Bongo-est-mort-la-francafrique-lui

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Bongo-est-mort-la-francafrique-lui
BONGO EST MORT
LA FRANCAFRIQUE LUI SURVIVRA…
« El Hadj Omar Bongo Ondimba a rendu son âme suite à un arrêt cardiaque ». C’était le lundi 8
juin à 12h30 GMT que l’hôpital Quiron de Barcelone et la famille du défunt ont informé le Premier
Ministre gabonais M. Jean Eyeghe NDong qui a aussitôt saisi le pays par ce communiqué. Il ne serait
donc pas décédé le dimanche soir comme annoncé par le site du « Point », s’indignent des autorités
gabonaises frileuses qui décrétèrent un mois de deuil national.
Signes de son destin … M. Omar Bongo Ondimba sera inhumé à Franceville… le 18 juin…
L’intérim est actuellement assuré par Madame Rose-Francine Rogombé 66 ans, présidente du
Sénat. Elle ne sait plus où donner de la tête car le dictateur n’avait préparé ni sa famille, ni son
gouvernement et encore moins le peuple gabonais à une succession précipitée…
Néanmoins, on doit auparavant enterrer le Président dans le calme…, mais on n’a pas de listes
électorales à jour, les candidats doivent se faire connaître et faire campagne dans la sérénité et la
transparence (toutes choses ici inconnues). De mémoire d’Africain, on n’a jamais vu s’organiser des
élections libres et transparentes au bout d’un aussi bref laps de temps.
La question est donc : comment faire dans les 45 jours prévus par la loi, pour organiser des
élections démocratiques et transparentes sur les décombres d’une dictature ?
Le Président Sarkozy quant à lui, a rendu un vibrant hommage à Bongo qu’il a présenté comme
« un ami fidèle de la France et une haute figure de l’Afrique », ajoutant que « la France reste aux côtés du
Gabon, de ses institutions et de son peuple ». On peut ajouter : comme elle l’a toujours fait partout en
Afrique, malgré toutes les « ruptures » dans la continuité de la domination française que nous avons
connues depuis 1958…
Ensuite, c’est au tour de Bernard Kouchner, MC en dithyrambes nécrologiques de renchérir :
« Une perte pour l’Afrique, où Bongo était unanimement respecté de ses pairs… »
La presse française prend le relais et y va de bon cœur avec son sensationnalisme éprouvé,
annonçant pêle-mêle la fin de Françafrique dont Bongo était le « Parrain », la mort d’un système
archaïque avec l’un de ses piliers, une page des relations franco-africaines est enfin tournée, etc. etc.
Mais pas un mot sur les raisons de la mise en état d’alerte de l’armée française au Gabon, pas un
trait de plume sur les gesticulations de couloir autour du Ministre de la Défense du Gabon Ali Bongo,
candidat plus que probable de la famille et du clan à la succession du Président défunt. Il serait bien placé
sur l’échiquier politique gabonais selon cette même presse voyeuriste qui insinue qu’il est le candidat
quasi-certain de l’Élysée. Dans cette cohue indescriptible, l’opposition gabonaise n’existe plus, et surtout
pas son chef de file M. Pierre Mamboundou de « l’Union du peuple gabonais » (UPG) dont les partisans
commencent à se faire des soucis à propos de sa sécurité.
Ali Ben Bongo serait non seulement le mieux placé pour défendre les intérêts du clan Bongo, mais
il serait le maître atout de la France pour assurer « la stabilité et la continuité des institutions ». Il ira plus
tard faire allégeance au futur nouveau « Parrain » de la Françafrique, très probablement D. S. N’Gesso ou
B. Compaoré.
Dans l’immédiat, il lui faut « sauver les meubles et les immeubles » et parer à toute éventualité
devant les tribunaux français qui veulent « déplumer » sa famille de l’argent public volé par son feu père,
après la plainte avec constitution de partie civile de l’ONG Transparence Internationale France jugée
recevable en décembre 20081.
Nous y sommes, Ali Ben Bongo est le candidat certain et incontournable de la Françafrique, tel est
le leitmotiv « secret » de polichinelle de la France néocoloniale : prolonger et faire durer sa domination
impérialiste par tous les moyens et quel que soit le pouvoir en place à Paris.
1
L’Office central de répression de la grande délinquance financière selon le Monde, en février 2008 a recensé pour Omar
Bongo rien qu’en France, 33 biens immobiliers (appartements cossus, hôtels de luxe, villas, maisons, etc.). Il a dénombré 11
comptes au nom du Président sans en dévoiler les sommes qui se chiffrent en centaines de millions d’euros. Ses proches
hormis leurs comptes personnels, possèdent une armada de voitures de luxe en France. La France est complice des voleurs
africains et doit rendre compte de la misère qu’elle contribue à répandre en Afrique.
Que peut-on encore dire à propos de cette Françafrique ici qui ne soit rabâché par les médias
occidentaux et français en particulier ?
Je peux faire un rappel des faits majeurs survenus en Afrique subsaharienne depuis l’arrivée au
pouvoir de Charles de Gaulle en 1958 et de Bongo en novembre 1967, jusqu’à cette fin mai 2009 où ce
dernier se rendit à Barcelone pour se soigner au lieu de Paris… par peur des « petits » juges.
Mais je préfère faire court. Omar Bongo est donc le plus ancien pion de l’échiquier du « Système
Françafrique ». Son pays appelé tantôt le « Koweït de l’Afrique » tantôt « l’Émirat du golfe de Guinée »
est imbibé de pétrole, le sous-sol est riche et le bois abonde dont personne ne parle. Ce qui caractérise les
largesses de Bongo et explique en grande partie la stabilité du régime, c’est la faiblesse numérique de la
population. Il arrose, ses opposants fabriqués ou opportunistes, arrose ses paires Africains de la Françafric
ou leurs sympathisants, arrose les partis politiques français et certains de leurs dirigeants. Mais le peuple
gabonais n’a pas d’hôpitaux, d’écoles, de routes, l’écrasante majorité n’a même pas accès à l’eau potable.
Avec un million et demi d’habitants le peuple gabonais aurait dû sortir de la misère, mais
paradoxalement, c’est le contraire qui s’est produit. On arrose la famille et le clan « d’elfo-dollars » et le
reste de la population croupit dans la misère et est tenu en respect par un contrôle militaro-policier strict.
Mais à force d’arroser tout le monde d’aucuns commencent à être sérieusement mouillés, c’est le cas de J.
Chirac, de André Tarallo et de bien d’autres.
La Françafrique est d’abord une relation de dominant dominé établie avec les nouveaux États
d’Afrique au sud du Sahara à la veille de leurs « indépendances » formelles en vue de contrôler
indirectement le pouvoir politique et de poursuivre leur pillage économique par les entreprises étrangères,
sous le contrôle strict des bases militaires françaises. Ces gouverneurs africains au service des firmes
étrangères servent d’écran à la vision de cette réalité brûlante : c’est ainsi par exemple, que depuis l’année
1990, juste après la chute du mur de Berlin et pendant l’agonie de l’URSS, Mitterrand dans son célèbre
« discours de la Baule » parlait de fin des partis uniques et d’instauration de la démocratie et de la bonne
gouvernance. Mais quel qu’ait pu être le pouvoir en place à Paris, depuis les départ de de Gaulle et de
Jacques Foccart son bras-droit-Afrique, on n’a jamais procédé qu’à des accommodations ou à des menus
réajustements du Système. Tout le reste n’est que « saupoudrage démocratique » sous haute surveillance
avec une raison d’État au-dessus de la loi et de la liberté des citoyens africains.
Les sociétés françaises et leurs lobbies de toutes sortes mènent la danse dans cette relation
pyramidale complexe depuis maintenant cinquante ans, face à leurs néo-colonisés d’Afrique.
C’est pourquoi je m’oppose à l’idée de pensée « postcoloniale ». La nouvelle colonisation a pris le
relais dès l’année 1958, voire même avec la loi-cadre Deferre de 1956 pour qu’on puisse imaginer une
rupture qualitative radicale.
En revanche ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que la France tente depuis l’expérience du
remplacement d’Eyadéma-père par le fils en février 2005 par un coup de force contre le peuple togolais,
d’instaurer une succession monarchique à la place du jeu démocratique normal entre les partis
politiques. On estime peut-être qu’il est plus facile de corrompre une famille ou un clan qu’un parti
politique national ? En tout cas, c’est ce qui semble se dessiner pour le Gabon dans l’immédiat avec le fils
de Bongo, et dans un futur proche (présidentielles de 2012) pour le Sénégal avec Karim Wade.
L’impérialisme français estime toujours comme l’a dit jadis, Chirac à Abidjan, « que les Africains ne sont
pas prêts pour la démocratie ». Seront-ils jamais prêts ?
En fait nul n’est dupe, il s’agit d’éloigner les masses africaines de l’action politique, et partant du
contrôle de leurs richesses et de leur devenir. La France piétine la démocratie par peur de la prise et le
contrôle du pouvoir par les peuples africains. La Françafrique est donc l’instrument de domination par
excellence des masses africaines par l’intermédiaire d’une minorité asservie qui ne sert en dernière
instance que comme courroie de transmission ; situation qui rappelle étrangement la période
d’administration coloniale directe avec ses sous cadres intermédiaires d’exécution servile appelés
« lettrés ».
Cependant, ce qui a changé aujourd’hui, c’est que ces masses africaines s’émancipent malgré
l’analphabétisme et la pauvreté chroniques, et d’autres puissances frappent à la porte du continent (USA
Chine, Inde, Brésil, etc.). Le jeu à plusieurs s’avèrera certainement plus difficile à maîtriser pour les
anciennes puissances coloniales que le huis clos du face à face à deux de la balkanisation. Alors, les
Africains devront sans tarder, imaginer de nouvelles stratégies de la libération plus adaptées et plus
Yaya Sy
efficaces dans l’unité, pour enfin accéder à la maîtrise de leur destin.