 1861, dont nous avons les états nominatifs de 1852 à 1861 ;
– le fonds de la colonie agricole privée de Montlobre à Vailhauquès, dont nous avons
les registres d’écrou de 1872 à 1884, date de la fermeture de cet établissement ;
– le fonds de la préfecture concernant la Solitude de Nazareth, établissement tenu par
les sœurs de Marie-Joseph, qui accueillait les jeunes filles à leur sortie de la prison, dont
nous conservons les dossiers pour la période 1832-1939. Les locaux de cet établissement
abritent toujours une association habilitée par la DPJJ et nous savons qu’ils conservent
toujours tout ou partie des archives de la Solitude de Nazareth.
Enfin, étant donné que les maisons centrales détenaient de jeunes condamnés mineurs
en principe dans des quartiers spéciaux, n’oublions pas de signaler les registres d’écrou
des maisons centrales de Montpellier et de Béziers.
En ce qui concerne les archives contemporaines, nous avons reçu, en 2005, suite à
un audit, les dossiers de mineurs de l’Association pour la protection de l’enfance et de
l’adolescence, association habilitée par le ministère de la Justice, créée en 1938. Il s’agit
des dossiers individuels établis de 1968 à 1997 dans le cadre d’une mesure d’AEMO 27
ordonnée par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Montpellier, et des
dossiers ouverts dans le cadre de l’action autour du contentieux familial. Nous menons
la prospection du côté d’une autre association, équivalent de l’APEA pour l’arrondissement de Béziers, qui date de 1942 : le Comité de sauvegarde de l’enfance du Biterrois,
qui conserve 50 ans de dossiers d’enquêtes sociales et de mesures AEMO.
Par ailleurs, en 2001, le centre d’action éducative de Montpellier nous a versé les dossiers
des jeunes ayant fait l’objet de mesures judiciaires d’action éducative ou d’observation
en milieu ouvert de 1962 à 1981.
En 2005 est ramené d’Aniane un versement de la DRPJJ contenant les dossiers des
associations habilitées de la région Languedoc-Roussillon. Pour l’Hérault, on y trouve
notamment le centre de rééducation Nazareth et, parmi les rapports, les statistiques, des
dossiers sur l’ISES d’Aniane et, notamment, un projet de restructuration de ses services
juste avant la fermeture.
Enfin, la DDPJJ a versé les dossiers du service de liberté surveillée de Montpellier et
de l’antenne de Béziers de 1948 à 1987 : dossiers individuels de jeunes ayant fait l’objet
d’une mesure de protection ou de surveillance.
Conclusion
Il serait utile de compléter cette présentation par les fonds des Archives nationales.
Néanmoins, que ce soit pour les établissements d’Aniane ou de Vailhauquès, les fonds
des archives départementales de l’Hérault sont assez riches et mériteraient une étude
historique approfondie. À notre connaissance, ils ont été très peu exploités.
27. Action éducative en milieu ouvert.
52
_Cnahes04.indd 52
27/09/2010 12:57:54
Les sources de la protection de l’enfance, de la collecte à la conservation
Bibliographie
Berthélemy (Pierre), « Souvenirs de la Colonie pénitentiaire d’Aniane (Hérault), 19361937 », Cahiers d’arts et traditions rurales, 14 (2002), p. 171-187.
Bourquin ( Jacques), « De la correction à l’éducation : Aniane, une institution pour
mineurs », Cahiers d’arts et traditions rurales, 14 (2002), p. 143-168.
Manuel (Henri), « Reportage photographique sur la colonie pénitentiaire d’Aniane
(Hérault) : soixante-quatre photographies originales », Cahiers d’arts et traditions rurales,
14 (2002), p. 261-300.
Molina (Thérèse), Étude d’une organisation : l’institution spéciale d’éducation surveillée
d’Aniane, la situation de conflit typique et rituelle, maîtrise dactylographiée de sociologie,
faculté des lettres et sciences humaines, université de Montpellier III, septembre 1982.
Richard ( Jean-Claude), David (Pierre), Vialeng (Georges), « La colonie industrielle et
agricole d’Aniane (Hérault) : les révoltes et mutineries d’avril 1914 et août 1937 d’après
la presse montpelliéraine », Cahiers d’arts et traditions rurales, 8/9 (1995-1996).
Rouanet (Marie), Les enfants du bagne, Paris, éditions Payot, 1992.
Trémentin ( Jacques), « Aniane : du bagne d’enfants à la base de plein air », Gavroche,
revue d’histoire populaire, janvier-février 1999, p. 21-22.
53
_Cnahes04.indd 53
27/09/2010 12:57:54

Documents pareils