« LE CONCEPT DE TEMPS A L`ECOLE MATERNELLE »

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« LE CONCEPT DE TEMPS A L`ECOLE MATERNELLE »
« LE CONCEPT DE TEMPS A L’ECOLE MATERNELLE »
Catherine Gastard (IEN LAMBALLE) / Anne-Caroline Jousselin(PEMF LA MOTTE)
Introduction :
Les concepts de temps et d’espace sont très liés et souvent déclinés de concert. Une partie des apprentissages
visant à leur construction se déroule lors d’activités ritualisées. Notre propos est de décliner quelques aspects de cet
apprentissage.
I-
Point sur le concept de temps, les enjeux de sa construction, les axes de son apprentissage, les
programmes …
LE TEMPS QUI PASSE
vers l’acquisition de la notion de temps
vers la construction du temps social
Introduction
La notion de temps n’est pas innée chez l’individu, l’enfant ne la possède pas en venant au monde. Le temps n’est pas une donnée
objective a priori. C’est un concept forgé par l’homme pour explorer et comprendre l’une des caractéristiques essentielles du réel qui est
sa mobilité, sa capacité d’évolution. Selon Bachelard « il n’y a pas d’intuition du temps mais un travail de construction du temps ».
Notion complexe, elle exige, pour être acquise, la maîtrise d’un certain nombre de « sous notions » comme celles de continuité et
succession (chronologie), d’antériorité et de postériorité, de simultanéité, d’alternance, de rythme, de cycle, de durée, etc.
Elle est liée intimement au concept d’espace mais est plus difficile d’accès car la réalité à laquelle elle se réfère est immatérielle. La
constitution de la notion de temps se fait aussi en complément avec celle d’objet et de causalité.
Pour le psychologue américain Jérôme Bruner les concepts se construisent de manière spiralaire, c’est à dire que l’enfant, à chaque
étape de son développement, les appréhende à son niveau de compréhension. Ces appréhensions successives, de plus en plus fines et
approfondies, aboutissent à la maîtrise du concept dans son étendu et sa richesse.
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Le premier niveau concerne les classes maternelles et est essentiellement sensori-moteur. Les acquisitions
se feront à partir de deux axes :
Celui des rythmes biologiques, le temps et l’espace propres de l’enfant ; le stade du « maintenant » et « ici », celui de la
connaissance par le corps. L’enfant, essentiellement centré sur lui même ne peut aborder qu’un temps ou un espace avec lequel il est
biologiquement en contact ;
Mais c’est aussi le temps et l’espace social et donc la confrontation avec le temps des autres, avec des normes instituées, des rites,
Le temps est donc vécu principalement par l’identification des actions du quotidien dans ses dimensions d’ordre, de durée, de rythmes,
de division du temps. C’est le temps du sujet.
Au deuxième niveau qui concerne le cycle 2 on passe progressivement du temps vécu au temps perçu. Les notions de rythmes, durée
d’ordre sont éprouvées, pensées, vérifiées. Il y a perception de la différence entre rythmes biologiques et temps vécu, émergence de la
mémoire du temps, possibilité d’anticipation sur l avenir, mise en mots. C’est la mise en place du temps social, préalable à la
sensibilisation au temps historique.
Quelle traduction dans le cadre scolaire et que mettre en place dans la classe pour cette construction ?
Que disent d’abord les textes officiels sur les compétences à acquérir à l’issue de l’école maternelle ?
Les programmes 2007les déclinaient ainsi :
« Etre capable de :
-reconnaître le caractère cyclique de certains phénomènes, utiliser des repères relatifs aux rythmes de la journée, de la semaine, de
l’année, situer les événements les uns par rapport aux autres (distinguer succession et simultanéité).
-Pouvoir exprimer et comprendre les oppositions entre présent et passé, présent et futur en utilisant correctement les marques
temporelles et chronologiques
-Comparer des événements en fonction de leur durée.
-Exprimer et comprendre, dans le rappel d’un événement ou dans un récit, la situation temporelle de chaque événement par rapport
à l’origine posée, leurs situations relatives(simultanéité, antériorité, postériorité) en utilisant correctement les indicateurs temporels
et chronologiques.
Les programmes 2008 précisent :
« Les enfants perçoivent très progressivement, grâce à une organisation régulière de l’emploi du temps, la succession des moments de
la journée, puis celle des jours et des mois. A la fin de l’école maternelle, ils comprennent l’aspect cyclique de certains phénomènes (les
saisons) ou ds représentations du temps (la semaine, les mois). La notion de simultanéité est abordée dans des activités ou dans des
histoires bien connues : la représentation (dessins, images) contribue à la mettre en évidence. Dès la petite section, les enfants utilisent
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des calendriers, des horloges, des sabliers pour se repérer dans la chronologie et mesurer des durées. Ces acquisitions encore limitées
seront à poursuivre au courus préparatoire. Par le récit d’événements du passé, par l’observation du patrimoine familier (objets
conservés dans la famille...) ils apprennent à distinguer l’immédiat du passé proche et, avec encore des difficultés,du passé plus lointain.
Toutes ces acquisitions donnent lieu à l’apprentissage d’un vocabulaire précis dont l’usage réitéré, en particulier dans les rituels, doit
permettre la fixation.
A la fin de l’école maternelle l’enfant est capable de :
-utiliser des repères dans la journée, la semaine et l’année
-situer des événements les uns par rapport aux autres
-comprendre et utiliser à non escient le vocabulaire du repérage et des relations dans le temps et l’espace. » »
Pédagogiquement comment décliner ces apprentissages ? Trois volets peuvent être considérés :
-l’imprégnation par activités ritualisées et rituels, réitérés ou réguliers
-l’étude plus spécifique de notions ou travail lié à la prise en compte d’une actualité particulière par sa charge affective
-la sensibilisation à l’approche de la dimension historique
Quelques exemples :
A LE TRAVAIL D’IMPREGNATION
1/ La vie scolaire de l’enfant.
Son temps vécu : le déroulement de sa journée, de son repas, ses jours de présence ou d’absence, le récit de son week-end sur le
cahier de vie (avec la marotte de la classe par exemple), son moment d’atelier, son parcours en EPS…
L’imprégnation s’appuie sur la régularité, la permanence de repères, la réitération de moments bien identifiés. Cela nécessite donc un
emploi du temps stable (petites classes en particulier), la mise en place de repères facilement identifiables : avant, après la cantine;
avant, après la récréation...
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2/ Le temps social : MOI et NOUS = notre temps = un vécu commun
A partir de repères internes à la classe
-Autour du ou des calendriers
Travaux de repérages, de codage, découverte de la notion de cycle...
- la date écrite au tableau
- la veille, le lendemain
- les jours de la semaine (la semaine de monsieur le loup)
- les jours d’école, de congé (codage)
- la suite des dates
- travail lié à la météo
-sur le plus long terme
- sensibilisation au mois
- des repères affectifs = anniversaire
- des repères liés au vécu de la classe (poney, patinoire, ferme, bibliothèque, visites régulières..)
R : nécessité là encore de régularité: toujours le même jour... liaison avec l’écrit: « le mardi c’est le jour de ... »
-des dates à fixer, des événements ponctuels.
-naissance d’un petit frère
- arrivée de la galette des rois, du sapin de Noël
- spectacle prévu...
3/ La chronologie (et les notions d’antériorité, postériorité, simultanéité…)
Travail de mise en ordre systématique, toujours sur :
le temps vécu.
Approfondissement des notions de : avant, après, pendant...
Recherche d’indices: indicateurs de temps
Mémorisation, symbolisation
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-domaines d’action
sur court terme:
-des recettes (photos, dessins, schémas...)
-des histoires (lues, racontées, restituées ; inventées ; retrouvées à partir d’images...)
-des actions vécues (jardinage, travaux à la ferme, soins aux plantes, aux animaux, séances d’EPS, piscine...)
-la leçon de musique (bande chronologique, partition, continuité, simultanéité...)
sur plus long terme :
-le suivi de la croissance: des enfants, du petit cochon de la ferme, des semis réalisés...)
-la comparaison de réalisations ou d’événements vécus l’année précédente (photos de classe)
4/ Le souvenir = les traces
Des traces collectives mais aussi individuelles (cahier de vie, dossier particulier, album photo légendé…)
C’est le temps retrouvé des enfants à partir d’un vécu commun (notamment dans les classes à plusieurs niveaux où les enfants
séjournent au moins deux ans.)
Les souvenirs du vécu de l’année précédente qui permet des travaux de comparaison, d’amélioration, un suivi, des vérifications, etc...
Cela signifie de se transmettre les traces et travaux, de penser « programmation » et de s’appuyer sur l’idée de construction spiralaire
des savoirs.
D’où = DES TRACES QUI RESTENT VOLONTAIREMENT DANS LA CLASSE (OU QUI PASSENT D’UNE CLASSE A L’AUTRE)
Quelques exemples : un spectacle, la sortie à la mer, l’album réalisé sur une activité particulière, les photos des deux années, des
travaux ayant ponctué le calendrier (Noël, pâques, le carnaval, poisson d’avril, la visite des correspondants...)
MAIS ! QUI EVOLUENT AU FIL DE L’ANNEE (elles peuvent disparaître, réapparaître...)
B - UNE ETUDE SPECIFIQUE OU UN TRAVAIL LIE A LA PRISE EN COMPTE D’UNE ACTUALITE PARTICULIERE PAR SA
CHARGE AFFECTIVE
UNE ETUDE SPECIFIQUE :
Un travail particulier sur une notion précise, par exemple la chronologie.
Pendant une durée déterminée des exercices systématiques seront organisés sur cette notion dans le cadre de la littérature.
Une étude sur la notion de durée avec utilisation d’instruments de mesure (sablier, goutte à goutte, horloge, métronome…)
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UN TRAVAIL LIE A LA PRISE EN COMPTE D’UNE ACTUALITE PARTICULIERE PAR SA CHARGE AFFECTIVE
Toujours du temps vécu mais passage sur la ligne du temps.
Ce sera là, non plus une activité régulière, rituelle mais une activité prévisible, de durée limitée, où l’on devra gérer l’attente. Le temps
fort est l’événement prévu et attendu.
par exemple : la prévision d’une recherche des œufs de Pâques, une sortie scolaire ou la rencontre des correspondants, une classe
découverte, l’attente et la préparation de Noël, etc.
C - VERS UNE APPROCHE DE LA DIMENSION HISTORIQUE
Etude ou sensibilisation au passé des autres, passé qui peut être très lointain.
Passé qui sera lié de préférence à une actualité vécue :
 commémoration (11 novembre, bicentenaire... )
événement médiatique ( sortie d’un film, ex : Christophe Colomb )
objets concrets ( photo ancienne, outils, jouets anciens, objets sortis du grenier, etc.)
une visite ( église, château, musée, etc.)
Ou à l’apport d’un enfant (livre, témoignage…)
Les différents volets se mèneront de façons variées selon les méthodes de chacun, les conditions matérielles, les types de classe et se
complèteront pour construire les diverses facettes de ce concept difficile.
Tout ce qui relève de l’imprégnation trouvera naturellement sa place dans les « rituels » mais exige une réflexion pour harmoniser au
sein de l’école maternelle ce que l’on va faire apprendre, comment on va le faire apprendre, jusqu’où on ira dans telle et telle classe,
quels supports on utilisera, quels outils on transmettra à la classe suivante.
Dans les classes multi-niveaux il conviendra de repenser ces rituels pour respecter cette progressivité « spiralaire ».
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