Prolactine
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Prolactine
Prolactine La prolactine (PRL) est une hormone polypeptidique de 199 acides aminés : sa séquence peptidique est connue et présente 60 % d’homologie avec celle de l’hormone de croissance. Au niveau hypophysaire, la prolactine se présente majoritairement sous forme monomérique de masse relative 23 kDa. L’hétérogénéité de la prolactine est due à des modifications post-traductionnelles, telles que glycosylation et phosphorylation. On connaît donc : • des isoformes ou variants de 23 kDa, présentant des charges électriques différentes par désamination ou phosphorylation ; • des formes clivées, correspondant à des fragments de 8 et 16 kDa ; • des formes lourdes : la chromatographie par tamisage moléculaire sur colonne de séphadex G 100 individualise trois types différents de prolactine immunoréactive, la forme monomérique de 23 kDa, la forme « Big » de 50 kDa, et celle « Big Big » de 150 kDa. Les formes lourdes représentent moins de 20 % de la prolactine totale ; elles semblent correspondre soit à des agrégats de prolactine, soit à des molécules de prolactine liées à d’autres protéines, et présentent une activité biologique réduite ; • des formes glycosylées de 25 kDa, la glycosylation semblant moduler négativement l’activité biologique de la prolactine. La prolactine est sécrétée par l’antéhypophyse, par décharges pulsatiles, selon un rythme circadien. La régulation physiologique est assurée par de nombreux inhibiteurs : dopamine, acide ã-aminobutyrique (GABA), peptide associé au facteur de libération des gonadotrophines (GAP), gastrine, acétylcholine, ainsi que par de nombreux stimulants : stress, succion, estrogènes, repas, exercice physique, TRH, VIP, opioïdes, vasopressine, histamine, mélatonine… Sa sécrétion s’élève pendant la nuit et s’abaisse après le réveil. Le rôle principal de la prolactine est le déclenchement et le maintien de la lactation, par action sur les glandes mammaires stimulées par les estrogènes. Son rôle est impliqué dans la fertilité par action centrale et par action gonadique directe sur les ovaires ou sur les testicules. La prolactine aurait un rôle diabétogène au cours de l’intolérance aux hydrates de carbone chez les patients présentant une hyperprolactinémie, et au cours de l’insulinorésistance du dernier trimestre de la grossesse. Le dosage de la prolactine est réalisé par technique immunométrique à deux anticorps monoclonaux. Plusieurs étalons de référence existent pour la calibration Tableau 13. Valeurs usuelles de la prolactine au cours de la grossesse Semaines d’aménorrhée ng/ml mU/l 6 à 10 10 à 80 300 à 2 400 11 à 15 10 à 120 300 à 3 600 16 à 20 21 à 25 20 à 150 40 à 200 600 à 4 500 1 200 à 6 000 26 à 30 60 à 220 1 800 à 6 600 31 à 35 80 à 240 2 400 à 7 200 36 à 40 90 à 250 2 700 à 7 500 des trousses de dosages ; néanmoins, pour un même étalon, il existe différents facteurs de conversion ng/ml vers mU/l, impliquant de se conformer strictement à la notice du fournisseur. De plus, l’hétérogénéité des formes circulantes de la prolactine est responsable d’une part de certaines discordances analytiques intertechniques, d’autre part de discordances par rapport à la clinique, les différentes isoformes étant reconnues différemment d’un système d’anticorps à un autre. Le prélèvement doit être effectué à jeun, entre 8 et 12 heures (taux minimal) chez un sujet reposé et non stressé, en début de cycle chez la femme (2e à 5e jour du cycle). La pose d’un cathéter est parfois nécessaire, en différant de 20 minutes le prélèvement sanguin. Certains réalisent 3 prélèvements à 10 ou 20 minutes d’intervalle. Les valeurs usuelles varient en fonction du sexe et de l’âge (étalon : 3e IS 84/500) (tableau 13) : • enfants impubères : < 10 ng/ml (< 300 mU/l) ; • femmes en activité génitale : < 25 ng/ml (< 750 mU/l) ; • femmes ménopausées : < 15 ng/ml (< 450 mU/l) ; • hommes : < 15 ng/ml (< 450 mU/l). La prolactine est détectable dès la 10e semaine de vie intra-utérine pour s’élever jusqu’à la 42e semaine. À la naissance, la prolactine chute dès la 1re semaine (50 à 80 ng/ml) pour se stabiliser vers 10 ng/ml au cours du 2e mois. Le taux reste stable ensuite, quel que soit le sexe, jusqu’à la puberté. Chez la fille, dans les mois suivant les premières règles, le taux de prolactine rejoint celui de la femme, avec une augmentation progressive au cours de la phase folliculaire et des taux en phase lutéale supérieurs à ceux de la phase folliculaire. Au cours de la grossesse, la prolactine augmente dès la fin du 3e mois pour atteindre en fin de grossesse environ 250 ng/ml, en relation avec la production croissante des estrogènes par le placenta. Après la ménopause, les taux redescendent à la valeur prépubertaire. Chez l’homme, le taux de prolactine varie peu en fonction de l’âge. Une hyperprolactinémie est à l’origine d’un dysfonctionnement gonadique, voire sexuel, accompagné de manifestations mammaires : gynécomasties et/ou galactorrhée. Chez la femme, on note une oligo- ou une aménorrhée (20 % des aménorrhées sont secondaires à une hyperprolactinémie), une phase lutéale courte, une hypofertilité. Chez l’homme, on rencontre une baisse de libido avec impuissance érectile sporadique ou non. Chez l’enfant, l’hyperprolactinémie s’exprime peu cliniquement et le diagnostic est encore parfois tardif. La puberté est retardée chez la fille, avec aménorrhée et parfois galactorrhée, et chez le garçon avec des testicules petits par rapport à l’âge osseux et une gynécomastie plus marquée. Une hyperprolactinémie modérée, sans signes cliniques, doit être confirmée par un 2e prélèvement réalisé dans les conditions optimales décrites ci-dessus. Par ailleurs, l’interrogatoire doit rechercher un médicament susceptible d’augmenter la prolactine, tel que : neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs, antihistaminiques, antiémétiques, anti-ulcéreux type anti-H2, hypotenseurs, estrogènes à doses élevées et en traitement prolongé, antituberculeux, amphétamines et opiacés… Une hyperprolactinémie confirmée supérieure à 150 ng/ml doit orienter rapidement vers une imagerie de la région hypophysaire. Les étiologies des hyperprolactinémies sont : • les adénomes responsables d’un développement tumoral, de troubles oculaires, d’une hypertension intracrânienne, d’un hypopituitarisme… Ils sont décelables par radiographie ou scanner de la selle turcique. La prolactinémie est généralement confirmée supérieure à 150 ng/ml. En fonction de la taille et de la localisation de l’adénome, le traitement est soit microchirurgical, soit thérapeutique par agonistes spécifiques de récepteurs dopaminergiques (bromocriptine, quinagolide, cabergoline). On distingue les prolactinomes (adénomes sécrétant de la prolactine) et les adénomes mixtes, le plus souvent somatoprolactiniques (adénomes sécrétant de la prolactine et de l’hormone de croissance). Les prolactinomes sont observés selon une fréquence de 1/1 000 chez la femme. Les macroadénomes à prolactine peuvent présenter des taux de prolactine de l’ordre de 10 000 ng/ml, mais parfois aussi inférieurs à 100 ng/ml lors de nécrose. Dans 95 % des cas, la réponse au test à la TRH et/ou au test à la TRHmétoclopramide est négative, quelle que soit la taille du prolactinome. Néanmoins, des réponses paradoxales peuvent s’observer dans quelques cas. Seule la négativité conjointe de ces deux tests présente une valeur diagnostique en faveur d’un adénome à prolactine ; • les étiologies non adénomateuses, correspondant à un dysfonctionnement par influence hypothalamique et/ou périphérique : – lésion tumorale : craniopharyngiome, adénome non lactotrope ; – lésion infiltrative : sarcoïdose, lymphome ; – séquelles de traumatisme crânien ; – insuffisance rénale chronique ; – maladie endocrinienne périphérique : hypothyroïdie, syndrome des ovaires polykystiques. • la macroprolactinémie, qui semble représenter 15 % des hyperprolactinémies féminines ; l’hyperprolactinémie est le plus souvent sans traduction clinique (cycles ovulatoires normaux). Le taux de prolactine est modéré (< 150 ng/ml) avec une forme Big Big représentant 20 à 100 % de la prolactine totale ; • les hyperprolactinémies fonctionnelles : – iatrogènes : estrogènes ; toutes les molécules entraînant une déplétion hypothalamique en dopamine (méthyl-dopa) ou un blocage des récepteurs dopaminergiques (phénothiazines, butyrophénones, benzamides, anti-émétiques…) ; – primitives : hyperestrogénie. • les hyperprolactinémies physiologiques : – grossesse ou allaitement en cours ; – stress ; – activité physique intense ; – hypoglycémie insulinique. La prescription quasi systématique d’une prolactinémie en l’absence de signes cliniques lors d’un bilan d’hypofertilité chez la femme met parfois en évidence des valeurs modérément élevées chez des patientes asymptomatiques. Avant toute exploration complémentaire, il convient de pratiquer un deuxième prélèvement dans les conditions optimales. Si le taux reste modéré, il faut s’enquérir des thérapeutiques et/ou pathologies associées. Le deuxième prélèvement peut parfois être adressé à un confrère utilisant un autre système d’analyses, des valeurs faussement élevées pouvant être liées à la reconnaissance de formes macromoléculaires de ce sérum particulier dans ce système d’analyses. La réalité de l’hyperprolactinémie doit être affirmée avant tout traitement : à défaut, un traitement injustifié peut retarder une prise en charge efficace de cette hypofertilité. En l’absence de signes cliniques associés, une chromatographie de la prolactine peut être demandée, à la recherche des formes Big et Big Big de la prolactine. En présence de signes cliniques, un test de stimulation par la TRH-métoclopramide peut être pratiqué : les réponses seront négatives dans 95 % des cas d’adénomes à prolactine, nécessitant une IRM hypophysaire. ☞ ( Progestérone, Test à la TRH, Test à la TRH-métoclopramide Castinetti F, Brue T. Hyperprolactinémie : diagnostic. Médecine clinique endocrinologie & diabète 2006 ; Hors-série : 19-22. Sapin R, Schlienger JL. Le dosage de prolactine : méthode et pièges analytiques. Médecine clinique endocrinologie & diabète 2006 ; Hors-série : 12-18.