Prix Nobel de chimie 2008 : Les lauréats et leurs travaux.

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Prix Nobel de chimie 2008 : Les lauréats et leurs travaux.
J. Soc. Ouest-Afr. Chim. (2009) 027 ; 93 - 96
Prix Nobel de chimie 2008
Alfred Mathis
Lycée Jean Rostand – 67000 Strasbourg, [email protected]
(Extrait du Bulletin de l’Union des Professeurs de Physique et de Chimie, mars 2009, vol ; 103, p. 281–285)
Résumé : Le prix Nobel de chimie 2008 a été attribué à deux chercheurs américains et à un chercheur
japonais pour leurs travaux sur la découverte, la compréhension du fonctionnement et les utilisations
de la protéine fluorescente verte
1. Les lauréats et leurs travaux
L’Académie royale des sciences de Suéde a décerné le prix Nobel de chimie pour l’année
2008 à [1] :
9 Osamu Shimomura, japonais de 80 ans, travaillant au Marine Biological Laboratory
MLB à Woods Hole , USA. En 1962, il découvre une protéine fluorescente verte ou
GFP (Green Fluorescent Protein) provenant d’une méduse l’Aequorea victoria vivant
dans le pacifique Nord. Ses travaux d’observation du comportement et des propriétés
de cette protéine dans son environnement ont duré une vingtaine d’années.
9 Roger Tsien, américain 56 ans, professeur de biologie à l’institut de médicine Howard
Hughes de l’université de Californie à San Giego.
9 Martin Chalfie, américain 61 ans, professeur à l’université de Columbia à New York.
Osamu Shimomura
Roger Tsien
Martin Chalfie
Trente ans après la découverte de la protéine GFP, ces deux chercheurs américains utilisent
cette dernière pour fabriquer des « espions moléculaires ». Ce sont des molécules qui peuvent
pénétrer dans les cellules et indiquer ce qui se passe alors que la cellule est encore vivante.
Le professeur Chalfie démontre en 1992 que la protéine extraite par Shimomura a un
gène qui peut être fusionné, c'est-à-dire lié avec celui d’une protéine que l’on souhaite étudier,
permettant ainsi son observation, avec un microscope à fluorescence, le tout dans son
environnement naturel. Il a également trouvé le moyen d’intégrer le gène contrôlant la
protéine GFP dans des organismes vivants tel le ver Caenorhabditis elegans qui est un outil
de travail très intéressant en biologie moléculaire.
Grâce au travail du travail du professeur Tsien, il est possible de donner différentes
couleurs aux diverses protéines étudiées ce qui permet de suivre plusieurs processus
biologiques simultanément. Pour cela, ce scientifique a élaboré des protéines à partir des deux
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gènes codant des protéines fluorescentes, des mutants qui émettent par fluorescence dans tout
le spectre visible du bleu au rouge. Il a également élucidé la structure de la protéine GFP en
1996.
2. Méthodes d’étude des protéines
2.1. Expression de l’information génétique
Chaque protéine est élaborée sous le contrôle d’un gène, c’est-à-dire un court fragment
d’ADN (acide désoxyribonucléique) localisé à un emplacement particulier d’un chromosome.
L’ADN ne quitte pas le noyau de la cellule. Le message qu’il porte est transcrit sur une
molécule particulière appelée ARN messager (acide ribonucléique). C’est la transcription. Cet
ARN messager, porteur du message de l’ADN, quitte alors le noyau et commande, par
l’intermédiaire des ribosomes, la synthèse de la protéine dans le cytoplasme de la cellule.
C’est la traduction [2].
2.2 Analyse ex vivo
Avec des puces à protéines on peut détecter les affinités de certaines protéines entre elles. Ces
puces ont été développées à la fin des années 1980. Une telle puce est un dispositif qui permet
également de détecter un brin d’ADN.
Pour cela, on a fonctionnalisé la surface d’un substrat en réalisant ainsi des microzones sélectives pour l’accrochage spécifiques de protéines. Ainsi, les bases d’un brin
d’ADN, thymine, adénine, cytosine et guanine peuvent reconnaître spontanément les bases
complémentaires et s’apparier [3].
La puce peut ainsi identifier une séquence de nucléotides et permet alors de
nombreuses applications dans des domaines variés tels que le diagnostic médical, l’étude des
sites d’action de médicaments, la détection de contaminants et de polluants et l’étude des
mutations génétiques.
Cependant, ces analyses ne permettent pas de rendre compte de certaines interactions
transitoires. Pourtant, la localisation et la dynamique des interactions de macromolécules au
sein des cellules vivantes sont essentielles pour connaître les mécanismes de régulation et de
fonctionnement des processus cellulaires. Le développement de l’étude des protéines
fluorescentes a permis de s’affranchir de ces limites.
3. Bioluminescence
3.1 Bref historique
Déjà dans l’antiquité certains auteurs tels Homère, Aristote ou Tite-Live ont signalé la
lumière émise par certains animaux tels des méduses ou des insectes [4].
Raphaël Dubois, pharmacien français, étudie en 1885 la luminescence d’une espèce de
luciole. Il déduit de ses travaux que la luminescence résulte d’une réaction chimique, réalisée
en présence de dioxygène, entre deux substances qu’il baptise l’une luciférase, une enzyme
thermolabile, et l’autre luciférine, le substrat thermostable de l’enzyme [5].
3.2 Utilisation du phénomène de fluorescence
Dans les années 1950, Théodore Forster a montré que l’on pouvait coupler des
fluorophores (molécules fluorescentes). Lorsqu’un fluorophore excité se trouve à moins de 8
nm d’un autre fluorophore non excité, une partie de l’énergie donnée par le photon
d’excitation absorbé par le premier fluorophore est transmise au second fluorophore grâce à
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un couplage électronique. Le deuxième fluorophore est alors excité et émet également un
photon de fluoroescence.
Ce transfert d’énergie du fluorophore donner vers l’accepteur est nommé FRET (pour
Föster type resonance energy transfert) soit transfert d’énergie par résonance de type Föster.
Pour les biologistes cependant l’acronyme FRET est devenu Fluorescence resonance energy
transfert. En présence d’un accepteur, et quand il y a interaction, le fluorescence du donneur
décroît plus rapidement qu’en l’absence d’accepteur [6].
Pour des solutions homogènes de fluorophores, on peut facilement mesurer cette
diminution de fluorescence. Mais la situation se complique pour les mesures au sein des
cellules, car dans celles-ci le nombre de molécules excitées est inconnu et leur localisation
peut différer d’une cellule à une autre. Pour s’affranchir de ces contraintes, les scientifiques
ont développées des méthodes basées sur deux propriétés physiques de la fluorescence : la
cinétique de décroissance et l’anisotropie.
La méthode où le paramètre essentiel est la durée de vie de la fluorescence est
nommée FLIM pour : « Fluorescence lifetime imaging microscopy » et celle où la
dépolarisation de la lumière de fluorescence intervient est nommée FAIM pour :
« Fluorescence anisotropy imaging microscopy ». L’anisotropie de fluorescence est plus
rapide dans le cas d’une interaction qu’en son absence. Ces techniques, avec d’autres,
permettent donc d’observer, dans les cellules vivantes, normales ou pathologiques, des
interactions physiques de macromolécules en utilisant des propriétés physiques de la lumière
émise par fluorescence.
4. La protéine GFP
Cette protéine est formée d’une succession de deux cent trente-huit acides aminés qui
forme ce que l’on appelle un β barrel, c’est çà dire une sorte de volume à peu près cylindrique
ou en forme de tonneau, à l’intérieur duquel se trouve le chromophore. Une représentation
schématique de cette protéine est donnée par la figure 1.
Figure 1 : représentation de la protéine GFP
Cette protéine soumise à un rayonnement ultraviolet émet une lumière verte de
fluorescence. La structure du chromophore de cette protéine est donnée par la figure 2 [7].
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Figure 2 : Forme protonée du chromophore de la GFP
Grâce à sa structure, on peut facilement coupler la protéine GFP à d’autres protéines
sans détériorer les fonctions de ces dernières.
5. Conclusion
Ce prix Nobel récompense à nouveau des biologistes qui ont su développer des
méthodes d’observation de processus invisibles comme le développement de cellules
nerveuses dans le cerveau ou la prolifération de cellules cancéreuses. Un immense espoir
thérapeutique est donc associé à ces études. Cette attribution démontre également à nouveau
que la chimie est au service de la vie.
Bibliographie
[1]. L’actualité chimique, 2008, n°323-324, p.119 ;
[2]. Mathis A. « prix Nobel de chimie 2006 » Bull. Un. Prof. Chim., avril 2007; vol. 101,
n°893, p. 461-466;
[3]. Gidrol X. “la simulation des systèmes biologiques”. Clefs CEA, 2002-2003, n°47, p. 74;
[4]. Fadel K. “la bioluminescence” revue du Palais de la découverte, 2005, n°330, p.36;
[5]. Amsterdamsky C., Panico R. et Aubry J-M., “Bioluminescence et chimiluminescence”
Bull. Un. Phys., mai 1987, vol. 81, n°694, p. 589-614 ;
[6]. Coppey J. et Coppey-Moisan M. « Et la lumière fut…… au cœur de la cellule » Pour la
science, 2005, n° 388, p.68 ;
[7]. Martin M. (coordinatrice). « Photoperception cellulaire et protéines photoactives ».
L’actualité chimique, 2007, n°308-309, p.19.
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